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C'est entendu : la France irrite fréquemment Washington. Par ses velléités d'autonomie. Par ses prétentions universalistes. Par son activisme européen, qui finit par porter des fruits. Voire par ses maladresses. D'où des heurts, sous de Gaulle comme sous Pompidou, Mitterrand ou Jacques Chirac. Mais si, d'une décennie à l'autre, les escarmouches se ressemblent, le contexte a complètement changé. Ce que les Etats-Unis supportaient, bon gré mal gré, de la France lorsqu'ils devaient ménager leurs alliés dans l'affrontement Est-Ouest, ils ne le tolèrent plus lorsque mondialisation rime à leurs yeux avec américanisation. Pour s'ouvrir les marchés des autres (voir la colossale bataille en cours sur les technologies de l'information) et faire prévaloir leurs valeurs et leur arbitrage, ils entendent exercer un leadership mondial sans entraves.
D'où l'incident fabriqué Christopher/Charette, comme les accrochages sur l'Otan, l'Irak, le Proche-Orient, l'Afrique des Grands Lacs, Boutros-Ghali. Il y a maintenant dans le ton des responsables et des médias américains plus que de l'irritation, une volonté de montrer qui commande, de faire rentrer la France dans le rang, qui perdurera même si l'on annonce ces jours-ci la fin des « malentendus ».
Comment rester l'ami et l'allié d'une puissance aussi prépondérante, à tendance aussi hégémonique, sans être contraint de s'aligner automatiquement et complètement sur elle ? Comment préserver, dans ce contexte, et l'autonomie française et le projet européen ? Ce casse-tête n'est pas proposé qu'à la France, mais le résoudre nous pose plus de problèmes qu'aux autres.
En effet, chaque fois que nos dirigeants doivent s'opposer aux excès américains, nos « élites » s'émeuvent. Plutôt passer sous la table que passer pour « antiaméricain » ! Tandis qu'une petite minorité réclame au contraire une vaine escalade verbale. Et alors, de virtuel, notre isolement devient patent.
Le contrepoids européen est le seul possible. Mais il n'est mobilisable que lorsque nos partenaires estiment que leurs intérêts commerciaux sont gravement en jeu et qu'ils ne craignent pas d'être enrôlés par la France dans une croisade antiaméricaine, fût-ce sous le drapeau européen. Sinon, tout les paralyse : une abdication de la puissance, déjà ancienne ; une soumission acquise au plus fort ; une américanisation des esprits ; un doute sur le destin de l'Europe alimenté par la survivance des méfiances intraeuropéennes ; la peur des responsabilités, ou encore celles des marchés.
La France doit donc faire feu de tout bois. Il lui faut, bien sûr, se réserver de pouvoir dire non dans les cas graves. Mais il lui faut surtout - c'est vital - convaincre les autres Européens, comme les Américains eux-mêmes, qu'une Europe forte, alliée des Etats-Unis, assainirait les relations transatlantiques et serait un facteur d'équilibre et de sécurité pour le monde ; y accoutumer les esprits, ce qui suppose de l'insistance, mais pas de provocation. Et elle devrait surtout se préparer à tirer tout le parti possible, pour elle et pour l'Europe, de la logique fédératrice et de puissance qu'enclenchera l'euro. Patience et longueur de temps feront plus que force ni que rage...