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Q UAND VOUS PARLEZ DE GLOBALISATION , à quoi pensez- vous ? A l'effondrement de barrières douanières devant un libre-échange qui se généralise ? A la multiplication sur toute la planète de réseaux nouveaux de communication dont l'Internet et le portable sont, chez nous, les dernières vedettes ? Au flux d'images et de sons qui, désormais, répandent partout et dans l'instant l'actualité, le spectacle sportif ou la fiction ? A la prétention nouvelle du droit d'effacer, lui aussi, les frontières dans des tribunaux internationaux ? Ou songez-vous plus confusément à l'accélération de tous ces flux divers qui submergent des territoires séculaires ?
Dans ce magma, le pathos s'installe et le populaire s'insurge. Il se cramponne aux pénates menacées. Et par une simplification abusive de l'adversité, il voit dans ce fleuve indomptable de la globalisation une inondation venue de l'Empire du Mal. Pour une partie de l'opinion française, le loup-garou de la mondialisation a donc un nom : l'Amérique. Réveil d'une américanophobie passionnelle où les fonds de pension des veuves de Floride complotent avec McDo, Disney et autres sabres laser des chevaliers de « Star Wars » pour foudroyer Astérix, la charcuterie gauloise et « le p'tit vin blanc »...
SUR 6 MILLIARDS D'HUMAINS, LES TROIS QUARTS SONT IGNORÉS par les grands vents de la globalisation. Trop pauvres, ils constituent pour elle des masses provisoirement « inutiles » (1). Ces pauvres, en voie (ou non) de développement, manifestent à l'égard des Etats-Unis tantôt une adulation, tantôt une détestation hystériques, et parfois les deux ensemble. Ils rêvent des richesses du Grand Satan et haïssent sa liberté, ses moeurs, sa réussite.
Or c'est, hélas, un peu de ce mélange passionnel d'envie et d'hostilité qui gagne les couches à la fois les plus âgées et les plus démunies de l'opinion française quand elles installent sur le même repoussoir globalisation et américanisation. Elles insultent l'Amérique pour le confort d'exécrer un avenir invisible et brutal qui bouscule, chez elles, la table et le lit et les bonheurs confinés du foyer national.
Car, quant au reste, nulle magie : si la globalisation prend les traits de l'américanisation, c'est tout simplement que l'Amérique en est la locomotive. Une avance qui ne date pas d'hier. Mais qui n'a fait que croître au fur et à mesure que le modèle libéral américain s'épanouissait au détriment d'un contre-modèle collectiviste, aujourd'hui effondré.
Depuis la Grande Guerre où l'Amérique a pris - Dieu merci ! - la tête de l'Occident jusqu'aux expéditions du Golfe et du Kosovo, l'Europe n'agit que sous sa protection militaire tout en subissant sa concurrence commerciale. Vous direz qu'il n'y a là rien de nouveau. Et que, depuis un demi-siècle, nos pays - infiltrés par Zorro, le western, le jean et Coca-Cola - consomment américain. Mais l'accélération de richesses que provoque leur accumulation dans le système capitaliste, l'optimisme et l'énergie d'un peuple jeune plus préoccupé, malgré son confortable statut, de risques que de sécurité, tout cela ne cesse d'accroître la surpuissance américaine. Elle porte en elle, et quoi qu'elle fasse, les vices de tout système dominant. NOUVEL ÉPISODE « LA GUERRE DES ÉTOILES» , « La menace fantôme » déferle chez nous. Une énorme machine à effets spéciaux qui fera grincer la critique mais balaiera tout sur son passage. Avant de fêter dans quelques jours Halloween, autre produit d'importation récente, des millions de jeunes, une fois leur McDo avalé, y apprendront, chez les Jedi, l'histoire du Bien et du Mal. Saint Laurent assortira ses nouveaux maquillages aux pâleurs de la reine Amidala. Et une nouvelle vague renouvellera les jouets de Noël. C'est ainsi !
Il est aussi vain de pester contre ce cinéma de l'ère numérique que de pester contre la jeunesse. Aussi vain que de déblatérer la « mal-bouffe » du fast-food au nom de la gastronomie du jambon-beurre. Aussi sot que d'afficher un mépris de « ci-devant » pour une prétendue sous-culture américaine. Si les fonds de pension américains font trembler la Bourse de Paris, c'est, évidemment, que l'épargne américaine est vingt fois supérieure à la française. Mais ce pactole explique aussi que, depuis vingt ans, un Nobel sur deux soit américain, que les Etats-Unis brillent dans tous les arts. Et que plus de cinq cents historiens américains travaillent sur la seule histoire de France dans des universités dont la plus médiocre fait rêver tous nos campus.
Qu'il faille endiguer, apprivoiser le fleuve de la globalisation, c'est certain ! Qu'il faille résister à la surpuissance américaine, bien sûr ! Et nous le pourrons si nous parvenons à édifier une Europe résolument unie. On y préservera nos différences. Elles ont, quoi qu'on raconte, de l'avenir (2). Mais trépigner contre le cours du monde, c'est pisser contre le vent ! Pour dissiper la « menace fantôme », écoutons sa propre recette : « Que la force soit avec nous »....
1. Les principaux pays industrialisés,
ceux du G7, avec 11,8 % de la population mondiale, détiennent 64
% du produit intérieur brut de la planète.
2. Voir, d'Edouard Balladur, «
L'avenir de la différence » (Plon).