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Tir de barrage contre la dépense publique

Économie . Le programme de stabilité des finances publiques pour 2007-2009 vise la diminution des dépenses publiques. Des économistes de gauche prennent le contre-pied.

Les restrictions budgétaires sont-elles de mises quand les besoins explosent ? Malgré la demande croissante en termes de rénovation urbaine, d’accès à la formation, à la culture et à la santé (voir article ci-après), Dominique de Villepin s’est employé cette semaine à ériger en norme comptable la réduction des dépenses publiques. En sortant du champ politique la nécessité de financements colossaux pour les besoins existants et nouveaux, les libéraux veulent faire du budget une question de pure contrainte technique. Le programme de stabilité pour la période 2007-2009 envoyé hier à la Commission de Bruxelles ne déroge pas à la règle. Il prévoit de mettre « nos finances publiques sur une trajectoire de désendettement crédible ». « Les comptes publics doivent retrouver l’équilibre et la dette publique repasser sous les 60 % du PIB d’ici la fin de la décennie », précise le document (voir encadré). Pour parvenir à un effacement complet du déficit public en cinq ans, la réduction des dépenses (État central + collectivités locales + Sécurité sociale) est donc privilégiée.

Saigner au lieu de soigner

Si l’objectif de réduction des dépenses publiques fait controverse parmi les économistes de gauche, ils semblent unanimes pour vouloir d’abord relancer la croissance et l’emploi pour espérer ensuite assainir les finances publiques, comme le souligne Jean-Paul Fitoussi, le président de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). Dans une économie à plat depuis cinq ans déjà, le remède du gouvernement ne peut que renforcer le cycle dépressif. À la manière des « médecins » du Moyen Âge qui prétendaient guérir le malade en le saignant, les libéraux vont finir par l’achever. Pour Yves Dimicoli, économiste et membre du conseil national du PCF, de telles contraintes budgétaires mènent « vers de graves difficultés pour la majorité des Français » (1). Il note que « les efforts pour réduire la part des prélèvements obligatoires dans le PIB en réduisant la dépense à financer ne font qu’exacerber les facteurs de déficit et le freinage de la croissance ». Pour Liêm Huang Ngoc (2), proche dEmmanuelli, « l’origine de la montée de l’endettement n’est pas l’excès de dépenses publiques. Au contraire, la tendance depuis vingt ans est à leur baisse et à la rationalisation avec la LOLF. On ne peut mettre les déficits publics sur le compte du trop-plein de fonctionnaires. La dernière fois qu’on a créé massivement des postes de fonctionnaires, c’était en 1981 ».

Qui dépense

trop ?

Thierry Breton, cet été, vilipendait cette « France qui vit au-dessus de ses moyens », pour justifier les restrictions budgétaires et les compressions d’effectifs dans la fonction publique comme moyens de réduire la dette publique. Selon Yves Dimicoli, « c’est ce type de politique, conjuguée à la gestion des grands groupes pour la rentabilité qu’elle encourage, qui creuse la dette ». Pour Liêm Huang Ngoc, les cadeaux fiscaux encouragent l’épargne qui dort. Pour l’économiste de Paris-I, la masse importante d’« épargne ne se transforme pas en investissement parce que les entreprises n’investissent pas ». Reste à savoir vers où se dirige cette masse énorme d’argent. Depuis le 2 janvier, le CAC 40 s’est apprécié de 3,4 %, soit sa meilleure performance depuis 1999. En 2005, la hausse a été de 24 %, alimentée par un retour en force des mouvements de fusions-acquisitions. Les OPA (offres publiques d’achat) ont totalisé 955 milliards d’euros en Europe l’année dernière (2 700 milliards dans le monde), tirées par les opérations géantes d’entreprises françaises comme France Télécom, Arcelor ou Saint-Gobain.

Si, face à la relance des marchés financiers, les deux économistes appellent à une réorientation efficace de certaines dépenses publiques, notamment des 20 milliards d’euros d’exonération de cotisations sociales patronales, les visées budgétaires ne semblent pas les mêmes. Yves Dimicoli réclame « une rupture pour un nouveau type de croissance qui ferait de la progression continue des dépenses nécessaires au développement des capacités humaines le moteur » du développement. Il juge impératif en même temps des « économies systématiques sur les gâchis en capitaux matériels et financiers ». Liêm Huang Ngoc, de son côté, « propose de sortir du calcul du déficit public, dans le cadre du pacte de stabilité, les dépenses d’investissement ». Élections aidant, le débat sur la dépense publique ne fait peut-être que commencer.

(1) Économie et politique, nº 614-615, septembre-octobre 2005.

(2) Liem Huang Ngoc enseigne l’économie à l’Université de Paris-I. Il est proche d’Henri Emmanuelli.

Sébastien Ganet

Article paru dans l'édition du 13 janvier 2006.

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