Asie du Sud. Françoise Jeanson, présidente de Médecins du monde:
par Thomas HOFNUNG
QUOTIDIEN : lundi 24 janvier 2005
Présidente de Médecins du monde (MDM) depuis quelques mois, Françoise Jeanson revient de Banda Aceh, en Indonésie, où l'association française intervient depuis fin décembre. Pour Libération, elle décrit les difficultés rencontrées sur le terrain.
Avez-vous pu circuler partout, notamment dans des zones où le mouvement rebelle du GAM est actif ?
Nous n'avons fait face à aucune restriction, aucun barrage. Mais il faut préciser que nous n'intervenons pas dans les collines, à l'intérieur de l'île, où serait actif le GAM. Nous n'avons eu aucun contact avec lui. Quoi qu'il en soit, les rebelles que nous aurions pu éventuellement croiser ne se présentent pas comme tels. Ils ne sont pas fous.
Comment se passent les relations avec les autorités indonésiennes, qui semblent vouloir encadrer plus étroitement l'intervention des ONG à Aceh ?
Je me demande parfois comment cela se serait passé si pareille catastrophe était survenue en France. Il ne me paraît pas anormal que les autorités d'un pays cherchent à savoir ce que font 400 ONG et quelque 6 000 expatriés sur leur sol. Pour obtenir, à la mi-janvier, un permis de travail en bonne et due forme, MDM a dû montrer patte blanche : les autorités nous ont demandé qui nous étions, et ce que nous faisions. Nous les avons informées de nos activités et, depuis, nous n'avons éprouvé aucune difficulté pour circuler à Aceh. Elles nous ont simplement demandé de leur fournir des rapports sur les pathologies que nous diagnostiquons sur le terrain, sans chercher à nous «orienter» dans notre travail. Du moins, pour l'instant.
certains volontaires dénoncent le «cirque humanitaire» des ONG. Qu'en pensez-vous ?
Le monde entier s'est porté au secours d'une petite province située au bout du monde : pour une fois que la réponse humaine a été à la hauteur de la catastrophe, il serait mal venu de s'en plaindre. Je ne dirais pas qu'on en fait trop à Aceh, mais plutôt qu'on n'en fait pas assez ailleurs... Nous travaillons dans la transparence : nous disons aux autorités locales et à l'ONU, qui a mis en place une coordination, où nous intervenons et ce que nous y faisons. Mais il est vrai qu'à Aceh tout le monde n'a pas le même souci que nous de soigner les victimes. Je ne savais pas, par exemple, que l'Eglise de scientologie faisait de l'humanitaire !
Combien de temps estimez-vous nécessaire votre présence à Aceh ?
Entre six et dix-huit mois. Le système de santé local a, comme le reste, été balayé par le tsunami. 20 % du personnel de santé est porté manquant. Avec d'autres, on tente de pallier leur disparition, et nous avons prévu de travailler à la réhabilitation de centres de santé locaux, avant de quitter l'île.
quel type de mission accomplissez-vous?
Nous sommes dans une phase «posturgence». Nous examinons de 50 à 100 personnes chaque jour. L'administration indonésienne nous a demandé de fournir un soutien pour éviter une épidémie de rougeole chez les enfants, mais aussi un soutien psychologique aux rescapés. Les survivants sont extrêmement affectés.
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