1-1 Un
indépendantiste élu président de la Polynésie.
1-2 Selon le
quotidien "Libération", une révolution de velours est en marche... Arrêt des
travaux sur le Lyon-Turin.
2 Joseph de Maistre, écrivain
savoisien (suite)
2-1 La
vie de Joseph de Maistre.
3 Tribune libre.
3-1 La Savoie, la démocratie participative et
le Grand Démon Uniformisateur.
4
Europe
4-1 L'Europe sans
les peuples?
4-2 Le
désintérêt, l'incompréhension et l'insouciance des Européens.
4-3 France,
sud-est, Savoie: le vote sanction.
4-4 La liste
A.L.P.E., une tentative d'avenir.
4-5 Une
Constitution adoptée (pour 2009), des ratifications incertaines (d'ici mi-2006).
5 magazine
5-1 mots croisés
5-2 Les dessins de l'Echo
6 Les échos de la Ligue
6-1 Mariages, naissances,
annonces
6-2 Les rendez-vous
savoisiens.
7 Le courrier des lecteurs
7-1 Halte aux envois sous
film plastique!
B
- Dossiers :
1-1 Un
indépendantiste élu président de la Polynésie.
En Polynésie française, "pays d'outre-mer" régi par une nouvelle loi
d'autonomie votée par le Parlement français juste avant les élections régionales, le
système chiraquien est en train de s'effondrer. L'ultrachiraquien Gaston Flosse, qui
présidait le gouvernement de ce territoire depuis 20 ans, a perdu la majorité au profit
d'une coalition d'indépendantistes, d'autonomistes et d'écologistes. Oscar Temaru,
président du parti indépendantiste Tavini, a été élu président le 16 juin. Il exerce
maintenant les très larges pouvoirs taillés sur mesure pour son prédécesseur. La
Polynésie dispose de ses propres lois, favorise l'emploi des résidents par rapport aux
autres Français, et peut conclure des accords internationaux avec des États. Elle
possède déjà les symboles de la souveraineté: drapeau, hymne, parlement, gouvernement.
Le président Temaru souhaite obtenir l'adhésion de la Polynésie à l'Union européenne
et l'adoption de l'euro.
Patrice Abeille, Secrétaire général de la Ligue savoisienne, a écrit à Oscar Temaru
pour le féliciter de son élection et lui souhaiter la réussite dans l'exercice de ses
nouvelles fonctions.
La nouvelle loi d'autonomie a été rédigée et votée selon le bon plaisir de Gaston
Flosse, qui ambitionnait de devenir l'égal des chefs d'États du Pacifique. Pour hâter
son application, le gouvernement français a dissous l'assemblée territoriale et
organisé de nouvelles élections, selon un mode de scrutin qui devait conforter la
majorité de Gaston Flosse. De façon inattendue, les électeurs ont donné la majorité
à son adversaire le plus déterminé! On ne peut s'empêcher de penser à la dissolution
de l'Assemblée nationale par Chirac en 1997, ou à la réforme du mode de scrutin des
régionales: dans tous les cas, Jacques Chirac et ses sbires s'abonnent aux rôles des
arroseurs arrosés...
Il est étonnant qu'un territoire qui reçoit tant de subventions de la France
(notamment 150 millions d'euros par an au titre de la compensation des essais nucléaires
de Mururoa, pour une population de 200 000 habitants) ait voté si massivement pour
l'indépendance. Les Savoyards, qui contribuent fortement aux recettes fiscales de Paris,
continuent de faire confiance aux partis français hostiles à la souveraineté de la
Savoie...
Le président Temaru reste lucide sur la question de l'indépendance de la Polynésie.
Il a notamment déclaré: "Le résultat des élections n'était pas un référendum
pour ou contre l'indépendance, mais la sanction d'un style de gouvernement qui favorisait
les uns au détriment des autres". Oscar Temaru précise son plan: "Il faudra
que toutes les conditions politiques, économiques et sociales soient réunies (...) cela
peut attendre dix, quinze ou vingt ans".
Selon le quotidien "Libération", une révolution de velours
est en marche...
1-2 Arrêt
des travaux sur le Lyon-Turin.
Les travaux de percement de la descenderie de Modane ont été suspendus le 14 mai par
la société Eiffage, titulaire de ce marche confié par l'organisme franco-italien LTF
(Lyon-Turin Ferroviaire). C'est ce que nous apprend, en quelques lignes, le mensuel
"Le Rail" (n°109, juin 2004), alors que la presse locale et régionale n'en a
pas pipé mot.
L'entreprise Eiffage a rencontré "des difficultés techniques, imputables
notamment à la géologie" et a arrêté le chantier de la descenderie, en attendant
l'avis de LTF. Il est probable que les discussions entre Eiffage et LTF portent sur le
chiffrage des dépassements de budgets nécessaires pour surmonter les difficultés
techniques.
Cette suspension renforce le scepticisme ambiant quant aux chances réelles de la
"Transalpine ferroviaire" d'être un jour mise en service. Si toutefois les
financements et les prouesses techniques étaient au rendez-vous, les délais annoncés
(2015 ou 2020 selon les textes) ne pourront certainement pas être tenus. Il était déjà
planifié que le Lyon-Turin ne serait mis en service que plusieurs années après la
nouvelle traversée suisse par le Lötschberg, il est maintenant à peu près certain que
la Transalpine franco-italienne sera précédée par l'autre ligne helvétique, celle du
Gothard.
Dans ces conditions, si un jour le ruban du Lyon-Turin est coupé, les habitudes de
l'économie des transports et de la logistique ferroviaires seront prises depuis
longtemps: le passage par la Suisse sera bien maîtrisé techniquement et économiquement,
et le nouvel ouvrage passant par la Chartreuse et la Maurienne ne recueillera qu'un trafic
marginal, insuffisant pour garantir l'exécution de son plan financier.
On peut déjà voir à l'uvre ce phénomène de concurrence inégale entre deux
itinéraires, entre les tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus. Contrairement aux
intentions affichées par la France et l'Italie, Chamonix n'a repris que moins de 25% du
trafic cumulé des deux passages. Pendant les trois ans de fermeture du tunnel du
Mont-Blanc, la chaîne logistique s'est organisée efficacement pour acheminer le fret via
la Maurienne et le Fréjus, et ce choix semble irréversible (tant mieux pour les
Chamoniards...). De même, entre Grande-Bretagne et continent, le lien fixe et souterrain
Eurotunnel n'a pas fait disparaître les ferries et ne parvient pas à trouver son
équilibre financier.
Le Lyon-Turin, un futur Eurotunnel? C'est bien probable. La Savoie n'aura pas beaucoup
à s'en plaindre, n'étant considérée que comme une zone de transit peuplée de quelques
indigènes. Les échanges extérieurs de la seule Savoie sont peu importants en tonnage
(alors qu'en valeur ils sont très profitables) et se contentent très bien du transport
routier. La déception sera surtout cruelle pour les régions de Lyon et de Turin, et pour
les États français et italien. Souhaitons qu'ils ne ponctionnent pas trop le
contribuable savoyard pour financer une entreprise qui se révèle comme de plus en plus
hasardeuse, voire vouée à l'échec.
2-1 Joseph de Maistre, écrivain
savoisien.
La vie de Joseph de Maistre.
Pour faire suite à l'article de Gérard Vallet, "Joseph de Maistre,
écrivain savoisien", paru dans le n°71 de L'Écho de Savoie (avril-mai 2004, pages
6 et 7), nous publions de larges extraits d'un ouvrage devenu introuvable: la biographie
de Joseph de Maistre par François Vermale, parue en 1927 dans les Mémoires et Documents
de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie.
illustration: J&X de Maistre (.jpg)
légende: Monument à Joseph et Xavier de Maistre, au pied du château de Chambéry.
Livre II: La première émigration.
Chapitre I: J. de Maistre devant la Révolution.
Nous arrivons à l'année 1789!
J. de Maistre avait suivi toujours avec intérêt les évènements qui se passaient en
France. En 1785, écrivant au lieutenant du bailliage de Belley dont il était le
ressortissant par sa propriété de Talissieu, il donnait son avis sur le "Compte
rendu financier" que Necker venait de publier. Très finement, il critiquait la
politique du ministre de Louis XVI: "De peur que vous ne m'accusiez d'un enthousiasme
aveugle, je vous dirai franchement, Monsieur, que tout ce que M. Necker dit sur son
administration n'achève point de me plaire, comme on dit très bien en Piémont... Il n'a
point mis d'impôt pendant cinq ans, mais il a augmenté la dette publique de 800
millions, et ses amis en conviennent. N'est-ce pas là disputes de mots et l'emprunt
n'est-il pas un impôt? Au lieu de passer lentement sur cet article, comme sur des
charbons ardents, il valait mieux traiter l'importante question SI et QUAND il vaut mieux
imposer qu'emprunter dans les détresses publiques?" Il parlait à cette occasion de
Turgot et il donnait comme cause de son échec son manque de patience dans les opérations
de l'économie politique. "Cet excellent homme a voulu tout faire à la fois".
Dans cette même lettre, J. de Maistre appelait Louis XIV un "Sultan". Il
était adversaire déclaré de la forme de gouvernement absolu donnée à la royauté
française par le Grand Roi, parce qu'elle engendrait un mal terrible, l'arbitraire des
bureaux, la tyrannie ministérielle, le règne du bon plaisir des commis. Quoique
fonctionnaire, J. de Maistre était ennemi de la domination des agents du roi. C'est ce
qu'il appelait proprement le despotisme.
***
En 1788, les Dauphinois protestèrent contre le despotisme ministériel de Paris et
contre l'intendant général de leur province. Le chancelier Loménie de Brienne ayant
supprimé les Parlements en France, à Grenoble les trois ordres se solidarisèrent autour
de leur Parlement et résolurent de le défendre.
Une délégation fut envoyée au Roi: elle échoua. Les Grenoblois s'opposèrent alors
par la force à l'exécution des arrêtés ministériels. Les trois ordres de cette
province se réunirent à Vizille en assemblée (7 juin) et lancèrent une proclamation
demandant la convocation des États Généraux à Versailles. Ce fut l'aube de la
Révolution.
Chambéry prit parti pour le Dauphiné. À Beauregard, chez son ami Henri Costa dont la
femme était d'origine dauphinoise, l'attitude de l'assemblée de Vizille provoqua
l'enthousiasme. Par sympathie, J. de Maistre vit d'un bon oeil cette défense d'un
Parlement qui en appelait de la tyrannie ministérielle à la tradition nationale d'avant
Louis XIV.
***
En 1789, J. de Maistre, lecteur assidu des journaux et magazines anglais qui lui
parvenaient par Genève, apprécia, comme eux, les premiers évènements de la Révolution
en France sous un angle favorable. Il crut que la royauté française allait se
régénérer. Le mot révolution pour lui ne signifiait pas destruction des ordres de
l'État, mais au contraire restauration de leurs anciennes prérogatives supprimées au
XVIIe. siècle.
À cette question: "Que doit être le tiers état", il n'aurait pas répondu:
tout. Il aurait affirmé simplement: il est le troisième ordre de la nation,il doit le
rester; il ne doit pas vouloir l'emporter sur les deux autres ordres, mais collaborer à
sa place avec la noblesse et le clergé pour le soutien de la monarchie. Il était
"contre les factions populaires, et ceux qui excitaient les passions du tiers".
Aussi fut-il contre la fusion des trois ordres, le vote des députés par tête et la
transformation des États Généraux en Assemblée nationale constituante (23 juin 1789).
Enfiévré par les discussions de Versailles, J. de Maistre était fort troublé par les
confusions qui s'annonçaient. Il redouta très vite que les députés de la noblesse et
du clergé ne cédassent aux "séductions d'une popularité trop facile".
J. de Maistre faisait part de ses craintes à son ami Henri Costa, admirateur de Necker,
partisan de la fusion des ordres, qu'il appelait "un nivellement heureux". Costa
se moquait des terreurs de son ami. Un peu féroce, il lui traçait, dans une lettre, le
tableau de la consternation qu'avait jetée, parmi les invités du Parlement de Grenoble,
l'arrivée de la nouvelle que la noblesse avait consenti à délibérer avec le tiers
état et le clergé.
***
Après le 14 juillet, les troubles de la Grande Peur, qui se produisirent dans toute la
France, se répercutèrent un peu en Savoie. Les troubles agraires du Dauphiné et du
Lyonnais occasionnèrent des tumultes dans les communes situées sur la frontière de
France. Il y eut des tentatives contre quelques châteaux. Ce ne fut pas grave.
Puis vinrent les journées d'octobre à Versailles. Louis XVI fut ramené à Paris.
Mounier, député du Dauphiné, président de l'Assemblée constituante, quitta Paris en
guise de protestation. Il revint à Grenoble où il comptait même armer les Dauphinois
pour la défense de la royauté et pour assurer la liberté des délibérations de la
Constituante asservie par les factions.
Dès la rentrée du Sénat de Savoie, le 7 décembre 1789, J. de Maistre écrivait à
son ami Costa pour lui communiquer les renseignements qu'il pouvait recueillir à
Chambéry sur ce qui se passait à Versailles. Il regrettait de ne pouvoir consacrer plus
de temps à ses "gazettes" parce qu'il pliait sous le poids du travail
professionnel... Il venait d'être nommé, en effet, président de la Commission chargée
au Sénat d'arbitrer les contestations que le rachat des droits féodaux suscitait entre
créanciers et débiteurs de ces droits. Dans une de ses lettres où il détaillait avec
verdeur ce qu'il venait d'apprendre d'un ami de Mounier sur les journées d'octobre à
Versailles, il terminait par ce cri douloureux de désespérance: "Que vous
dirais-je, mon cher ami? Ma foi est ébranlée: au secours! assistez-moi! Ma tête
fermente toujours sur toutes ces affaires au point que quelquefois je n'en dors pas!...
Vous savez que je ne suis pas un ami des factions populaires, cependant je prends un grand
intérêt à ce sermon terrible que la Providence prêche aux rois. Parbleu, il vaut bien
la peine d'être écouté attentivement et tant pis pour qui n'en fait pas son
profit".
***
En 1790, les troubles agraires, qui en France avaient repris, se répercutèrent à
nouveau en Savoie. En janvier, des tumultes éclatèrent au Grand-Bornand, au
Mont-Saxonnex et sur la frontière du Bugey. Le Comte d'Artois ayant été autorisé à
venir à Turin, un mouvement important d'émigration française se détermina sur la
Savoie. Chambéry devint une capitale de l'émigration. On y rencontrait des familles
nobles, des prêtres, des militaires, du Dauphiné, du Comté Venaissin, de Lyon, de
Paris. Les journaux parisiens attaquèrent bientôt le roi de Sardaigne, l'accusant de
favoriser les complots de certains de ses sujets contre la Révolution. En guise de
représailles, ils invitèrent les Savoyards à imiter les Français et à se mettre
"à la hauteur de la Révolution de Paris".
Le 14 mai 1790, une émeute éclatait à Montmélian, ancienne ville fortifiée. Des
émigrés français furent menacés sous le prétexte qu'ils faisaient enchérir les
vivres par leur présence. Il y eut tumulte, la troupe surprise fut désarmée. Le Roi, à
Turin, s'alarma très vivement de cette affaire. Il se plaignit à l'Intendant général
de Chambéry du fait que la noblesse du pays n'était pas intervenue en faveur de
l'autorité.
J. de Maistre rendait compte à son ami Costa de ces incidents locaux. Il rédigea une
brochure anonyme qui parut à Chambéry avec le titre: "Lettre à M. le comte... au
sujet de l'insurrection arrivée à Montmélian le 16 mai 1790". Nous attribuons
cette lettre à J. de Maistre parce qu'elle développe en faveur de la noblesse, du
clergé, de la royauté sarde des arguments qui seront repris par lui dans sa
"Quatrième lettre d'un royaliste savoisien à ses compatriotes"; enfin, parce
qu'elle contient une citation du "Tableau des Finances de France" par M. Necker,
ouvrage dont nous savons que J. de Maistre avait fait une étude spéciale.
Ainsi, c'est donc en 1790 que J. de Maistre débuta dans le métier de gazetier
royaliste auquel il aurait aimé s'être adonné depuis longtemps, comme il le déclarera
de Russie à Victor-Emmanuel Ier.
***
En Savoie, disait-il, il n'y a pas d'ordres privilégiés. "Le fonds du noble paie
autant que celui du roturier. Le roturier est admissible comme le noble à toutes les
places civiles, militaires et ecclésiastiques. La noblesse, presque toute engagée dans
la carrière des armes, y consume son temps et sa fortune... Non, la patrie ne regardera
point comme ses ennemis ceux qui font profession de ne la servir que par zèle et par
honneur. Le clergé n'a pas de richesses qui puissent lui attirer l'envie, ni des
murs qui aillent contre ses maximes. Il n'étale certainement point un luxe qui
puisse donner prise à la censure. Chaque individu dans cette classe vit et meurt dans le
poste qui lui est confié: on ne citerait par un évêque des États du roi de Sardaigne
consommant loin de son troupeau la dîme levée sur les fonds du laboureur... La
magistrature, chez nous, n'offre point un corps ambitieux négligeant ses fonctions pour
étendre son influence politique". Le roi de Sardaigne n'est pas un despote, un
sultan d'Orient. "Son ascendant illimité ou despotisme, si l'on veut l'appeler
ainsi, a pour bases les qualités du prince et la vénération du peuple pour une longue
dynastie de princes presque tous recommandables par d'éminentes qualités, dont le génie
et la sagesse héréditaire ont opéré dans leurs États le bien que les novateurs
modernes mettent en spéculation dans des livres, enfin, qui n'ont jamais eu qu'eux-mêmes
pour ministres et pour généraux d'armée". Victor-Amédée III règne "comme
un père tendre gouverne ses enfants. Il est bon, juste, laborieux". Il donne
l'exemple du travail. La Cour de Turin ,"observe l'économie, et a des murs
sévères". Aucun des vices intérieurs qui ont amené en France la Révolution, en
minant "cette vaste monarchie", n'existe en Savoie. "O bon peuple de
Savoie! on veut vous égarer, on veut vous faire sacrifier votre bonheur et vos vertus à
des intérêts qui ne sont pas les vôtres. Déjà l'on vous a fait enfreindre les lois de
l'hospitalité, qui avaient toujours été sacrées pour vous; on vous a porté à des
violences opposées à votre caractère connu de douceur et de fidélité. Déplorez ces
erreurs, redevenez vous-même. Que vos montagnes et votre antique loyauté soient des
barrières au-delà desquelles ne pénètre point l'esprit de licence et de subversion. Il
y a loin d'un bien-être en spéculation à celui que l'usage et le temps ont confirmé;
ce dernier est votre partage, ayez la sagesse de savoir en jouir".
***
(...)
***
En février 1791, ses soupçons s'aggravaient. Il ne doute plus qu'il y ait à Paris un
"Comité de Savoie", comme il y a eu un "Comité d'Avignon". Paris
prépare la révolution en Savoie; ainsi s'explique le luxe des brochures
révolutionnaires qui sont introduites clandestinement à Chambéry. D'où vient l'argent?
Qui fournit les fonds pour une pareille propagande? Les fonctionnaires piémontais sont
totalement incapables de renseigner leur Roi. À chaque évènement nouveau éclate leur
insuffisance! J. de Maistre, après les troubles de Chambéry du 14 et 15 mars 1791, prit
sur lui de renseigner et conseiller Turin. Il voudrait éviter les excès de l'état de
siège. Ce n'est pas en effet en Savoie qu'il pense qu'est le danger. Il est à Paris, à
Lyon, à Grenoble. Dans ces villes, il faudrait avoir un service d'espionnage bien
organisé. Là seulement on pourrait saisir des listes de correspondants savoyards, et
connaître les envois d'argent qui permettent à des "polissons du païs" se
susciter des tumultes. Devant tant d'impuissance, J. de Maistre consentit, sur les
conseils d'un haut fonctionnaire royal, M. le baron Vignet des Étoles, à poser sa
candidature au poste d'intendant général de la Savoie (6 juillet 1791). Mais Turin ne
voulut pas utiliser son énergie dans un poste digne de lui. En janvier 1792, il se vit
encore refuser le poste d'ambassadeur près la République de Genève. Le "dossier
secret" agissait.
Dès avril 1792 des bruits de guerre circulaient. La France et le roi de Sardaigne
allaient-ils entrer en conflit? C'était possible. Marie-Antoinette, dès mars 1792, avait
prévenu secrètement Turin que le général Dumouriez, le nouveau ministre des affaires
étrangères à Paris, entendait déclarer la guerre au roi de Sardaigne. Victor-Amédée
III mit aussitôt en état de défense son duché. Les garnisons de Savoie furent encore
renforcées par l'arrivée de nouvelles troupes. Dès le 5 avril 1792, Dumouriez apprenant
ces préparatifs déclarait qu'il les considérait comme un casus belli. J. de Maistre
rendit compte à Henri Costa des évènements qui se passaient à Chambéry ou à Turin.
Il approuva l'attitude du Roi refusant des excuses à Dumouriez dans l'incident
Sémonville, mais la Savoie ne lui semblait pas assez fortifiée. Elle n'a plus de
citadelle depuis les destructions opérées par Louis XIV! Il n'avait point une foi
aveugle dans les alliés autrichiens de son Roi. Il redoutait que son pays ne devînt un
champ de bataille. Il concluait: "Un repos de terreur de part et d'autre serait
peut-être ce qui vaudrait mieux. Ce vu peut n'être pas sublime, mais je le crois
prudent".
Ce "repos de terreur" il y croyait du reste avec la plupart de ses
contemporains. À Genève, les banquiers étaient de cet avis. Ils ne pensaient pas que
les Français envahiraient la Savoie, pays pauvre et aux défenses naturelles redoutables.
Une pareille campagne aurait constitué à leurs yeux une faute, alors que la France
était menacée et déjà envahie sur sa frontière du Nord et de l'Est. Les menaces de
Dumouriez étaient appréciées comme peu sérieuses.
Aussi J. de Maistre, prêtant à chacun de ses trois frères officiers 500 livres pour
leur mise d'entrée en campagne, avait soin de noter dans ses Carnets ce prêt avec la
mention: "Pour les besoins de la guerre réelle ou imaginaire".
D'ailleurs, dans la noblesse de Savoie, on partait comme pour une guerre en dentelle.
Les officiers, dans leurs cantonnements, s'adonnaient à une vie facile... Xavier de
Maistre, du régiment de la Marine, profita des réceptions qui se produisirent pour
marier sa jeune sur Thérésine avec un de ses amis, le jeune chevalier de
Constantin. La demande officielle fut faite le 25 janvier 1792, et le 13 février le
mariage "beau et attendrissant" était célébré à Chambéry.
En avril, il était question des noces d'une autre sur de J. de Maistre avec le
chevalier de Buttet, officier supérieur de l'armée sarde. M. de Buttet était artilleur.
Les choses allèrent avec un peu moins d'élan. Ce ne fut que le 5 juillet que J. de
Maistre porte dans ses Carnets: "J'ai embrassé M. de Buttet comme mon
beau-frère". On croyait si peu à la guerre que, le 20 août, il inscrivait qu'à
Chambéry on "s'effraye ridiculement". Le 19 septembre, il aurait refusé
facilement à son Roi, qui entendait par l'inflation se procurer des ressources pour cette
guerre, l'enregistrement d'un édit augmentant de 4 millions la circulation des billets
sur le trésor royal.
On comprend, dès lors, combien fut puissant l'effet
de surprise de l'attaque des Français dans la nuit du 21 au 22 septembre. Le général
Lazary n'esquissa aucune défense. Surpris, il donna l'ordre de retraiter sur le
Mont-Cenis et le Petit Saint-Bernard. Quant aux civils des administrations royales, ils
s'empressèrent d'évacuer la Savoie. Ce fut une cohue sans nom sur les routes.
Heureusement que les émigrés français, plus prévoyants, avaient commencé depuis
plusieurs jours à gagner Genève et Lausanne.
(à suivre)
3-1 Tribune libre.
La Savoie, la démocratie participative et
le Grand Démon Uniformisateur.
par Éric Verney.
Plus que dune lutte contre un occupant colonisateur, les Savoyards souffrent
dune lutte interne, dun problème didentité. Que ce problème
didentité se résolve, et la libération ne sera quune formalité.
Les Savoyards souffrent du même mal que leurs voisins français lorigine de
lépidémie est dailleurs probablement en France, ils souffrent des
méfaits du Grand Démon Uniformisateur. Ce que leur dicte ce démon est en tel désaccord
avec leur nature profonde quils en perdent les pédales et défendent des points de
vue tellement opposés entre eux quils en sont conduits à faire des pirouettes
intellectuelles forçant le respect, tant elles sont du domaine des professionnels de la
contorsion. Mais qui est donc ce grand démon, doù vient-il, que nous fait-il donc,
et surtout: comment sen débarrasser?
Le milieu paysan savoyard, doù je viens, ma donné certaines
caractéristiques mentales que je ne peux pas ignorer. Entre autres, du pragmatisme, et
une méfiance atavique pour tout ce qui est centralisme et ce qui se prétend venir
"den haut". En conséquence, je perçois avec clarté un certain nombre
didées répandues comme étant tout simplement des escroqueries intellectuelles.
Une de ces grandes escroqueries quon essaye régulièrement de me resservir est
celle qui consiste à dire que les paysans savoyards sont ou étaient des pauvres bougres
quil fallait sortir de leur "merde" en leur prodiguant les bienfaits du
"progrès", que les Français (je ne parle pas et ne parlerai pas de la France
ici, seulement des gens qui utilisent ce concept dénué dexistence concrète comme
outil de manipulation du réel), représentants du "pays des droits de
lhomme", venaient leur offrir bienheureusement, remplissant ainsi leur mission
divine dévangélisation des hères habitants ces vallées montagneuses
prétendument oubliées par les lumières de lEmpire français. Derrière ces
arguments auxquels beaucoup de mes interlocuteurs semblent croire sincèrement (qui
pourrait leur en vouloir, la propagande est faite pour fonctionner, nest-ce pas?),
il se dessine une réalité assez claire, surtout si lon se réfère aux écrits des
acteurs du début du siècle donc de ceux qui ont vécu les suites de
lannexion, et linstallation de la domination de lÉtat français, comme
Just Songeon pour ne citer que lui et toute différente de ce tableau bucolique
re-présenté à linfini par ceux qui ont bien appris leur leçon. La réalité est
quune campagne dacculturation a été et est toujours menée, avec
pour outil principal lutilisation détournée de l'école, afin dôter les
résistances culturelles naturelles à linstallation de lÉtat français
ultra-centralisé: le Grand Démon Uniformisateur arrivait! Mais na-t-il pas
bénéficié de complicités internes? Il me semble bien que si, ce qui justifie mon
introduction. Ces Savoisiens du 19e. siècle ont ainsi vendu leur âme au Diable, ou
plutôt, en loccurrence, à un de ses valets: le sus-nommé Grand Démon
Uniformisateur. "Mais comment diable (on sen sort pas!) peut-il imaginer des
choses pareilles?" me direz-vous. Pour une raison simple, vous répondrai-je. Depuis
la fin de lAntiquité et lapparition au Moyen-Age des États en Europe, le
seul frein à la réalisation des desseins hégémoniques des aristocraties guerrières
est le vieil esprit tribal et le paganisme. Le paganisme fut réduit par limposition
du christianisme, comme le firent par exemple les rois mérovingiens, mais beaucoup
dautres également (tous, en fait, arrêtez moi si je me trompe!). Dans la Hongrie
naissante par exemple, les populations étaient toujours païennes et sur le mode tribal,
en lan mille, ce qui rendait impossible la création dun État hongrois par
leur premier roi, puisque cette idée leur paraissait plus que perverse, comme à moi
aujourdhui mapparaît lescroquerie de lesprit uniformisateur. Mais
quel lien entre le paganisme et moi alors? Cest simple, cest toujours dans les
campagnes quont perduré les traditions les plus anciennes, et a fortiori les
campagnes moins accessibles comme les vallées retirées. Le mot "paysan"
lui-même vient du latin paganus, qui donne aussi païen, paganisme, pagu, etc.
Jestime donc que cest le milieu rural et paysan qui a toujours été le
sanctuaire de cet esprit de liberté ancestral, qui soppose aujourdhui comme
hier aux démons centralisateurs et uniformisateurs, et dont je suis, comme beaucoup
dautres, lhéritier aujourdhui. Cest dailleurs entre autres
dans les vallées de montagnes quont perduré les formes ancestrales de démocratie
qui furent réinventées en milieu urbain par exemple à la Commune de Paris. La première
chose à faire pour les bourgeois français, comme lont fait les rois
centralisateurs avant eux, était de déraciner cet esprit de résistance, en détruisant
les repères culturels qui y sont attachés (autrefois le paganisme), ils se sont donc
attaqués au patois! Ils savaient quil fallait stériliser la terre savoyarde de son
patois pour la soumettre, ce qui a marché, on peut le constater. Ajouté à ça
lutilisation non modérée de la terreur (relire Songeon), et la majorité choisit
naturellement de jouer la carte de la prudence, et donc se plie aux nouvelles règles: le
patois ne sera pas enseigné à lécole, les enseignements ne seront pas donnés
dans cette langue. On ajoute à ça une pincée de propagande dans les écoles,
impressionnant à merveille les petits, et dans les journaux, en utilisant quelques
figures locales censées représenter le "bon sens", comme ce médecin savoyard
de Paris cité par Songeon, et la sauce prend! Et cest parti pour les problèmes
psychogénérationnels, et les complexes dinfériorité. Et cest parti pour la
défense simultanée de la Savoie et dun certain esprit duniformisation, qui
sont pour moi complètement incompatibles, la Savoie et sa tradition rurale et paysanne
représentant pour moi justement cet esprit de liberté qui rend capable la coexistence de
différences, dans une interaction constructive, et totalement contraire aux vues
imposées par un groupe à un autre groupe, quel que soit le niveau de coercition utilisé
pour aboutir à ces fins. Celui qui ne sait pas convaincre autrui par le raisonnement et
qui utilise la tricherie, ladhésion émotionnelle, ou la force, pour soumettre son
voisin à sa volonté (et ainsi sanxiolyser) nobtiendra jamais mon adhésion.
Le consentement doit être libre et révocable, sinon il y a escroquerie, cest le
point de vue que me lègue mon éducation paysanne. Succomber aux coups de boutoir du
Grand Démon Uniformisateur est certes apaisant temporairement, mais délétère à long
terme, je nai pas de doutes là dessus. La plus grande richesse dont jai
hérité est cette tranquillité desprit que procure la vie contemplative des
paysans libres.
Bien, mais alors quoi faire? me direz-vous. Eh bien rien de bien compliqué: ne rien
attendre des escrocs, et agir! En premier, enseigner et transmettre le patois aux enfants
quitte à faire la classe dans les bois! et ce par les moyens que lon
juge soi-même bons, sorganiser pour rendre le patois visible dans la vie
quotidienne, au travail, chez les commerçants, en faire un usage maximal. Et en second se
réhabituer à lusage de la démocratie participative! Réclamer et/ou mettre en
place par linitiative individuelle des comités de quartier, et pousser les élus à
leur reconnaître une valeur décisionnelle au niveau des conseils municipaux. Introduire
par ce biais lusage du référendum au niveau local, car en comprenant les bienfaits
il sera tout naturel de lutiliser à un niveau élargi. La démocratie participative
est le seul moyen de contrecarrer lapathie politique dont souffrent les victimes du
Grand Démon Uniformisateur et du Grand Démon Centralisateur. Si les
"Français" se désintéressent autant de la politique, ou si ils ne se servent
de leur pouvoir électoral que comme moyen de sen prendre à autrui, en votant
contre, au moins pire, ou contre telle ou telle population, si on entend aussi souvent
"tous pourris" et si on est témoin dun tel fatalisme, cest bien
parce quils se font escroquer et quils sen rendent compte, sans bien
pouvoir y trouver remède, sans trouver un moyen réel dagir sur leur environnement
quotidien. Le moyen dagir leur a été volé, escroqué par des diseurs de bonne
aventure, et il est temps quils le reprennent. Leurs bulletins de vote sont
sempiternellement souillés par les fausses promesses et par le mépris des
"élites" qui ont acquis leur pouvoir à coup de félonie et de génocides
culturels, et qui bien sûr ne sont pas près de lâcher. Retrouver le chemin de
lAction par la démocratie participative est le seul moyen de guérir les
"Français" de Savoie (et dailleurs) de leur démotivation, de leur
fatalisme et de leur passivité, qui les font souffrir et dont ils ne voient pas bien
comment sortir. Lusage de la démocratie doit devenir un fait culturel, ce qui
nest pas le cas actuellement en France. Si ça létait, un jour spécifique,
au moins à fréquence mensuelle, serait réservé à lusage de la démocratie,
comme les chrétiens ont un jour de la semaine dédié au Seigneur. Comment pouvoir
participer aux débats préalables nécessaires à une élection, sans un jour dédié
spécifiquement à cette fonction? Lusage concret de la démocratie est, pour la
plupart, limité au geste du bulletin dans lurne. On est bien loin dune
culture véritable de la démocratie.
Lesprit de liberté paysan
nest pas mort, mais il est bien bloqué dans les complexes dinfériorité,
dont sont responsables les Français et leur collaborateurs, sur lusage de leur
langue, et donc de leur esprit profond, de leur nature véritable. Parler patois ne rend
pas les enfants débiles, et ne leur ôte aucune chance dans la vie (autrefois on croyait
que la branlette rendait sourd, voyez ce quon peut nous faire gober ).
Interdire lenseignement en patois ne répondait pas à un besoin de salubrité
publique, mais bien à un besoin politique! Lénergie qui ne circule plus est de
lénergie qui fait pourrir, qui crée des conflits. Redonnons la circulation à
lénergie de lâme savoyarde pour éviter qu'elle ne nous pourrisse dans la
cervelle en nous épuisant en conflits internes. Lesprit savoyard est porté par
lhumour et le pragmatisme. Songeon, ton esprit nest pas mort, je
lentends qui rigole encore!
E.V.
4-1 L'Europe
sans les peuples?
par Patrice Abeille,
Secrétaire général de la Ligue savoisienne.
Le 13 juin 2004 s'est davantage signalé à l'opinion publique comme le début de l'Euro
2004 de football que comme le dernier jour de l'élection du Parlement européen. Les
résultats de cette élection, pourtant unique en son genre (350 millions d'électeurs
désignant 732 députés pour 450 millions d'habitants), ont été moins commentés que
les matchs que se livrent les équipes sportives européennes sur les terrains du
Portugal.
On cherche encore les Zidane de la science politique: aucun
politologue n'a encore réussi à placer dans les buts une analyse convaincante de
l'abstention massive des électeurs, qui a surtout sévi en Europe centrale dans des
États qui avaient tout fait pour adhérer le plus vite possible à l'Union européenne.
Quant à la dynamique de la construction européenne, elle ne connaît pas de percée
fulgurante, même si les 25 chefs d'États et de gouvernements réunis à Bruxelles les 17
et 18 juin ont réussi, comme pour faire oublier la calamiteuse élection du Parlement, à
se mettre d'accord sur le texte d'une Constitution, qui reste à ratifier.
4-2 Le désintérêt,
l'incompréhension et l'insouciance des Européens.
Les taux d'abstention constatés, souvent énormes, laissent perplexe: 83% en Slovaquie,
79% en Pologne, 73% en Estonie, suivies de près par la Slovénie et la Tchéquie (72%).
Ces cinq pays avaient opté sans ambiguïté, l'année dernière, pour l'adhésion à
l'Union, dont ils reçoivent déjà des aides substantielles pour la mise à niveau de
leurs économies.
À l'autre extrême on trouve des pays où le vote est une obligation légale ou une
tradition encore bien ancrée, l'abstention restant marginale ou faible: Luxembourg (7%),
Belgique (9%), Malte (18%), Italie (27%)Chypre (29%).
La France, avec 57% d'abstention, se place dans la moyenne du désintérêt européen,
aux côtés de l'Autriche, de l'Allemagne ou de la Finlande.
Désintérêt par incompréhension, sans doute: la complexité des procédures
européennes est telle que très peu d'Européens savent comment se prennent des
décisions qui pourtant ont des conséquences très concrètes sur la vie quotidienne,
comme on l'a vu avec l'introduction de l'euro en remplacement des monnaies locales.
L'incompétence et la médiocrité des médias portent une lourde responsabilité dans
cette situation.
Ajoutons que le Parlement européen, dont les pouvoirs ne sont pas clairs, travaille par
consensus et compromis entre ses groupes politiques. Cette méthode, excellente sur le
plan démocratique, n'est pas lisible par des peuples trop mal informés du fonctionnement
parlementaire. Elle ne présente pas la simplification idéologique (clivages
droite/gauche, oppositions religieuses, ethniques, linguistiques, etc.) qui d'ordinaire se
prête aux dramatisations mobilisatrices.
Et c'est tant mieux.
Mais il manque sans doute aux Européens, pour se rassembler volontairement et
librement, la perception claire d'un ennemi, ou du moins d'un adversaire menaçant, d'un
danger contre lequel l'union serait nécessaire pour se défendre et se protéger. Les
rares exemples historiques d'union politique volontaire et libre sont nés d'un mouvement
défensif: la Suisse s'est faite contre les Habsbourg et pour éloigner les guerres qui
ravageaient l'Europe; les États-Unis d'Amérique sont nés du refus de la domination
coloniale britannique. La cohésion de ces deux ensembles fédéraux s'est affirmée à
l'occasion des deux guerres mondiales du vingtième siècle.
Aujourd'hui l'Europe ne se sent plus menacée par l'Union soviétique, qui a disparu, ni
même par la Russie, paralysée par ses problèmes internes. Les pays d'Europe centrale,
qui ont encore un peu peur de leur voisin russe, ont mis plus de détermination à
intégrer l'OTAN, garantie militaire d'intégrité territoriale, qu'à s'impliquer dans
l'Union européenne, perçue comme un complément économique à leur passage à l'ouest
plutôt que comme une construction politique continentale.
Le péril islamique, brusquement revenu à la première place depuis 2001, est difficile
à identifier et à situer géographiquement. L'Europe semble dépassée par le caractère
planétaire d'une guerre d'un type nouveau dans laquelle les USA et la nébuleuse Al Qaida
tiennent les premiers rôles. Sous l'influence de la France, l'Union européenne refuse
d'assumer son passé chrétien (le préambule de la Constitution n'y fait pas référence,
malgré les demandes insistantes de plusieurs États) et persiste à réserver un bon
accueil à la candidature d'adhésion de la Turquie.
Dans ces conditions, ceux qui considèrent l'islam comme un
danger de type totalitaire ne peuvent que s'abstenir ou se tourner vers des partis
nationalistes hostiles à l'intégration européenne.
4-3 France, sud-est, Savoie:
le vote sanction.
En France, les 17,7 millions d'électeurs qui ont décidé d'exercer leur droit de vote
le 13 juin (42,8%) ont surtout pris position sur la politique intérieure, et non sur les
questions européennes. Le "souverainisme" gaulois est en net repli: 8,5%
cumulés pour les listes Pasqua et Villiers, contre 13% en 1999. Seul représentant de ce
courant dans le sud-est, le professeur d'université lyonnais Patrick Louis (MPF) a été
élu de justesse avec 6,15% des voix. Dans toute la France, le MPF de Philippe de Villiers
n'obtient que 3 députés, tandis que le RPF de Charles Pasqua est éliminé. L'extrême
droite, ou droite nationale comme elle se désigne elle-même (FN et MNR) progresse peu
par rapport à son score cumulé de 1999: ce courant passe de 9 à 10% (et 13% dans le
sud-est), ses sympathisants étant particulièrement peu motivés par l'Europe en
général.
La grande majorité des électeurs s'est donc contentée d'arbitrer un classique
affrontement droite-gauche, en faveur de cette dernière, qui est dans l'opposition sur le
plan français: c'est le phénomène classique du vote-sanction, ou vote protestataire,
qui a fonctionné aussi dans plusieurs autres États. Le PS, à 29%, est le grand
vainqueur de cette élection. Il éclipse aussi bien l'extrême gauche (3%) que le PC (5%)
et les Verts (7,4%, en retrait de plus de deux point par rapport à 1999). À droite,
l'UMP enregistre sa troisième défaite (après les régionales et les cantonales) et doit
se contenter de 16,6% (20% en Savoie). La machine à gagner de Jacques Chirac a maintenant
toutes les caractéristiques d'une machine à perdre. Elle est talonnée par l'UDF (12%)
alors que pourtant le parti de François Bayrou a perdu la plupart de ses élus, qui
s'empressèrent en 2002 d'aller manger la bonne soupe électorale UMP...
Les résultats en Savoie ne diffèrent pas beaucoup des moyennes sur France et sud-est.
Avec 40% de votants seulement (le record étant détenu par la Corse: 28%!), les Verts,
l'UDF et l'UMP font en Savoie un peu mieux qu'ailleurs, le FN, le PS et le PC un peu moins
bien. En Savoie comme ailleurs, on peut s'inquiéter de la perspective de trois années
sans élections, avec au pouvoir une droite très minorisée et des problèmes
inextricables d'ordre financier, économique, social et sociétal.
À l'issue de ce scrutin du 13 juin, la Savoie se retrouve,
comme précédemment, sans aucun député européen: aucun des 13 élus du sud-est n'a la
moindre implantation politique en terre savoisienne!
4-4 La liste A.L.P.E., une
tentative d'avenir.
Quand le Conseil des Provinces de la Ligue savoisienne a pris la décision, le 16 mai
dernier, de déposer une liste de candidats, il savait bien qu'il se lançait dans une
expérience inédite: faire une campagne électorale européenne sans bourse délier.
C'est en effet essentiellement sur internet (avec l'appoint de L'Écho de Savoie et de
quelques affichettes) que la liste A.L.P.E. a fait connaître son existence et ses
propositions.
Les 1172 suffrages recueillis dans le sud-est sont à la mesure du faible développement
d'internet en France et de l'organisation encore très routinière des élections
politiques. Il est facile de comprendre pourquoi le système politique en place résiste
à l'innovation technique, qui pourrait pourtant faire baisser l'abstention. L'impression
des affiches, circulaires et bulletins mobilise des budgets considérables, c'est un
barrage financier sérieux pour tous les mouvements qui ne sont pas certains d'obtenir le
nombre de suffrages exigé pour le remboursement des frais de campagnes.
La liste A.L.P.E., classée "régionaliste" par les préfectures, affichait
pourtant clairement la couleur dans son titre: Alliance pour la Liberté des Peuples
d'Europe. Son programme, c'était tout simplement l'autodétermination pour tous les
peuples qui souhaitent en bénéficier, le fédéralisme intégral permettant à chaque
peuple de se doter des institutions les plus adaptées. Un tel programme comportait
évidemment la contestation radicale du système français d'oppression de la périphérie
par le centre, et le choix de refonder nos institutions en s'inspirant des modèles
fédéraux qui réussissent si bien ailleurs.
Avec la liste A.L.P.E., les
Savoisiens se sont adressés pour la première fois à l'ensemble des habitants de la
France du sud-est: Français sans autre identité mais aussi Provençaux, Occitans,
Niçois, Corses, et bien sûr Savoisiens. La Ligue ne s'est pas résignée à la
passivité, alors qu'aucune des autres listes en présence n'était prête à admettre que
Nice, la Savoie et la Corse demeurent des pays annexés, par la force et la ruse, et
conservent le droit de se désannexer. Cette démarche courageuse trace une voie d'avenir.
Il y a une place pour la Savoie et pour les autres nations sans État dans l'Europe qui se
construit. Et voici que cette construction vient d'être relancée par l'adoption d'une
Constitution...
4-5 Une Constitution adoptée
(pour 2009), des ratifications incertaines (d'ici mi-2006).
Grâce à l'habileté du Premier Ministre d'Irlande Bertie Ahern, président de l'Union
jusqu'au 30 juin, les 25 chefs d'États sont parvenus à se mettre d'accord le 18 juin et
ont signé le texte d'une Constitution. L'essentiel du compromis présenté par la
Convention, présidée par Valéry Giscard d'Estaing, a été retenu, malgré quelques
tractations de dernière minute. On se reportera à l'analyse présentée dans la
précédente édition de L'Écho de Savoie (n°72, juin 2004).
Les pays les plus réticents ont obtenu principalement la préservation de leur droit de
veto sur certaines matières, et un changement dans le calcul des majorités qualifiées.
Désormais, la plupart des décisions seront prises si une proposition recueille le
soutien de 55% des États (actuellement 14 États) représentant 65% de la population de
l'Union. Et la Commission continuera à comporter au moins un Commissaire par État membre
jusqu'en 2014. Pour tout le reste, le texte adopté conserve ses qualités premières:
clarification, simplification et meilleure efficacité des institutions européennes.
La Constitution, toutefois, n'entrera en vigueur qu'en 2009, après la prochaine
élection du Parlement. Si tout se passe bien , c'est-à-dire si les 25 États membres la
ratifient dans un délai de deux ans, soit par référendum, soit par un vote
parlementaire, chaque État étant libre de définir sa procédure.
Les gouvernements ne sont pas pressés de procéder à ces ratifications. Il faudra du
temps pour expliquer cette Constitution aux électeurs et pour obtenir leur soutien. Les
premières ratifications ne devraient pas intervenir avant 2005. En France, le président
Chirac sera seul à décider si un référendum est organisé ou si le Parlement se
réunit en Congrès à Versailles. D'ici là, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts.
Les Savoisiens peuvent se préparer à approuver, si l'occasion leur en est donnée, la
seule Constitution actuellement possible pour l'Union européenne...
P.A.
5-1 mots croisés
Voir le journal
5-2 Les dessins de L'Écho de
Savoie
Les dessins qui paraissent dans L'Écho de Savoie
sont (sauf signature différente) de la plume de Gérald Wojtal-Aillaud, vice-chancelier
de la Ligue savoisienne en Tarentaise.
6-1 Petites annonces savoisiennes.
(insertion gratuite pour nos abonnés)
Achète fournitures d'horlogerie anciennes, outils, montres anciennes, fraises à
tailler Carpano, montres à verge ainsi que pièces détachées. Jehan-Louÿs Baud tel 02
37 38 17 14 (le soir).
Carte historique de la Savoie en 1856, éditée sur papier glacé 70X50cm. 3
euros la copie. tel 0450 43 33 95.
RECHERCHE films argentiques (pas video) tous formats (principalement 16 mm)
tournés en Savoie ou dans la région lémanique (Chablais, Genève, Valais, Vaud).
Catégorie indifférente (voyage, famille, sport, films à scénario, fiction, etc.).
Courts ou longs métrages, sonores ou muets, noir et blanc ou couleurs, toutes époques.
Faire offre au 0450 35 48 97.
RECHERCHE pour création d'un site internet, tous documents, renseignements
concernant les drapeaux et la vexillologie des communes de Savoie. Nicolas Deprez, Chemin
de Boissonnet 37, CH-1010 LAUSANNE. tel. 0041 21 652 00 88
Naissance:
Félicitations à Catherine (fille d'Albert et Bernadette Prallet) et à Pascal Gachet
pour la naissance de Chloé (2,9kg), venue au monde le 10 juin 2004 à Albertville.
Mariage:
Guylaine (fille de Guy et Viviane Martin) et Jérôme Gaimard se sont unis en l'église
de Bourg Saint-Maurice le samedi 19 juin 2004. Le vin d'honneur a été servi à Vulmix,
chez les parents de la mariée. L'Écho de Savoie adresse tous ses voeux de bonheur aux
jeunes mariés.
6-2 Les rendez-vous savoisiens.
9 juillet vers 21 heures:
concert gratuit au Parc d'Annemasse
au programme: La Kinkerne
(Savoie) et Ariondassa (Piémont).
14 juillet: fuyez le bleu-blanc-rouge et les
fêtes coloniales...
...et réfugiez-vous en Suisse pour une journée!
Une sortie en car sur la côte vaudoise, avec la visite du magnifique château de
Chillon, construit par le comte Louis II de Savoie. Jean de Pingon sera sur place et vous
fera profiter de son érudition.
Prix par personne comprenant voyage, visite guidée du
château et pique-nique: 55 (de 10 à 16 ans 45, jusqu'à 10 ans 35).
dimanche 1er août: Fête aux Aillons (station) en Bauges
Soupe bûcheronne, au son des
trompes de chasse de l'Écho du Viviers.
samedi 14 août: Fête du terroir à Héry sur Ugine.
Grande fête du patrimoine à
partir de 10 heures: jeux, métiers anciens, produits du pays... promettent une excellente
journée. Repas sur place.
14 et 15 août: carte blanche à la Kinkerne.
Le célèbre groupe musical savoisien La
Kinkerne fêtera son 30e. anniversaire dans le cadre du Feufliazhe, fête de la langue et
de la culture de Savoie, à Plaine-Joux d'Onnion (entre Onnion et Bogève, en limite du
Faucigny et du Chablais).
Musique à volonté le 14 après-midi et soir, et encore le
15 août...
22 août: Fête des bergers au col du Petit
Saint-Bernard.
La Tarentaise et le Val d'Aoste se rencontrent au cur de l'été sur un point de
passage connu et fréquenté depuis l'Antiquité. Les combats de Reines donnent au
rassemblement son caractère incomparable. Le marché est animé de chants et danses de la
montagne. La Ligue savoisienne y aura son stand, organisé par le comité de Tarentaise.
Du 25 au 30 septembre: Voyage au Pays
Basque.
Voyage en autocar Frossard avec visite de nombreux sites en dehors des circuits
touristiques: une occasion exceptionnelle de découvrir et comprendre un pays de montagne
très attachant, dont les media ne livrent que des caricatures. Prix: 555 par
personne en demi-pension.
Le voyage vous emmène dans tout le Pays Basque, nord et sud: attention à la date de
validité de votre passeport ou carte d'identité...
Demandez le programme détaillé au secrétariat de la Ligue 04 50 09 87 13.
Fin des inscriptions le 30 juin 2004!
7-1 Halte aux envois sous
film plastique!
de Marie-Françoise Mestrallet à Esserts-Salève (Faucigny):
Dans notre Savoie, comme en France
voisine, nous constatons une prolifération des déchets, notamment par la diffusion de
produits non biodégradables tels que les enveloppes plastiques entourant magazines,
journaux, documents publicitaires...
Ces matériaux viennent remplir inutilement nos poubelles et servent de prétexte aux
incinérateurs, dont les nuisances sont inacceptables et les profits réalisés au
détriment de notre santé.
En matière de traitement des déchets, la question essentielle n'est pas: où mettre
les déchets? mais plutôt: comment en produire le moins possible? Des mesures concrètes
de réduction à la source sont à mettre en application. Différentes solutions sont
envisageables, comme l'utilisation d'enveloppes en papier ou de bandeaux ayant l'avantage
d'être plusieurs fois recyclables et d'être, en fin de vie, biodégradables.
En tant qu'abonnée, je vous demande de faire tout votre possible pour ne plus m'envoyer
notre journal sous plastique.
M-F. M.
Réponse:
La logique industrielle de nos fournisseurs échappe à la compétence de la rédaction
de L'Écho de Savoie. Nous allons donc poser la question à notre routeur (Savoy-Offset à
Annecy le Vieux) et nous vous ferons connaître la suite qu'il y donnera.