La dernière quinzaine allemande 31 octobre 44: En s'emparant de Baccarat à la grande surprise des allemands, la 2ème DB a largement
dédordé à l'est de la ville. Merviller, Vacqueville, Montigny sont libres, mais cet épisode n'est que
la mise en place d'une base de départ pour le XV corps américains dans son offensive vers
Sarrebourg et le nord de l'Alsace. Récit des témoins:
Encore une fois le canon tonne sur le front Baccarat - Domèvre
De la hauteur d'Ancerviller (entre la route Montigny-Domèvre et le village même d'Ancerviller) où nous sommes aux tranchées (nota: les hommes sont réquisitionnés pour les travaux de terrassements sur la ligne de défense "Vorvogesenstellung"), on voit d'assez nombreuses arrivées d'obus de moyen calibre sur le bois du Bouxy et jusque dans les près qui nous en séparent, à quelques centaines de mètres. On percoit nettement le tir des mitrailleuses. Sur Sainte Pôle, quelques obus sont tombés plus près encore de nos hommes et pour 11 heures, ce jour là, tous étaient rentrés. Après le tintamarre de toute la journée, on constate à nouveau le banle-bas de départ auquel nous sommes habitués et qui s'est amorcé chez les occupants à chaque avance du front, départ de certaines unités, départ de l'hôpital militaire de Pexonne, départ des travailleurs allemands et alsaciens que nous voyons passer en route vers Blâmont et Schirmeck jusqu'à tard dans la soirée. 1 novembre 44: Toussaint. Le petit jour avec -3 apparaît dans un calme complet. Dans la nuit une cinquantaine de civils ont été réquisitionnés avec consignes de "garder" les barrages aux issues de la ville et de prêter éventuellement main-forte à la troupe chargée de fermer le tout. Nous nous demandons encore s'il est un allemand qui ait pu croire à l'efficacité et surtout à l'exécution éventuelle d'une semblable mesure. En fait, aucun de ces barrages ne devait servir. ... Dans la nuit est arrivé du renfort et en particulier de l'artillerie qui s'est installée aux quatre coins du pays, contre et entre les maisons. Plusieurs salvent claquent dans le cours de la journée. Comme il s'agit de pièces d'assez gros calibres les maisons les plus proches n'ont plus de carreaux avant la fin de la journée. On appréhende la risposte. Dans l'après-midi l'aviation témoigne de quelque activité: la DCA réagit. Quelques arrivées sont perçues dans une direction nouvelle, vers Brémenil. Le matin des feux d'armes automatiques étaient entendus vers Ancerviller. Dans la crainte de la chute d'obus au moment des rassemblements habituels de la Toussaint, il n'y a eu qu'une très courte messe le matin. 2 novembre 44: Avant le jour, à l'heure où nous nous rassemblons habituellement pour partir au chantier, quelques-uns seulement des nos concitoyens sont au rendez-vous. IL pleut et les événements des jours précédents n'ont pas été engageants pour nos travailleurs. aussi décidons nous d'attendre désormais qu'on vienne nous chercher. ... Les officiers et pionniers allemands qui encadraient nos travailleurs sont montés aux tranchées. Nous ne les reverrons plus et l'histoire des travaux de retranchements sera définitivement suspendue. A Ancerviller(...) nous avons trouvé l'atmosphère des villages de l'arrière pendant l'autre guerre. C'est que les tranchées sont à quelques centaines de mètres du village et l'allemand semble les avoir garnies avec tous les restes. Nous sommes loins de la reluisante Wehrmacht... Dans ce même après-midi Badonviller recevait un nouveau baptême du feu. Le quartier de l'avenue de la Chapelotte a en effet essuyé quelques rafales d'obus 3 novembre 44: Après l'alerte de l'après-midi d'hier, on commence à coucher dans les caves. Ceux qui ne s'y étaient pas encore installés se mettent en devoir de s'organiser. La nuit a été calme, mais au matin les diverses pièces si malencontreusement mises en batterie au-dessous de Foligny, sur la ruelle Maître Georges, tirent sans arrêt. On s'attend bien entendu à une riposte quand, vers 11h.30 deux obus atteignent la toiture de l'hôtel de ville et un immeuble voisin, puis plusieurs autres, espacés, tombent aussi dans le centre, sans qu'on puisse déterminer les points de chute, car tout le monde s'est mis à l'abri. Ce devait être un réglage ou un tir d'avertissement, car à midi un véritable tir de barrage s'abat sur le centre pendant une dizaine de minutes. On estime à trois ou quatre cents, le nombre des obus tombés en si peu de temps. ... On est déjà sûr de ne pas avoir de courant le soir, le transformateur, en plus de plusieurs lignes, ayant été atteint. ... Aux nouvelles, les Américains auraient percé le front des régions de Baccarat et de St Dié... De durs combats se dérouleraient dans la vallée de la Mortagne, et Baccarat et Montigny auraient été pris. 4 novembre 44: Action d'artillerie intermittente au cours de la journée. On déplore deux nouvelles victimes civiles... Vers le soir, plusieurs coups de gros calibre encadrent la place du 20ème Corps. Pas de victimes, pas chance car un 150 est tombé à l'entrée de la cave de la maison Aubry, bousculant dans l'escalier Mr Louis Irlinger et trois allemands. Trois chevaux ont été tués à l'écurie. Le lendemain matin quelques amateurs se taillaient de bons morceaux de cheval dans la rue du 358ème. On ne manque cependant pas de viande, car depuis le dernier bombardement, une dizaine de bovins blessés ou tués par l'artillerie ont dû être débités, et certains jours les trois bouchers ne "suivent pas". 5 novembre 44: Dans la nuit trafic ininterrompu de convois, en majorité hippomobiles, remontant vers la Chapelotte et Pierre-Percée. Quelques blindés. Dans la matinée nous parviennent de la direction d'Ancerviller des feux d'artillerie et de mousqueterie presque incessants... La cave, lorsqu'elle est vraiment bonne en tant qu'abri, est devenue le principal local des immeubles et parfois du quartier...Il semble que nous allons toucher au point culminant de nos épreuves. On peut maintenant craindre le pire, c'est à dire l'évacuation forcée.... 8 novembre 44: Au matin nous entendons au N.-O.... un tir d'artillerie soutenu. Ici les tirs de harcélement continuent 11 novembre: Ordre est donné aux deux division d'infanterie US (44e et 79e)
d'attaquer en direction de Sarrebourg sur un axe passant par Blâmont. La 2é DB n'a qu'un rôle d'appui sur le flanc droit.
13 novembre: L'offensive démarre par un temps d'hiver: il a gelé et neigé durant la nuit.
La 79é US ne progresse pas au-delà de Ste Pole, ayant parcouru... 2 km. Le lendemain, elle bute sur les défenses
d'Ancerviller.
15 novembre: La veille, un œil déjà dirigé vers Strasbourg,
Leclerc propose au général américain Haislip, son chef de corps, de l'aider en soulageant son flanc
droit. Ce dernier accepte, ce qui fait implicitement entrer Badonviller dans la zone des communes à investir.
Le Groupement Morel-Deville contourne Ancerviller par le sud et plein nord par le bois des haies, s'empare d'Halloville.
Nonhigny tombe sans résistance, les allemands étant persuadés que les alliés sont bloqués devant Ancerviller...
16 novembre:
Parux est à son tour libèré et le 16 au soir Leclerc donne l'ordre: Badonviller.
Dans la nuit du 16 au 17, St Maurice aux Forges est aussi pris par l'infanterie.
17 novembre:
Les allemands attendent l'offensive venant de Pexonne, Vacqueville étant libre depuis 15 jours, et Montreux libre depuis
deux jours. Sur l'axe principal, un seul barrage que le char USKUB efface d'un seul coup de son canon de 75.
Tout le dispositif La Horie ( qui sera tué le lendemain par un éclat d'obus) traverse Badonviller en coup de vent, se portant aux limites de la ville, faisant 300
prisonniers. Badonviller, réveillé par le canon, se trouve libre, et définitivement tranquille. Les allemands se replient sur la Chapelotte, et ils seront repoussés par la vallée de Celles sur Plaine vers le Donon. Les troupes de Leclerc poussent vers Cirey qui sera pris le 18. Roger Sergent peut aller sonner les cloches. Badon est libre. En 3 jours, le pays se trouve hors de portée des canons, et ne connaîtra du reste de la guerre que l'attente du retour des prisonniers, déportés, et enrôlés du Travail Obligatoire. La seule trace encore visible sur place de cette libération reste le char Sherman touché à la sortie de la ville vers Cirey sur Vezouze et érigé en monument à la mémoire de la deuxième Division Blindée. Lire l'historique du MORT-HOMME Anecdote:
Mon grand-père Adrien PIERRE, ici à Castres avec son épouse au bord de l'Agout, ancien de 14-18, se rappelait des conditions de lutte et les souffrances des poilus. Voyant des soldats avancer à travers champs derrière la faïencerie pour remonter sur la gare, fit... mettre à cuire pour eux un plein chaudron de pommes de terre. Le bon esprit pratique lorrain! |
Fernand Thévenet Compagnon de la Libération Fernand Thévenet était Commandeur de la Légion d'Honneur, Compagnon de la Libération, décoré de la Croix de Guerre 39/45 (4 citations), ancien Français Libre de 1940 et ancien du IIe bataillon du Régiment de Marche du Tchad de la 2ème Division Blindée. Parti caporal chef dans le sillage de Leclerc le 27 août 1940, il finira la guerre comme capitaine. Il s'est éteint au mois de mars 2001. Voici son histoire. Né le 18 avril 1910 à Clermont, Fernand Thévenet était un pur savoyard avec toutes les qualités qui s'y rapportent : droiture, caractère bien trempé, fidélité au pays, ardeur au travail, robustesse physique. Après ses études, il obtenait son premier poste de jeune administrateur des colonies, d'abord à Madagascar puis ensuite à Brazzaville. En décembre 1939, il est rappelé au Cameroun et après l'appel du général de Gaulle, devant l'inertie militaire de son entourage, il décide de passer au Nigeria avec l'intention de rejoindre l'armée britannique. L'arrivée de Leclerc, chargé par le général de Gaulle de rallier l'A.E.F. à la cause de la France Libre, transforme cette intention en mise à disposition et il arrive avec le colonel Leclerc à Douala, à bord des pirogues. Mis aux ordres du capitaine Dio, l'épopée Leclerc peut commencer. Thévenet et son compagnon Sinaud, qui a suivi le même parcours, entrent à l'école d'élèves officiers de Brazzaville. Devenu officier, il est affecté au Tchad dans le cadre du Régiment de Tirailleurs Sénégalais du Tchad (RTST) et prend part en décembre 1942 et janvier 1943, à la conquête du Fezzan italien. En mai 1943, le lieutenant Thévenet participe aux opérations de Tripolitaine et de Tunisie, durant lesquelles il démontre de réelles qualités d'entraîneur d'hommes. Il se distingue particulièrement en se portant au secours de soldats français tombés dans les lignes adverses, avant d'appartenir au IIe bataillon du Régiment de Marche du Tchad (RMT) qui sera intégré à la 2ème Division Blindée du général Leclerc. Avec cette unité, qui sera entraînée au Maroc puis en Angleterre, il débarque le 02 août 1944, et participe à la prise d'Alençon et de Paris, ainsi qu'a tous les combats jusque dans les Vosges. Au cours de l'avance sur Strasbourg, il est grièvement blessé le 17 novembre 1944 à Badonviller. Evacué, il ne sortira des hôpitaux que bien après la victoire du 08 mai 1945. Après sa démobilisation en novembre 1945, Fernand Thévenet rejoignait son corps d'origine, c'est à dire l'administration coloniale. D'abord en poste au Quay d'Orsay puis successivement au Cameroun, à Bangui et à Fort-Lamy avant d'accéder à sa retraite en 1963. Le 01 septembre 1945 le général de Gaulle lui adressait la lettre suivante : "Répondant à l'appel de la France en péril de mort, vous avez rallié les Forces Françaises Libres. Vous avait été de l'équipe volontaire des bons compagnons qui ont maintenu notre pays dans la guerre et dans l'honneur. Vous avez été un de ceux qui au premier rang lui ont permis de remporter la victoire. Au moment où le but est atteint, je tiens à vous remercier, amicalement, simplement au nom de la France. Charles de Gaulle". |