LA DEFENSE du VILLAGE
Pendant que se passait ces choses, nous avions eu des soldats de passage.
Ils n'étaient restés que 2 jours. On commençait à
former la garde terrictoriale contre les parachutistes à venir, et
pour faire la police de route. Papa y adhéra tout de suite et fut nommé
caporal-chef commandant la section de Cercier comportant 22 hommes. Ce fut
le 28 mai, jour de mon anniversaire qu'il alla signer son engagement à
Cruseilles. Il y avait 18 jours que la grande bataille avait commencé
et qui devait duré encore un mois. A partir de ce moment, Dieu sait
comment papa se dépensa sans compter. Les tournées qu'il a faite
avec notre 202, pour aller chercher les armes et pour former sa section, sont
innombrables.
Ensuite commença la période de fortification, d'ailleurs inutile,
de Cercier par la venue du 189e régiment d'infanterie.
C'est à partir de ce moment que commencèrent les travaux qui
constituèrent une véritable ligne de fortifications rudimentaires.
Les soldats se mirent à l'uvre dans les champs pour creuser des
tranchées, dans les bois pour abattre des arbres, sur les routes pour
créer des barrages. Cette poignée d'hommes fourni pendant une
quinzaine de jours un travail considérable.
Des milliers de mètres de fils de fer barbelé furent posés,
de nombreux barrageconstruits avec des matériaux rudimentaires : troncs
d'arbres, pierres. Des nids de mitrailleuses, de mortiers furent creusés
, des pieux anti-chars enfoncés, des blockhaus installés dans
les fermes. Enfin tout ce qu'on pouvait prévoir pour arrêter
l'ennemi, fut fait avec les moyens du bord, si j'ose dire.
Mais voilà dans quelle direction firent-ils leurs fortifications ?
Vers la Suisse. Et pourquoi ? Au début de la bataille, l'Etat-Major
croyait au débarquement d'hydravion sur le lac léman et une
attaque serait alors possible sur nos arrières. C'est pour cela qu'on
orienta les ouvrages vers le lac de Genève.
Ceci me rappelle une petite histoire. Pendant les travaux, un paysans Jean
Langin dit à papa : " vous êtes bien sur qu'ils arriveront
par où vous les attendez ? "
En effet cette prédiction s'est réalisée. Les Allemands
sont venus dans la direction opposée. Donc tous les retranchements
devenaient inutiles. Heureusement d'ailleurs qu'ils n'on t pas servi.
Les soldats, tout de même étaient fiers de leur uvre,
et voulaient défendre le village jusqu'au bout car on sentait que les
Allemands n'étaient pas loin. On entendait déjà le canon
sur le Rhône.
Une huitaine de jours avant l'armistice, papa passait en voiture aux "
Quatre chemin " sur la route de Cercier à Allonzier, où
était un barrage avec nid de mitrailleuse admirablement bien camouflé
et commandé par un sergent Alsacien.
Celui-ci dit à papa quand il s'arrêta : " alors, ils arrivent
; hein ! Vous ne les tuerez pas tous !! " Ah ! pauvre il ne vraiement
savait ce qu'était la force de assaillants. On reconnu après
que le village, s'il avait été attaqué aurait résisté
une heure, juste le temps de retarder l'ennemi et aurait massacrer inutilement
tous ses hommes.
Enfin ceci ne devait durer.
DERNIERS JOURS DE LUTTE
Après bien des travaux, le 189e R.I devait quitter, le lundi avant
l'armistice le territoire de Cercier, devait laisser ses simples retranchements,
admirables pour avoir été fait ej si peu de temps, pour gagner
la ligne de bataille. Quelques uns étaient heureux de voir le "
feu " ; d'autres peu content d'aller au " casse pipe ". Il
y avait un lieutenant, logeant chez Mr le Curé, qui pleurait avant
de partir.
Le 20 juin, dix jours après la déclaration de guerre de l'Italie,
les Allemands arrivaient à Bellegarde sur le Rhône. On entendait
distinctement le canon et même les mitrailleuses. Le lendemain, ils
arrivaient à Seyssel où les attendait le 189.
Voici que vint la journée du 22. Depuis le matin la bataille faisait
rage, la cannonade fait tout trembler autour de nous. Le Fort-les-Cluzes [Fort-l'écluse]
tirait sans arrêt. A notre gauche en regardant le front, les Spahis
se battaient avec acharnement. Les mitrailleuses n'arrêtaient pas. Vers
midi la bataille avait l'air de se calmer. Les Allemands n'avaient pas passer.
Le soir de grandes lueurs au loin, c'est l'ennemi qui brulait ses morts. Le
lendemain vit passé à Cercier la terrible " déroute
".
Vers 14 heures la bataille reprendrait et on résistait encore. Une
formidable explosion vers Frangy faisait trembler les vitres. A 10 heures
du soir les premiers éléments du 189 se repliaient. Les camions
passaient sans arrêt. Toute la nuit la caravanne de fuyards, ayant reçu
l'ordre de repli général défilaient sur les routes. Après
les camions ce fut les mulets puis les hommes à pied, sans fusils,
sans rien.
Il fallait les voir ces pauvres hommes, exténués par 3 jours
de bataille acharnée. Ils étaient sales et débraillés.
Ensuite arrivaient les derniers groupes de mortiers qui avaient résister
jusqu'au bout. Le 189 a été durement touché (à
la deuxième compagnie il restait 12 hommes valides sur 240.
Le bombardement se calme. A Cercier ils sont à leur poste et ont pris
les dispositions de combats.
Ensuite la lutte reprend, seul le 75 leur répond. L'infanterie s'était
repliée. La cannonade se rapproche et redouble bientôt d'intensité.
Ils sont presque à Frangy.
A 8 heures 10 on apprend que l'armistice est signée. Les Hostilités
entre la France et l'Allemagne seront terminés ce soir à minuit.