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La bataiIle de Darbres
Manuscrit du Commandant
Fauveau
L'original est entre les
mains de André Marnas à Saint Laurent
FFI
Secteur DIA.5
Bataille de Darbres des 29
et 30 août 1944
Le Mardi 29 août 1944, le
dispositif du secteur était en place depuis 2 jours pour couvrir
Aubenas et Privas.
A 8 heures, 2 sanitaires
transportant des blessés allemands se présentent au barrage tenu par
la Compagnie Billard (Groupement Molia) sur la R.N 102 (route de
Lavilledieu d Aubenas par Pont de ville), au nord de Lavilledieu.
Le tir de quelques
cartouches les forcent à stopper. Les allemands déclarent qu'ils font
partie d'un convoi allant à Privas et comprenant deux à trois mille
hommes sous les ordres d'un colonel.
A 8 heures 30, une
reconnaissance prévue depuis la veille et ignorant l'arrivée de
l'ennemi est reçue par un tir de F.M à l'entrée de Saint Germain. Un
de nos hommes est tué, trois autres sont faits prisonniers et exécutés.
A 11 heures, je me rends à
Lavilledieu pour observer du haut du clocher. Une arme automatique
ennemie tire à proximité.
Je rentre à Lussas où je
règle les derniers détails avec
le lieutenant Molia. A 11 h 15, une 3ème sanitaire est arrêtée par le
sous-lieutenant Billard.
A 12 heures, l'observatoire
de Mirabel signale que la colonne ennemie sort de SaintGermain en
direction de Lavilledieu. Elle est précédée d'une section cycliste.
Une importante colonne hippo suit immédiatement ; quelques camions
suivent. Au total 1 000 hommes et 100 véhicules.
La colonne traverse
Lavilledieu sans s'arrêter. A 13 heures elle se heurte à la compagnie
Théolier (groupement Molia) qui barre la route Lavilledieu-Lussas, au
sud du hameau de Chabrols. Avec une grande rapidité, des canons de 37
et de 47, des mortiers de 81 et 50, sont mis en batterie et arrosent les
positions de la garde tandis que les fantassins allemands débordent à
droite et à gauche. La compagnie Théolier doit se replier sur une
nouvelle position au sud de Lussas.
La colonne allemande a déjà
repris sa marche, le convoi hippo suit pas à pas les premiers éléments.
La compagnie Billard sur la
RN 102 au nord de Lavilledieu n'a pas été attaquée. Je lui prescris
de venir attaquer la colonne de flanc à l'ouest de la route
Lavilledieu-Lussas. Je me rends au point d'appui tenu par l'escadron
Ausseur sur la crête sud-ouest de Mirabel à 1000 m au nord de la cote
333. Lu colonne allemande est nettement visible, elle continue à
progresser avec rapidité, donnant l'impression de craindre un danger
venant du sud.
Le groupe franc du secteur,
sous les ordres du lieutenant Raymond est arrivé à Lussas. Je le place
en renfort de la compagnie Théolier, auquel j'envoie le groupe de
mortiers du secteur qui est mis en place par le sous-lieutenant Roger de
E.M des F.F.I.
De mon observatoire, je
suis le combat qui se déroule à mes pieds. Les allemands prennent le
contact des positions du lieutenant Théolier et du lieutenant Raymond
qui sont rapidement placés sous un feu nourri de canons, mortiers,
armes automatiques. II est 15 heures.
la compagnie Billard a réussi
à prendre position vers le hameau de Mias et tire sur le canon.
Je fais ouvrir le feu également
par les armes du point d'appui de l'escadron Ausseur. Un canon bat
aussitôt ce point d'appui qui continue cependant son tir. (Obus tombés
au quartier du Chade)
La compagnie Théolier et
le corps franc Raymond, déjà à demi encerclés, doivent décrocher et
reportent leur défense au nord de Lussas.
Le convoi allemand entra à
Lussas à 16 heures et s'y établit en point d'appui fermé. Quelques véhicules
auto continuent à arriver à Lavilledieu. Ils subissent (le tir de nos
armes automatiques. Un camion est immobilisé à hauteur de la ferme Mias,,
un groupe allemand enterre des morts.
Bientôt, un petit groupe
ennemi s'infiltre au nord de Lussas, le long de la route menant à
Darbres.
je donne l'ordre de faire
sauter le pont situé à 800 mètres à l'est de Darbres, dans la
direction de Freyssenet. Le lieutenant Caillot chef du génie du secteur
se rend à Darbres. Les fourneaux sont déjà préparés. Ils sont immédiatement
chargés. Le pont et le ponceau voisin sautent à 17 heures.
Pendant ce temps, les
allemands sont bloqués aux lisières nord de Lussas par les feux de la
Compagnie Théolier. Ils envoient des flancs gardes en direction d'Eyriac
et de Mirabel.. Je fais renforcer le point d'appui de l'escadron Ausseur
au nord de la cote 333 par une section de la compagnie André.
J'envoie le peloton Aremini
de l'escadron Ausseur prendre position sur la route Mirabel-Darbres à
1000 mètres au sud de Darbres, avec mission d'attaquer la colonne
ennemie de flanc à son passage sur la route Lussas-Darbres.
M'étant rendu à Darbres,
je décide de faire sauter le pont situé à 200 mètres au sud du
village sur la route directe barbres-Mirabel. Le lieutenant Caillot est
chargé de cette mission. Une équipe de la garde de l'escadron Ausseur
creuse le fourneau. Le pont saute à 21 h 30 alors que les premiers éléments
allemands sont déjà à proximité immédiate.
Ainsi la colonne allemande
n'aura aucune issue pour sortir du cul de sac de Darbres.
De 17 heures à 20 heures
30, la situation est inchangée à Lussas et les allemands enterrent 31
morts.
A 18 heures, l'observatoire
de Mirabel signale une nouvelle colonne allemande sortant de
Saint-Germain et suivant le même itinéraire que la première. La
nouvelle colonne est aussi importante que la première, mais elle est
moins rapide. Elle s'arrête un moment à Lavilledieu et met feu à
plusieurs maisons, puis repart et rejoint la première à Lussas.
A partir de 20 heures 30,
le jour commençant à baisser, les allemands sortent de Lussas en grand
nombre, en colonne par un, dans les fossés de la route.
La compagnie Théolier reçoit
l'ordre de prendre position sur la rive est du ruisseau de barbres, à
hauteur de la ferme Couffins avec mission de battre la route LussasDarbres.
Effectivement, quelques coups de feu sont échangés, mais sans grand résultat,
vers 22 heures.
Le corps franc Raymond est
également posté au voisinage de la compagnie Théolier.
Dans la nuit du 29 au 30 août,
le bruit des véhicules ennemis sortant de Lussas et se dirigeant sur
Darbres se perçoit nettement. Toute la première colonne, bientôt
suivie de la deuxième, s'engage sur la route et pénètre dans la
souricière.
Arrivés au pont coupé, au
delà de Darbres, les premiers éléments allemands stoppent tandis que
les véhicules hippo et auto serrent sur la tête. Quelques éléments
à pied franchissent les ravins encaissés de cette région et
s'infiltrent dans toutes les directions. En particulier un groupe est
signalé vers Saint Gineys en Coiron.
Les éléments du secteur
en position au sud de barbres sont traversés par des petits groupes
ennemis et doivent se replier légèrement. Ils reprennent rapidement
leurs positions.
Dans la nuit, on perçoit
un désordre complet chez l'ennemi : rassemblements, ordres divers,
explosions. Des feux s'allument. Les allemands commencent à brûler
quelques maisons et quelques véhicules. (une maison brûlée au
quartier de la Crotte)
Le 30 août au lever du
jour, mes hommes voient devant eux toute la colonne échelonnée sur 3
km. Les allemands se rassemblent et dispersent le matériel. Ils font
rouler des véhicules dans le ravin et brûlent tout ce qu'ils peuvent.
Vers 7 heures, le jour étant
levé, le feu est ouvert à une distance de 600 mètres par la compagnie
Théolier, le peloton Arémini et le groupe franc Raymond.
Le désordre chez l'ennemi
est indescriptible. Des chevaux s'écroulent, les autres s'enfuient, les
groupes allemands se dispersent dans la montagne poursuivis par nos F.M.
(Des fuyards arrivent à Saint Laurent sous Coiron où ils se rendent
aux civils). Des allemands tombent. Aucune résistance n'est tentée. Le
lieutenant Raymond disperse des groupes ennemis à coups de bazooka, à
la sortie du village de Darbres.
A 10 heures, aucun allemand
armé et valide ne subsiste sur la route de barbres. Les derniers
fuyards sont poursuivis à coups de fusils dans la montagne, d'autres se
camouflent dans les fermes, prêts à se rendre.
Un drap blanc est agité du
grand café, à la lisière sud de Darbres. Une patrouille de la garde
s'y rend. C'est un chauffeur français réquisitionné par les allemands
avec son véhicule, qui nous livre 50 prisonniers, plus ou moins blessés,
installés dans le garage du café.
Des patrouilles sont envoyées
le long de la colonne et recueillent de nombreux prisonniers. Le matériel capturé est considérable. II comprend en gros :
• 6 canons dont 2 de 47mm
et 4 de 37 mm, •20 mortiers de 81 mm et de 50 mm,
• 10 mitraillettes
lourdes, • 55 mitraillettes légères ou fusils mitrailleurs de toutes nationalités,
• Plusieurs
centaines de fusils de toutes sortes,
• Des milliers de
cartouches et grenades, • 2 cuisines roulantes,
• 320 véhicules hippo,
• 50 véhicules auto,
• 600 chevaux dont un
grand nombre de tués, • 100 bicyclettes,
• Des tonnes de matériel
divers.
Dans lamatinée du 30 août,
le capitaine Lucca, stationné avec son groupement vers Berzème,
organise la battue contre les groupes allemands s'enfuyant sur le
plateau.
Le 30 août au soir, le
nombre des prisonniers capturés dépasse 500. Ils sont allemands,
russes, arméniens...
En outre, une centaine de
morts ont été dénombrés. D'autres se trouvent encore autour de
Darbres, dans la montagne.
De
notre côté, le secteur n'a à déplorer que les 4 morts de Saint
Germain, le 29 août au matin.
P.C
le 31 août 1944
Le
capitaine Fauveau, commandant le secteur DIA. 5
Dès
le lendemain de la bataille, dans la seule ville de Privas, plus de 1
750 ennemis sont internés. |
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30 août 1944 le village de darbres après le passage des troupes allemandes |
30 août 1944 on enterre les chevaux, on va fusiller 2 femmes( miliciennes françaises ) |
Suite
à la bataille du Coiron du 29 août 1944, outre le
pillage des
habitations et quelques incendies de maisons, il y a eu tout de même
une victime tardive.
Au
mois de mai suivant, les frères Boiron du quartîer des Sabatiers, Marc
et Raymond âgés de
10 et 8 ans, jouaient tout en gardant le petit
troupeau familial, le long de la rivière Auzon. Ils trouvèrent une
grenade abandonnée par les soldats allemands en déroute. L'aîné Marc
en la manipulant fut déchiqueté par l'explosion.
Une
fois de plus la guerre avait fait une victime innocente. On imagine la
douleur et le désespoir de la famiIle Boiron.
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L'ECHO DE LUSSAS (chronique paroissiale) M Giraud Lussas octobre - novembre 1944 Mes chers paroissiens. Les heures douloureuses que nous venons de vivre n'ont pas permis à L'ECHO de paraître en son temps . Toute correspondance avait cessé. Quelques numéros d' Août Septembre n'ont pas encore atteint leur destinataire. Peu àpeu les rouages administratifs se remettent à fonctionner. La France, blessée, douloureusement meurtrie même, se relève lentement de cette seconde secousse, plus profonde encore que celle de Juin 1940. Son équilibre, une fois retrouvé, elle continuera à jouer le rôle magnifique qui est le sien, chez nous d'abord, et parmi les autres nations ensuite. Quand à nous, nous n'oublierons pas de sitôt les évènements tragiques dont notre commune a été le théâtre. La guerre, en effets, est venue jusqu'à nous. Qui aurait pensé en septembre 1939 que Lussas recevrait des bombes et que nos plaines fertiles deviendraient un champs de bataille ? Dès le début août , c'est Villeneuve de Berg notre chef-lieu de canton, qui , à deux reprises différentes, attend dans l'angoisse des représailles que l'expérience laisse entrevoir comme sévère. Puis les évènements se précipitent. Des colonnes allemandes en retraite sont signalées dans la région. Lussas subit un bombardement ( 22 bombes ) dans la nuit du 14 au 15 août. Un jeune soldat est bléssé. Les F.F.I occupent Lussas, Mirabel, Darbres se préparant à harceler l'ennemi. Celui ci est signalé le 22 à Saint Germain. Le 25 Lavilledieu est saccagée par représailles : nombreuses maisons pillées, brûlées, neuf personnes fusillées. Il faut s'attendre au pire. Depuis une huitaine de jours, la presque totalité de la population de Lussas ( chef lieu ) s'est installée dans les fermes situées sur les hauteurs de Mirabel et de Saint Laurent sous Coiron. On ne rentre que dans la journée. Le bruit sourd des bombardements et son de canon, presque continuels, nous tiennent en état d'alarme . De fait, Lussas va vivre une des heures les plus angoissantes de son histoire. C'est le 29 août. Midi a sonné . Les F.F.I prennent leur disposition de combat. L'ennemi est là tout prés, à Lavilledieu, au Chabrol, aux Quinze Jours. Il avance. Une première colonne suit la grande route, une deuxième forte d'environ 2 000 hommes s'engage dans le lit de l'Auzon, à sec en cette saison. Les obus tombent près du village de Rieu, d'Eyriac, sur la cave coopérative. Les mitrailleuses crachent sans arrêt. A 15 h 50, le clocher est touché par un projectile de 37. qui n'éclate pas, mais emporte les rouages commandant le mouvement des aiguilles de l'horloge. A 17heures, le village est occupé Impact à droite de l'horloge La population surprise n'a eu que le temps de fuir, abandonnant tout à la discrétion de l'ennemi. De loin elle suit les péripéties de la lutte. Les coeurs sont serrés, anxieux. Chacun pense à son foyer : maison, meubles,bétail ... Qu'en restera-t-il demain ? Le canon s'est tû, le tic - tac des mitrailleuses plus espacé. Des autos sur la route brûlent. Une fumée s'élève du village. D'aucuns ferment les yeux et se retirent pour ne pas voir brûler leur demeure. Ce ne sont heureusement que les roulantes qui préparent la soupe du soir. La nuit est venue. Nous trouvons un gîte dans les granges mises si bienveillamment à la disposition des réfugiés que nous sommes. A 23 heures, un avion dans le ciel repère les colonnes en marche. Celle-ci, en effet, ont quitté Lussas dès 20 heures, se dirigeant sur Darbres. Les mitrailleuses entrent à nouveau en action. Des bruits circulent que l'ennemi progresse vers Saint Laurent : population et réfugiés quittent précipitamment les lieux. Des groupes s'enfuient par " Louyre" jusqu'à Vesseaux, d'autres se réfugient dans les grottes ou cherchent un abri derrière les rochers. La bataille s'engage au contraire entre Lussas et Darbres, ou le pont de Lavalette a sauté, interdisant l'accès de la route du Coiron. L'ennemi est pris dans une souricière. Les F.F.I ., la garde surtout, tirent sans arrêt. Et c'est bientôt la débandade. Mongols, tartares, turcs fuient vers Saint Laurent, ou leur présence, dès le matin, cause la panique, mais c'est.. pour se rendre : 93 sont ainsi faits prisonniers. Plus de 1 200 se rendront aux F.F.I abandonnant tout : voitures, 600 chevaux, pièces d'artillerie, munitions, ravitaillement, etc... Malheureusement les nôtres ne sont pas assez nombreux, et 1500 allemands réussissent à se frayer un chemin par Vindrias, sur le plateau de Saint- Gineys. En fin de soirée, ils seront capturés à Chomérac. Dès l'aube, quelques citadins se sont prudemment approchés du village O joyeuse surprise ...là bas, dans la brume légère, pointe toujours la flèche du clocher. Pas de fumée sur le village. Nous sommes sauvés... Et chacun , à mesure qu'il apprend la bonne nouvelle, de regagner son foyer. Certes les Allemands ont pillé, saccagé même, ici ou là; les caves ont été visitées, trop peut être : ne dit-onpas que le bon vin de Lussas a été facteurs de la victoire, mais les maisons sont debout. Nous n'en demandions pas d'avantage. A qui devons-nous d'avoir été ainsi protégés ? Certes l'ennemi était poursuivi. Deux jours après, Lussas recevait les premiers éléments de l'Armée d'Afrique, mais l'incendie d'un village est chose facile et si rapide. Les F.F.I, instruits par l'expérience de lavilledieu, manoeuvrèrent habilement sans doute mais ni leur nombre, ni leurs moyens de combat ne nous eussent garantis. Notre pensée se porte donc, spontanément, vers Notre Dame de Lussas, patronne de la paroisse. A elle revient une large part de reconnaissance. Ne l'oublions pas, et plus tard, quand sa statue s'élèvera sur la terre déjà choisi, saluons la en passant, comme la protectrice de notre cité. Ce témoignages de gratitude ne diminue en rien la reconnaissance que nous devons à ceux qui s'étaient donnés la mission de nous défendre. ILs risquaient doublement leur vie. Le succès a répondu à leur audace et à leur courage. C'est leur meilleure récompense. Remercions aussi les familles de Mirabel et de Saint Laurent de l'hospitalité si large et si généreuse qu'elles nous ont donnée. Quand à nous, mes chers paroissiens, s'il m'était permis de tirer une conclusion de tous ces évènements, je terminerais en émettant le souhait de nous garder unis dans la prospérité comme nous l'avons été dans le malheur |
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