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Un voyage à Naplouse. Périple d'un paysan palestinien sur les routes de Cisjordanie écrit le 23/09/05 à 01:35:29 par Raed un paysan d'Hebron
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Comme c'est le cas depuis quatre ans, cette année est, encore une fois, mauvaise - voire même catastrophique - pour les producteurs de raisin.
Avec un ami, nous avons décidé de louer une camionnette pour transporter 3 tonnes de raisin pour les vendre à Naplouse.
Départ de Hébron à 7h00. 20 minutes après nous arrivons au barrage de "Goshe Etsione" entre Hébron et Bethlehem. Les soldats nous posent quelques questions rapides et puis nous continuons notre route. Le chauffeur nous a proposé de donner un nom a chaque barrage (pour s`amuser) car il y en a énormément.
Autrefois les Palestiniens passaient par Jérusalem pour aller au nord, mais puisque la ville est interdite aux Palestiniens depuis 1992, nous utilisons"la route de la vallée de feu", la seule route qui lie le nord au sud de la Cisjordanie; cette route est très dangereuse (beaucoup de virages) et très longue.
Après le premier barrage nous sommes informés que la route qui contourne Bethlehem côté est, est fermée par un barrage. Nous décidons donc de prendre une autre route pour contourner le barrage. Mais sur cette route, l'armée avait mis un barrage volant, "le barrage de soldat barbu". Encore des questions, à 9h30 on quitte ce barrage pour emprunter la route de feu qui lie Bethlehem à Abudis. A la sortie de cette route, il y a un barrage qu'on a baptisé « le barrage de container ». Après deux heures d`attente on a quand même réussi à continuer notre route, mais...
3 Km après, c`est le barrage de la grande colonie Maale Adumin, à l`est de Jérusalem. "Nous l`avons appelé le barrage du rond-point". Un soldat s'approche et nous demande où nous allons.
-À Naplouse
-Pourquoi faire ?
-Pour vendre du raisin,
-Prouvez-le ?
-Prouver quoi monsieur !?
-Prouvez que vous allez à Naplouse pour vendre votre raisin.
-Regardez, on a du raisin dans notre camionnette
-Ce n`est pas assez. Garez-vous au bord de la route j`arrive.
Après avoir attendu une heure, le soldat nous demande de partir sans rien ajouter.
Nous avons fait 20 Km tranquille sans barrage jusqu` à l`entrée de la région de Ramallah, où il y avait un point de contrôle, "le barrage du Hammer (véhicule militaire)". les mêmes questions, mais on nous ordonne alors de faire un demi tour car d`après les soldats cette route est interdite ce jour là.
Il reste la route de la vallée de Jourdain, qui relie Jéricho à Naplouse. Nous la prenons et arrivons au barrage "Al hamrah" à 14h20. Seul le chauffeur a le droit d`entrer en voiture. Mon ami et moi passons à pieds par un petit chemin.
Enfin nous arrivons à Naplouse vers 15h30.
On a vendu les 3 tonnes à 3000 shekels (environ 540 Euros). On a payé 650 shekels pour la camionnette, 360 shekels pour les caisses de raisin que nous avions achetées, 360 shekels pour le commissionnaire. Ainsi, il nous restait pour nous deux 1630 shekels (290 E), nous avons donc vendu le kilo à 0.54 shekels (0,10 E). A vrai dire nous n`étions pas très contents même si l`on s'est dit que le raisin avait quand même été vendu.
À 18h30 on avait tout fini. Il fallait rentrer avant 19h00 car le barrage à l`entrée ouest de Naplouse se ferme à 19h10. "Le barrage des carrières". nous commençons alors notre voyage retour.
À quelques Kms le premier barrage "le barrage du tank". Nous nous arrêtons, encore des questions et de l`humiliation. Jusqu'à Halhul (nord d'Hebron), nous 12 avons été contrôlés 12 fois et nous sommes arrivés à nos maisons à 02h00 du matin.
On parle aujourd`hui du retrait de Gaza. les Palestiniens de Gaza fêtent la libération mais tout manque encore pour que l`on puisse considérer ça comme une vraie libération
- La question des réfugiés est loin d'être réglée
- Le contrôle des frontières (qui est contrôlée par tout le monde sauf par les palestiniens eux-mêmes)n'existe pas
- La continuité entre Gaza et la Cisjordanie n'existe toujours pas (seuls les responsables de l`Autorité Palestinienne et quelques diplomates peuvent entrer et sortir en passant par Israël)
- la situation économique est catastrophique:
- plus de 55 % de chômeurs
- 85 % d`habitants de Gaza sont très pauvres pendant que 15% détiennent la majorité des richesses. La farine et les aides humanitaire ne résolvent jamais un problème aussi grave
Pendant qu'à Gaza on fait la fête, la confiscation des terres en Cisjordanie s`accélère, la surface des colonies s`agrandit comme c'est le cas à Ferata prêt de Bethlehem où on voit très clairement les nouveaux quartiers se construire sur des terres confisquées comme à Maale Adumim prêt de Jérusalem et dans la veille ville de Jérusalem. Il y a aussi les barrages qui se multiplient sans cesse. Le mur avance. Et le pire peut être, c'est que Sharon est maintenant devenu le héros de la paix. Tous les pays qui ne voulaient pas avoir de relation diplomatique avec Israël tant que l`occupation continuait, se précipitent désormais pour normaliser leur relation avec Israël.
La liberté ne se donne pas et elle ne peut pas être donnée, il faudra encore beaucoup travailler pour qu'on puisse un jour fêter la vraie libération.
Raed
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