Médecins de la Grande Guerre
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(d'après: Y a-t-il encore des miracles à Lourdes? Docteur Olivieri (1) et Dom Bernard Billet, Editeurs P. Lethiellleux et oeuvre de la Grotte à Lourdes, 1972) Fille d'un officier supérieur, Mademoiselle Bressoles s'était engagée à 18 ans comme infirmière militaire dans une une ambulance chirurgicale volante. Par son comportement héroïque elle mérita quatre citations, la médaille de Reconnaissance Française et sera même proposée pour la Légion d'Honneur. Le 16 juillet 1918, dans la région de Dormans, elle porta secours, sous un violent tir de barrage, à un prêtre-soldat dont le bras et la jambe gauche viennent d'être arrachés par des éclats d'obus. Comme elle s'efforçait de soulever de terre le grand blessé, elle ressentit brusquement un craquement et une très vive douleur dans la colonne vertébrale. Rentré à l'ambulance, elle éprouva une grande peine se redresser. Malgré ses douleurs elle refusa toute évacuation jusqu'au soir où un obus tomba à quelques mètres d'elle et la projetta à terre. Henriette fut retrouvée une heure après, évanouie avec un éclat dans la jambe. Après cet accident la courageuse infirmière continua son travail malgré des signes de parésie ( premier stade de paralysie, souvent caractérisée par de la faiblesse du membre atteint) apparus au niveau de sa jambe droite. Finalement, le 21 avril 1919, elle doit s'avouer vaincue par la maladie et est admise à l'Hôpital temporaire de Zuydcoote (Nord) avec le diagnostic suivant: "Mal de Pott (2) dorso-lombaire, en service commandé". Le 13 août 1919, elle est transférée à l'hôpital de Jouy-en-Josas, annexe de l'hôpital de Versailles. On l'immobilisa alors dans un appareil plâtré (gouttière de Bonnet). Le calvaire d'Henriette va cependant se poursuivre et des accidents méningés très graves apparaissent et nécessitèrent ponctions lombaires et injections de sérum antiméningococcique. De plus Henriette va progressivement développer les symptômes d'une paralysie des membres inférieurs (paraplégie) avec troubles sphinctériens. Les médecins décidèrent amors de l'évacuer d'abord sur l'hôpital Villemain à Paris et ensuite le 5 décembre 1919 à l'hôpital militaire Pasteur de Nicequi possédait un service pour des tuberculeux osseux. Le docteur Levezzari confirma alors le diagnostic et décrivit ainsi sa patiente :: "Seule, la tête était un peu mobile, ainsi que les bras. Toute tentative d'extension ou de flexion des muscles était suivie de douleurs violentes dans toute la colonne vertébrale. La malade était immobilisée dans une gouttière de Bonnet". Pendant tout son séjour à l'hôpital Pasteur, des phénomènes méningés se manifestent accompagnés de température jusqu'à 39°-40° et de syncopes parfois de longue durée. Le 26 mars 1920, l'infirmière militaire quitte le service du Dr Lavezzari pour rentrer dans sa famille après avoir été réformée. La maladie hélas poursuivit son inéxorable évolution (3) et à deux reprises, croyant sa dernière heure venue, on fit venir un prêtre qui lui administra les derniers sacrements. Le 27 janvier 1922, la commission spéciale de réforme de la subdivision de Nice lui accorda une pension définitive d'invalidité à 125%, justifiée par l'infirmité suivante: "Mal de Pott lombaire, paraplégie complète avec incontinence d'urines et de matières fécales, anesthésie remontant à deux travers de doigt au-dessous du mamelon ; accidents méningés intermittents." En 1924 Henriette souffrit d'une grave crise d'urémie durant un mois avec rétention des urines et des selles. Sa mère décide alors de conduire sa fille à Lourdes. Le 23 juin 1924, le docteur Fighiera, médecin-chef de l'hôpital Sainte-Croix à Nice, fait une description de sa patiente dans le certificat médical destiné en vue du pèlerinage: "Cette malade, dont l'état est définitif, est atteinte de mal de Pott lombaire et cervical avec déviation de la colonne et déformation de la quatrième et cinquième vertèbres lombaires. La tête n'est pas soustenue et retombe en arrière. Cet état s'accompagne d'une paraplégie complète avec incontinence des urines , anesthésie totale de la partie inférieure du corps. Elle présente également des accidents méningés par intermittence avec douleurs dans la région cervicale. Il existe une déformation des jambes avec pied-bot paralytique du côté droit, déviation du tibia et du péroné, du côté gauche. Mademoiselle Bressoles a présenté, ce mois dernier, de l'oedème froid de la fesse droite et de la paralysie intestinale ayant nécessité de grands lavages quotidiens. Cette malade est dans des appareils de prothèse (corset orthopédique et gouttière des jambes, minerve etc...) elle se trouve dans un état d'immobilité permanente." C'est donc grabataire que notre infirmière arrive le 3 juillet 24 à Lourdes. Seulement quelques heures après son arrivée, elle assiste à la Procession eucharistique et éprouve un grand malaise au passage du Saint-Sacrement: sentiment de lassitude avec sueur abondante. transportée devant la grotte, elle ressent, alors qu'elle prie, un craquement général, très douloureux mais de courte durée. Elle fait part à sa mère de l'impression qu'elle éprouve d'être guérie. En même temps, son pied droit contracté en équinisme s'était redressé. Elle peut mouvoir son membre inférieur droit et toute douleur vertébrale a disparu. Malgré son appareil Henriette, pour la première fois en six ans, se redresse sur son brancard. Le lendemain elle est examinée au Bureau des Constatations médicales, présidé par le Dr Marchand. L'appareil enlevé, on trouve entre la quatrième et la cinquième vertèbre lombaire une légère concavité de la colonne vers la gauche qui paraît due à un affaissement des deux parties correspondantes des corps vertébraux. Toutes les apophyses épineuses sont indolentes à la palpation même violente ainsi qu'à la percusion: tous les mouvements du rachis se font avec souplesse. La sensibilité est revenue mais les articulations des genoux et tibio-tarsiennes sont fort ankylosées ce qui rend toujours la marche impossible. Vingt-quatre heures plus tard, Henriette est examinée par le même bureau: cette fois tous les signes de compression médullaire et du mal de Pott ont disparu. L'ankylose des articulations a considérablement diminué et est remplacée par une raideur douloureuse avec craquements. Après son retour à Nice, la guérison se confirme et le 19 septembre 24 le docteur Lavezzari a la surprise de voir son ancienne malade venir à sa rencontre pour lui ouvrir la porte, en s'appuyant seulement sur une canne. A l'examen qu'il lui fait subir, la colonne se montre entièrement souple. Il ne constate qu'un peu de gêne à la marche, due vraisemblablement à la longue immobilisation dans une gouttière. Le lendemain, le Dr Fighiera note, à son tour, que tous les signes relevés par lui dans son certificat de départ pour Lourdes ont entièrement disparu. A la suite des constations de guérison, le Docteur Marchand président du Bureau des Constataions concluait le 5 octobre 1924: "Les documents qu'on vient de lire ne peuvent à notre avis laisser aucun doute sur la réalité, la nature, la gravité, l'incurabilité des lésions dont Mademoiselle Bressoles était atteinte. Ils attestent en outre, et non moins préremptoirement, que la guérison de cette victime de la guerre s'est produite dans des conditions et des circonstances contraires à toutes les lois de la médecine, sans le secours d'aucun agent naturel et qu'il est par la suite impossible de l'expliquer par les seules ressources de la science humaine." Trente ans après, le 24 octobre 1954 cette guérison fut proclamé miraculeuse par l'Eglise après qu'une enquête eut révélé en 1941 que Mademoiselle Bressolles continuait à se porter de façon normale. Mademoiselle Bressoles est décédée à Lyon en 1961 à l'âge de 67 ans d'un infartus du myocarde, sans jamais avoir éprouvé quelque récidive de son affection antérieure. Dans l'histoire médicale de Lourdes, cette guérison opérée devant le Grotte, restera à jamais comme l'une des plus significatives..
(1)Le Docteur Olivieri a été président du Bureau Médical de Lourdes de 1958 à 1972. (2) Le mal de Pott consiste en l'infection des vertèbres par le microbe de la tuberculose, le bacille de Koch. Les vertèbres sont littéralement envahies d'abcès tuberculeux qui finissent par détruire la substance osseuse.Il fallait donc aider le malade en soutenant la colonne par des corsets. Lorsque la maladie atteignait un certain stade, les foyers tuberculeux des vertèbres pouvaient s'étendre jusque dans la la moelle épinière et provoquer de cette façon une paralysie des membres. (3) le premier antibiotique anti-tuberculeux, la streptomycine ne date que de 1947 |