HISTORIQUE DU 9e RÉGIMENT DE MARCHE DE TIRAILLEURS ALGÉRIENS
PENDANT LA GUERRE 1914-1918


BERGER LEVRAULT, Nancy, Paris, Strasbourg

A TOUS NOS MORTS A TOUS LES BRAVES DU 9e RÉGIMENT DE MARCHE DE TIRAILLEURS ALGERIENS
Ces pages sont dédiées...
Elles ont été écrites par un des leurs, un des rares survivants, un des plus anciens, un des plus estimés.
Elles exposent, dans un court résumé, l'histoire de leur régiment pendant ces quatre années de lutte guerrière, histoire remplie d'anecdotes, de faits qui ennoblissent ceux qui en ont été les acteurs et témoignent de leur bravoure, de leur dévouement et de leur fidélité au drapeau, au culte de la patrie.
Qu'elles gravent dans nos coeurs un immortel souvenir! Pour nous permettre de continuer à honorer, à glorifier tous ceux qui dans nos rangs sont tombés pour la patrie, fidèles à leur serment;
Pour nous donner la force de consoler et d'aider tous ceux qui ont été ainsi atteints dans leurs affections ou qui ont perdu leur seul soutien;
Pour vous affermir de plus en plus dans votre foi et dans les sentiments dont vos coeurs n'ont cessé de vibrer pendant toute la campagne;
Enfin, pour maintenir et continuer les traditions des tirailleurs, des vieux soldats d'Afrique.
Et le drapeau est là ! vivante et immortelle image de bravoure, de vos sacrifices ! Il rappelle sans cesse à vos successeurs tout ce passé de gloire, les belles citations, la fourragère que vous avez obtenue au prix de tant de dévouement et de sacrifices.
Tirailleurs français et indigènes, faites-lui toujours honneur ! Regardez-le souvent, groupez-vous autour de lui par la pensée, et songez à vos aînés, à ceux qui sont tombés pour lui !
Ce sera votre force ! Et vous rattacherez ainsi le passé au présent et à l'avenir !
Vivez notre histoire passée, et entraînez puissamment le souvenir des actes glorieux dont elle est sillonnée; vous contribuerez, ainsi à affermir la grandeur morale de votre beau régiment.
Dans le grand drame; le 9e tirailleurs de marche a produit une magnifique floraison des plus beaux sentiments : patriotisme, abnégation; esprit de sacrifice, dévouement.
Ce jeune régiment n'avait pas d'histoire et son drapeau n'était orné d'aucun nom de victoire. Maintenant, on peut choisir; grâce à vous, héros de la grande guerre, les noms de CHARLEROI VERDUN LA MARNE LA SOMME I'YSER CHAMPAGNE
dont le religieux souvenir est gravé dans nos cœurs, doivent être écrits en lettres d'or dans les plis de notre cher drapeau.
Lieutenant-colonel GRASSET.

HISTORIQUE DU 9e RÉGIMENT DE MARCHE DE TIRAILLEURS ALGÉRIENS
PENDANT LA GUERRE 1914-1918

FORMATION DU RÉGIMENT
15 avril 1913 ! Les 1er et 5e bataillons du 1er R.T, sous les ordres du lieutenant-colonel THOUVENY, sont au Maroc, dans les postes de l'avant : le 1er (commandant NUSSBAUM) à Safsafat, le 5e (commandant KNOLL) à Nékhila. Tous les deux, dans la nuit, ont à repousser une attaque des Marocains. Ils se battent avec une ardeur plus belle que jamais. Ces deux bataillons, en effet, viennent d'être désignés pour former, à cette date du 15 avril 1913, sous le commandement du colonel VELLY, les 1er et 2e bataillons du 9e R. T., et ils veulent que la première page d'histoire de ce nouveau régiment soit une page de gloire.
Composé d'Arabes, et de Kabyles qui avaient déjà pris part aux opérations dans le Sahara, dans le Sud-Oranais et à Casablanca, le 9e tirailleurs devait rendre à la France d'excellents services. Depuis sa formation jusqu'à l'armistice, ses bataillons de marche n'ont cessé de faire flotter son glorieux drapeau sur las champs de bataille du Maroc et de la France; tandis que la portion centrale, installée à Miliana, assurait le recrutement et l'instruction des indigènes destinés à être envoyés en renfort.

LES OPÉRATIONS D'AVANT-GUERRE AU MAROC
En 1913; le 2e bataillon fait partie d'un groupe mobile opérant dans la région des Beni-Bou-Yahi; en avril, il est à Nekhila; en mai, il prend part à la prise de la Kasbah de M'Coun. Après un séjour de deux mois dans cette Kasbah, où il n'y a que de l'eau saumâtre à boire et où les Marocains viennent sans cesse l'inquiéter, il vient tenir garnison dans des postes plus favorisés. En juin 1914, il rentre en Algérie, et une partie de ses cadres sert à former le 3e bataillon.
Le 1er bataillon (commandant DE VENEL), après avoir occupé assez longtemps les postes de Safsafat et de Moul-el-Bacha, fait partie, en mai 1914; de la colonne chargée de prendre Taza, et d'assurer la liaison avec le Maroc occidental. Le 10 mai, ses groupes francs entrent les premiers dans Taza, et depuis ce jour le bataillon prend part à toutes les opérations sous la fameuse cité (4 juin, Sidi-Belkacem; 7 juin, Djebel-Bou-N'Hivis; 13 juin, El-Hadda; 16 et 20 juin; col de Touhar; 10 août, Sidi-Omrane).
Cette vie pleine d'activité se poursuit jusqu'au 2 août 1914. Cette fois, ce sera la grande guerre. Le 1er bataillon (commandant DUBUISSON) est heureux, il va sa battre en France; mais son bonheur ne dure pas : il est maintenu au Maroc. Le 10 août 1914, il se bat à Sidi-Omrane, combat pénible qui ne satisfait pas son désir de se battre avec un ennemi plus fort. Enfin, le 4 septembre, les fronts se décident: on apprend que le bataillon embarquera, le 9 septembre, à Oran.

OFFENSIVE FRANCAISE

2e ET 3e BATAILLONS
Charleroi (22 août 1914).
A la mobilisation, les 2e et 3e bataillons forment, avec un bataillon du 1er tirailleurs, le 1er R. M. T., sous les ordres du colonel VUILLEMIN.
Embarqués le 5 août à Alger, ils arrivent le 15 à Anor, sur la frontière belge. Le 21, ils sont à Chastrès-lès-Walcourt. A 23 heures, alerté, ils prennent la direction de Gerpinnes, puis de Binche. Le 22 août, à 10 heures, le régiment reçoit l'ordre de s'emparer de la lisière sud du Châtelet (faubourg de Charleroi). Le 3e bataillon (commandant ANTHOINE) prend sa formation de combat à l'abri des bois, le 2e bataillon (commandant BIGAULT DE GRANDRUE) se forme en échelons en arrière et à gauche.
Dans un ordre parfait, comme à la manoeuvre, les tirailleurs partent au pas de charge; ils gravissent sans arrêt le glacis au sud du Châtelet, arrivent sur la crête dominant le village et, sans hésitation, continuent leur mouvement vers les tranchées construites à mi-pente. L'ennemi, bien abrité et nullement inquiété par notre artillerie, actionne, comme il le veut, ses mitrailleuses échelonnées en profondeur et déverse sur les assaillants des torrents de balles, tandis que 77 et 105 font barrage. Beaucoup de tirailleurs tombent, mais qu'importe I le mouvement continue, et les Allemands qui n'ont pas fui sont tués à la baïonnette dans leurs tranchées.
Les pertes sont sévères; malgré l'ardeur et la bravoure des tirailleurs (beaucoup de blessés n'ont pas voulu se faire panser et combattent encore), on ne pourra enlever la formidable position. Le colonel donne l'ordre de s'arrêter dans les tranchées, mais les ordres ne parviennent pas, tous les agents de liaison sont tués. Après un corps à corps héroïque dans les tranchées et le petit bois, les survivants, privés de leurs officiers, sont obligés de se replier et de gagner la lisière du bois.
Pendant ce temps, la C. H. R. et la fanfare, qui avaient reçu l'ordre de rester à l'abri des bois, n'écoutent, que leur ardeur; elles partent à la charge, bientôt tous les tirailleurs sont tués ou blessés. L'attaque violente et acharnée des tirailleurs, leur mépris de la mitraille et leur furie dans le combat à la baïonnette en avaient imposé à l'ennemi, au point que celui-ci ne cherche pas à exploiter son succès. Le régiment peut ainsi se reformer à Gerpinnes et être amené dans le plus grand ordre au bivouac de Sauzé.

Repli (23 août-5 septembre).
Le 23 août, à Yves-Gomezée, le régiment se reforme rapidement. A partir de ce jour, il entreprend une série de marches longues et pénibles. Les routes sont encombrées, il faut passer à travers champs, la terre détrempée par une pluie continuelle alourdit les hommes. Le ravitaillement se fait à grand'peine, et souvent on se passe de manger. Partout, on rencontre ces tristes caravanes de vieillards, de femmes et d'enfants qui, le coeur gros, fuient devant l'envahisseur, emportant quelques vivres et quelques effets.
Les moments de repos sont peu nombreux et presque toujours interrompus par les alertes. Les tirailleurs se rendent compte que la situation est grave. Pas un mot de découragement ne trahit leur fatigue, et leur confiance dans le succès n'est pas ébranlée. Le 27, ils traversent l'Oise à Autreppes; le 29, ils se battent à Mesnil-Saint-Laurent, et, sous un violent bombardement, ils continuent leur mouvement de repli vers Villers-le-Sec où ils se battent encore. Le 18r septembre, après une marche forcée, ils traversent. l'Aisne à Chaconne; le 3 septembre, ils se battent à Cormicy ; le 4, à Montgrignon. Le 5 septembre, ils sont à Saint Brice, point extrême que le régiment devait atteindre pendant la retraite.
Les hommes ont besoin de repos, mais les fatigues sont vite oubliées quand on annonce: que le lendemain le mouvement en avant sera repris.

LA POURSUITE
La Marne (7-25 septembre).
Passant par Toulotte, Montolivet, Courboin (où le 2e bataillon s'empare d'un troupeau gardé par les uhlans), Bézu, Mareuil-sur-Chéry, le régiment arrive, le 12, devant la Vesle et reçoit l'ordre de s'emparer des ponts. Attaque vivement menée, les objectifs sont enlevés, et le soir, sous une pluie battante, les bataillons cantonnent dans la région de Baslieux-lès-Fismes. Le mouvement continue par Cuiry-lès-Chaudardes, Cauroy-lès-Hermonville. Le 15, le régiment attaque la ferme du Godat. A 10 heures du matin, après un combat pénible, la ferme Sainte-Marguerite est enlevée. Les unités de première ligne et les réserves sont soumises à un tir d'artillerie très violent. Les pertes sont élevées, et une contre-attaque allemande déclanchée sur l'aile droite arrête momentanément le mouvement. Avec leur ardeur habituelle, les tirailleurs repartent en avant et, vers 11 heures, ils occupent les abords immédiats de la ferme du Godat. Le lendemain, ils viennent cantonner à Guyencourt pour aller, le 20 septembre, occupe- le Chemin des Dames, dans la région de Paissy. Nouveau combat très violent; le plateau est balayé par les balles et par les obus, il est impossible de s'y maintenir; mais une contre-attaque de nuit rend aux tirailleurs le terrain momentanément perdu, et le régiment occupe le plateau jusqu'au 22 septembre.
Pendant toute cette marche en avant, les pertes avaient été très lourdes; le moral des tirailleurs n'en restait pas moins très élevé; et les succès qu'ils venaient de remporter sur l'ennemi renforçaient leur ardeur, leur fierté et leur foi, dans la victoire, victoire à laquelle ils venaient déjà de contribuer largement.
Relevé le 26 septembre, le régiment part en Belgique, sous le commandement du lieutenant-colonel DURUY, le colonel VUILLEMIN ayant reçu le commandement d'une brigade.

LA BELGIQUE
L'Yser (7 septembre 1914 à janvier 1915).
Le 29 octobre, les 2e (commandant BIDAUT) et 3e (Commandant ANIS) bataillons franchissent l'Yser et, le ;10 octobre, s'emparent des fermes situées sur le chemin des Chapelles ; combat très pénible contre un ennemi fortement retranché. Au cours de l'attaque de la ferme de Poesel, le lieutenant colonel Duruy est tué. Malgré des pertes nombreuses, les tirailleurs arrêtent une contre-attaque.
Tous les jours on se bat; le terrain, fortement disputé par l'ennemi, lui est arraché au prix d'efforts surhumains. Le 3 novembre, à la suite d'une attaque brusquée, on progresse à 300 mètres de la rive ouest du Martji-Vaert. Le 5 novembre, le 2e bataillon, très éprouvé, doit se replier sur le canal de l'Yser où il se retranche ayant l'eau du canal sous ses pieds et, derrière lui; il se maintient sur sa position malgré les efforts de l'ennemi. Neuf jours de combats consécutifs ont exténué les tirailleurs. Après un jour de repos, ils remontent le 9 novembre sur l'Yser. Le 10, l'ennemi attaque violemment : la situation est délicate; le grossissement voulu des eaux de l'Yperle rend nos communications impossibles; néanmoins l'attaque est enrayée, et, les quelques Allemands arrivés à la route Dry-Grechten Luygen sont reçus à la baïonnette.
Aux bombardements continus vient s'ajouter le mauvais temps : la pluie et le vent sont de plus eu plus violents. Jusqu'au 14 novembre, les tirailleurs restent dans des tranchées pleines d'eau, certains en ont jusqu'à la ceinture. Le manque d'outils ne permet pas d'améliorer les tranchées, les communications de jour sont très périlleuses; le ravitaillement très pénible devient impossible le 13. Après ces quinze jours de souffrances, les unités, fort réduites, sont envoyées au repos à proximité des lignes.
Le 18 novembre, les deux bataillons remontent en ligne. La pluie et le dégel rendent le séjour dans les tranchées de plus on plus pénible, les travaux de plus en plus fatigants.
Le 21 novembre, le lieutenant-colonel D'ANSELME prend le commandement du régiment qui occupe à partir du 12 décembre la région de Verbrandenmolen. Le 14 décembre, les tirailleurs attaquent une tranchée située à 100 mètres en avant de nos premières lignes. L'attaque, menée hardiment par le capitaine LASSERRE, doit stopper par suite des pertes élevées des vagues d'assaut que ne peuvent soutenir les unités de réserve.
A partir de cette date, les bataillons se tiennent prêts à attaquer chaque jour, mais leur situation matérielle est des plus pénible; Les tirailleur ne peuvent s'asseoir ni se coucher dans les tranchées pleines d'eau et pleines de boue : les communications ne peuvent se faire avec l'arrière que pendant la nuit. Les Allemands ne cessent de tirer et leur organisation très puissante rend presque impossibles les attaques projetées.
Le 31 décembre, le régiment quittait la Belgique dont il emportait un souvenir de fatigues et de souffrances qu'il n'avait surmontées que grâce à l'excellent esprit des tirailleurs et à la volonté inébranlable de ses cadres.

1er BATAILLON
Sur l'Aisne (octobre - 14 janvier 1915)
A son arrivée en France, le 1er bataillon (Commandant DUBUISSON) est affecté au 2e régiment mixte de zouaves et de tirailleurs (lieutenant-colonel CORNU) et vient occuper les tranchées de la région Vassogne - vallée Foulon.
Le 2 novembre 1914, placé en réserve des unités qui défendent la Cour Soupir et Chavonne, il est engagé dans un combat très violent contre un ennemi très supérieur en nombre qui avance en colonnes denses. Son héroïque résistance devant le château de Soupir, une contre-attaque hardie entre soupir et Chavonne ralentissent le mouvement des allemands et permettent aux unités de première ligne de se replier au delà de l'Aisne.
Le 6 novembre, à la faveur d'un brouillard épais, il enlève par surprise, le château et le village de Soupir faisant de nombreux prisonniers et délivrant des blessés français restés aux mains de l'ennemi au cours des combats précédents. A peine reformé, le régiment remonte en ligne. Le 13 janvier, à 21 heures, après une marche longue et pénible, le bataillon contre-attaque l'ennemi devant la ferme la Montagne (plateau de Crouy) et pénètre dans ses lignes; le 14, au petit jour, il repasse l'Aisne par le seul pont encore utilisable, sans être inquiété par les Allemands, qui ont perdu le contact.

Champagne (mars 1915).
Après de nombreux déplacements, le 1er bataillon arrive le 15 mars à Mesnil-lès-Hurlus. Le 16, il prend part à l'attaque qui a comme objectif les tranchées situées à l'ouest de la cote 196. Malgré un feu très intense, les compagnies, enthousiasmées par la réussite du mouvement des unités voisines, partent à l'assaut en chantant et en battant des mains. 800 mètres de terrain sont enlevés à l'ennemi, qui n'arrête le mouvement que grâce à ses fils de fer fortement flanqués par les mitrailleuses.
Le 18 mars, nouvelle attaque sur les tranchées de la cote 196. Malgré leur ardeur, les tirailleurs, qui ont subi de fortes pertes, doivent s'arrêter devant une pluie de grenades.
Le bataillon, très éprouvé, est relevé le 20 mars et est dirigé sur Montdidier où il arrive le 29 mars.

FORMATION DU 9e REGIMENT DE MARCHE DE TIRAILLEURS
(30 mars 1915.)
Les 2e et 3e bataillons sont, depuis le 21 mars, en avant de Montdidier, dans le secteur de L'Échelle-Saint-Aurin, Dancourt. Le 1er bataillon les rejoint, le 30 mars, et forme avec eux le 9e R. M. T. (lieutenant-colonel D'ANSELME).
Après un long séjour en première ligne, le régiment, dont le lieutenant-colonel HUGUET D'ÉTAULES prend le commandement le 24 mai 1915, vient en juin occuper les tranchées du Plessier-de-Roye ; il organise solidement le secteur malgré de violents bombardements, et y séjourne jusqu'au mois de septembre 1915. Le 17 septembre 1915, le lieutenant-colonel TASSY DE MONTLUC prend le commandement du régiment. Après avoir travaillé dans la région de Popincourt, le régiment vient occuper le secteur du bois des Loges, et y passe une partie de l'hiver sous la pluie et dans la boue.

VERDUN
Premier séjour (mars 1916).
Dès le début de l'offensive allemande sur Verdun, la 25e division est, appelée pour s'opposer à l'avance de l'ennemi. Le 9 mars, le régiment entre dans la fournaise, quittant les bois Bourrus à la tombée de la nuit; le 2e bataillon (commandant BIDAUT) se dirige sur Béthincourt ; le 1er (commandant DUBUISSON) et le 3e (commandant ANIS) sur le Mort-Homme.
Béthincourt a été attaqué par l'ennemi dans la journée ; peut-être l'occupe-t-il ? Les défenseurs n'ont pu donner de renseignements. A 17h30, un officier d'état-major vient mettre le commandant du 2e bataillon (commandant BIDAUT) au courant de la situation, et le prie d'émarger un ordre écrit lui prescrivant d'entrer coûte que coûte à Béthincourt. Le commandant BIDAUT, avec son calme habituel, n'hésite pas, il signe ; son bataillon entrera dans Béthincourt. II donne à la compagnie d'avant-garde l'ordre d'ouvrir le passage à la baïonnette si l'ennemi barre la route. Mais la lisière sud du village est libre. Le bataillon, non sans avoir subi des pertes, relève les unités qui, avec l'aide de l'artillerie, ont réussi à briser l'attaque allemande.
Les deux autres bataillons occupent le Mort-Homme depuis la cote 295 jusqu'à 900 mètres vers l'est, en face du bois des Caurettes.
Le 10 mars, bombardement d'une violence inouïe par l'artillerie ennemie. Le sol, qui était couvert de neige, est bouleversé et perd en moins d'une heure sa couleur blanche. Des vides nombreux commencent à se faire dans les compagnies les tranchées sont détruites et tant bien que mal on les reconstruit pendant la nuit.
Le 11 mars, le 2e bataillon enlève les ouvrages situés à 300 mètres au nord de la lisière de Béthincourt ; toute la journée, il est soumis à un violent bombardement; plusieurs caves s'effondrent, les tranchées sont nivelées, les défenses accessoires hachées. Le 3e bataillon (commandant ANIS) se porte au nord de la cote 295 entre Béthincourt et le Mort-Homme.
Le 14 mars, l'ennemi attaque le Mort-Homme : le bombardement à partir de 14 heures est effrayant. A 15 heures, les colonnes d'assaut allemandes débouchent du moulin de Rafécourt et du bois des Corbeaux. Les compagnies d'un régiment de réserve qui étaient encadrées par les trois bataillons du régiment ont des pertes très élevées ; l'attaque ennemie les bouscule aisément. Les Allemands s'infiltrent ainsi entre les bataillons du régiment, ils encerclent complètement le 3e bataillon, qui se défend avec une énergie sauvage et ils ne lui font prisonniers que quelques survivants. Le 1er bataillon, attaqué de face, est bientôt menacé sur sa gauche (cote 195) ; une contre-attaque à la baïonnette appuyée par un tir efficace des mitrailleuses encore en service arrête l'ennemi qui est maintenu également de front par les fusils.
Pendant ce temps, le 2e bataillon est soumis à un bombardement continu qui ne l'empêche cependant pas de prendre de flanc avec ses mitrailleuses les compagnies allemandes qui se ruent sur le Mort-Homme.
L'héroïsme des tirailleurs en cette journée ne saurait trop être vanté : soumis depuis quatre jours à un bombardement inimaginable, à peine ravitaillés, passant leurs journées dans un semblant de tranchée, leurs nuits à travailler. Ils venaient de briser l'offensive allemande infligeant à l'ennemi des pertes sévères. Et pourtant ces braves n'étaient plus nombreux; beaucoup d'entre eux avaient été tués ou enterres par le bombardement: leurs armes étaient en grande partie détruites ou inutilisables.
Le 17 mars, le général DE BAZELAIRE récompensait les défenseurs de Béthincourt et du Mort-Homme en leur adressant l'ordre suivant
ORDRE GÉNÉRAL N°103
Sous un bombardement dont l'intensité dépasse toute idée, après des jours et des nuits de combat sans trêve ni répit, les troupes de la 25e division ont barré la route à l'ennemi. Soldats d'Afrique et soldats de France, défenseurs de Béthincourt, de Cumières et du Mort-Homme, l'âme haute comme l'âme de leur général, sont entrés dans la grande bataille de Verdun pour préparer la grande victoire.
Au quartier général; le 17 mars 1916.
Le Général commandant le groupement,
Signé : DE BAZELAIRE.

LA SOMME
Octobre - novembre 1918.

Réorganisé dans la région de Crépy-en-Valois, le régiment, sous le commandement du lieutenant-colonel DÉRIGOIN, remonte en ligne dans le secteur le Port-Fontenoy, secteur où il ne cesse de travailler et de réparer les dégâts commis journellement, par les " Minen ".
Du 29 septembre au 14 octobre, un séjour au camp de Crèvecoeur permet d'entraîner d'une façon intensive les tirailleurs, qui vont sous peu être engagés dans la Somme.
Le 17 octobre, les trois bataillons sont devant Chaulnes. Ce secteur où l'on se bat depuis quelque temps est sans cesse bombardé. La pluie incessante a transformé les tranchées en ruisseaux de boue, les abris individuels s'éboulent, les hommes, dans la boue jusqu'aux genoux, peuvent à peine se reposer.
Le 21 octobre, le temps semble vouloir se mettre au beau, et à 15h20, les 2e (commandant BIDAUT) et 3e (commandant JAILLET) bataillons partent, à l'assaut. Alignés comme sur le terrain d'exercice, les tirailleurs suivent le tir de barrage, enlèvent brillamment, en moins d'une demi-heure, la tranchée du Héron, la tranchée du Soupirail, et la corne nord-est du Bois 1, faisant de nombreux prisonniers. Certaines unités, entraînées par leur ardeur, dépassent l'objectif fixé et poursuivent l'ennemi jusqu'aux premières maisons de Chaulnes. Pendant ce temps, le 1er bataillon (commandant BERNARD), parti de la tranchée Guillaume, progresse dans le boyau de la Vallée et ravitaille en matériel et en munitions les deux autres bataillons qui, dés leur arrivée sur l'objectif, ont commencé à organiser la position.
La réaction ennemie se fait de suite sentir, les tranchées de premières lignes et les boyaux menant à l'arrière sont violernment bombardés ; le ravitaillement devient très difficile.
Le 22 octobre, les Allemands cherchent en vain à contre-attaquer, laissant des prisonniers aux mains des tirailleurs. L'organisation du secteur est rendue très pénible par suite du mauvais état du terrain et par le bombardement continuel. Le 25 octobre, le régiment est relevé et vient se reposer dans la région de Montdidier.
Le 2 novembre, les trois bataillons remontent dans le même secteur d'attaque; relève longue et pénible en plein jour, dans un terrain détrempé par la pluie, en dehors des boyaux qui sont pleins de boue, et aux yeux de l'ennemi dont les avions ne cessent de survoler les lignes.

Le 7 novembre, à 10 heures, le 1er bataillon (commandant BERNARD) seul attaque et enlève avec un entrain incomparable le boyau du Sillon et le boyau du Sultan et, malgré des difficultés, il parvient à établir la liaison avec le régiment voisin au bois Kratz.
Relevé le 9 novembre, le régiment remonte dans le secteur de Chilly quelques jours après et l'occupe jusqu'au 5 décembre. La brillante tenue des tirailleurs dans la Somme est récompensée le 11 décembre par la remise de la croix de guerre à leur drapeau, par le général ANTHOINE, qui cite le régiment à l'ordre du corps d'armée, en ces termes
ORDRE Du 10e CORPS D'ARMÉE N° 205
Le 9e régiment de marche de tirailleurs algériens.
Le 21 octobre 1916, sous les ordres du lieutenant-colonel DERIGOIN, après avoir tenu plusieurs jours sous un bombardement meurtrier et continu et dans des conditions atmosphériques extrêmement pénibles, s'est porté à l'attaque des bois de Chaulnes avec un allant superbe et dans un ordre parfait, atteignant rapidement les objectifs fixés et faisant de nombreux prisonniers. Le 7 novembre 1916, sous les ordres du lieutenant-colonel ALTMEYER, coopérant à l'attaque du Pressoir et du bois Kratz, a montré les mêmes qualités d'audace et de vigueur heureuses en dépit d'une violente tempête de vent et de pluie et d'un violent bombardement.
Signé : ANTHOINE.

SÉJOUR EN LORRAINE
(Hiver 1916-1917.)
Après un repos d'un mois environ dans la région de Vrécourt, puis dans celle de Harréville-les-Chanteurs, le régiment se rend en Lorraine et passe une partie de l'hiver devant Nancy, dans la forêt de Facq. Malgré un froid intense, il mène une vie très active, répartie entre les travaux et un service pénible d'avant-postes. L'ennemi, très mordant, envoie journellement des détachements au delà de la Seille pour essayer d'enlever nos postes ou nos sentinelles, et de nombreuses rencontres ont lieu avec nos petits postes et nos patrouilles.
Relevé le 4 avril, le régiment vient vers le 15 effectuer des travaux dans la région Régnéville-Remenauville (nord de Toul).
Le 25 avril, le lieutenant-colonel CLAVERY prend le commandement du régiment.

EN CHAMPAGNE
Mont Cornillet (mai 1917).
Embarqué le 7 mai à Toul, le 9e tirailleurs vient, dans la nuit du 14 au 15 mai, occuper le secteur du mont Blond. Pendant douze jours, il ne cesse de combattre et en dépit de l'acharnement de l'ennemi et des pertes élevées qu'il subit, partout il progresse ou se maintient sur ses positions. Le 20 mai, à 16h 25, il attaque. Le bataillon de droite a devant lui des tranchées solidement organisées et garnies de nombreuses défenses accessoires. Les unités qui partent à l'assaut sont accueillies par des tirs violents de mitrailleuses et par un barrage de grenades. Les pertes élevées obligent les tirailleurs à se terrer devant la tranchée ennemie. Le bataillon de gauche s'avance à une vingtaine de mètres de la tranchée de Flensburg, après s'être emparé d'un blockhaus. La réaction de l'ennemi est très violente; néanmoins, pendant quatre jours, les tirailleurs organisent une parallèle de départ et, le 25, ils attaquent de nouveau. Ils sont fatigués, mais leur moral est intact, et toute la journée ils se battent avec furie. La parallèle de départ, détruite par l'artillerie, doit être un moment évacuée; l'ennemi, qui suit de près son barrage, s'y infiltre et, à 17 heures, les tirailleurs repartent à l'assaut; en un clin d'œil la parallèle est nettoyée, ses occupants sont tués ou faits prisonniers; la tranchée de Flensburg est prise. Une violente contre-attaque ennemie ne peut déloger les tirailleurs de cette tranchée sur laquelle se livre un combat acharné.
Le bataillon de gauche, à peu prés décimé, arrache de haute lutte à l'ennemi la tranchée Blonde. Malgré son héroïsme, il doit se replier devant une contre-attaque et venir s'installer sur la tranchée de Flensburg d'où il ne peut être chassé malgré les efforts de l'ennemi. La nuit est occupée à réorganiser les unités et à les ravitailler en munitions. Le lendemain, l'ennemi attaque sans succès sur l'antenne nord-est du Chapeau. Le 27 mai, une nouvelle attaque est repoussée. Fatigués, mais non déprimés moralement, par ces dures journées de combat, privés d'une partie de leurs cadres, les tirailleurs sont relevés le 29 mai.
Le 9 juin, sans avoir pris de repos, le régiment occupe le secteur de la Tourbe; enfin, le 6 juillet, il vient jouir d'un long repos dans la région d'Épense.

VERDUN
Deuxième séjour (3 août 1917-1er janvier 1918).
Arrivé le 3 août dans la région de Verdun, le régiment est mis à la disposition de la D.M. pour faire des travaux dans le secteur d'attaque de cette division (Mort-Homme et Cumières). Le 20 août, la D. M. attaque; les 1er et 2e bataillons participent à l'opération en ravitaillant les unités de première ligne. Après quelques jours de repos à Souhesmes et à Vadelaincourt que chaque nuit les avions ennemis bombardent, le régiment monte aux bois Bourrus et Deloline, pour aller ensuite occuper les secteurs Côte de l'Oie-Régnéville. Séjour très pénible : le mauvais temps est continuel, l'artillerie ennemie, très active, bat journellement les tranchées et les boyaux ; les avions mitraillent et bombardent nos premières lignes et nos cantonnements de repos ; des " Stosstrupp " viennent continuellement attaquer nos postes. Néanmoins, les tirailleurs supportent facilement toutes les fatigues qui leur sont imposées, et leur esprit offensif est entretenu par de nombreuses patrouilles et par des coups de main au cours desquels ils font des prisonniers à l'ennemi.

1918
(Du 1er janvier au 10 juin 1918.)
Quittant Verdun le 1er janvier, le régiment exécute jusqu'au mois de juin des déplacements très fréquents. Après un séjour dans la région Joinville-Vassy, il part le 21 janvier dans les Vosges (Xirocourt, Gugney-aux-Aulx, Vaubexy) où il jouit d'un repos très agréable, et il vient, le 11 février, au nord de Nancy (Lay-Saint-Christophe) exécuter des travaux. Après une courte période d'instruction à Rigny-la-Salle, il vient en Champagne (Oger-Mesnil-sur-Oger) et, le 5 avril, il est transporté en autos au nord-ouest de Compiègne (Montmacq-Plessis-Brion). Du 12 avril au 6 mai, le régiment occupe le secteur Épagny-Pont-Saint-Mard, secteur qu'il quitte pour se rendre dans le Nord, dans la région de Hesdin.
L'offensive foudroyante des Allemands déclanchée le 27 mai sur Château-Thierry fait de nouveau déplacer le régiment. Embarqué en chemin de fer à Frévent, il vient à Rouvres faire des travaux défensifs sur le canal de l'Ourcq.

CONTRE-OFFENSIVE
(11 juin 1918.)
Sur le Matz.
Le 10 juin; alerte! l'ennemi avance rapidement vers Estrées-Saint-Denis ; une contre-offensive dirigée par le général MANGIN doit briser son mouvement. A 18 heures, le régiment embarque en autos ; à 6 heures, le 11, débarquement à Rouvillers, d'où les unités se rendent à Beaupuits que les derniers éléments atteignent à 8h30. A 8h45, après avoir reçu des munitions et des vivres, les tirailleurs, tous joyeux, partent vers la ligne de feu. A 11h30, l'attaque est déclenchée dans la direction générale de l'église de Marquéglise. La progression s'exécute avec un entrain admirable et avec un ordre parfait, comme à la manoeuvre. Les barrages de mitrailleuses, quoique provoquant des pertes sérieuses dans les vagues d'assaut, n'arrêtent pas les tirailleurs qui, d'un seul bond, enlèvent le premier objectif (cote 98). A partir de cette croupe, le feu de l'ennemi devient de plus en plus intense. Partout des nids de mitrailleuses ralentissent la progression, mais les chars d'assaut viennent apporter une aide efficace. Accompagnés de groupes de tirailleurs, ils détruisent les mitrailleuses qui, des lisières sud du bois de Laploye et de Genlis et de la cote 110, prennent de flanc les vagues d'assaut. Ces points sont vivement nettoyés; l'ennemi doit se replier abandonnant aux tirailleurs des prisonniers, des canons et un important matériel. Le mouvement en avant est alors repris et, avec un entrain irrésistible, le régiment enlève la cote 117 et la ferme La Garenne.
L'avance, qui venait de se faire très rapidement sur une profondeur de 6 kilomètres, est de nouveau arrêtée par les barrages de l'ennemi, qui lance sans succès deux contre-attaques sur les positions qu'il vient de perdre.
La nuit est assez calme; mais le 12, dès le petit jour, l'artillerie se met à pilonner les éléments de tranchées confectionnées pendant la nuit par les tirailleurs qui, comme d'habitude, restent calmes et impassibles sous la canonnade.
Après trois nuits sans sommeil et deux journées de combat, le régiment, qui venait de fournir un effort considérable et de faire preuve d'une endurance extraordinaire, est relevé et, dans la nuit du 13 au 14 juin, il est transporté en camions-autos à Taillefontaine.
Cette brillante contre-attaque, couronnée de succès, enrayait complètement le mouvement de l'ennemi, et le général MANGIN récompensait le régiment en le citant à l'ordre de l'armée (ordre no 356) avec le motif suivant
Sous les ordres du lieutenant-colonel CLAVERY et des chefs de bataillon BIDAUT, JAILLET et SAUZÈDE, le 11 juin 1918, engagé dans des conditions très périlleuses, après une nuit d'autos-camions, a franchi, au départ, avec un ordre et un entrain admirables un tir de barrage extrêmement dense; a conquis de haute lutte les deux premiers objectifs. Malgré les pertes sévères et un tir meurtrier de mitrailleuses sur son flanc gauche, a fait 79 prisonniers dont 2 officiers, pris des mitrailleuses légères et lourdes. A organisé en une nuit les positions conquises et s'y est maintenu pendant trente-six heures, jusqu'à sa relève, sous un bombardement des plus violents ; ayant 18 officiers et 696 hommes mis hors de combat.
S'était déjà distingué plusieurs fois depuis le début de la campagne; en particulier dans les attaques de la Somme et du Cornillet.
Le Général commandant la Xe armée,
Signé : MANGIN.

COMBAT SUR LE G. M. P.
Forêt de Retz (9-17 juillet).
Dans la nuit du 9 au 10 juillet, le régiment occupe la ligne du G. M. P., dans la forêt de Retz, nord de Villers-Cotterêts et en dehors de la route de Maubeuge jusqu'à la ferme de Chavigny. En vue de rejeter l'ennemi hors de la forêt, il attaque chaque jour et, malgré de lourdes pertes, lui enlève de force le terrain. Dans la nuit du 11 au 12, une section du 3e bataillon (commandant JAILLET), appuyée par les lance-flammes, progresse dans le G. M. P., enlève un abri et fait des prisonniers.
Le lendemain, une autre section participe avec le 1er zouaves à l'enlèvement d'une autre partie du G. M. P.; elle enlève facilement son objectif, faisant 17 prisonniers dont 1 officier.
Le 14, le 2e bataillon (commandant BIDAUT) progresse à l'est de G. M. P. dans la direction de la laie des Fourneaux. Le mouvement, facile au début, devient bientôt très pénible. Toutes les laies sont battues par des mitrailleuses; le bois, très touffu, gêne la marche; de plus le bombardement par obus toxiques et explosifs cause des pertes sévères. L'objectif néanmoins est enlevé, et la nouvelle position rapidement organisée.
Dans la nuit du 16 au 17, le 1er bataillon (commandant SAUZÉDE), qui a déjà subi beaucoup de pertes, monte en première ligne en avant des marais de Longpont. La relève est particulièrement difficile. La nuit est très noire; les chemins défoncés sont encombrés de troncs d'arbres et de branches cassées: l'air est irrespirable, l'ennemi n'ayant cessé de bombarder la forêt avec des obus asphyxiants.
A peine arrivés sur la première ligne, beaucoup d'officiers et de tirailleurs, complètement intoxiqués, doivent être évacués, si bien que la position est à peine tenue. Le soir même, le 2e bataillon doit monter se substituer au 1er.
Malgré la faiblesse de ses effectifs, l'absence presque complète de cadres, la fatigue des hommes, dont beaucoup ont les yeux brûlés par les gaz, le régiment doit prendre part le lendemain à l'offensive générale, et une nouvelle fois il va se couvrir de gloire.

LA POURSUITE
Combat des 18 et 19 juillet.
18 juillet ! date mémorable qui marque le commencement de la débâcle allemande ! Un vent de victoire pousse les tirailleurs en avant. A 4h 35, suivant le barrage roulant, ils enlèvent rapidement le village et le château de Villers-Hélon, faisant de nombreux prisonniers. L'ennemi se replie en arrière du village, et l'intervention des chars d'assaut est nécessaire pour détruire de nombreuses mitrailleuses qui arrêtent le mouvement en avant. A 10h 30, la cabane cantonnière de la cote 195 est enlevée, mais il faut s'arrêter devant le bois de Mauloy dont les lisières sont garnies de mitrailleuses. L'ennemi se regroupe à l'abri des cultures; mais, devant une pression énergique du 2e bataillon (commandant BIDAUT), il doit se replier, tandis que son artillerie déclanche un barrage très violent.
Après une nuit assez calme, le mouvement est repris le 19 de très bonne heure. Malgré une résistance opiniâtre de l'ennemi, les tirailleurs pénètrent dans la partie nord-est du village de Blanzy, ayant malheureusement à déplorer la mort du commandant BIDAUT, aimé de tous par sa bonté et sa bravoure légendaire. Mais ils doivent bientôt se replier : les pertes sont très élevées ; il ne reste plus que 3 officiers, qui rassemblent les quelques survivants à la lisière est du bois de Mauloy. A 13 heures, une nouvelle attaque doit avoir lieu. Cette poignée de braves, ne voyant pas arriver le bataillon qui devait les remplacer sur la ligne de feu pour cette nouvelle phase de l'opération, se reporte en avant. Brillamment entraînés par leurs officiers, les tirailleurs, avec une fougue merveilleuse, se ruent sur la cote 100 (près Blanzv), l'enlèvent; malgré un pilonnage intense, ils se maintiennent sur les positions conquises jusqu'à l'arrivée des troupes fraîches. Regroupés le soir même à Villers-Hélon, ils passent toute la journée du lendemain à rassembler le matériel considérable qu'ils ont pris à l'ennemi. Peu de temps après, le général MANGIN, reconnaissant les beaux services que venait encore de rendre le régiment à la France, le citait à l'ordre de l'armée (ordre 342) en ces termes
Sous le commandement du lieutenant-colonel CLAVERY, engagé depuis six jours dans des conditions très dures qui lui avaient valu des pertes sensibles, s'est lancé à l'attaque, le 18 juillet 1918, avec une fougue merveilleuse; a enlevé tous ses objectifs, s'emparant, dans les journées des 18 et 19 juillet de 200 prisonniers et 28 canons. Bien que réduit par les pertes et privé d'une grande partie de ses cadres, a maintenu ses gains et repoussé toutes les contre-attaques ennemies.
Le Général commandant la Xe armée,
Signé : MANGIN.

SUR L'AILETTE
(Du 19 août au 2 septembre.)
Après un court repos, le régiment, à peine reconstitué, franchit l'Aisne, les 17 et 18 août, et entre dans la bataille devant Nampcel-sous-Touvent le 20, à 7 heures du matin.
Suivant de près le barrage roulant, les bataillons de tête progressent rapidement sur les pentes abruptes et boisées du ravin de Nampcel; ils traversent les marécages et, en dépit de la résistance de l'ennemi qui met en jeu de nombreuses mitrailleuses, ils enlèvent leur premier objectif (le bord nord du Ravin).
Le mouvement en avant devient alors excessivement difficile; le terrain est garni de mitrailleuses que les tirailleurs doivent réduire par leurs propres moyens. Enfin, après un effort considérable, malgré de fortes pertes; les vagues d'assaut parviennent vers midi au parallèle du Bourru et du Brutal d'où le feu de l'ennemi les empêche de déboucher.
Le 21, l'attaque continue. La résistance des Allemands devient de plus en plus opiniâtre; leurs mitrailleurs se font tuer sur place plutôt que de se rendre, leur artillerie déverse des milliers d'obus toxiques et explosifs sur les vagues d'assaut. Le brouillard très épais, le bois très touffu augmentent encore la difficulté de la progression. Mais la volonté des tirailleurs est supérieure à celle des Allemands : ils leur enlèvent une à une toutes leurs positions, et, à 9h 15, le village de Blérancourt est entre leurs mains.
A 17 heures commence la poursuite sur l'Ailette. Malgré la fatigue et la chaleur, malgré le bombardement par canons et par avions, les tirailleurs atteignent la lisière est du bois de Blérancourt et, dans la nuit, le ru du moulin de Presles.
Le 22, à 2h45, la poursuite recommence, lente par suite de la résistance qu'offrent les Allemands. Enfin, à 18h 30, le régiment est sur le canal de l'Ailette. Il s'y organise défensivement sous le feu de l'ennemi qui est fortement installé sur la rive droite du canal. Après ces trois journées ininterrompues de durs combats, les tirailleurs fatigués, mais encouragés par leurs succès, prêts à de nouveaux efforts, passent en réserve pour quelques jours.
Le 29, après avoir franchi le canal de l'Ailette et l'Ailette dont l'artillerie ne cesse de battre les points de passage, le régiment reprend sa place en première ligne, sur le front Champ-Courbesseaux.
Le 31, le commandement fait un nouvel appel à la bravoure et à l'endurance des tirailleurs. A 16 heures, malgré un barrage d'une violence inouïe, ils se portent en avant, enlèvent le bois des Vaches et continuent leur progression jusqu'aux abords de la forêt de Coucy. Les pertes très élevées et la résistance énergique de l'ennemi les obligent à se terrer et, pendant la nuit, ils organisent le terrain conquis.
Depuis le 20 août, malgré les pertes subies, le régiment faisant preuve d'une ténacité et d'un mordant incomparables avait progressé de 25 kilomètres, fait de nombreux prisonniers, pris des canons et des mitrailleuses.
Après ce rude effort, un bon repos est bien mérité. Le 4 septembre, les camions-autos emmènent les tirailleurs aux environs de Coulommiers, à Aulnoy et Saint-Germain.

EN CHAMPAGNE
(Du 26 septembre au 15 octobre.)
Partageant son séjour en arrière entre l'instruction et le repos, le régiment, à peine réorganisé, privé de la majeure partie de ses cadres, est enlevé en autos le 21 septembre, pour se rendre en Champagne, où il prend une part glorieuse aux derniers assauts qui vont précipiter la retraite de l'ennemi. Débarqué près d'Herpont, il se rend le 24 dans la région de Somme-Tourbe.
Le 25 septembre, le général SCHULLER, commandant la division, annonce aux officiers et sous-officiers que le lendemain une grande bataille va se déclencher de la mer du Nord à la Meuse; de nouveaux sacrifices sont demandés aux tirailleurs qui ne demandent qu'une chose : " Chasser l'ennemi hors de France ! "
Le 26, à 6h 50, la division se met en marche. Le régiment, qui est en réserve, met 300 hommes à la disposition des chars d'assaut pour les aider dans leur progression. Le soir, il bivouaque près de Hurlus ; le 27, il arrive à hauteur du bois des Chouettes, et le 28 à hauteur de la butte de Tahure.
Le 29, la division qui doit enlever la position Orfeuil-Livry, s'empare tout d'abord de la Croix Muzart et progresse vers Aure; le régiment se porte à la tranchée des Pachas. Le 30, ses éléments de tête sont à la tranchée Schwerin-Schlucht.
Dans la nuit du 1er au 2 octobre, il passe en première ligne; devant lui il a des bois de sapins et des réseaux de fils de fer que l'ennemi défend avec acharnement.

L'attaque.
Le 2 octobre, à 11h50, l'attaque se déclanche sur le mouvement de terrain au sud des monts Chéry. Les tirailleurs (bataillons JAILLET et DUVAL), merveilleux d'entrain, partent à l'assaut, mais ils ne peuvent dépasser les fils de fer non détruits que battent des mitrailleuses. Plusieurs fois, ils reviennent à la charge, mais l'ennemi est tenace, et ses mitrailleuses sous abris bétonnés fauchent les vagues d'assaut, tandis que son artillerie concentre son tir sur le bois de la Punaise et dans le ravin d'Aure.
Le 3 octobre, l'attaque reprend, le bataillon de gauche (commandant DUVAL) tente de progresser à gauche dans le bois de la Puce, mais il se heurte toujours à des mitrailleuses. il faut manoeuvrer pour faire tomber la position. Le bataillon de soutien (commandant MOUZAC) part alors; il progresse dans le bois du Pou, mais lui aussi est bientôt arrêté par les mitrailleuses. Revenant plusieurs fois à l'assaut, les tirailleurs tombent mais ne passent pas; leur effort est néanmoins utile car il permet au bataillon de gauche de progresser. A 18 heures, ce dernier est violemment contre-attaqué et il doit abandonner momentanément une partie du terrain si chèrement conquis. Pendant la nuit, il réussit cependant à revenir jusqu'aux réseaux de fils de fer et s'y accroche.
Malgré les pertes très lourdes subies dans cette journée, une nouvelle attaque a lieu le lendemain. Après plusieurs tentatives d'infiltration, les fils de fer balayés par les mitrailleuses installées à la Croix Gilles ne peuvent être franchis. Le 1er bataillon (commandant MOUZAC) progresse légèrement à hauteur du bois du Pou, mais de violentes contre-attaques l'obligent à s'arrêter. Dans la nuit, le régiment vient en deuxième ligne, et après quarante-huit heures de repos, il remonte sur la ligne de feu. Les effectifs, déjà très réduits, sont encore affaiblis par les pertes nouvelles que causent les obus à gaz.
La poursuite.
Le 10 octobre, après une nuit relativement calme, on constate que, sous la pression continue des jours précédents, l'ennemi commence à se replier; seules, quelques mitrailleuses légères ont été laissées de place en place pour nous tromper. La poursuite commence; la progression se fait dans un terrain boisé, très accidenté, coupé de ravins profonds; les monts Chéry sont dépassés et, à la tombée de la nuit, les éléments de tête sont à la fontaine des Ducs. Le 11, la Croix Adnet et Contreuve sont enlevés. Le 12, après Bourcq, les tirailleurs occupent Grivy-Loisy, délivrent plus de 3.000 civils qui se portent devant eux, les acclament, ne sachant comment témoigner leur reconnaissance à ces braves qu'ils appellent " nos libérateurs ".
Le mouvement continue dans la direction de Voncq, et en fin de journée, le régiment arrive au canal longeant l'Aisne et s'y installe. Dans les nuits du 12 au 13 et du 13 au 14, des reconnaissances franchissent audacieusement le canal et rapportent des renseignements précis sur les positions ennemies. Le régiment, très affaibli, ne peut continuer la poursuite, des troupes fraîches viennent le relever, et, le 24 octobre, les tirailleurs partent pour Survilliers près de Paris, goûter un repos bien gagné.
Au cours de cette période, du 26 septembre au 15 octobre, le régiment avait, suivant son habitude, fait preuve d'une énergie et d'une endurance sans pareille; partout, au prix d'efforts surhumains, il a réussi à imposer sa volonté à l'adversaire; aussi le général GOURAUD décerne-t-il une nouvelle palme à son drapeau
Le général commandant la IVe armée cite à l'ordre de l'armée le 9e R. M. T. A.
Sous les ordres du lieutenant-colonel CLAVERY, vient de prendre part à une dure et glorieuse offensive du 26 septembre au 15 octobre 1918. Malgré la faiblesse de ses effectifs au début des opérations, malgré les fatigues de marches de nuit incessantes, ce régiment, animé du même entrain et du même esprit de sacrifice que son colonel, a attaqué avec son ardeur légendaire des positions allemandes fortement défendues et parsemées de mitrailleuses. Par son élan et sa ténacité, par la manoeuvre toutes les fois qu'elle a été possible, a forcé l'ennemi à battre en retraite, l'a poursuivi en bousculant toutes ses tentatives de résistance, réalisant au total une avance de 30 kilomètres et capturant des prisonniers et un très nombreux matériel.
Le Général commandant la IVe Armée,
Signé : GOURAUD.

LES CITATIONS DU,RÉGIMENT
ORDRE GÉNÉRAL No 103.
Sous un bombardement dont l'intensité dépasse toute idée, après des jours et des nuits de combat sans trêve ni répit, les troupes de la 25e division ont barré la route à l'ennemi.
Soldats d'Afrique et soldats de France, défenseurs de Béthincourt, de Cumières et du Mort-Homme, l'âme haute comme l'âme de leur général, sont entrés dans la grande bataille de Verdun pour préparer la grande victoire.
Au quartier général, 17 mars 1916.
Le Général commandant le groupement,
Signé : DE BAZELAIRE.

Le général commandant le 10e C. A., sous no 205, cite le 9e R. M. T. A.
Le 21 octobre 1916, sous les ordres du lieutenant-colonel DÉRIGOIN, après avoir tenu plusieurs jours sous un bombardement meurtrier et continu, et dans des conditions atmosphériques très pénibles, s'est porté à l'attaque des bois de Chaulnes avec un allant superbe et dans un ordre parfait, atteignant rapidement les objectifs fixés et faisant de nombreux prisonniers. Le 7 novembre 1916, sous les ordres du lieutenant-colonel ALTMEYER, coopérant à l'attaque du Pressoir et du bois Kratz, a montré les mêmes qualités d'audace et de vigueur heureuses, en dépit d'une violente tempête de vent et de pluie et d'un violent bombardement.
Le Général commandant le 10e C.A.,
Signé : ANTHOINE

Le général MANGIN, commandant la Xe armée, cite à l'ordre de l'armée, sous le ne 356, le 9e R. M. T. A.
Sous les ordres du lieutenant-colonel CLAVERY et des chefs de bataillon BIDAUT, JAILLET et SAUZÈDE, le 11 juin 1918, engagé dans des conditions difficiles, après une nuit d'autos-camions, a franchi au départ avec un ordre et un entrain admirables un tir de barrage extrêmement dense; a conquis de haute lutte les deux premiers objectifs, malgré des pertes sévères et un tir meurtrier de mitrailleuses sur son flanc gauche, fait 79 prisonniers, dont 2 officiers, pris des mitrailleuses légères et lourdes; a organisé en une nuit la position conquise et s'y est maintenu pendant trente-six heures jusqu'à sa relève, sous un bombardement des plus violents, ayant 18 officiers et 696 hommes mis hors de combat.
S'était déjà distingué plusieurs fois depuis le début de la campagne; en particulier pendant. les attaques de la Somme et du Cornillet.
Le Général commandant la Xe armée,
Signé : MANGIN.

Le général MANGIN, commandant la Xe armée, cite à l'ordre de l'armée, sous le no 342, le 9e R. M. T. A.
Sous le commandement du lieutenant-colonel CLAVERY, engagé depuis six jours dans des conditions très dures qui lui avaient valu des pertes sensibles, s'est lancé à l'attaque, le 18 juillet 1918, avec une fougue merveilleuse, a enlevé tous ses objectifs, s'emparant, dans les journées des 18 et 19 juillet, de 300 prisonniers et 28 canons. Bien que réduit par les pertes et privé d'une grande partie de ses cadres, a maintenu ses gains et repoussé toutes les contre-attaques ennemies.
Le Général commandant la Xe armée,
Signé : MANGIN.
Le général GOURAUD, commandant la IVe armée; cite sous le no 11333 à l'ordre de l'armée, le 9e R. M. T. A.
Sous les ordres du lieutenant-colonel CLAVERY, vient de prendre part à une dure et glorieuse offensive, du 26 septembre au 15 octobre 1918. Malgré la faiblesse de ses effectifs au début des opérations, malgré les fatigues de marches de nuit incessantes, ce régiment, animé du même entrain et du même esprit de sacrifice que son colonel, a attaqué avec son ardeur légendaire des positions allemandes fortement défendues et parsemées de mitrailleuses. Par son élan et sa ténacité, par la manoeuvre toutes les fois qu'elle a été possible, a forcé l'ennemi à battre en retraite, l'a poursuivi sans répit en bousculant toutes ses tentatives de résistance. réalisant au total une avance de 30 kilomètres, et capturant des prisonniers et un très nombreux matériel.
Le Général commandant la IVe armée,
Signé : GOURAUD.

UNITÉS DU RÉGIMENT CITÉES A L'ORDRE DE L'ARMÉE
Le général GOURAUD, commandant la IVe armée, cite à l'ordre de l'armée la 6e compagnie du 9e R. M. T. A.
A Le 25 mai 1917, appuyée par la 3e section de la 2e C. M. commandée par l'adjudant DERSINY et par des groupes de nettoyeurs de la 7e compagnie, le tout aux ordres du capitaine MORTEMARD DE BOISSE, commandant la 6e compagnie, s'est lancé à l'assaut dans un ordre parfait, et grâce aux habiles dispositions prises par son chef, a enlevé brillamment un fortin garni de mitrailleuses et fortement occupé, et infligé des pertes sévères à l'ennemi.
Le Général commandant la IVe armée,
Signé : GOURAUD.

Le général commandant la IVe armée cite à l'ordre de l'armée la 7e compagnie du 9e R. M. T. A.
du 25 au 29 mai 1917, sous les ordres du capitaine LEBRUN, a, malgré un bombardement violent et meurtrier, grâce à l'énergie et au courage de son chef resté comme seul officier, maintenu la possession d'une position récemment conquise, repoussant à deux reprises deux attaques ennemies en infligeant aux Allemands des pertes sensibles.
Le Général commandant la IVe armée,
Signé : GOURAUD.

ANECDOTES RECUEILLIES AU RÉGIMENT
MORT DU SERGENT BOUACCAZ
Au début de la campagne, BOUACCAZ était simple tirailleur a la 8e compagnie. Mais il devint rapidement populaire dans le 2e bataillon; tant dans les circonstances les plus tragiques son intrépide bonne humeur réconfortait son entourage. Jamais on ne le vit découragé ni effrayé; jamais ses petits yeux malins et fureteurs ne cessaient de guetter l'ennemi. Perpétuellement en mouvement, presque jamais caché, il paraissait narguer les balles. Le moral de ses camarades, au cours d'une action, lui paraissait-il chanceler une bordée d'injures et de plaisanteries, comme lui seul savait en inventer, quelques héroïques pitreries exécutées à la barbe des Allemands, forçaient le rire et rendaient confiance à tous. " Il a la Baraka ", disaient les tirailleurs, et ils le suivaient.
Rapidement il devint caporal, puis sergent. Le 15 septembre 1914, au cours de l'affaire du Godat, son officier, le lieutenant NATALIE, se lançant à l'assaut de la ferme Sainte-Marie, tombe foudroyé d'une balle en plein coeur. Un feu d'enfer force toute la compagnie à s'aplatir. Mais BOUACCAZ, avec deux autres braves, s'élance au secours de son lieutenant. Lui seul parvient à l'atteindre et ramène son corps.
Fin octobre 1914, le régiment fut engagé sur l'Yser non loin de Nordschoote. Franchissant le canal de l'Yser, les 2e et 3e bataillons s'étaient installés sur sa rive droite en avant d'une série de fermes dont ils avaient chassé l'ennemi. BOUACCAZ, selon son habitude, entraînait ses hommes à l'attaque. Puis, quand on commença à organiser la position conquise, il avisa le toit d'une maison à demi démolie, et s'en fit un observatoire. Agrippé comme un chat à contre-pente, la tête dépassant à peine le faîtage,il passait là la plus grande partie de ses journées, tiraillant, sans s'inquiéter des ripostes, sur tout ce qui remuait dans les tranchées adverses qu'il dominait.
Le 3 novembre 1914, dans l'après-midi, il partait avec une petite patrouille, pour reconnaître les positions adverses, dissimulées dans les haies et les arbres. Soudain, il se heurte à un petit poste ennemi, numériquement supérieur, qui ouvre un feu nourri. La patrouille se replie. Mais, soudain, laissant ses camarades rentrer; BOUACCAZ se retourne et seul s'avance vers l'ennemi. Arrivé à bonne portée, il s'accote à un arbre qui ne le dissimule qu'en partie; et là, debout, il commence à tirer posément en visant soigneusement. Une fusillade lui répond du petit poste; il n'en a cure. Trois fois, quatre fois, il met en joue. Comme il épaulait une cinquième fois, on vit son fusil s'abaisser, sa tête retomber sur sa poitrine, et il s'écroula une balle au front.
Il repose depuis dans les prairies de l'Yser où ses compagnons désolés lui donnèrent une sépulture aussi convenable que le permettaient les circonstances; il leur semblait qu'avec lui disparaissait l'âme de leur petit groupe.

LE CAPORAL GABÈS
Le 14 janvier 1915, au moment où le 1er bataillon dut se replier derrière l'Aisne (3 heures du matin), il fut impossible de retrouver le caporal GABÈS qui commandait le T. C.; il était resté dans Bucy-le-Long, avec ses mulets.
Au petit jour, GABÈS, n'ayant pas d'ordres, monte à la ferme de la Montagne lorsque dans le chemin creux il tombe sur l'ennemi qui, étonné et n'entendant plus rien, s'avançait. GABÈS ne put s'échapper. Il fit demi-tour, et marcha devant les Boches. A un tournant du chemin creux, il sauta dans un talus couvert de buissons et disparut malgré les coups de feu. Au pas de course, il revient à l'écurie, pour sauver ses mulets. Mais, trop tard! l'ennemi était en train de cueillir les muletiers. Sommé de se rendre, il refuse et avec deux camarades saute le mur et, toujours au pas de course, gagne le fond de Venizel malgré la fusillade. En route, il rencontre un autre muletier qui en s'échappant avait reçu une balle dans le pied. A eux trois, ils l'emportent, et finissent par arriver au pont de Venizel.
Mais, où est son bataillon? De cantonnements en cantonnements GABÈS arrive à Chacrise; là, il se souvient qu'un mois avant il avait vu à Écury un quartier général, il s'y rend et peu après, bien renseigné; il rejoignait le bataillon.

LE TIRAILLEUR FEDDA AU MORT-HOMME
Le 14 mars 1916, le tirailleur FEDDA, mle 6463, de la 1re compagnie; était détaché comme agent de liaison auprès du colonel commandant la brigade, dont le poste de commandement était situé à la cote 295, près du Mort-Homme. Vers 15 heures, une violente attaque allemande se produit, bousculant un bataillon d'infanterie placé à gauche du 1er bataillon qui est menacé d'être enveloppé. FEDDA et les agents de liaison du corps voisin sont chargés de porter un ordre; tout à coup, ils se trouvent entourés d'Allemands. Quelques-uns des agents de liaison hésitent et sont sur le point de mettre bas les armes, lorsque FEDDA s'écrie
"Allons, camarades, du courage ! je ne reste pas avec les Allemands; je veux rejoindre mon capitaine! " puis il épaule son fusil, et en un instant il tue ou blesse 12 de ses adversaires qui ne font plus rien pour s'opposer au passage des agents de liaison.
FEDDA remplit sa mission et repart ensuite tranquillement sur la ligne de feu continuer le combat avec ses camarades.

LES PRISONNIERS DE VERDUN
Pendant le combat du 14 mars 19,16 sur le Mort-Homme, le 3e bataillon, qui occupait le plateau de Béthincourt, se trouve encerclé et ses rares survivants, faits prisonniers, furent envoyés sans escorte à l'arrière, par l'ennemi.
A la tombée de la nuit, profitant du désarroi causé chez l'ennemi par notre artillerie, quelques-uns se glissent à travers le réseau de surveillance boche, et viennent se présenter devant le 2e bataillon. Ces braves, conduits par le tirailleur AIGOUN, déclarèrent qu'ils avaient préféré risquer de tomber sous les balles françaises, plutôt que de rester prisonniers des Allemands, et ayant été équipés et armés, ils reprirent immédiatement leur place de combat, comme si rien d'anormal ne leur était arrivé.

LE CLAIRON CHÉRIF
Le 18 juillet 1918, le 9e tirailleurs attaque les positions allemandes à l'est de la Savière par Longpont, Violaine, Villers-Hélon et Blanzy.
Au débouché de Villers-Hélon, le bataillon de première ligne est pris sous un très violent tir de barrage; des mitrailleuses installées sur la hauteur qui précède Blanzy déclanchent sur la chaîne un feu meurtrier : il faut stopper.
A midi, l'ordre arrive d'attaquer Blanzy : à 13 heures, on sera soutenu par des tanks. Mais à 13 heures les tanks ne sont pas encore arrivés. Afin d'éviter aux unités des ailes un échec certain, le chef de bataillon décide qu'on passera outre, qu'on attaquera quand même, et il donne le signal de l'assaut. Mais les Allemands réagissent furieusement : il se produit sur la chaîne un moment d'indécision; les hommes hésitent à se lever, d'autres se recouchent; c'est alors que le clairon CHÉRIF, comprenant la gravité de la situation, se lève: il s'élance, seul en avant des tirailleurs, et décrochant prestement son clairon; il l'embouche comme à la parade, et sans ordres, il sonne la charge. II montre l'ennemi. Ses camarades électrisés partent et une heure après, Blanzy est à nous.

QUELQUES GLORIEUSES CITATIONS DE TIRAILLEURS

BENOUADA. caporal. - S'est particulièrement distingué au combat de Châtelet (22 août) en abattant. successivement 3 Allemands qui assaillaient son lieutenant déjà blessé. A depuis fait constamment preuve d'un courage indomptable et d'un mépris absolu du danger.

KADA MOHAMED, sergent. - Blessé à Craonne le 20 septembre 1914 et fait prisonnier, s'est évadé trois jours après, et a rejoint les lignes françaises.

PÉREZ (Alphonse), Ire classe, mle 1761. - Le 29 août 1914, à Ribemont, blessé d'un éclat d'obus à la cuisse. a conservé sa place dans le rang bien qu'ayant reçu l'ordre d'aller se faire panser.

AIDOUX. 2e classe. -.Étant aux tranchées de première ligne et ayant l'oeil droit arraché par une balle, a refusé de se laisser ramener en arrière. disant : " Non, je veux rester pour charger les Allemands ", donnant ainsi à ses camarades un bel exemple de courage.

LASSERRE, capitaine. - Le 14 décembre, a superbement. enlevé la colonne d'assaut et est entré le premier dans la tranchée, allemande, où il a été tué.

BOUNOUA, 2e classe. - Le 5 novembre, a ramené sous le feu le corps de son sergent français très blessé. Fait prisonnier le 6 novembre, s'est évadé et a rejoint son unité.

TOUMI TAIEB. 2e classe, mle 1189. - Ayant eu le bras sectionné par un éclat d'obus; a conservé son sang-froid en disant à son sergent : " Tiens, regarde ce que canon m'a fait ! , et est allé tranquillement se faire panser en amenant avec lui un camarade blessé et démoralisé. A été amputé de l'avant-bras.

LAFER, Ire classe, mle 1263. - Le 14 juin 1915, an cours d'un bombardement très violent, a, malgré une première blessure, continué à observer l'ennemi, a été de nouveau blessé grièvement à son poste de guetteur et n'est allé se faire panser qu'après avoir été remplacé par un de ses camarades.

TEMOUMENT (Abdelkader), 2e classe, mle 1281. - Le 18 juillet 1915, blessé à la cuisse par un éclat d'obus, a donné un bel exemple de sang-froid et de conscience de son devoir en terminant la mission dont il était chargé avant d'aller se faire soigner.

CHEBR YAHIA, caporal. - Le 11 novembre 1915, sous un bombardement extrêmement violent, est sorti à plusieurs reprises de son abri pour vérifier si les guetteurs fournis par son escouade demeuraient à leur place; a, par son attitude, maintenu le calme complet parmi ses hommes.

AMAR SAID, 2e classe, mle 1492. - S'est particulièrement distingué, le 18 mars 1915, en sautant un des premiers dans une tranchée allemande et en mettant hors de combat, d'un coup de baïonnette, l'officier allemand qui commandait. Grièvement blessé depuis.

BOURELLI (Auguste), capitaine. - Le 10 mars; sous un bombardement violent, a été mortellement blessé en parcourant les tranchées occupées par ses hommes, donnant ainsi un bel exemple de courage.

PAUL, capitaine. - Blessé mortellement à son poste de commandement le 10 mars, a eu l'énergie d'adresser à ses hommes un suprême adieu, les exhortant au plus grand sacrifice.

FEDDA (Abdelkader), 2e classe, mle 6463. - Étant agent de liaison auprès du colonel commandant la brigade, a. été entouré d'Allemands en portant un ordre. A tué ou blessé 12 de ses adversaires, puis a accompli sa mission. Conduite particulièrement brillante au cours des engagements du 10 au 16 mars 1916.

BELKKOUCHE (Mohammed), mle 3455. - Blessé grièvement par un éclat d'obus alors qu'il était de faction dans la tranchée, et bien qu'il ait eu le visage couvert de sang, est resté à son poste, ne s'est. rendu au poste de secours que sur l'ordre de son chef de section. Excellent soldat.

ABDELLATIF, 2e classe, mle 4555. - Blessé au bras le 12 mars 1916, à son poste de combat, s'est fait panser sur place par ses camarades. A dit à son lieutenant : " Je ne suis pas assez malade pour quitter mon poste. n

ALIOUAT (Ahmed), 2e classe, mle 2248. - Le 14 mars 1916, effectuant une patrouille de reconnaissance, et ayant été cerné par une patrouille ennemie, a tué un de ses adversaires. A continué sa mission et a rapporté les renseignements qui lui étaient demandés.

BEN ALLA (Mohamed), 2e classe, mle 5390. - Le 29 juin, blessé grièvement par une grenade à fusil, au moment ou il se rendait à son poste de sentinelle, a fait preuve d'un sang-froid et d'un stoïcisme admirables. Aux encouragements de son capitaine a répondu : " Cela ne fait rien si je meurs, c'est la même chose, c'est mon service.

MOHAMED BEN KOUIDER, 2e classe, mie 17588. - Le 21 octobre 1'916, à l'attaque du bois de Chaulnes, s'est résolument installé sur la tranchée conquise, et avec son fusil mitrailleur, a tué plusieurs Allemands qui fuyaient. Tirailleur intrépide et dévoué.

KAILI, 1re classe, mle 19739. - Fusilier mitrailleur d'élite. A l'attaque du 25 mai, a dispersé, debout sous les rafales, des groupes ennemis qui tentaient de réagir. Tirailleur ayant un sang-froid à toute épreuve.

HAMMOUCHE DJILALI, 2e classe, mle 4304. - Le 26 mai, vers 23 heures, s'est élancé tout seul sur une patrouille ennemie qui avait réussi à s'approcher très prés de notre tranchée, et l'a mise en fuite à coups de grenades après avoir blessé 2 hommes.

MEYER (Ernest), 2e classe, mie 14405. - Le 25 mai 1917, sa section subissant une contre-attaque, s'est emparé d'un fusil mitrailleur abandonné sur le terrain, en a assuré seul le fonctionnement, et a, par ce fait, beaucoup contribué à briser la contre-attaque.

BELAIDI, 2e classe, mle 3458. - Le 25 mai 1917, étant grenadier à un poste d'écoute, a repoussé avec deux de ses camarades une forte patrouille allemande qui a laissé deux hommes sur le terrain. Grièvement blessé, est parti joyeux en s'écriant : " Je m'en f..., le Boche a f... le camp. "

ORSERO (Antoine),"2e classe, mle 26303. - Le 20 mai 1917, en Champagne, ayant été chargé par son commandant de compagnie de rechercher la liaison avec sa section sous de violents tirs d'artillerie et de mitrailleuses, a été blessé assez grièvement. En arrivant devant son commandant de compagnie s'est écrié en tombant : " Je suis blessé, mais j'ai la liaison. "

BOUMAZ, sergent, mle 540. - Le 25 mai 1917, a entraîné à l'assaut d'une position allemande fortement organisée ses grenadiers et ses fusiliers; blessé au cours de cet assaut, s'est tourné vers son chef de section, et lui a crié : " Je suis blessé, mais si tu veux je reste. " Sous-officier remarquable par son allant et son énergie. Superbe au feu, deux blessures, deux citations.

NACI (Smail), Ire classe, mie 4717. - Chef d'escouade d'une bravoure remarquable. Le 11 juin 1918, au cours d'un violent tir de mitrailleuses et d'une contre-attaque ennemie, n'a pas hésité à se mettre debout sur la tranchée, criant : " Tirez, camarades, il faut les arrêter. "

MINET (Louis), adjudant, mle 4583. - Chef de section courageux et énergique. Le 13 juin 1918, blessé au début d'une contre-attaque ennemie, n'a consenti à être évacué que lorsque toute menace ennemie eut été écartée.

CHERIFI DJILLALI BEN AHMED, 2e classe., mle 14282. - Faisant partie d'un groupe chargé de nettoyer la lisière d'un bois, où des mitrailleuses empêchaient la progression de sa compagnie, a montré un courage et une bravoure au-dessus de tout éloge, en entraînant son groupe à la baïonnette, tuant 3 Allemands de sa main et déterminant la fuite des autres.

OTTMANI (Idir Ben Tahar). - Le 21 août 1918, étant avec son capitaine parti en reconnaissance et celui-ci ayant été tué presque à bout portant par des mitrailleuses dissimulées dans un buisson, s'est jeté résolument sur le petit groupe ennemi, tuant un des hommes et mettant les autres en fuite par son attitude énergique.

CHITTA MOKTAR, 2e classe, mle 5409. - Grenadier d'élite, ayant toujours accompli son devoir. S'est distingué dans la journée du 30 octobre 1918 devant Livry, en réduisant une mitrailleuse ennemie par un jet de grenades.

GALVAN (Raymond), infirmier. - Le 17 mai 1917, malgré un bombardement intense, s'est avancé en terrain découvert pour porter secours au médecin-chef du régiment et à un tirailleur qui venaient d'être grièvement blessés par un obus. Le 21 mai, sans en avoir reçu l'ordre, est monté en première ligne et s'est bravement avancé en terrain découvert battu constamment par le feu d'un nid de mitrailleuses ennemies, pour relever le corps d'un officier tombé entre les lignes qu'on avait déjà, mais vainement, tenté de ramener. Sujet d'un dévouement absolu.

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