
Chronique. La forte conflictualité autour de la réforme des retraites marque le retour de la question sociale. Par un de ces tours de passe-passe qui bousculent à intervalles réguliers l’agenda politique, les débats autour de l’immigration ou de la laïcité qu’Emmanuel Macron avait mis sur le devant de la scène en octobre 2019, comme s’il cherchait à anticiper un nouveau face-à-face avec Marine Le Pen en 2022, sont passés à la trappe. Seul domine le bras de fer entre le président et les syndicats, arbitré par une opinion publique qui, à la veille des fêtes, restait en soutien des grévistes par défiance envers Emmanuel Macron, crainte de perdre ses acquis sociaux ou incompréhension de la réforme.
Pour la gauche, le retour de la question sociale est une aubaine car il a pour effet de réactiver le clivage qui a longtemps structuré la vie politique : les sympathisants de droite soutiennent la réforme des retraites tandis que ceux de l’autre bord appuient les protestataires, avec, il est vrai, une intensité variable. Dans la dernière enquête IFOP, parue dans le Journal du dimanche le 22 décembre, le mouvement avait le « soutien » ou la « sympathie » de 90 % des sympathisants de La France insoumise (LFI). La proportion tombait à 66 % chez ceux du Parti socialiste et à 62 % chez ceux d’Europe Ecologie-Les Verts.
Chaque parti a joué sa carte
La première journée d’action interprofessionnelle du 5 décembre a sonné l’heure du réveil. Rassemblant un nombre élevé de manifestants (800 0000 dans toute la France, selon le ministère de l’intérieur) elle a, selon Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’IFOP, fait ressurgir une « France de gauche » qui avait été marginalisée lors de la mobilisation des « gilets jaunes ». La sur-représentation dans les cortèges de fonctionnaires et d’agents du public et, par contraste, la faible participation du secteur privé ont montré où se situait le vivier de la reconquête.
A partir de là, chaque parti de gauche a joué sa carte mais à ses risques et périls. Car, à ce jour, aucune démonstration flagrante n’a été fournie, accréditant l’idée d’une possible reconquête. Le mouvement social manque toujours d’une grande voix politique.
Le plus aphone est le Parti socialiste qui, pour favoriser l’union, n’a pas cherché à finasser. Il a rejeté la réforme en bloc. « C’était la condition pour retourner dans les cortèges sans se faire siffler », fait valoir Jean-Christophe Cambadélis, l’ancien premier secrétaire. Beaucoup de maires sortants, à l’instar de Martine Aubry, ont aussi considéré que ce positionnement était le bon pour tenter de remporter les élections municipales de mars 2020, mais le prix à payer est lourd : la social-démocratie poursuit son lent sabordage.
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