Un
raz-de-marée. Quelque 300 000 Catalans et 30 000 Aragonais se
sont répandus hier après-midi dans les rues de Barcelone
et de Saragosse pour faire barrage au «Plan hydrologique national»
(PHN). Elaboré par le gouvernement central de José Maria
Aznar et cofinancé en principe par l`Union européenne
ce projet prévoit de transvaser une partie de l`eau de l`Ebre
vers le sud du pays. L`impressionnante mobilisation d`hier
représente un camouflet inédit pour le gouvernement conservateur.
Elle lance également de la meilleure des façons la semaine
de mobilisations barcelonaise en vue du Sommet européen du week-end
prochain.
Barcelone capitale de la Catalogne et Saragosse pour l`Aragon
sont au coeuur des régions les plus touchées par le
PHN dont le coût est estimé à 4 2 milliards d`euros.
Le gouvernement affirme que le transvasement de 100 milliards de litres
d`eau par an vers les terres agricoles et les villes des régions
de la côte méditerranéenne de Valence d`Almeria
et de Murcie dans le sud-est relève du simple partage des ressources
excédentaires de l`Ebre principal fleuve du pays.
GASPILLAGE
OU RÉPARTITION?
Du côté des opposants on met en avant le grave impact
environnemental qu`aurait la diminution du débit de l`Ebre.
Pas moins de quatre zones naturelles seraient menacées par ce
projet.
Mais surtout les mouvements écologistes dénoncent le
gaspillage d`une ressource aussi vitale pointant du doigt le développement
de l`agriculture ultra-intensive - coûteuse en eau énergie
et coûts humains - pratiquée dans la fameuse «mer
de plastique» des déserts du sud-est espagnol.
En réaction aux protestations populaires le gouvernement vient
de retoucher le projet raccourcissant de 14% le trajet du canal et
atténuant quelque peu son impact environnemental.
PAS
DE MANNE EUROPÉENNE
Insuffisant selon les opposants dont les rangs ne cessent de grossir.
Pour la seule ville de Saragosse 30 000 personnes seraient descendues
dans la rue hier. Mais les regards étaient surtout tournés
vers Barcelone où aux dires des organisateurs ils étaient
quelque 400 000 à défiler sous le slogan «Pour une
nouvelle culture de l`eau» (200 000 selon la police).
Les protestataires ont marché au son des fanfares et sous les
couleurs rouge et jaune de l`Aragon et de la Catalogne. En tête
des cortèges ils brandissaient un gigantesque tuyau en plastique
gonflable terminé par un noeuud l`emblème de
cette lutte démarrée il y a plus d`un an.
«On pille l`Ebre sans aucune raison et nous ne le tolérerons
pas» a déclaré Marcelino Iglesias président
du Gouvernement régional aragonais interrogé par l`agence
de presse espagnole Efe.
A une semaine du Sommet européen qui doit se tenir à Barcelone
les manifestants ont demandé que l`Union renonce à
la subvention demandée par Madrid. En effet le gouvernement
de José Maria Aznar table sur un financement européen
à hauteur de 30%.
MODÈLE
DÉPASSÉ
Mais surtout ils ont réclamé une approche plus écologiste
et moins économiste du problème de l`eau. «Le
principal problème du transvasement est qu`il consolide
un modèle incompatible avec la notion de développement
durable. Un modèle absurde qui pourtant se répand sur
toute la côte méditerranéenne» a dénoncé
Santiago Martín du mouvement «Ecologistes en action».
Les manifestations se sont déroulées à l`appel
d`une trentaine d`organisations écologistes agricoles
et syndicales. La Gauche unie le Parti socialiste et des mouvements
nationalistes locaux se sont joints au mouvement.