Dimanche,
du 1er Mai dans les urnes
La mobilisation face à Jean-Marie Le Pen sera l’occasion dimanche de se concrétiser dans les urnes. L’ampleur des manifestations du 1er Mai donne à l’utilisation du bulletin " Jacques Chirac " une coloration nouvelle.
C’est non. Non à Jean-Marie Le Pen, d’abord. Un " non " massif à la haine, à l’égoïsme, à l’intolérance, au racisme, au risque totalitaire et à toutes ces fadaises que trimballe derrière elle l’extrême droite. Le président du Front national a beau tenter de rendre ses projets un minimum respectables, le maquillage ne tient pas. Mettant tous ses adversaires dans le même sac, il s’autoproclame candidat du peuple, de ceux d’en bas, des ouvriers, des chômeurs, des petits. · condition qu’ils soient français. La démonstration a été faite en cet incroyable 1er Mai que tout cela n’est qu’imposture. Le peuple était dans la rue, et ne scandait son nom que pour le bouter dehors, bien qu’il ne soit pas anglais. Ce cortège bigarré, c’était massivement la gauche dans sa diversité. C’était des citoyens attachés à leur titre, c’était des travailleurs combattant l’injustice, c’était des militants refusant de se taire. Parce que Jean-Marie Le Pen représente tout ce qu’ils combattent, parce qu’il incarne l’exact contraire de leurs espoirs, c’est non. Dimanche, plus que jamais, la France aura l’occasion de le lui dire en face. Et nous saurons ce qu’il en est.
Alors, par la force des choses, il faudra utiliser le bulletin de vote portant l’inscription : " Jacques Chirac ". Il le faudra pour faire front, pour mettre en recul les idées dangereuses qui se déversent depuis de trop longs jours sur les têtes. C’est la seule réponse possible : on ne peut pas jouer avec la flamme qui se répand, personne ne peut s’en laver les mains. On ne peut pas s’en remettre à la droite pour barrer la route à l’extrême droite. Il est de meilleurs remparts. Il faut donc soulager la pression qui pèse sur les frêles épaules de la droite et écarter les tentations qui déjà l’habitent de céder aux sirènes du Front national.
Plus Jean-Marie Le Pen sera faible dimanche, plus la liberté et la démocratie se redresseront. Plus il sera clair que la France ne veut pas de lui. Quant à Jacques Chirac, qui espère un vote d’adhésion, il sera floué, en panne de légitimité. N’en doutons pas, s’il est réélu, ses amis ne manqueront pas dimanche soir de clamer leur victoire. Ce triste spectacle ne dupera personne. Car il n’est pas question pour autant de donner carte blanche à celui que l’on utilise ainsi comme rempart. La mobilisation extraordinaire du 1er Mai en est le signe le plus éclatant. Rien de ce qu’elle portait ne ressemble de près ou de loin aux projets présentés par la droite.
En quelque sorte, pour Jacques Chirac aussi, c’est non. Le vote de dimanche, s’il sera par première nécessité un vote d’opposition au danger fascisant, sera porteur des aspirations qui se faisaient jour sur le pavé. Le 1er Mai donne à ce vote le contenu que certains craignaient de brader en se salissant les mains. Et avec quelle ampleur ! L’énergie de cette mobilisation donne une impulsion nouvelle pour franchir le pas dimanche et poursuivre la route ensuite. Non pas que Jacques Chirac puisse s’y rallier par un opportunisme coutumier : on peut encore entendre ses spots de campagne repoussoirs vanter la dérégulation ou l’allongement de la durée de cotisation pour la retraite. Mais ce qui se trame aujourd’hui est sans conteste le socle d’un avenir possible au-delà de l’élection présidentielle.
Le 1er Mai a marqué de son sceau le deuxième tour du scrutin. Il donne aux bulletins " Jacques Chirac " une couleur qu’on ne leur soupçonnait pas, mais il ne blanchit pas l’homme et ses projets. Au fond, ils n’ont pas changé et n’en deviennent pas plus acceptables par le tragique de la situation. Dimanche, il s’agira de prendre date. Si Jean-Marie Le Pen est au plus bas, ce sera une victoire pour la démocratie et la justice. Si par là même Jacques Chirac est au plus haut, il lui sera ainsi rappelé la multitude battant le pavé. L’enjeu, réinventer la possibilité de dire " oui ".
Pierre Dharréville