EN PREMIÈRE analyse, on aurait l'impression que la défense française «s'américanise». La création prochaine d'un Conseil de défense et de sécurité nationale, annoncée jeudi soir par l'Élysée, fait immanquablement penser au NSC (National Security Council), qui veille aux avant-postes de la Maison-Blanche. Pourtant, même si cette réforme va bousculer le paysage institutionnel français de la défense, elle est encore loin de rejoindre la voie américaine.
La confirmation de la mise sur pied d'une telle institution par Nicolas Sarkozy est intervenue à l'occasion d'un «point d'étape» fait au président de la République par le patron de la commission du Livre blanc, Jean-Claude Mallet. Un Livre blanc qui porte cette fois-ci non seulement sur la défense mais aussi sur la sécurité nationale, contrairement aux exercices précédents. L'intitulé résume tout l'esprit des stratèges élyséens, qui entendent formaliser clairement un continuum de plus en plus évident entre sécurité extérieure et intérieure.
Cette nouvelle institution était préconisée par la commission du livre blanc. Elle fusionnera les conseils de défense et les conseils de sécurité intérieure.
C'est lors des réunions des conseils de défense, qui mobilisent quelques acteurs clés ministres ou chefs d'états-majors que les grandes décisions sont prises. L'Élysée se trouvera donc doté d'une structure de pilotage plus efficace.
Mais, afin de tenir compte des institutions françaises et de la nécessaire coordination interministérielle, le secrétariat de ce nouveau Conseil devrait rester assuré par le SGDN (Secrétariat général de la défense nationale), qui dépend de Matignon.
La nouvelle structure de coordination en matière de défense et de sécurité sera elle-même épaulée pour ses choix par un «conseil consultatif» dont les membres seront nommés par l'Élysée. Il s'agira notamment d'experts extérieurs à l'appareil de défense, dans la droite ligne de ce qui a été fait pour composer la commission du livre blanc.
«Structure modernisée»
Tout en concrétisant une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy, le nouveau Conseil de sécurité n'aura sans doute pas toute l'ampleur que les discours de l'époque pouvaient suggérer. « Même s'il vient de Washington, Jean-David Lévitte (conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, NDLR) n'était pas favorable à la création d'une “usine à gaz” de sécurité au niveau de l'Élysée, écrasant tant les décideurs du Quai d'Orsay que ceux de la Défense, explique une source proche du dossier ; on se dirige donc vers une structure modernisée, mais relativement légère». Pas de NSC à la française, donc, ce qui ne correspondrait guère à la pratique constitutionnelle française, mais une rénovation et une clarification, puisque les grandes décisions en matière de politique étrangère et de défense sont prises à l'Élysée. « Il est temps car on bricole beaucoup, poursuit la même source. Quand on pense que nos décideurs n'ont même pas de “War Room” digne de ce nom à leur disposition pour gérer les crises majeures…»
Lors de ce point d'étape, Nicolas Sarkozy aurait aussi «validé une nouvelle organisation de la sécurité nationale», en ajoutant aux quatre grandes fonctions stratégiques (dissuasion, protection, prévention, intervention) celle de la «connaissance et de l'anticipation, incluant le renseignement».
La commission du Livre blanc devrait remettre son rapport définitif au début du printemps. On saura alors de manière définitive quelles seront les nouvelles frontières de la défense française pour les quinze prochaines années.