PARIS (Reuters) - Les dirigeants du Parti socialiste, toutes tendances confondues, ont déclenché un tir de barrage contre l'ouverture du capital d'EDF confirmée lundi par le gouvernement.
L'ancien Premier ministre Laurent Fabius et le porte-parole du PS, Julien Dray, ont assuré que la gauche "renationaliserait" Electricité de France si elle revenait au pouvoir.
Julien Dray a précisé que le PS était prêt à participer à des manifestations contre l'ouverture du capital d'EDF.
"Ce n'est pas simplement une affaire des employés d'EDF-GDF qui protègent leur statut. C'est un problème-clef pour l'avenir de la société française", a-t-il dit au micro d'Europe 1.
Les fédérations CGT et Force ouvrière de l'énergie ont annoncé leur intention d'engager "une action de grande ampleur à partir du 8 novembre", à la fois contre l'ouverture du capital d'EDF et contre l'ouverture totale à la concurrence du marché de l'énergie à partir du 1er juillet 2007.
Les deux syndicats ont précisé qu'ils ne s'interdisaient aucun type d'action - arrêts de travail, baisse de production, "intervention sur l'outil de travail".
"Je m'opposerai à la privatisation d'EDF", a répété Laurent Fabius au micro de France Info. "Si, malgré tout, le gouvernement passe outre, il faudra revenir sur la privatisation et renationaliser EDF."
"Si la gauche gagne en 2007, elle renationalisera EDF", a renchéri Julien Dray. "Elle le fera avec la mise en place d'une société d'investissement, dont la Caisse des dépôts et de consignation sera le socle."
Un avis partagé par le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault.
Laurent Fabius a pour sa part estimé que la méthode la plus simple serait de "demander à EDF" de racheter ses actions "sur une partie de ses bénéfices".
"Si ça n'était pas suffisant, il peut y avoir une société de participation publique", a-t-il ajouté.
"DEFAITISME INDUSTRIEL"
L'ancien Premier ministre accuse le gouvernement actuel de vouloir aller au-delà de l'ouverture du capital d'EDF à hauteur de 15%. "Le gouvernement veut privatiser EDF", a-t-il dit. "15% d'abord, ensuite davantage, et privatiser totalement."
Laurent Fabius a justifié son "triple non" à l'ouverture du capital d'EDF par trois arguments.
"Premièrement EDF ça fonctionne bien (...) et il n'y a pas de raison de changer", a-t-il expliqué. "Deuxième raison très importante : EDF c'est le nucléaire. Or, on ne doit pas spéculer en Bourse avec la sécurité nucléaire (...) Et puis troisième et dernier argument (...) : dans les pays où l'énergie est privatisée il y a partout des hausses de prix. On est en train de le voir d'ailleurs en France avec Gaz de France."
Un avis partagé par les autres dirigeants socialistes, même s'ils appartiennent à des courants rivaux au sein du parti.
Pour Vincent Peillon, cofondateur du Nouveau Parti socialiste (NPS), "le loup est dans la bergerie (...) du moment où vous avez ces 15%, qui vont demander une rentabilité".
"Vous verrez d'ailleurs que c'est une première étape", a-t-il estimé sur les ondes de France Inter. "Ça n'a d'ailleurs aucune justification puisque l'entreprise gagne de l'argent."
Jean-Marc Ayrault a dénoncé au micro de RTL le "défaitisme industriel" du Premier ministre Dominique de Villepin.
"Le patriotisme économique de M. de Villepin, c'est du vent", a-t-il lancé. "Ce n'est pas du patriotisme, c'est du défaitisme industriel et national auquel nous assistons."
"Je ne vois pas comment, lorsqu'on privatise ou qu'on ouvre le capital, ne pas être contraint par les intérêts financiers", a ajouté le chef de file des députés socialistes. "Et moi je n'accepte pas qu'on joue la sécurité nucléaire, l'indépendance énergétique de la France, à la Bourse."