Direct Mouvement social
-
Sur le live Mouvement social
Les hauts cadres aussi sont contre la réforme des retraites
Lire ailleurs.Ce texte fait décidément l'unanimité contre lui. Selon Les Echos, Le patronat veut maintenir la retraite par répartition pour les hauts salaire. Le quotidien économique explique : «La réforme des retraites inquiète les entreprises qui emploient des cadres gagnant plus de trois plafonds de la Sécurité sociale, soit 120 000 euros par an. Alors que ceux-ci cotisent actuellement jusqu'à huit fois le plafond (329 000 euros) pour la retraite (à l'Agirc-Arrco), ce qui leur permet de toucher une pension élevée dans le système par répartition, il ne leur restera plus demain qu'une cotisation de solidarité déplafonnée de 2,81 % ne leur donnant aucun droit à retraite au-dessus de 120 000 euros de revenus».
Le gouvernement n'aurait pas vu venir cette fronde, mais le sujet risque de ressortir durant la conférence de financement, installée jeudi par le Premier ministre au Conseil économique, social et environnemental, pour trois mois.
Lire sur lesechos.fr -
Sur le live Mouvement social
Réforme des retraites : le Haut conseil à l’égalité femmes-hommes pointe des «angles morts»
Inégalités.Les femmes «grandes gagnantes» de la réforme des retraites ? Le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) n'en a pas l'air si sûr et a appelé mercredi à la «vigilance» sur les «dispositifs de solidarité» prévus par la réforme des retraites, pointant des «angles morts» en particulier en matière de «droits familiaux et conjugaux». «Certains dispositifs envisagés» par le projet de loi représentent des «avancées» pour les femmes, reconnaît dans un communiqué le HCE, citant notamment «le minimum de pension». «Néanmoins», cette instance indépendante consultative, placée auprès du Premier ministre, s'inquiète de voir les «droits familiaux et conjugaux» soumis «à la négociation conjugale». Le projet prévoit de fait une bonification de pension de 5% pour chaque enfant, qui sera à défaut attribuée à la mère, sauf si les parents décident de la partager, voire de l'octroyer au père.
Or «le risque est grand ici que le choix s'opère sur le membre du couple qui gagne le plus, soit le père», souligne le HCE, également préoccupé par la disparition de la majoration de durée d'assurance (trimestres gratuits) qui permettent actuellement à certaines mères de partir plus tôt à la retraite. Selon lui, mieux vaudrait, pour chaque enfant, abaisser d'un an «l'âge d'équilibre» - prévu par le texte pour une retraite à taux plein - pour le «parent qui interrompt sa carrière pendant 4 mois», durée «commune d'un congé maternité», ou encore attribuer un «forfait points» en contrepartie de cet arrêt. Le HCE s'inquiète en outre de la suppression du droit à réversion «pour les divorces intervenus après 2025 et pour les personnes remariées».
-
Sur le live Mouvement social
Réforme des retraites, à Paris : «Pour moi, cela représente quand même 30% de pension en moins»
Fin de manif.De notre journaliste Eloïse Bussy à Paris.
Alors que la nuit commence à tomber, Laurence Bachmal est postée vers un coin de la place Vauban. Elle est employée de la banque de France, et membre de la commission exécutive de la CGT. «Il y a de nouveaux secteurs en lutte, comme les enseignants qui reviennent dans la mobilisation ou les convoyeurs de fonds», analyse-t-elle au sujet de la mobilisation. Salariée depuis vingt ans, elle est née en 1974. «J'ai calculé, pour moi, cela représente quand même 30% de pension en moins par rapport à ce qu'on aurait avec le système actuel, car il faut quarante-trois années de cotisation. Or il n'y a pas de difficultés à financer notre régime, car nous avons une caisse de réserve dotée à 14 milliards». Elle demande le retrait du système à point et une retraite à 60 ans. «On nous promet la paupérisation de la société», énonce-t-elle. Autour d'elle, on allume encore des torches.
-
Sur le live Mouvement social
Bibliothèques : «On est présents dans les rassemblements depuis le début, mais personne ne nous voyait !»
Manif.De notre journaliste Anaïs Moran à Paris.
«Les bibliothèques sont en lutte» et ses agents particulièrement visibles cet après-midi au milieu des manifestants. Banderoles, chants, manteaux customisés par des couvertures de livres, les fonctionnaires avancent d'un pas synchro et déterminé. «On est présents dans les rassemblements depuis le début, mais personne ne nous voyait !», lance Renée, 46 ans. Employée à la bibliothèque publique d'information du Centre Pompidou, elle comptabilise une quinzaine de journées de grève depuis décembre. Comme nombre de ses collègues de la BNF, des bibliothèques universitaires et d'Ile-de-France, notamment des femmes, «conscientes de l'énorme préjudice» du projet gouvernemental sur leurs futures retraites. «Jusqu'alors, notre engagement dans le mouvement était moins visible car moins massif», analyse-t-elle. Mais nous sommes tout aussi remontés contre le gouvernement que nos camarades de la RATP ou de la SNCF. Ils ont montré la voie, à nous maintenant de reprendre le flambeau et de rien lâcher pour eux, pour elles. Pour nous tous.»
-
Sur le live Mouvement social
Réforme des retraites, à Lille : «Ils ont gazé copieusement, on a perdu des camarades pendant la manif»
Manif.De notre journaliste Stéphanie Maurice à Lille.
A Lille, les syndicalistes sont furax : «Ils ont gazé copieusement, on a perdu des camarades pendant la manif», s'exclame un délégué CGT. A la FSU, «on a pris la décision de mettre les gens à l'abri, et les quatre cinquièmes de notre cortège n'est pas à l'arrivée», souligne Catherine Piecuch, la secrétaire régionale. Selon une source policière, les manifestants seraient 1 600, les syndicats en ont compté dans les 5 000. Les gaz lacrymo ont explosé à un endroit névralgique du nouveau parcours, imposé par le préfet loin du centre-ville, à l'intersection boulevard Victor-Hugo et rue de Wazemmes. Au moins cinq salves successives, suivies de grenades de dispersion, sans qu'aucun accrochage sérieux n'ait été relevé. Dans les rues perpendiculaires, où on se met à l'abri, c'est la solidarité du sérum physiologique, chacun s'asperge les yeux. Un jeune homme passe en chantonnant : «On est plus chaud avec la lacrymo.» Juste avant, on parlait avec Jean-Claude, 72 ans, et Carole, 64 ans. Des ouvriers retraités, main dans la main, autocollants CGT collés en évidence, et des masques de papier qui pendouillent autour du cou. «On a été gazé la semaine dernière, c'était honteux !», s'exclame Carole, qui a commencé à travailler à 16 ans, dans la confection. «Ça devient difficile de manifester, on a toujours milité, mais on n'a jamais vu ça.» C'était rebelote aujourd'hui. «Les gens ont peur des violences de la police, ils ne viennent pas avec les enfants, ce qui donnerait une ambiance plus calme et plus sereine», regrettent Anna et Jean-Noël, enseignants. «Macron, il n'a aucune empathie avec les gens, il a un mépris…» Thierry Quétu, délégué FSU, dit franco son sentiment : «Il y a une entrave à la manifestation par la peur que ça dégénère.»
-
Sur le live Mouvement social
«Avant la France était un phare dans la nuit, aujourd’hui on est dans la merde»
Manif.De notre journaliste Donia Ismail, à Paris.
Le cortège est arrivé place des Invalides. La foule se disperse au son des pétards. Une douzaine explose à l'unisson. Plus loin, Fabien, 42 ans, comptable, marche d'un pas décidé vers la station de métro la plus proche. Sur son bras gauche, un bandeau jaune fluo. «Je suis gilet jaune, mais je ne le mets plus tout le temps car nous sommes des cibles.» Cet habitué des manifs, «dans la rue depuis décembre 2018», habite en Haute-Savoie et travaille en Suisse. «Je ne suis même pas touché par cette réforme des retraites. Mais je viens une fois par semaine marcher à Paris car mes filles le seront.» Pour cet homme, issu d'une famille à la fibre révolutionnaire — son grand-père est un anti-franquiste et son père «lançait des cocktails molotov sur des commissariats en 69» —, manifester est «un geste citoyen nécessaire aujourd'hui.» Il reprend : «Quand on voit le monde autoritaire que nous promet Macron, ça fait peur. Avant la France était un phare dans la nuit, aujourd'hui on est dans la merde», marmonne-t-il. Une dictature ? Il refuse cette appellation parfois utilisée par ces collègues gilets jaunes, lui qui vient d'une famille «qui a fait face à cette maladie en Espagne». Fabien a la niaque. Comme beaucoup, abandonner n'est pas une option. «On ne peut pas perdre. On ne laissera pas Macron et ses copains nous humilier.»
-
Sur le live Mouvement social
«Orthophoniste, avec le projet de loi mes cotisations passent de 14% à 28%»
Manif.De notre journaliste Eloïse Bussy à Paris.
Le cortège arrive progressivement aux Invalides, toujours dans le calme malgré une importante présence policière. A quelques mètres de l'arrivée du cortège, on croise Juliane Moal, 28 ans. Elle est orthophoniste, installée dans le XIXe arrondissement de Paris, et fait partie des professions libérales mobilisées. «Je suis à mon compte depuis plus d'un an. Avec le projet de loi, mes cotisations passent de 14% à 28%. Concrètement, cela représente près de 150 euros en moins par mois. Il y a des compensations qui sont prévues, mais elles ne sont pas claires, et pourraient être insuffisantes. Une étude estime que 10 000 orthophonistes libéraux pourraient arrêter leur activité. Pour moi, cela veut dire que je renoncerai aux consultations à domicile que je fais jusqu'à présent.» Elle est mobilisée depuis le 5 décembre, par demi-journée pour assurer un maximum de consultations. «Je le fais aussi par solidarité avec mes amis enseignants et mon copain qui est fonctionnaire.
-
Sur le live Mouvement social Manif.
De notre journaliste Donia Ismail, à Paris.
Pancartes et vestes jaunes investissent l’avenue des Gobelins. Le soleil se fait timide. Samya, une canne à la main, observe les manifestants sur le côté. «C’est génial, ce qu’ils font ! Je suis fière d’eux», s’exclame-t-elle, des étoiles dans les yeux. Samya a 61 ans, elle est marocaine et arrive en France a 23 ans. Aujourd’hui, la femme, recouverte d’un épais manteau noir, est retraitée et touche 700 euros par mois. «Quand on a un loyer de 600 euros, c’est compliqué, poursuit-elle. On fait des concessions, on saute parfois des repas, mais que voulez-vous…» D’ailleurs, elle vient de sortir de la mairie, une enveloppe à la main. «J’ai demandé une aide mensuelle. On m’a donné 80 euros, c’est déjà une victoire». Manifester, elle n’a plus la force mais encourage ses petits enfants «à se faire entendre». «Pour moi c’est déjà trop tard.»
-
Sur le live Mouvement social
«Ce qui est en train de se passer, c’est un mouvement de lutte des classes»
Manif.De notre journaliste Tristan Berteloot à Paris.
Les manifestants approchent petit à petit de la station Duroc, aperçoivent les Invalides au bout du boulevard, baigné de soleil. Ça chante «la la la, la retraite à points c’est dégueulasse, pour les femmes c’est dégueulasse, Edouard Philippe c’est dégueulasse». Simon, 35 ans, arbore une chasuble rouge de la CGT, avance avec un groupe de la mairie de Paris. Lui est assistant social dans la fonction publique territoriale, depuis quatre ans. En grève, mais pas tous les jours. Pourquoi est-il là ? «Quand on est assistant social, on a une place de témoin de la violence sociale. Les gens que je croise tous les jours, il y en a qui touchent des pensions de moins de 1 000 balles par mois, qui ont arrêté de se chauffer, qui parfois nous demandent à bouffer… Ces gens-là, ce ne sont pas des cas sociaux mais des déclassés, parfois des fonctionnaires, des cadres, qui à un moment de leur parcours ont été cassés. Et qui maintenant doivent attendre parfois dix, douze ans, en pointant à Pôle emploi, pour avoir le droit de toucher une retraite de misère à la fin».
Simon ne vient pas d’un milieu social aisé, mais il s’estime chanceux quand même. Sa mère était enseignante, aujourd’hui à la retraite, son père était égoutier. L’homme a 70 ans aujourd’hui, a arrêté de travailler à 50 ans. Il est le seul de son équipe de l’époque encore en vie, raconte Simon. Comment tu te sens avec ça ? «Il a fait une dépression. Faut savoir que la durée de vie moyenne d’un égoutier, c’est 57 ans». Les mêmes qui vont perdre leur pénibilité avec la retraite à points. Alors pour Simon, pas question d’arrêter de marcher : «Ce qui est en train de se passer, c’est un mouvement de lutte des classes. Pure et simple», les travailleurs contre le gouvernement libéral, «nous, contre eux».
-
Sur le live Mouvement social
«Allez travailler, ayez de bonnes notes et vous aurez une bonne retraite!»
Manif.De notre journaliste Donia Ismail, à Paris.
Avenue Port-Royal, le cortège se densifie. Quelques pétards éclatent. Leur bruit est recouvert par un énième Bella Ciao. Sur le côté, trois amis se marrent et prennent en photo les manifestants. L’un d’eux est vêtu d’une veste militaire et de mocassins, l’autre noue autour de son cou une écharpe bleu nuit. Esteban, possiblement un prénom d’emprunt, est étudiant en droit à Assas. Le jeune homme à la mèche blonde ne mâche pas ses mots : «On ne peut pas réformer en France.» Il s’adresse à ses camarades étudiants : «Au lieu de geindre, de se plaindre, allez travailler, ayez de bonnes notes et vous aurez une bonne retraite!» Ces deux copains, méchés et pas trop bavards, éclatent de rire. Esteban, cet «anti-manif depuis toujours», est fier de son coup.
-
Sur le live Mouvement social
«Cet argent permet de tenir nos piquets de grève»
Manif.De notre journaliste Anaïs Moran à Paris.
Stéphane, agent de la RATP de 52 ans, danse debout sur un banc pour attirer l'attention des passants. Il en charge d'une caisse de grève du dépôt de bus des bords de Marne. Une mission qu'il prend très au sérieux : «Cet argent permet de tenir nos piquets de grève. On s'en sert pour faire les repas et financer la logistique.» Lors de la dernière manifestation du 24 janvier, il avait récolté environ 500 euros. «Ce ne sont jamais de grosses sommes mais elles réchauffent le cœur. En donnant deux, cinq, dix euros, les gens nous prouvent qu'ils ne nous laisseront pas tomber. Cette solidarité joue un rôle indispensable pour moi. Elle me permet de maintenir ma ténacité intacte.» État d'esprit ô combien difficile à préserver. Stéphane nous raconte avoir reçu, ce matin, sa paie de décembre sur son compte bancaire. 200 euros. «Le résultat de 23 jours de grève. Je ne regrette rien.»
-
Sur le live Mouvement social
Réforme des retraites, à Paris : «Ils nous demandent de leur signer un chèque en blanc»
Manif.De notre journaliste Eloïse Bussy à Paris.
Dans le défilé, on diffuse des musiques adéquates, de Motivés de Zebda au chant des partisans en passant par Damien Saez et l'Internationale. Au détour des bannières CGT, on aperçoit des salariés de Renault. «Je suis ingénieur au technocentre de Guyancourt», nous explique Jean-Loup Leroux, 43 ans, syndiqué à la CGT et militant Lutte ouvrière. «J'ai fait grève durant toutes les journées de mobilisation. Nous voulons faire plier le gouvernement, car nous n'avons aucune confiance dans cette réforme. Ils nous demandent de leur signer un chèque en blanc, sur la question de l'âge pivot par exemple. Ils veulent inciter les gens à souscrire des plans d'épargne. On s'aperçoit que, de toute façon, les grosses boîtes veulent se débarrasser des anciens, car ils sont moins aptes à travailler. Il suffit de regarder les chiffres du chômage. Moi, je serais concerné par la réforme, car je suis né en 1976, et je pourrais travailler deux ou trois ans de plus.» Le salarié dit prendre cette réforme comme «une attaque». «On veut nous faire croire que c'est positif. On nous dit qu'il n'y a pas d'argent, mais c'est faux, quand on voit les fortunes des grands patrons». On ne peut s'empêcher de lui demander son avis sur l'affaire Carlos Ghosn. «Pour nous, c'est de l'histoire ancienne, même s'il en a mis plein les poches des actionnaires, alors qu'on nous demandait de nous serrer la ceinture.» La mobilisation des salariés du privé ? «Il y a un mouvement, même si je ne peux pas dire qu'il y a une grosse mobilisation aujourd'hui. Il pourrait y avoir davantage de soutien, tout ne peut pas reposer sur nos amis cheminots et conducteurs de la RATP.»
(Photo AFP)
-
Sur le live Mouvement social
Réforme des retraites, à Paris : «La peur ne m'empêchera jamais d'agir»
Manif.De notre journaliste Donia Ismail, à Paris.
Les premiers fumigènes étouffent la foule, avenue Montparnasse. Les manifestants marchent au pas de course. Dans cette effervescence, Selma, 38 ans est debout sur un banc, téléphone à la main, elle capture les faits et gestes de ses compères. Elle est l'une des seules robes noires de la marche. «Vous voulez discuter? Montez!», lance-t-elle. On obéit. Sur ses épaules, sa robe d'avocate, tout un symbole. Elle est venue «se battre contre le péril de [sa] profession, des petits cabinets, de ceux qui défendent les plus démunis.» Il y a quelques jours, à la Cour d'appel de Paris, elle a, elle aussi, jeté sa robe, «un geste difficile.» «C'était un crève-cœur. C'est comme si on abandonnait… Mais ce métier je l'aime!» Les manifestations, elle les enchaîne, toujours avec le sourire. «La peur ne m'empêchera jamais d'agir», s'exclame-t-elle. Le mouvement populaire en Algérie, contre le pouvoir à la tête du pays depuis plusieurs décennies, est une «référence» pour l'avocate. «Ça fait un an qu'ils se battent, qu'ils défilent pacifiquement. Ils me motivent à ne rien lâcher», lance la Franco-Algérienne. Elle déplore l'absence de ces collègues, mais prévient : «Le 3 février, les avocats seront dans la rue ! On s'y retrouvera?» Le rendez-vous est pris.
-
Sur le live Mouvement social
Réforme des retraites, à Paris : «On est là pour tous les égoutiers de France»
Manif.De notre journaliste Tristan Berteloot à Paris.
Avenue des Gobelins, à Paris, le cortège avance à une vitesse inhabituellement rapide, disons au trot. Comme si les manifestants contre la réforme des retraites du craignaient de ne pas arriver à temps aux Invalides, où la marche doit s'achever dans l'après-midi. C'est que le parcours du jour est long. Nicolas Joseph, grand barbu d'une trentaine d'années, mène un groupe compact, tous habillés en bleu. Ils portent un casque de chantier avec dessus une lampe frontale, des cuissardes assez hautes, pour certains des baudriers. Un type là-dedans traîne sa pelle au sol, un autre pousse une espèce de char doré avec dedans un camarade déguisé en Macron-Jules César. Ce sont les égoutiers de la mairie de Paris. Mais «on est là pour tous les égoutiers de France», raconte Nicolas Joseph. Ces gars-là bossent sous terre, dans les égouts, avec tout ce que les gens évacuent de chez eux, toits compris. Ils parlent «pénibilité», bien sûr. La retraite à points sucre aux égoutiers la bonification de dix ans dont ils bénéficiaient jusque-là sur les quarante-deux années que les égoutiers doivent cotiser pour y avoir droit, raconte Nicolas Joseph. Derrière lui, on a posté un cercueil en carton, peint en noir, avec d'écrit dessus «égoutiers 1870-2020, assassinés par l'Etat français pour le capital».
-
Sur le live Mouvement social
«On perd en nombre aujourd'hui, c'est difficile de le nier»
Manif.De notre journaliste Anaïs Moran à Paris.
La foule est clairsemée en ce début d'après-midi, avenue des Gobelins, pour cette huitième journée nationale interprofessionnelle à Paris. L'ambiance est bonne, la musique toujours au rendez-vous, mais le cortège semble (à vue d'œil) bien moins compacte que celui de vendredi dernier. Postée à l'arrière de la marche, Josiane, 67 ans, ancienne aiguiseuse du ciel, est du même avis : «On perd en nombre aujourd'hui, c'est difficile de le nier. Mais ça ne veut pas dire que le mouvement s'essouffle. Ça fluctue d'une semaine sur l'autre car certains d'entre nous ont besoin de reprendre des forces. Le plus important, c'est qu'il y ait toujours du monde pour prendre la relève et montrer que le peuple est dans la rue.» Mobilisée depuis le 5 décembre, cette retraitée espère une seule chose : «Que Macron comprenne que l'opinion publique qu'il doit représenter est contre lui.»
-
Sur le live Mouvement social
«Lille est devenue la propriété privée pour les gens aisés et on refuse aux travailleurs le droit d'y manifester»
Manif.De notre journaliste Stéphanie Maurice à Lille.
Un cortège moins nombreux et un parcours sabré : à Lille, l'ambiance n'est pas à la fête, en ce départ de manif. La CGT a déposé ce matin un recours devant le tribunal administratif, pour contester le plan imposé par la préfecture. En pure perte. «Ils nous font éviter le centre-ville, bientôt, ce sera direct sur le périphérique», blaguent des agents territoriaux CGT du Pas-de-Calais. Ils poireautent porte devant l'hôtel de ville, point de rassemblement des cortèges : «Je me demande bien ce qu'elle en pense, Martine», dit l'un. L'autre : «On va lui demander ! » Il gueule un retentissant «Martine !» en direction du beffroi. La maire de Lille, Martine Aubry, a plusieurs fois exprimé son soutien au mouvement contre la retraite à points. Pascal Blindal, secrétaire à la politique revendicative de l'Union départementale CGT, ne décolère pas : «Le tribunal administratif a refusé les deux parcours que nous avons proposés. Il a donné raison au préfet, à cause des soldes et du forum international sur la cybercriminalité. » Le circuit va être court, et ne passe dans les quartiers commerçants. «Lille est devenue la propriété privée pour les gens aisés et on refuse aux travailleurs le droit d'y manifester», s'exclame-t-il. Des gars de PSA Douvrin, syndiqués à FO, sont fatalistes : «On va être bloqués par devant, par derrière, un petit coup de gaz, et il n'y aura plus de cortège.» Le secrétaire départemental de FO, Jean-François Duflo, recadre : «Le parcours, c'est secondaire. Ce sont les revendications qui comptent, Il n'y aurait pas de discussions si on était extrêmement nombreux.»
-
Sur le live Mouvement social
Réforme des retraites, à Paris : «C'est vrai, qu'est-ce que je fous là moi ?»
Manif.De notre journaliste Tristan Berteloot à Paris.
Laurent, 49 ans, grisonnant, et Camille, 38, barbe de trois jours, devisent au milieu de l'avenue du Montparnasse, dans une délégation de 10/15 avec une bannière «UVSQ en lutte». Les deux sont enseignants-chercheurs en socio à l'université de Versailles Saint-Quentin (Yvelines). Le plus vieux se marre, dit à l'autre : «C'est vrai, qu'est-ce que je fous là moi ? Je suis titulaire, et avec mon âge, je ne suis même pas touché par la réforme». En décidant de ne faire toucher la retraite à points qu'aux générations nées après 1975, le gouvernement a tenté de «jouer sur l'égoïsme générationnel, en disant aux gens "rentrez chez vous ce sont les moins de 45 ans qui seront concernés seulement"», estime Camille.
L'homme raconte que certains de ses étudiants sont déjà venus le voir pour lui dire que «nous de toute façon, on sait qu'on en aura pas, de retraite». Façon d'illustrer le fatalisme d'une génération qu'on a opposé toute sa vie à celle de ses parents, baby boomers, pour les préparer à faire des sacrifices. «Mais ça n'a pas pris, ajoute Camille. Parce que les gens se sont rendus compte à quel point la situation allait être précaire pour eux. Si on regarde le rapport d'impacts, pour certains, l'âge d'équilibre va être de 67 ans. Alors les gens sont dans la rue». Pourquoi les profs en socio se mobiliseraient plus que les autres en ce moment, qu'on demande ? Réponse : «parce que ce qui arrive, ce sont nos sujets d'étude, peut-être ?». Camille bosse sur les inégalités : «quand on étudie la réforme de près, on ne peut pas ne pas s'engager contre». Pourquoi tout le monde ne me fait pas alors ? «Peut-être parce qu'il y a un flou organisé, y compris par le gouvernement, qui fait que les gens ne se rendent pas toujours compte».
(Lucile Boiron pour Libération)
-
Sur le live Mouvement social
Réforme des retraites, à Rennes : «On rentre désormais dans une guerre de tranchées»
Manif.De notre journaliste Pierre-Henri Allain à Rennes.
Fin de manif dans le calme et sans incident à Rennes où la police a compté 2 100 manifestants et les syndicats 4 000. Malgré ce net tassement, Fabrice Le Restif, secrétaire départemental de FO a jugé la participation «remarquable». «Il reste très significatif, estime t-il. C'est normal qu'après cinquante jours de mobilisation, il y ait un peu de fatigue. On rentre désormais dans une guerre de tranchées où il y aura des moments de doutes et des moments forts.»
Présentes dès la première heure, la détermination des personnels de santé du centre hospitalier de Pontchaillou, venus manifester en blouses blanches, étaient quant à elle intacte. «On ne veut pas de cette réforme avec des pensions qui vont beaucoup baisser si elles ne sont plus calculées sur les six derniers mois, relève Nathalie, 50 ans, infirmière. On craint aussi la suppression de la pénibilité, malgré le travail de nuit, la charge physique et psychologique, les amplitudes de travail, ce qui nous ferait perdre cinq ans. Sans parler de l'âge pivot.»
-
Sur le live Mouvement social
Réforme des retraites, à Paris : «J'ai l'impression que je ne pourrai jamais faire le métier que je souhaite»
Manif.De notre journaliste Eloïse Bussy à Paris.
Dans le cortège, on aperçoit une pancarte «fac et labos en lutte». A proximité, une jeune fille est maquillée en zombie, elle porte une hache en carton sur la tête. «Cela vient des manifestants chiliens, pour dire qu'on se sent comme des morts dans ce lieu vivant qu'est l'université.» Jeanne Apostoloff a 22 ans, et est étudiante en master à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine, rattaché à l'université Paris III. «Nous sommes en grève depuis la rentrée de janvier, c'est notre troisième semaine d'université populaire», raconte-t-elle. «Nous nous mobilisons contre la loi de programmation de la recherche. Moi, j'ai l'impression que je ne pourrai jamais faire le métier que je souhaite, la recherche. On voit des personnes qui ont fait dix ans d'études, qui gagnent 1 700 euros par mois, et qui ne font pas exactement ce qu'elles souhaitaient faire au départ.» L'étudiante estime par ailleurs que «la fac doit rester un lieu où tout le monde peur venir, y compris les enfants d'ouvriers et les personnes étrangères».
(photo Lucile Boiron pour Libération)
-
Sur le live Mouvement social
Réforme des retraites, à Rennes : «Il n'y a plus que la France d'en haut et la France d'en bas»
Manif.De notre journaliste Pierre-Henri Allain à Rennes.
Malgré un certain reflux, c'est encore un cortège relativement dense qui a défilé de chaque côté des quais de la Vilaine, avec à sa tête un grand jeune homme agitant un drapeau multicolore. «C'est le drapeau Mapuche, en soutien avec les manifestations qui se déroulent au Chili et dont on ne parle plus beaucoup ici», explique Corentin, 24 ans. Parmi les manifestants, Claude, 64 ans, conseillère principale d'éducation (CPE) en retraite ne se lasse pas de reprendre en chœur les chants de revendications.
«Toutes ces chansons disent beaucoup de choses sur le détricotage des acquis du Conseil de la résistance et de l'égalité sociale, remarque-t-elle. Aujourd'hui, on nous parle d'équité et d'universalité, mais il n'y a plus que la France d'en haut et la France d'en bas. Il n'est pas normal qu'on ait déjà des retraites de misère et de telles différences sociales.» Marina, 52 ans, employée dans un institut médico-social et de toutes les manifs est sur la même longueur d'ondes : «Sauvons notre système solidaire», proclame le tee-shirt blanc enfilé sur ses épaules.