La
tension est montée d`un cran ces dernières semaines
au nord du Chiapas. Plusieurs attaques paramilitaires et l`assassinat
d`un militant zapatiste le 7 août dernier font craindre
le pire aux communautés indigènes soulevées depuis
maintenant huit ans dans cet Etat du Sud-Est mexicain. Surtout que
ces événements se dérouleraient sur fond de manoeuuvres
militaires d`envergure selon des sources proches de l`Armée
zapatiste de libération nationale (EZLN).
L`assassinat d`un villageois tzeltal dans la «Municipalité
autonome 17 novembre» a mis le feu aux poudres au début
du mois. Membre de la communauté zapatiste «6 août»
José Lopez Santiz a été abattu alors qu`il
travaillait sur les terres de son village «reprises» à
un grand propriétaire lors de la révolte indigène
de 1994. Selon les autorités communautaires il aurait été
atteint par huit balles tirées à bout portant. Sur la
base de plusieurs témoignages recueillis ainsi que d`indices
retrouvés sur place les villageois ont immédiatement
accusé trois transporteurs locaux d`avoir perpétré
le meurtre. Ceux-ci ont d`ailleurs disparu depuis lors.
«ACCIDENT
DE CHASSE»
Bien que le mobile ne soit pas très clair les représentants
de la Municipalité autonome affirment que deux des présumés
coupables seraient liés à l`ancien propriétaire
terrien de «6 août». Et de signaler que M. Lopez Santiz
à l`instar d`autres villageois avait été
menacé de mort par des membres du Parti de la révolution
institutionnelle (PRI/ex-parti unique) que l`on sait proche des
grands propriétaires et qui règne sur les institutions
municipales officielles.
Or s`il confirme l`implication probable des «suspects»
cités par les zapatistes le procureur général
de l`Etat penche plutôt vers la thèse d`un «accident
de chasse» et affirme que le paysan n`aurait reçu
qu`une seule balle... Plus étrange encore les villageois
affirment que la police municipale accourue sur place le soir du meurtre
aurait immédiatement - et illégalement! - levé
le cadavre sans prêter la moindre attention aux indices relevés
par les habitants de «6 août». Le corps a toutefois
pu être récupéré grâce à la
mobilisation de centaines de militants zapatistes.
Accusant les autorités de semer la confusion et de laisser volontairement
impuni ce crime la Municipalité autonome a mis en place depuis
le 14 août un «planton pour la justice» au centre
du village entravant toute circulation tant que les suspects ne seraient
pas arrêtés. Un blocage que plusieurs tentatives d`intimidation
n`ont pas découragé.
TRAFICS
DE BOIS ET D`ALCOOL
Non loin de là à Quexil un autre barrage routier a été
le théâtre le 18 août d`une violente bataille
lorsque quelque 200 hommes en armes ont fondu à bord d`une
vingtaine de véhicules sur la petite localité. L`attaque
a fait une douzaine de blessés dont cinq atteints par balles
(un assaillant et quatre zapatistes).
L`escouade formée de sympathisants de l`Organisation
populaire de défense indigène et paysanne (OPDIC/liée
au PRI) entendait mettre un terme au barrage routier instauré
depuis plusieurs mois par la communauté zapatiste afin de contrôler
les trafics de bois et d`alcool fréquents sur cette route
reliant le chef-lieu «priiste» Ocosingo. Quelques jours
auparavant les plantons de la communauté zapatiste avaient d`ailleurs
intercepté un camion chargé de bois précieux. Chargement
que les paramilitaires ont tenté de récupérer durant
l`attaque avant d`être repoussés par des renforts
zapatistes selon des sources villageoises.
Au dire d`une association indigène indépendante d`Ocosingo
la COAO l`opération avait été minutieusement
préparée partiellement dans les locaux du PRI et avec
le soutien actif du propre maire de la localité Omar Burguete.
INQUIÉTUDES
Mais selon les organisations chiapanèques de défense
des droits humains1 ces deux agressions aussi graves soient-elles
ne sont que l`écume médiatique d`une véritable
lame de fond. Le 31 juillet dernier 40 militants armés de l`OPDIC
s`étaient déjà signalés en attaquant
la communauté zapatiste La Culebra laissant sept blessés
derrière eux.
Dans un communiqué signé par une quinzaine d`ONG
les défenseurs des droits humains relèvent encore trois
autres agressions survenues ces quinze derniers jours contre des communautés
indigènes autonomes. Et les signataires de dénoncer les
responsabilités de l`OPDIC accusée de servir de
vitrine légale au funeste groupe paramilitaire MIRA (lire ci-dessous).
L`inquiétude est d`autant plus vive que depuis un
mois les communautés zapatistes ont recensé une recrudescence
des manoeuuvres de l`armée fédérale dans
la région. Ainsi les jours précédents l`attaque
du barrage de Quexil l`armée faisait acheminer 3000 hommes
dans la zone. En 72 heures pas moins de cent unités d`artillerie
défilaient sur les routes reliant l`Etat voisin du Tabasco
au Nord-Chiapas selon le Réseau des défenseurs communautaires
pour les droits humains2. Accompagnées de survols à basse
altitude d`avions militaires et d`incursions de blindés
dans des villages ces «manoeuuvres» sont perçues
par les indigènes comme des tentatives d`intimidation complémentaires
aux attaques paramilitaires explique l`ONG chiapanèque.
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