De notre correspondant à Téhéran
Après le choc du premier tour et l’élimination de leur candidat et l’accession de l’ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, les grands partis politiques réformateurs et modérés ont commencé à réagir. Le Front de la participation et l’Organisation des Moudjahidine de la révolution islamique (OMRI), ont apporté un «soutien clair» à l’ancien président Akbar Hachémi Rafsandjani face à la menace que représentent le « talibanisme », le «fascisme» et «totalitarisme».
«Le danger qui menace le pays aujourd'hui est celui d'une intervention directe du parti des casernes et des militaires dans les élections et la politique officielle du pays», écrit le Front de la participation dans un communiqué. « Nous tendons la main à toutes les forces favorables à la liberté, à la démocratie et aux droits de l'Homme, nous leur demandons de ne pas rester inactives dans une situation sensible et d'aller voter pour réagir à ce qui s'est produit», ajoute-t-il. «Il s'agit d'empêcher que notre pays tombe dans le piège du talibanisme et du totalitarisme», affirme le Front.
De son côté, l’OMRI a apporté son soutien à la «candidature d'Akbar Hachémi Rafsandjani pour empêcher la dictature et la réaction (…). L'avènement du fascisme est le principal danger». Autre soutien de taille, le religieux modéré Mehdi Karoubi, troisième du premier tour, a estimé que «la meilleure solution consiste à former un front réformateur d'ici au deuxième tour pour soutenir Rafsandjani », a déclaré son porte-parole de campagne Esmail Gherami Moghadam.
«La gravité de la situation exige que tous les groupes et toutes les forces politiques et sociales se regroupent derrière Rafsandjani pour faire barrage aux extrémistes», déclare un proche de l’ayatollah Hachémi Rafsandjani. Les réformateurs accusent les ultraconservateurs d’avoir utilisé certains organes militaires et institutionnels pour mobiliser une partie de l’électorat populaire en faveur de Mahmoud Ahmadinejad. Selon le Front de la participation, il existe «une volonté qui veut imposer un homme comme président en utilisant tous les moyens de l'État ».
Rafsandjani mobilise contre «l’extrémisme»
L’entourage de M. Rafsandjani ont annoncé la création d’une grande coalition comprenant les réformateurs mais aussi des partis de l’opposition libérale, tolérée par le pouvoir islamique. Des intellectuels dissidents, des écrivains, des cinéastes ou encore des artistes, qui n’ont jamais adopté de position politique durant toutes ses dernières, doivent appeler les électeurs à voter pour Rafsandjani. Ainsi, l’intellectuel dissident Emmaddedine Baghi, qui a passé de nombreuses années en prison a soutenu l’ancien président Rafsandjani. Une partie de la droite traditionnelle devrait également soutenir ce dernier. « Ce qui est certain, c’est que nous ne soutiendrons pas Ahmadi Nejad », déclarait dès dimanche Mohsen Bahrami le porte-parole du candidat conservateur Mohammad Bagher Qalibaf. La seule fausse note est venue du prix Nobel de la paix, Shirin Ebadi, et de l’intellectuel dissident Hachem Aghajari, qui ont affirmé «ne pas aller voter vendredi».
Une victoire au second tour dépend de la faculté de M. Rafsandjani à mobiliser les électeurs modérés. Les ultra-conservateurs ont toujours montré leur faculté à faire le plein de leurs voix. «Le score de M. Ahmadinejad (19,47%) est sensiblement le même que celui d'Ahmad Tavakoli» à la présidentielle de 2001 (15,62%), a souligné Mohammad Atrianfar, membre de l'état-major de M. Rafsandjani.
Hachémi Rafsandjani a visiblement compris la nécessité de mobiliser l’électorat modéré. Dans un message aux électeurs, il leur demandé «d'empêcher l'extrémisme par une participation massive au second tour ». L’ancien président a déclaré qu’il fallait «former une coalition nationale et oeuvrer à la réconciliation pour constituer un gouvernement». Selon lui, cette coalition doit être composée de «tous ceux qui croient à l'islam, à la révolution, au système, à la liberté et à l'indépendance».
Comme les partis réformateurs, M. Rafsandjani a dénoncé « certains agissements organisés et certaines interventions pour orienter le vote des électeurs » qui ont entaché le vote lors du premier tour du scrutin. Mais la critique la plus dure est venue de la part du candidat modéré Mehdi Karoubi, arrivé troisième. Dans une lettre adressée au Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, il a dénoncé l’intervention d’une partie des Gardiens de la révolution, l’armée idéologique du régime, et du bassidj (milice islamiste) pour influencer le vote et lui a demande d’intervenir pour leur «interdire de mener des activités politiques».