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Un exemple d'esprit de corps
Les objectifs du front Ouest, 1918 Septembre 1918. L'objectif prioritaire des Alliés était de percer le formidable système de défense allemand que représentait la ligne Hindenburg. Cependant, on risquait, en attaquant l'ennemi là où il pouvait le mieux se défendre, d'attirer le plus gros de ses troupes de réserve et d'essuyer une défaite. Les Alliés décidèrent plutôt de prendre d'assaut non pas un seul, mais plusieurs points stratégiques sur toute la longueur du front allant de la Meuse jusqu'à la Manche. Les Canadiens, quant à eux, avaient pour mission de percer les défenses allemandes sur le canal du Nord et de faire avancer le front Ouest jusqu'à Cambrai. La zone de bataille : le canal du Nord et Cambrai La ville de Cambrai est située au nord de la France, dans la région Nord-Pas-de-Calais. Elle est entourée d'un vaste système de canaux reliant les rivières Steele et Scheldt au nord-est et drainant les marécages environnants. À l'ouest de Cambrai se trouve le canal du Nord (35 mètres de large), dont la construction fut interrompue au début de la guerre, et qui représentait un obstacle de taille pour les troupes alliées se dirigeant vers l'est. Les Allemands avaient inondé les terres déjà marécageuses, ne laissant qu'un étroit passage d'environ 4 000 mètres vers le sud du canal, suffisamment sec pour que des troupes puissent s'y aventurer. Ce premier obstacle franchi, les troupes devraient capturer le bois de Bourlon situé à l'est du canal et les terres plus hautes vers le nord. L'ennemi avait placé des postes de mitrailleuses sur le versant est du canal et d'autres défenses étaient installées dans des abris naturels avoisinants. De plus, un système de défense majeur, la ligne Marquion, se trouvait, elle aussi, à moins de deux kilomètres à l'est du canal. L'objectif immédiat était d'engager rapidement les troupes, y compris l'artillerie lourde, dans l'étroit passage sec du canal et de les déployer vers le bois de Bourlon avant que l'ennemi ne se mobilise à l'assaut. Le plan : un assaut de deux divisions comprenant trois brigades Le corps d'armée canadien, commandé par le général sir Arthur Currie, reçut donc l'ordre d'agir comme fer de lance à l'attaque. Le passage étroit dans lequel les troupes devaient se frayer un chemin vers le bois de Bourlon ne permettait, pour l'assaut du 27 septembre, qu'un déploiement de trois brigades provenant de deux divisions, soit deux brigades d'infanterie sur le flanc gauche, et une seule sur le flanc droit. Derrière ces brigades d'infanterie, il fallait un tir de barrage roulant d'artillerie spécialement ordonné. Des sapeurs devaient suivre de près l'infanterie en vue de jeter en toute hâte des ponts d'une importance primordiale. À l'heure H, une sous-section d'artillerie devait appuyer chaque unité d'artillerie divisionnaire derrière la ligne de front. Une fois le canal traversé, les troupes reçurent l'ordre de se rassembler et d'élargir le front à la vitesse de l'éclair, le faisant passer de 2 600 à 15 000 mètres. Les troupes devaient ensuite encercler le bois de Bourlon, capturer la ligne bleue, et se préparer à avancer vers Cambrai. En douze heures de combat acharné, les Canadiens avancèrent de pas moins de 8 500 mètres, les 38e, 87e, et 102e bataillons de la 4e division arrivant les premiers, suivis par les 1er et 13e bataillons de la 1re division qui eux, se butèrent à de plus importants obstacles. Suivirent trois jours de durs combats au cours desquels les deux divisions d'assaut reçurent l'appui de troupes de la 3e division. Malgré leurs efforts, les Canadiens ne réussirent à capturer qu'un territoire restreint. Le 1er octobre, on donna l'ordre aux soldats épuisés de se reposer et de se regrouper. Après une pause de sept jours, les opérations sur Cambrai et les territoires au nord de la ville reprirent de plus belle. Ce furent principalement les 2e et 3e divisions qui participèrent à la phase finale des opérations, phase qui dura en tout cinq jours. Les facteurs-clés : artillerie, unités de génie, blindés et communication de renseignements L'infanterie ne pouvait entreprendre cette délicate mission sans le soutien soigneusement planifié d'autres unités de l'armée. D'abord, les troupes d'artillerie de campagne devaient se relayer continuellement afin d'assurer à l'infanterie l'appui d'un barrage ininterrompu d'artillerie à mesure que celle-ci avançait à travers les lignes rouge, verte et bleue, puis, lorsqu'elle dut se battre à Cambrai. Un autre facteur-clé fut le rôle primordial joué par les unités de génie qui travaillèrent nuit et jour, souvent sousle tir nourri de l'ennemi. Ces unités construisirent des ponts, des pontons et des trottoirs flottants afin de permettre aux soldats de traverser des portions de canal remplies d'eau. Les chars du 7e bataillon britannique furent déployés en grand nombre (lors des attaques, on allouait quatre chars par unité d'infanterie); ils prouvèrent leur utilité non seulement en tirant du canon, mais aussi en écrasant des réseaux de fils barbelés et en projetant dans l'atmosphère d'épais nuages de fumée destinés à brouiller la vue de l'ennemi. Plusieurs journaux de guerre relatant les faits de cette bataille louèrent le travail des chars britanniques. Enfin, sans un système de communication de renseignements rapide et efficace, la coordination de tous ces éléments eut été impossible et eut conduit au désastre. Les unités de renseignement devaient donc relayer l'information nécessaire pour que les unités d'artillerie soient bien au courant de la position des unités d'infanterie qu'elles étaient chargées de soutenir. Par exemple, un bataillon d'infanterie qui s'avancerait au-delà de son objectif, sans que l'unité d'artillerie chargée de le soutenir ne soit correctement informée de sa position, courrait un réel danger. Les objectifs de la bataille : les lignes rouge, verte et bleue; l'attaque vers Cambrai; la prise de Cambrai. Les autorités militaires britanniques et canadiennes examinèrent soigneusement plusieurs scénarios pour traverser ce terrain marécageux, quasi impraticable, sillonné de canaux, et que l'ennemi pouvait surveiller facilement depuis ses postes d'observation surélevés. Elles en vinrent à établir la stratégie suivante : les 1re et 4e divisions devaient rapidement franchir le canal du Nord, capturer le bois de Bourlon et les villages avoisinants, puis avancer en direction nord-ouest. Ensuite, la 3e division se joindrait à elles pour avancer jusqu'à la route Cambrai-Douai aux alentours du village de Tilloy. Les 3e et 4e divisions s'empareraient des têtes de pont sur le canal de l'Escaut près des villages de Ramillies et d'Eswars, au nord-est de Cambrai. La 1re division viendrait alors les rejoindre, traverserait leurs rangs et prendrait le village d'Abancourt à l'est du chemin de fer de Douai, pour ensuite avancer jusqu'à Fressies sur le canal de la Sensée. La mission de capturer la ville elle-même serait confiée à la 2e division. Ses troupes recevraient l'ordre de forcer un passage sur le canal de l'Escaut entre Morenchies et Ramillies et d'établir une ligne de front sur les hauteurs à l'est d'Escauduvres, où se ferait la jonction avec les Britanniques. Par la suite, les troupes canadiennes et britanniques traverseraient ensemble le canal, établiraient des têtes de pont à Cambrai, prendraient la ville et ouvriraient le front vers l'est. Enfin, toute la zone située au nord-est de Cambrai longeant le canal de l'Escaut devrait être sécurisée jusqu'à Iwuy. Les préparatifs Le Corps d'armée canadien comptait, pour les opérations du canal du Nord et de Cambrai, un total de 118 194 soldats incluant les unités attachées. Les unités d'assaut direct constituaient moins de la moitié des 98 790 Canadiens de ce corps d'armée. Une très grande proportion de l'effectif était donc affectée aux préparatifs. Les unités de génie, du renseignement, de transport et de construction, les unités médicales et vétérinaires étaient toutes engagées de façon importante dans la bataille. Elles fournissaient une panoplie de services essentiels tels l'érection de ponts, la transmission de renseignements, la construction et la réparation de chemins de fer et de lignes de communication, la livraison de matériel, le soin des blessés; elles s'occupent également des chevaux. Les soldats de ces unités accomplissaient leurs tâches sans faillir, même sous le tir des mitrailleuses et l'explosion des obus. L'assaut À 5 h 20 (heure H), le 27 septembre, un barrage d'artillerie balaya les positions ennemies et les troupes de la 1re division s'élancèrent. Aux premières lueurs du jour, elles réussirent à traverser le passage à sec du canal du Nord et à s'avancer jusqu'à la ligne verte. Passant à travers leurs rangs, les troupes de la 4e division réussirent vers 9 h 45 à pénétrer dans la partie sud du village de Bourlon, non sans avoir perdu beaucoup d'hommes. À 14 h, la 4e division traversa la ligne bleue et atteignit son objectif soit la capture du bois de Bourlon. Laissant la 15e brigade d'infanterie occuper le territoire conquis à la ligne bleue, les brigades des 1re et 4e divisions canadiennes et de la 11e division britannique poursuivirent l'attaque. En fin d'après midi, elles pilonnèrent la ligne Marcoing des Allemands. Les dernières résistances ennemies vaincues, la victoire fut assurée à 20 h. Succès : 1re division (major-général MacDonnell) et 4e division (major-général Watson) : assaut du 27 septembre Revers : 1re division et 3e division (major-général Loomis), et 4e division, lors des opérations du 28 septembre au 1er octobre. Le succès indéniable de la première journée d'opérations ne laissait rien présager des revers qui attendaient les troupes canadiennes durant les quatre jours subséquents. Après avoir atteint avec brio le premier objectif de la bataille, les 1re et 4e divisions s'apprêtaient à avancer sur Cambrai, appuyées par la 3e division. C'est alors qu'elles se butèrent à des réseaux de barbelés face à la route de Douai, réseaux qui n'avaient pas été repérés au préalable. Après avoir subi de lourdes pertes, les troupes continuèrent à avancer péniblement en direction de leur objectif intermédiaire : capturer les ponts sur le canal de l'Escaut et établir un front uni jusqu'au canal de la Sensée. L'ordre fut donc donné aux troupes épuisées de faire halte et de se réorganiser avant de tenter l'approche sur Cambrai. Succès : 2e division (major-général Burstall) et 3e division, les 8 et 9 octobre. N'ayant pas réussi à établir le contact prévu avec les troupes britanniques, la 2e division canadienne se lança seule à l'attaque, à 1 h 30, le 8 octobre. Elle franchit rapidement un pont construit à la hâte sur le canal de l'Escaut, atteignant ainsi son objectif de forcer un passage vers Cambrai. La 3e division établit peu après une série de postes en bordure est de Cambrai; c'est alors seulement que les troupes britanniques purent rejoindre leurs confrères de la 2e division au nord-est de Cambrai. Revers de la 2e
division à la fin de la bataille. Malgré son succès
final, la 2e division devint la proie de raids ennemis imprévus
lors de son avance au nord-est de Cambrai. En effet, alors que les troupes
tentaient de nettoyer cette région, elles subirent un tir nourri
de l'ennemi et durent se creuser des abris. L'unité du Canadian
Light Horse, faisant lui aussi partie des opérations, perdit plusieurs
hommes et 47 chevaux sous le tir convergent des mitrailleuses allemandes
près d' Iwuy et de Naves. Malgré ces pertes, la ville de
Cambrai fut enfin reconquise par les alliés et les territoires
avoisinants sécurisés. À 17 h, le 11 octobre 1918,
le général Currie passa le commandement de ses troupes au
22e corps d'armée britannique. La bataille était
terminée. Lors des opérations sur le canal du Nord et Cambrai,
les Canadiens perdirent 20 pour 100 de leur effectif, soit 13 672 hommes.
Christie, N.M. The Canadians at Cambrai and the Canal du Nord, September-October 1918: A Social and Battlefield Tour, Nepean, CEF Books, 1997. Granatstein, J.L. Canada's Army: Waging War and Keeping the Peace, Toronto, Buffalo, London, University of Toronto Press, 2002. Morton, Desmond. When Your Number's Up: The Canadian Soldier in the First World War, Toronto, Random House, 1993. Morton, Desmond, et J.L. Granatstein. Marching to Armageddon: Canadians and the Great War 1914-1919, Toronto, Lester & Orpen Dennys Ltd., 1989. Nicholson, Colonel G.W.L., C.D. Le Corps expéditionnaire canadien 1914-1919 - Histoire officielle de la participation de l'Armée canadienne à la Première Guerre mondiale, Ottawa, Imprimeur de la Reine et Contrôleur de la Papeterie, 1963. Rawling, Bill. Surviving
Trench Warfare. Toronto, Buffalo, London, University of Toronto Press,
1992.
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