"En 1993, à chaque fois que je sortais de Kigali, sur la route qui mène à Ruhengeri (nord-ouest), il y avait des soldats français qui tenaient un barrage. Ils vérifiaient l'ethnie des gens sur leur carte d'identité", a affirmé le commandant de réserve Eugène Ruhetanamacumu, qui était observateur militaire du Front patriotique rwandais (FPR, l'ex-rébellion tutsie dont M. Kagame fut le chef militaire) en 1993, et donc autorisé à se déplacer dans la zone gouvernementale.

"Si tu étais tutsi, ils te mettaient de côté et te disaient: tu es Tutsi, tu es un ennemi du président (Juvénal Habyarimana, un Hutu, tué le 6 avril 1994 dans l'attentat contre son avion, qui a sonné le début du génocide, ndlr). Des fois, ils amenaient des filles tutsies dans leur campement, on ne sait pas ce qu'ils leur faisaient", a-t-il poursuivi.

Il a précisé toutefois n'avoir jamais été témoin oculaire d'exactions de la part de soldats français, et ne pouvoir être en mesure de dire si les pratiques qu'il décrivait se sont poursuivies durant le génocide.

"Les Français étaient là aux barrages. Ils vérifiaient les cartes d'identité pour savoir si tu étais Hutu ou Tutsi", a confirmé, sous couvert de l'anonymat, un ancien officier des Forces armées rwandaises, incorporé dans l'armée actuelle.

"C'est arrivé à mon épouse en 1994. Ils lui avaient dit: telle qu'on te voit, tu as l'air d'une Tutsi. Qu'est-ce que tu fais là sur la route?", a-t-il poursuivi.

Jean-Pierre Sagahutu, un chauffeur de taxi qui affirme être "sans lien avec le FPR" a confirmé l'existence des contrôles par des Français aux barrages.

"C'était en 1993 à un barrage tout près de Kigali, là où on traverse la rivière Nyabarongo. Il y avait des militaires français qui m'ont demandé ma carte d'identité. Evidemment c'était marqué Tutsi. Je leur ai dit: mais quel effet ça vous ferait si un Rwandais vous demandait votre carte d'identité en France? Alors ils m'ont dit: allez, va-t-en", a-t-il affirmé à l'AFP.

Au sujet des preuves "vidéo" citées par M. Kagame mardi dans son entretien à la radio publique française RFI, le directeur de la télévision nationale rwandaise, Faustin Karangira, a estimé qu'elles existaient bel et bien, mais qu'il s'agissait d'images "déjà diffusées dans plusieurs documentaires sur le génocide rwandais".

"Elles montrent des soldats français à des barrages routiers, séparant les Tutsis du reste des passants et leur demandant de s'asseoir sur le côté", a-t-il expliqué à l'AFP. Mais il n'était pas en mesure de dire si M. Kagame faisait référence à d'autres images, inédites celles-là.