La réduction des dommages -
Études de cas : régularisation des crues sur les rivières Rouge et Assiniboine et sur le fleuve Fraser
La plupart des ouvrages de régularisation au Canada sont des versions réduites de ceux que l'on trouve sur la rivière Rouge et le fleuve Fraser. C'est pourquoi nous offrons des renseignements détaillés concernant la régularisation des crues sur les rivières Rouge et Assiniboine au Manitoba et le fleuve Fraser en Colombie-Britannique.
Régularisation des crues sur les rivières Rouge et Assiniboine au Manitoba
Les premiers ouvrages de régularisation construits dans le bassin de la rivière Rouge furent une série de digues le long de la rivière Assiniboine, entre Portage la Prairie et Winnipeg. Dans ce tronçon de la rivière Assiniboine, la sédimentation avait fini par faire monter le fond de la rivière plus haut que les terres basses adjacentes. La construction des digues débuta au siècle dernier, mais se généralisa seulement après les inondations de 1922 et 1923. Par ailleurs, on creusa de nouveaux lits dans les méandres prononcés des rivières. Les digues étaient en général assez basses et ne pouvaient pas contrer une crue majeure.
Avant la construction des digues, les crues présentaient un sérieux problème. Lorsque l'eau débordait les berges des rivières, de nombreux kilomètres carrés de terres agricoles étaient inondées, et souvent sans que l'eau ne retourne à la rivière après la décrue.
Après la crue de la rivière Rouge de 1950, on planifia et mit en oeuvre un programme à grande échelle d'ouvrages de protection, afin de prévenir d'autres dégâts lors de la crue des rivières Rouge et Assiniboine. Le Greater Winnipeg Dyking Board fut alors créé et chargé de la construction d'un réseau de digues devant protéger la ville contre les inondations. Dans les secteurs bas, on construisit des digues de type boulevard, ainsi que des postes de pompage pour canaliser les eaux pluviales et les eaux d'égout dans les rivières. De plus, on établit des zones d'« emprunt » où l'on pouvait prendre des matériaux pour rehausser les digues en situations d'urgence lors des inondations. On construisit de la sorte environ 110 kilomètres de digues et 31 postes de pompage.
En 1958, une commission royale d'enquête sur les coûts des inondations demanda que l'on entreprenne une étude majeure sur les problèmes d'inondation le long des rivières Rouge et Assiniboine. À la suite de cette étude, on mit en chantier trois projets entre 1962 et 1972 :
- un canal de dérivation sur la rivière Rouge, qui achemine un débit de 1 700 mètres cubes par seconde entre la prise d'eau située au sud-est de Winnipeg et la sortie à la hauteur de Lockport (travaux terminés en 1968);
- un autre canal de dérivation d'un débit de 700 mètres qui achemine les eaux de crue de la rivière Assiniboine en un point juste en aval de Portage la Prairie, vers le nord, en direction du lac Manitoba (travaux terminés en 1970);
- le barrage Shellmouth sur le tronçon supérieur de la rivière Assiniboine, juste au nord de Russell (travaux terminés en 1972), qui permet de stocker les eaux de crue et de réduire les débits de pointe en aval.
Le canal de dérivation de la rivière Rouge
La construction du canal de dérivation de la rivière Rouge débuta en 1962 et se termina en 1968. Le canal comporte quatre éléments : le canal proprement dit, le régulateur de la prise d'eau, les digues et l'exutoire.
Le canal a une longueur d'environ 48 kilomètres, avec une dénivellation de 5 mètres entre la prise d'eau et l'exutoire; la hauteur nominale d'écoulement est de 8 mètres dans le canal. La largeur à la surface du canal varie de 213 à 305 mètres. Les matériaux excavés du canal furent déposés sur les berges, pour former des talus de 6 mètres de haut.
Canal de dérivation de la rivière Rouge.
L'entrée du canal est située sur la rive est de la rivière Rouge, près de St. Norbert. Un déversoir en terre à l'entrée du canal assure l'écoulement de l'eau dans la rivière Rouge lorsque son niveau est inférieur au niveau de crue.
Le régulateur d'eau est situé sur la rivière Rouge juste en aval de la prise d'eau. Comme son nom l'indique, cette structure régularise le débit entre le lit naturel de la rivière Rouge et le canal, pendant les périodes de crue. Les vannes du régulateur sont normalement en position immergée, et elles sont recouvertes d'environ 1,8 mètre d'eau pendant les mois d'été.
On a érigé des digues de chaque côté du canal afin que les eaux de crue ne contournent pas le régulateur de la prise d'eau. Du côté est de la rivière Rouge, les digues sont incorporées au talus du canal. Sur la rive ouest de la rivière Rouge, les digues s'étendent sur 34 kilomètres à partir du régulateur jusqu'à un point où les terres sont plus hautes que le niveau de la crue nominale. Durant l'inondation de 1997, les digues ont été rehaussées et prolongées de 25 kilomètres pour empêcher les eaux de crue de franchiér l'ouvrage et d'entrer dans la ville.
La dénivellation sur toute la longueur du canal est de 5 mètres, mais la dénivellation correspondante de la rivière Rouge est de 10 mètres. Quant à l'ouvrage de sortie, il sert à disperser l'énergie dans l'eau en son point de retour à la rivière Rouge près de Lockport, afin d'empêcher les dégâts et l'érosion dans la rivière.
Le canal Portage
Le canal Portage a une longueur de 29 kilomètres et peut transporter les eaux de crue à raison de 700 mètres cubes par seconde entre la rivière Assiniboine et jusqu'en un point juste en aval de Portage la Prairie, vers le nord, en direction du lac Manitoba. Mis en chantier en 1965, le projet fut terminé en 1970.
Un réservoir fut construit sur la rivière Assiniboine; il couvre 652 hectares et a une capacité de stockage de 18 000 000 mètres cubes. Dans les conditions normales, le réservoir laisse couler la rivière et il régularise le débit en aval du canal de dérivation, notamment pendant les périodes de crue. Le débit du canal est fixé par un ouvrage de régularisation à l'entrée du canal. Celui-ci se déverse dans le lac Manitoba, en passant par les marais du Delta.
Le barrage Shellmouth
Le troisième ouvrage de ce réseau de régularisation est le barrage Shellmouth, situé à environ 19 kilomètres au nord-ouest de Russell, dans une région où la vallée de l'Assiniboine est large et profonde. Les travaux débutèrent en 1964 et se terminèrent en 1972. Le barrage est une structure en terre avec un enrochement de gravier et pierres qui protège la pente du barrage, et un déversoir en béton armé. Le réservoir créé par le barrage a environ 56 kilomètres de long, et une capacité brute de près de 500 000 000 mètres cubes. Le barrage protège la région sise le long de la rivière Assiniboine entre le barrage et le confluent de l'Assiniboine avec la rivière Rouge. Brandon, Portage la Prairie et Winnipeg comptent parmi les villes protégées par cet ouvrage, qui assure une augmentation lente du niveau de l'eau.
Autres projets de réduction des inondations au Manitoba
Après l'inondation de 1966, le gouvernement fédéral et celui du Manitoba convinrent de protéger les localités le long de la rivière Rouge, au sud de Winnipeg. On construisit des digues permanentes autour de sept localités. De plus, afin de protéger les exploitations agricoles, on installa des digues en certains endroits et ailleurs on rehaussa les fondations des bâtiments agricoles. Les digues furent construites entre 1967 et 1972, à une hauteur correspondant au niveau de la crue de 1950. Après une inondation importante en 1979, les digues périphériques installées autour des sept localités furent rehaussées pour atteindre le niveau de la crue centenaire et une nouvelle localité fut protégée par des digues. À la suite de l'inondation de 1997, ces digues ont été rehaussées de nouveau au niveau atteint cette année-là plus la revanche. De plus, on envisage la construction de digues pour protéger d'autres collectivités.
Rendement des ouvrages de régularisation des crues
On s'est largement servi des ouvrages de régularisation des crues sur les rivières Rouge et Assiniboine depuis l'achèvement des travaux. Des inondations se sont produites sur la rivière Rouge en 1969, 1970, 1974, 1979, 1987 et 1997. L'inondation de 1979 était comparable en importance à l'inondation dévastatrice de 1950, qui a joué un rôle catalyseur dans la construction de ces ouvrages. En 1997, une inondation que seule la crue record de 1826 a réussi à dépasser s'est produite sur la rivière Rouge. Cet événement a servi à démontrer une fois de plus la grande valeur que revêtent les ouvrages de protection contre les crues pour la ville de Winnipeg et, en même temps, la possibilité que survienne une inondation d'une plus grande importance. Une crue record s'est produite sur la rivière Assiniboine en 1976.
Le principal bénéficiaire des ouvrages de régularisation des crues a été la ville de Winnipeg qui, depuis l'installation des ouvrages, n'a pas connu de graves inondations. On a établi à plus de 1,1 milliard de dollars (dollars de 1998) le montant des dégâts potentiels qui ont pu être évités à Winnipeg seulement au cours des années 1969 à 1991. Quant aux dégâts qui ont pu être évités en 1997 relativement à la crue, ils sont importants. Sans ces ouvrages, une grande partie de la ville aurait été inondée, quelque 150 000 personnes auraient été évacuées et le centre économique de Manitoba aurait été paralysé. Il en a coûté 94 millions de dollars (environ 416,6 millions de dollars de 1998) pour la construction du canal de dérivation de la rivière Rouge, du canal Portage et du barrage Shellmouth. Il est évident que ces ouvrages de protection contre les crues ont été extrêmement rentables.
Régularisation des crues sur le fleuve Fraser en Colombie-Britannique
En Colombie-Britannique, on a eu recours à l'approche structurale afin de protéger les aménagements dans la plaine inondable du fleuve Fraser, et notamment dans la vallée inférieure du Fraser. Depuis longtemps on utilise les digues et les structures connexes pour contenir les eaux de crue. L'ouvrage de dérivation de la rivière Nechako contribue aussi à la régularisation des crues. Les barrages hydroélectriques sur les rivières Bridge et Stave fournissent, grâce à la capacité de leurs réservoirs, une protection limitée additionnelle s'ils sont utilisés à des fins de régularisation au début des crues nivales au printemps et pendant celles-ci, lorsqu'elles sont extrêmement prononcées.
Les premiers travaux de prévention dans la vallée inférieure du Fraser visaient à protéger les terres agricoles. Les premiers colons construisirent des digues sur l'île Lulu en 1864. En 1878, on trouvait des digues dans les prairies de Chilliwack, Sumas et Matsqui.
En 1960, les digues marines et fluviales avaient atteint une longueur de quelque 375 kilomètres entre Agassiz et Steveston, protégeant près de 65 000 hectares sur un total de 75 000 hectares de plaines inondables et de terres inondées à marée haute. À mesure que la superficie des terres augmentait, on assistait à une modification du type de terres protégées. En effet, on chercha davantage à protéger les propriétés résidentielles, industrielles et commerciales.
Digues longeant le Fraser.
Après l'inondation désastreuse de 1948, les digues furent réparées ou reconstruites sur plus de 260 kilomètres, par le Fraser River Dyking Board. La plupart des travaux avaient été réalisés lorsque survint la crue nivale de 1950, à l'occasion de laquelle le niveau de l'eau maximal à Mission fut de seulement 0,3 mètre moins élevé que celui enregistré en 1948. Toutefois, en raison de la hâte avec laquelle on répara les digues, on n'eut pas le temps de concevoir des structures plus permanentes, ni d'utiliser des matériaux de meilleure qualité autres que ceux qui étaient immédiatement disponibles. Par conséquent, les digues se détériorèrent lors des montées subséquentes de l'eau. D'autres réparations faites de toute urgence permirent aux digues de résister aux fortes crues nivales de 1964 et de 1967.
Le 24 mai 1968, les gouvernements fédéral et provincial conclurent un accord prévoyant un programme massif d'extension et d'amélioration des digues. Cet accord devait permettre au Programme de lutte contre les inondations du fleuve Fraser d'assurer la remise en état et l'amélioration des digues marines et fluviales, ainsi que la protection des berges afin de soustraire les digues à l'érosion. Au cours des 24 dernières années, le Programme a établi un réseau de digues qui protège la majeure partie du Fraser. Dans certaines régions, le Programme a permis aussi la construction de postes de pompage et de drains collecteurs afin d'empêcher que le ruissellement local ne provoque des inondations derrière les digues. Les digues fluviales construites dans le cadre du Programme ont résisté avec succès à la crue nivale de 1972 (qui fut supérieure aux crues de 1964 et de 1967) et les digues marines ont constitué une bonne défense contre les crues records marines de 1982.
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