A l’appel de sept organisations syndicales de la fonction publique, il y avait 115 000 personnes (chiffres police à 16h30) à défiler dans les rues de l’Hexagone aujourd’hui tandis que la CGT en recense 500 000 dans plus de 180 manifestations et rassemblements organisés sur l’ensemble du territoire avec de nombreux mouvements dans les collectivités. A Paris, ils auraient été entre 32500 (préfecture de police), 34700 (collectif de médias – cabinet Occurence) et 40000 (syndicats).
Lors de la précédente mobilisation du 10 octobre 2017, entre 209 000 personnes – selon le ministère de l’Intérieur – et 400 000, selon la CGT, étaient descendues dans la rue.
La centrale de Montreuil annonce, pour cette journée de mobilisation du 22 mars 2018, un taux global de grévistes « significativement supérieur à celui du 10 octobre 2017, avec des pointes à plus de 60% dans certains secteurs professionnels ».
Quoi qu’il en soit, le ministère de l’Action et des comptes publics annonce, dans un communiqué officiel en fin de journée (estimations à 18h00), des taux de participation en légère baisse par rapport à la précédente journée nationale d’action du 10 octobre 2017 :
- 8,11 % dans la fonction publique territoriale (contre 9,5 % en octobre 2017),
- 12,80 dans la FPE (qui inclut les exploitants publics, à 6,39 %, mais 13,54 % dans l’Education nationale et 15,54 % dans les ministères). En 2017, les taux étaient de 13,95 % (dont 16,67 % dans l’Education nationale et 13,65 % dans les ministères),
- 10,9 % dans la fonction publique hospitalière (10,4 % en 2017).
Seule la fonction publique hospitalière s’est donc plus mobilisée ce 22 mars, que lors du précédent mouvement.
Ce 22 mars, la principale revendication portait sur la défense des services publics et la dénonciation de la « casse » orchestrée par le gouvernement notamment à travers son programme Action publique 2022 et la réforme de la fonction publique. A quoi s’ajoutaient l’amélioration des conditions de travail, l’augmentation du pouvoir d’achat, le dégel du point d’indice, l’abrogation du jour de carence…
Forte mobilisation à Lyon
A Lyon, les fonctionnaires se sont fortement mobilisés. Entre 10 000 et 15 000 personnes, selon les sources, ont défilé de la place Bellecour à la Préfecture. En tête de cortège, les hospitaliers étaient nombreux, mais juste derrière, les territoriaux se sont également déplacés en masse. Tous stigmatisaient l’action du gouvernement.
Nos conditions de travail se détériorent dangereusement.
« Le point d’indice ne bouge pas, nos conditions de travail se détériorent dangereusement. Les gens doivent comprendre que le service public est véritablement en danger. Aujourd’hui, plus que nos rémunérations, ce sont nos conditions de travail qui nous mobilisent et nous inquiètent. Le service public est en déshérence totale », s’emportait Dimitri Sebian, élu Sud Solidaire à la ville de Lyon.
La construction de la métropole cristallise les critiques
Et au-delà de l’action gouvernementale, les territoriaux locaux, spécialement les agents de la ville et de la métropole, tenaient à profiter de ce mouvement national pour porter des revendications locales. « On veut faire de la métropole de Lyon une vitrine pour calquer l’organisation territoriale nationale de demain sur ce modèle. La réalité de cette construction métropolitaine se résume en une phrase : elle met fin au service public et plus aucun service n’est rendu correctement aux usagers », entendait-on chez les fonctionnaires massés sous la bannière de FO.
Les manifestants les plus nombreux, issus des rangs de la CGT, mettaient eux aussi au premier plan des revendications le gel du point d’indice et les conditions de travail.
Non seulement nous perdons tous nos acquis contrairement aux promesses, mais les conditions de travail et de rémunération se détériorent tellement que plus personne ne veut travailler au sein de la métropole
Parmi les territoriaux, une fois encore, la construction de la métropole cristallisait les critiques. « Non seulement nous perdons tous nos acquis contrairement aux promesses, mais les conditions de travail et de rémunération se détériorent tellement que plus personne ne veut travailler au sein de la métropole », décrivait Gaël Prévost, élu CGT de la métropole de Lyon.
Non loin d’eux, les agents de la Région portaient la même analyse. « Il faut se battre pour la défense du service public et pour éviter la contractualisation massive qui est en train de gagner du terrain », observait Christian Darpheuille, élu UNSA au conseil régional.
Du côté des grévistes, à la mi-journée, la métropole en annonçait 4%. Un chiffre similaire était avancé par la ville. A la région, le pourcentage de gréviste a atteint près de 25% dans les lycées et environ 4% au sein des services centraux.
A Nantes, front commun pour défendre le service public
A Nantes (Loire-Atlantiqueà, ce sont 8 500 à 10 000 manifestants qui ont sillonné les rues, à l’appel de plusieurs organisations syndicales. Le leitmotiv, là aussi : défense du service public, parfois gâché par des affrontements à l’avant.
Le rendez-vous avait été donné par les syndicats (CGC, CGT, FO, CFTC, FSU et Sud-Solidaires), à 10h30, à la croisée des lignes de tramway 1 et 3, arrêt Commerce. Autour, comme c’est le cas Cours des 50 Otages, la majorité des magasins ont porte close. Certaines vitrines sont même protégées de panneaux de bois, par craintes d’affrontements qui n’ont pas manqué d’ailleurs.
Vers 11h30, le cortège relativement compact s’élance pour un parcours d’environ deux heures dans les rues de la ville. Rapidement, un « groupe hostile cagoulé », (dixit les services de Police) s’immisce en tête de cortège. Il y restera jusqu’au bout, échangeant régulièrement des projectiles (fumigènes, bombes lacrymogènes…) avec l’imposant dispositif de forces mobiles déployé en cœur de ville. Avec un point particulièrement chaud : le passage devant la préfecture…
« Des choses pas privatisables »
Quelques mètres derrière, Yann, « agent territorial dans une petite commune » souffle, blasé : « c’est toujours comme ça désormais. Le problème c’est que de nombreux médias ne vont retenir que ça ». Nadine qui travaille au service RH d’une grande ville du sud-Loire tient à faire passer son message : « Je suis là pour défendre le service public et pas seulement les fonctionnaires ».
A proximité du véhicule utilitaire Sud-Solidaires 44, Pascal souligne qu’une « mairie, un Conseil départemental ou régional sont des institutions qui ont des missions comme les transports, les lycées, l’aide à l’emploi, le social etc. Autant de choses qui ne sont pas privatisables et qui ne sont pas là pour ramener de l’argent ».
A la CGT du Conseil départemental 44, drapeaux estampillés ‘Conseil Général’ en mains, trois représentants du service social s’inquiètent justement pour leur délégation, « dans un contexte budgétaire à la baisse et des besoins en hausse incessante ». Philippe lui, est retraité du Conseil départemental : « solidaire bien sûr et concerné car nous, retraités, sommes frappés de plein fouet par la dispersion des services publics en milieu rural ».
Je suis là pour défendre le service public et pas seulement les fonctionnaires
Des élus dans le cortège
A Nantes, la délégation locale de l’UNSA – qui n’a pas appelé à la grève au niveau national – est bien présente dans le cortège. Anaïck, la porte-parole met l’accent sur « le fort recours contractuels dans sa collectivité » et observe avec inquiétude « l’arrivée de méthodes de management issues du privé ». Elle insiste sur le gel de l’indice qui cristallise de « la frustration ».
A noter enfin, la présence d’élus locaux à l’image de Julie Laernoes, vice-présidente EELV de Nantes Métropole. « Nous nous sentons solidaires, oui. Par rapport aux cheminots bien sûr, pour des raisons sociales et écologiques. Car priorité doit être donnée aux transports décarbonnés ». Elle cite encore « les contrats aidés qui pénalisent des associations qui œuvrent pour un intérêt général et prolongent des actions et des politiques que nous souhaitons mettre en œuvre ».