Régnieville en Haye
 
 

Le feu, le fer et la boue

 

 

Les attaques du 3, 5 et 6 avril 1915

 

Fin mars le régiment occupe le secteur de Régnieville, la position s'étend du bois le Prêtre au bois de Mort-mare

Samedi 3 avril 1915, les objectifs sont désignés, le 63e RI doit s'emparer des premières positions allemandes entre les villages de Régnieville et de Fey-en-Haye, sur sa gauche, le 78e RI doit, quant à lui, s'emparer du village de Régnieville.

19 heures une fois la traditionnelle préparation d'artillerie achevée, les compagnies du 2e bataillon s'élancent à l'attaque. Il leur faut moins de 10 minutes pour s'emparer de la première tranchée ennemie. La 7e compagnie a réussi a mettre les défenseurs en fuite et à faire 12 soldats allemands prisonniers.

Une heure à peine le début de l'attaque, la deuxième ligne de défense tombe à son tour. Tâche facile, le 3e bataillon trouve la tranchée vide de ses occupants, ils ont déjà évacué les lieux. Aussitôt les hommes se mettent au travail pour raccorder les tranchées conquises aux lignes françaises, ils rencontrent beaucoup de difficultés pour creuser le boyau de raccordement, tellement le sol est coriace.

Dimanche 4 avril 1915, les bataillons qui ont passé toute la journée sur les positions conquises attendent comme prévu, d'être relevés pendant la nuit du 4 au 5 avril par le 107e RI, peine perdue, ils ont été prévenus, la relève ne viendra pas.

Dans la soirée le régiment recevra un nouvel ordre de mission pour lancer une attaque sur la droite en direction des lignes ennemies qui courent entre les villages de Régnieville et de Fay-en-Haye. Les hommes estiment cet ordre injuste et trouvent que ce n'est plus a eux qui sont épuisées, affamés et transits par la pluie froide, de passer à l'attaque. Mais ils ne peuvent discuter, ils doivent se contenter d'obéir, les ordres sont les ordres.

Heures H, les 10e et 12e compagnie se ruent à l'assaut et arrivent sans trop de casse à s'emparer de la nouvelle tranchée. 7 heures du soir les hommes se remettent à creuser des boyaux de communications pour relier cette nouvelle position à celles conquises la veille

 

Lundi 5 avril 1915, 10 heures du matin. Les hommes exténués doivent fournir encore un effort pour s'emparer des lignes de défenses qui se trouvent entre le village de Régnieville et le bois de Friere qui dans un premier temps a été assigné comme objectif au 107e RI. Il ne comprennent pas pourquoi ce sont encore eux, malgré leur épuisement, et non pas ceux du 107e, qui doivent se ruer sur cette position qui semble redoutable .Redoutable elle l'est, car cette fois ci, les Allemands ne se laisseront pas prendre au dépourvu. Ils ont renforcé toutes leurs défenses, augmenté le nombre des mitrailleuses et des batteries.

Effectivement, le 63e ne tarde pas à s'apercevoir que le secteur à été nettement renforcé car au moment où l'attaque devait être déclenchée, les positions sont écrasées sous un violent tir de barrage.

 

     
 
bois le pretre
 
 

Bois le prêtre

 

 

 

10 heures

 

Malgré les marmites qui n'arrêtent pas de tomber, les sections d'assaut des 5,6, et 7e compagnies du 2e bataillon, sous les ordres des sous-lieutenants Salmon, Descubes et Menieux (les autres officiers sont hors de combats) et les 10, 11,12e compagnies du 3e bataillon sous les ordres du commandant Ymonet (qui se fera tué le premier en tête de ses hommes ), se lancent à l'attaque des positions allemandes. Aucune brèche n'est visible, les sections se font décimer par le tir des mitrailleuses, les hommes ne peuvent que se fondre au terrain et attendre la nuit pour rejoindre à la lueur des explosions les lignes françaises.

Seul une centaine d'hommes de la 10e compagnie a pu trouver une brèche dans les barbelés et se jeter à la baïonnette sur les défenseurs. Un terrible corps a corps s'engage mais les Allemands reçoivent d'importants renforts. Les soldats du 63e se retrouvent vite submergés, acculés, isolés, ils se font massacrer les uns après les autres.

La 12e compagnie essaye de leur porter secours mais elle n'arrive pas à percer et se fait décimer par les tirs de mitrailleuses qui la prenne de flan, la 11e compagnie, subit le même sort, les braves de la 10e se font anéantir jusqu'au dernier dans la tranchée qu'ils avaient essayé de conquérir, il n'y aura pas de quartier et aucun d'eux ne reviendra pour témoigner sur ce qu'ils ont vécu.

 

18 heures

 

Un nouvelle effort est demandé au régiment pour relancer l'attaque, mais impossible de passer, tout le secteur est violemment bombardé, les liaisons ne peuvent être établies régulièrement avec le PC du colonel.

Ordre et contre-ordre arrivent, l'attaque est annulée, il était temps, 15 officiers et 500 hommes ont été tués, les soldat du 63e n'ont eu droit pendant deux jours et deux nuits de combats incessants sous un temps exécrable, ni au sommeil, ni au ravitaillement, (pour se désaltérer, ils en étaient réduits à boire l'eau croupie qui stagne au fond des tranchées et des trous d'obus).

Tard le soir, le colonel arrive enfin à obtenir que son régiment soit relevé. Pendant la nuit du lundi 5 au mardi 6 avril 1915 , ce seront des cohortes d'hommes transits, recouverts de boue et à la limite de l'épuisement qui rejoindront les campements de Manonville et de Minorville pour un repos qu'ils jugeront beaucoup trop court après ce qu'ils avaient subi.

Les journées de Régnieville seront le facteur décisif qui déclenchera le refus de monter en ligne de la 5e compagnie, (voir page: Flirey le drame) les hommes ne voulaient plus qu'ont les considérent comme du bétail, ou des esclaves, revendication des plus légitimes.

Ils étaient, et ils le savaient fort bien car on le leur avait assez souvent répété, de l'école communale à la caserne, des hommes libres, des citoyens de plein droit qui composaient les armées de la république.

Malheureusement il faudra attendre les grandes mutineries de 1917 pour que l'état-major prenne conscience de cette évidence et accorde un peu plus d'importance aux hommes qu'au matériel ou aux munitions.

 

     
 
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Régnieville