DYSPRAXIES
DE L'ENFANT ET REPERCUSSIONS SCOLAIRES
Docteur
Michèle MAZEAU
Je vais vous
présenter brièvement une pathologie cognitive propre à
l'enfant, - la DYSPRAXIE -, pathologie assez fréquente mais
encore trop méconnue, pathologie à l'origine de grandes
difficultés scolaires chez des enfants par ailleurs intelligents
et motivés par les activités intellectuelles.
N.B. Je n'évoquerai pas le pb des dyspraxies associées aux
dysphasies, dans la mesure où c'est alors la dysphasie qui occupe
le devant du tableau. Je n'envisage aujourd'hui que le cas, très
fréquent, de l'enfant dont la dyspraxie constitue le seul trouble
cognitif.
Ce trouble, dont la riche symptomatologie scolaire peut-être déroutante,
peut survenir aussi bien chez des enfants sans aucun antécédent
neurologique connu (on parlera alors de dyspraxie développementale)
que chez des enfants présentant des antécédents particuliers
(par exemple, anciens prématurés) ou une symptomatologie
neurologique patente (par exemple, IMC).
I - QU'EST-CE QU'UNE DYSPRAXIE ?
Les praxies sont des fonctions cognitives élaborées, qui
permettent la gestion de tous les gestes volontaires, finalisés.
Au delà de cette définition très générale,
il nous faut préciser ce que recouvre le terme de " dyspraxie
" d'une façon plus concrète, et nous le ferons en essayant
de répondre à plusieurs questions, telles qu'elles se posent
en pratique clinique.
1 - En quoi ce trouble se différencie-t-il d'un " retard
" moteur ?
Cf. tableau suivant (" les voies practo-gnosiques ").
La motricité, en elle-même (commande motrice analytique des
différents muscles et groupes
musculaires) n'est qu'une des composantes de notre activité gestuelle.
Tous les gestes finalisés
(mettre la cuillère à la bouche, se coiffer, tracer des
lettres, jouer au tennis, s'habiller, tricoter ou
battre des oeufs) supposent une gestion complexe de nombreux mouvements
élémentaires, de
modulations posturales, de régulations temporelles et spatiales,
subtilement et très précisément
coordonnées, et spécifiques à chaque geste, à
chaque activité.
Alors que les commandes motrices des muscles et/ou groupes musculaires
- permettant les
mouvements - sont en place très précocement dans le développement
et, pour l'essentiel, sous
contrôle génétique (" pré-cablé
"), les gestes (ensemble de mouvements permettant la réalisant
d'un
projet moteur finalisé) sont, eux, le fruit d'un long apprentissage.
Sous l'effet de la répétition, de
l'entraînement, des essais et erreurs successifs, se construisent
peu à peu des schémas, inscrits
cérébralement, sortes de " cartes " toutes prêtes
contenant l'ensemble des instructions pour planifier, pré-programmer
chacun de nos gestes. Ce sont les PRAXIES, qui permettent, à partir
de la simple évocation du projet du geste, une réalisation
gestuelle automatisée, harmonieuse et efficace.
LES VOIES PRACTO-GNOSIQUES
Si, en raison de lésions ou de dysfonctionnements cérébraux,
la constitution de telles cartes ne se fait que partiellement ou de façon
défectueuse, l'enfant devra pallier cette absence de planification
globale par une succession de mouvements séquentiels, la mise en
oeuvre de stratégies volontaires,
contrôlées consciemment, qui aboutiront à une réalisation
lente, malhabile, dysharmonieuse, et
cognitivement très coûteuse.
2 - Quels sont les signes qui doivent alerter dans le cadre d'une consultation
?
Tout d'abord, insistons donc sur le fait qu'on ne suspectera une dyspraxie
que si l'enfant a été
normalement exposé à l'apprentissage de tel ou tel geste,
- soit par une exposition spontanée liée à
son environnement, soit par un apprentissage volontariste de la part des
adultes -.
Ainsi, certaines habiletés font-elles normalement partie des apprentissages
de tout enfant, à notre
époque, dans nos sociétés - influence déterminante
de l'aspect culturel +++- et ces apprentissages "
obligatoires " sont alors utilisés pour évaluer les
acquisitions des enfants à un âge donné.
Ainsi, en consultation, on pourra facilement s'assurer des performances
praxiques de l'enfant :
[Cubes] : empiler des cubes (2 cubes ~ 1 an, 3 cubes ~ 18 mois, 6 cubes
~ 2 ans), faire un pont avec 3 cubes (~ 3 ans), une pyramide 3/2/1 (~
5 ans)
[Graphisme] : tracer des traits circulaires (~ 2ans), des croix (sur modèle,
~ 3ans), des carrés (~
4ans), écrire son prénom (grande section de maternelle),
copier un losange (7ans) ou un cube (8 ans), etc
[Vie quotidienne] : manger seul de la purée (~ 18 mois), mettre
ses chaussettes (~ 2 _ - 3 ans) ou
faire un noeud de lacet (~ 6-8 ans).
Un retard marqué dans ces acquisitions gestuelles, si l'enfant
n'a aucune difficulté motrice
analytique, aucune anomalie orthopédique ou musculaire, et si l'enfant
est normalement performant
sur le plan raisonnemental et langagier, ce retard électif est
alors un signe d'appel à ne pas négliger.
En outre :
¤ Dans ces domaines, l'enfant ne progresse pas - ou peu, ou de
façon nettement insuffisante - d'une
consultation à l'autre (par exemple, à 3-4 mois d'intervalle)
: ses réalisations, pour la tâche
considérée, sont par ailleurs très fluctuantes, allant
du résultat presqu'acceptable mais non
reproductible, à une réalisation méconnaissable.
Bien sûr, l'enfant progresse bien un peu avec l'âge mais beaucoup
plus lentement que ses pairs, et,
donc, loin de combler pas son " retard ", l'écart entre
ses productions et celle des autres enfants de
son âge ne cesse de croître.
¤ Enfin, assez souvent, - ceci est fréquent mais non constant
-, l'enfant n'est pas aidé par le modèle,
la démonstration préalable, la copie : il réussit
aussi bien (voire mieux) sur consigne orale, et sans
démonstration (cf plus loin, le cas de la dyspraxie dite "
visuo-spatiale ", où l'afférence visuelle, la
consigne " regarde bien " aggrave la performance, parasite l'enfant
au lieu de l'aider).
¤ L'interrogatoire des parents confirme le désintérêt
de l'enfant pour les jeux de construction, les
cubes, les légos, les clippos, les puzzles, les mécanos,
et sa maladresse dans toutes les activités
manuelles, alors qu'il accède normalement aux jeux symboliques
et adore les histoires et la
télévision, n'a aucun trouble du comportement.
3 - Comment distinguer entre une " maladresse" banale ("
retard ") et une pathologie dyspraxique ? (=affirmer le diagnostic)
Le doute s'installe donc entre 2 et 4 -5 ans, mais, au delà de
la suspicion, le diagnostic doit être
affirmé, selon l'intensité du trouble, entre 4 et 6 - 7
ans (avant l'entrée à l'école primaire +++). La
certitude diagnostique ne sera établie qu'après prescription
d'un test psychométrique (pratiqué
par une psychologue), équivalent, dans le domaine cognitif d'un
examen complémentaire de "
débrouillage ".
En effet, en cas de dyspraxie, le diagnostic sera attesté par l'existence
d'une dissociation
significative, aux tests étalonnés (WPPSI ou WISC selon
l'âge, par exemple), entre les
performances gestuelles et les performances verbales, raisonnementales
et conceptuelles (ces
dernières étant normales, voire normales/supérieures
car on voit souvent des sur compensations
spontanées dans ces domaines).
Cet élément psychométrique, encore trop souvent négligé
est pourtant essentiel au diagnostic,
puisqu'il prouve :
¤ qu'il ne s'agit pas d'un enfant globalement " en retard
", encore moins d'un enfant déficitaire. [En
effet, le doute existe souvent, chez l'enfant de moins de 3-4 ans, si
les potentialités intellectuelles
sont - à tort - assimilées à ses compétences
gestuelles : ainsi, faire faire une tour de X cubes, un rond ou une croix,
dessiner un bonhomme têtard, etc, toutes compétences essentiellement
praxiques, sont des épreuves encore trop souvent utilisées,
tant en consultation qu'à l'école maternelle, pour estimer
globalement la " maturité " intellectuelle d'un enfant.
Prises isolément, ces épreuves peuvent conduire à
des erreurs d'interprétation - déficience mentale, par exemple
-, lourdes de conséquence pour l'avenir de l'enfant +++].
¤ que la " maladresse " et les retards d'acquisition
constatés se situent bien en dehors des normes : il ne s'agit donc
pas d'un enfant maladroit, se situant à la limite inférieure
de la norme pour telle ou
telle activité, mais bien d'un enfant " pathologique "
(à - 2 D.S.).
Seuls les tests étalonnés autorisent ces deux affirmations
: il faut donc savoir les demander (dès l'âge de 4 ans),
et surtout ne pas se contenter des résultats globaux, moyennés,
en terme de QI, puisque c'est la dissociation entre les épreuves
gestuelles (cubes, épreuves graphiques, puzzles) chutées
et les épreuves verbales ou raisonnementales réussies qui
est à prendre en compte.
II - LES PLAINTES SCOLAIRES
Dès la moyenne ou la grande section de maternelle, l'enseignant
va s'inquiéter d'un retard
graphique, plus ou moins précocement individualisé en
fonction de son intensité : s'il est sévère, il
inquiétera dès la petite section ; s'il est modeste, il
sera interprété de différentes façons (le
plus
souvent sur un mode psychiatrique) et pourra quelquefois être "toléré"
assez longtemps, ne posant
problème qu'à partir du CE1.
Ce retard graphique se traduit par :
- une grande pauvreté des dessins spontanés, qui
cependant donnent lieu à des commentaires tout à fait adaptés
à l'âge et aux intérêts de l'enfant. Mais on
est frappé du fossé qui se creuse entre le projet que l'enfant
énonce et sa réalisation. Quelquefois, le "dessin"
(si l'on peut dire !) se résume à des séries de points,
de traits isolés, de pseudo-cercles mal raccordés, non reliés,
plus ou moins
dispersés dans la feuille.
- la non-réalisation de figures attendues à certains
âges : le rond, la croix, le bonhomme-têtard, le carré,
etc ...
- une difficulté +++ à l'écriture, au tracé
des lettres.
Ce retard graphique s'accompagne d'une grande maladresse gestuelle dans
tous les actes de la vie
quotidienne : tout ce que l'enfant touche tombe, se casse, s'emmêle,
s'embrouille, se chiffonne, se
tâche. Il échoue à coller, découper, placer
des gommettes ; il ne peut souligner ni entourer, sans
raturer, biffer, gribouiller.
Au contraire, il est très à l'aise dans les activités
verbales : il parle, raconte, invente, préférant les
jeux musicaux, les récits et histoires, inventant avec ses amis
de nombreux jeux d'imagination. En
effet, toujours sociable et bavard, l'enfant continue d'être très
performant à l'oral, tandis que
s'extériorise de plus en plus la dissociation d'avec les tâches
graphiques et "manuelles", où il est
manifestement de plus en plus en difficulté.
A partir du C.P./CE1, la dysgraphie sera de plus en plus
flagrante - du fait des exigences scolaires grandissantes, et non du fait
de l'aggravation de la pathologie, qui elle, est stable -. Cette dysgraphie
dyspraxique ne consiste nullement en un retard maturatif, et encore moins
en un " retard " dans l'accès conceptuel au langage écrit,
mais est une réelle pathologie instrumentale de la réalisation
graphique de l'enchaînement gestuel des lettres. L'écriture
manuelle reste malhabile, privilégiant les lettres " non-attachées
", souvent difficilement identifiables. S'y ajoutent des lettres
oubliées, des lettres en miroir, une mise en page désastreuse.
Souvent la relecture, qui a une fonction fondamentale de feed-back lors
de l'apprentissage, est compromise, faisant le lit d'une
dysorthographie secondaire.
Enfin, au CM, la dyscalculie sous forme d'une dyscalculie spatiale, prendra
le devant du tableau.
N.B. Cette dyscalculie spatiale rend compte de la contre-performance habituelle,
au sein des
épreuves verbales des tests psychométriques, au sub-test
" arithmétique ", souvent très échoué.
Il ne s'agit pas du tout d'une difficulté conceptuelle, ni aucunement
d'un déficit des fonctions " logicomathématiques"
au contraire généralement intactes.
A ce stade, dysgraphie et dyscalculie peuvent motiver des redoublements
itératifs -tout à fait
inefficaces ! - , et conduire à l'exclusion du circuit scolaire
normal.
Il s'agit donc d'une pathologie cognitive qui va finalement se traduire
par un échec scolaire global, diffusant dans tous les secteurs
des apprentissages scolaires, échec incompris et vécu très
douloureusement par l'enfant et sa famille. Le pédiatre sera alors
consulté en raison de cet échec scolaire, des difficultés
comportementales qu'il induit, et de l'orientation thérapeutique
à conseiller (en l'absence de diagnostic, les enfants sont adressés,
selon les habitudes " locales " au CMP, au pédopsychiatre,
à la psychologue, à l'orthophoniste, ) que.
Quels sont les mécanismes pathologiques sous-jacents à
cet éventail de symptômes scolaires ?
Constamment, on retrouve donc derrière ces symptômes, une
dyspraxie constructive. Mais cette
dernière peut revêtir deux grandes formes cliniques :
¤ soit une dyspraxie " pure ", isolée.
¤ soit - et c'est le plus fréquent, en particulier chez
les anciens prématurés -, une dyspraxie
visuo-spatiale : l'enfant est alors porteur d'autres troubles cognitifs,
constamment associés à la
dyspraxie : des troubles neuro-visuels, et des troubles de la structuration
spatiale. Cette association
doit être suspectée chez tout enfant porteur d'un strabisme
alternant précoce, surtout s'il s'agit d'un
ancien prématuré. Il s'agit essentiellement de troubles
du regard, de tr. oculo-moteurs, sous la forme
d'un trouble de la poursuite oculaire et du calibrage des saccades [ N.B.
L'examen ophtalmologique,
hormis d'éventuels et banals troubles de réfraction, est
pratiquement toujours normal].
La non-acquisition de stratégies de regard valides et différenciées
en fonction du matériel visuel,
rend compte de l'inefficacité pour ces enfants du canal visuel
pour la plupart des acquisitions de
base. En particulier, le balayage des scènes visuelles, l'exploration
visuelle de l'environnement ou de
dessins est très compromise. Les yeux de l'enfant errent sans balayage
ordonné ni systématique.
Certains éléments sont vus, d'autres non. Les yeux se déplacent
de façon plus ou moins anarchique,
et les stimuli sont perçus au hasard des mouvements aléatoires
des globes oculaires.
On comprend alors quelles seront les difficultés de l'enfant pour
construire l'espace à 2 dimensions -
page, feuille, tableau, écran, -, espace où les mouvements
oculomoteurs sont irremplaçables pour
situer les éléments les uns par rapport aux autres (topologie).
En effet, dans l'espace à 3 dimensions, d'autres indices - proprioceptifs
et kinesthésiques, liés au déplacement du corps ou
aux mouvements du membre supérieur ou aux effets spatiaux des gestes
-, sont exploitables pour construire les relations spatiales. Dans l'espace
de la feuille, du livre ou du tableau - espaces éminemment scolaires
-, seuls les mouvements des globes oculaires indiquent les rapports typologiques.
Ces troubles vont se traduire par une incapacité troublante
à s'organiser dans l'espace-feuille :
mise en page défectueuse, cahiers sales et brouillons, mais aussi
échec à toutes les activités très chargées
en facteur spatial, telles que les tableaux à double entrées,
la géométrie, le dessin, certaines activités manuelles,
la géographie, etc. Ceci est souvent interprété,
à tort, comme un manque d'application de l'enfant, voire une provocation
ou un refus scolaire, interprétation qui déroute l'enfant
et induit son découragement.
Or, seule la recherche systématique de tels troubles du regard
permet de les mettre à jour : examen
neuro-ophtalmologique (encore difficile à obtenir en pratique du
fait de la rareté des spécialistes,
surtout chez l'enfant) ou examen orthoptique par un professionnel averti
de ces troubles, mais aussi,
en consultation, dès 4-5 ans, par un bilan clinique simple,
tel le suivi d'une ligne avec le doigt, où un test de barrage :
on constate alors l'incapacité de cet enfant à suivre une
ligne (difficultés accrues aux intersections), et, dans les tests
de barrage, on note les oublis dispersés tandis que certains items
sont désignés à plusieurs reprises, reflet de l'anarchie
des stratégies du regard.
Les implications de ce trouble dans les activités de dénombrement
sont évidentes, puisque des
certains éléments seront vus et comptés plusieurs
fois, alors que d'autres seront oubliés, et ce, au gré des
saccades oculaires aléatoires explorant la collection à
dénombrer. Le dénombrement spontané, ou induit par
l'enseignant en maternelle, racine des premières notions de nombre
chez l'enfant normal, sera alors au contraire source de confusions compromettant
gravement et durablement l'établissement des fondements de l'arithmétique.
Ces mêmes troubles de l'organisation du regard vont gêner
la lecture, qui, sur un plan strictement
instrumental, nécessite une stratégie de regard complexe
et très élaborée.
Lorsque ces stratégies complexes ne peuvent être mises en
place et automatisées du fait de troubles du regard, lorsque la
succession des mouvements oculaires est surchargée de mouvements
parasites, plus ou moins anarchiques, l'enfant se perd alors dans le texte,
ne sait plus où il en est, ne peut mener à bien une recherche
précise (par exemple, rechercher tel mot ou tel passage pour répondre
à une question), donnant alors, à tort, l'impression qu'il
ne comprend pas ce qu'il lit. En fait, cet enfant n'a aucun problème
particulier de compréhension en lecture, mais sa prise d'information,
pour des raisons instrumentales (et non " intellectuelles "),
est défaillante.
De même, le calibrage très approximatif des saccades ne leur
permet pas de saisir convenablement
l'enveloppe visuelle des mots écrits, ce qui gêne la constitution
de leur lexique orthographique. Ceci,
ajouté au fait (dysgraphie) qu'il se relisent difficilement et
qu'il gaspillent une énergie démesurée
dans le geste graphique (au dépens de l'attention aux autres aspects,
notamment orthographique, du
mot écrit) , conduit à l'instauration progressive et inéluctable
d'une dysorthographie, scolairement
pénalisante.
Ces enfants vont donc apprendre à lire, mais lenteur et fatigabilité
intenses, difficultés de recherche
précise dans un texte, puis constitution d'une dysorthographie
vont peu à peu enfoncer cet enfant
progressivement dans un échec scolaire de plus en plus global et
de plus en plus intense, qui fera
souvent parler de paresse, de manque de motivation, de troubles psychologiques,
de déficit socioculturel.
III - QUELLES AIDES ? QUEL PRONOSTIC ?
Comment aider ces enfants intelligents, motivés par les acquisitions
intellectuelles et qui souffrent de
leurs échecs ? Comment éviter que ces difficultés
prennent des proportions telles que ces enfants ne
pourront pas être maintenus dans le système scolaire, comment
éviter leur exclusion ?
Tout d'abord, la (re-)connaissance de ces troubles, le diagnostic,
est, en soi, un élément capital,
pour éclairer le comportement scolaire de l'enfant, le laver des
doutes de déficience mentale ou de
pathologie psycho-comportementale ou socio-culturelle.
Si le diagnostic est établi à temps, il permettra de ne
pas proposera le maintien en maternelle pour
un retard graphique, qui certes, s'améliore bien un peu avec l'âge,
mais ne ressort en rien d'une
immaturité : on évitera ainsi le retard indu, qui fait que
certains de ces enfants intègrent l'école
primaire à 8 ans, alors que, de toutes façons, le retard
graphique - structurel, lésionnel - persistera, et que, du fait
des troubles spatiaux, de la dyscalculie et de la lenteur, il va probablement
leur falloir 3 ans pour effectuer le CP/CE1. Or, 2 années de décalage
chronologique par rapport à la norme
constituent actuellement, dans le système scolaire, un préjudice
irrémédiable.
Par ailleurs, une fois le diagnostic affirmé, des aménagements
pédagogiques spécifiques et
efficaces pourront être mis en place.
Il faudra alors prescrire la rééducation du regard
( il y a encore malheureusement trop peu
d'orthoptistes formées à la particularité de ces
rééducations de troubles neurologiques) et confier à
un ergothérapeute la rééducation de la dyspraxie
Par ailleurs, la prescription précoce d'un clavier (machine
à écrire ou ordinateur) est souvent
indispensable. Outre l'avantage de contourner le trouble graphique, cela
permet d'avoir des cahiers
propres, et surtout de se relire, ce qui constitue un feed-back indispensable
en période
d'apprentissage : l'acceptation du clavier par l'enfant passe par l'acceptation
de l'enfant, des parents et celle de l'institutrice.
En conclusion
Pratiquement, la dyspraxie constitue donc un véritable handicap,
dont la gravité est quasi-nulle en
terme de santé, mais dont le pronostic scolaire et donc social
est d'autant plus redoutable qu'il s'agit
d'un handicap " invisible ", méconnu ou interprété
à tort en terme de pathologie psycho-affective ou
socio-culturelle.
Il convient d'en faire le diagnostic au plus tôt, c'est à
dire en moyenne ou grande section de
maternelle. Contrairement à ce que l'on pense habituellement,
ce diagnostic est loin d'être
exceptionnel. Des tests simples et rapidement effectués au décours
d'une consultation [ cubes, graphisme, suivi de lignes, test de barrage
] permettent un premier repérage, qui conduira, en cas de doute
à la prescription d'un bilan psychométrique.
Une fois le diagnostic affirmé, il faudra informer les instances
scolaires, obtenir des aménagements
pédagogiques et une certaine tolérance de l'enseignant,
prescrire une rééducation orthoptique, une
rééducation ergothérapique et/ou en psychomotricité,
prescrire le matériel adéquat (machine à écrire,
ordinateur avec adaptations particulières), suivre la scolarité,
conseiller une orientation (en général,
si la scolarité se déroule de façon satisfaisante,
vers les matières littéraires, les langues, le droit).
Ces prescriptions et ce suivi, en pratique de ville, sont, de fait, difficiles
voire impossibles à mettre
en oeuvre : il est donc souhaitable d'adresser ces enfants dans les
services hospitaliers de
rééducation en neurologie infantile ou des services de soins
(SESSD) expérimentés, ce qui est le cas des services
prenant en charge les enfants handicapés moteurs.
Le dépistage, le diagnostic puis la prise en charge de ces enfants
est un objectif important, facilement atteignable dans de nombreux cas,
et finalement très gratifiant dans la mesure où les aides
et ajustements scolaires sont souvent très efficaces chez ces enfants
intelligents et motivés,
améliorant notablement leur vie d'écoliers et leur pronostic
social d'adultes.
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