Contact scientifique: Laurent Peyras et
Cemagref, mise à jour
Contact: |
Des milliers de barrages et de digues s’égrènent le long de nos rivières. Contenir les eaux pour mieux les utiliser et s’en protéger, il faut pouvoir le faire en toute sécurité. Les équipes d’Aix, Antony, Bordeaux, Lyon et Montpellier s’attèlent à cette tâche où le terrain inspire la recherche.
Construire des barrages ne date pas d’hier. Il s’agit même de l’une des plus anciennes activités de l’humanité. L’objectif principal était alors l’irrigation, qui reste un sujet d’actualité essentiel pour la plupart des régions du globe. Même en France, pays pourtant choyé par les dieux de la pluie et des eaux minérales, les barrages à vocation agricole sont les plus nombreux.
Depuis le début du XXème siècle, l’énergie hydroélectrique des cours d’eau est aussi exploitée. Cela donne lieu à l’édification des plus hauts barrages du monde comme celui de Rogun en Russie avec ses 335 m de hauteur. Mais, des barrages sont aussi construits pour d’autres raisons : alimentation en eau potable, protection contre les crues, lutte contre les incendies, usages industriels et tourisme.
Le Cemagref travaille depuis 30 ans sur les barrages. Devant la diminution des nouvelles constructions, les équipes se sont focalisées à partir de 1990 sur le problème de la sécurité des ouvrages en service. En France, des normes strictes de conception, de suivi et d’entretien s’appliquent pendant la construction du barrage puis tout au long de sa vie. Pour en assurer toute la sécurité, les barrages doivent être régulièrement surveillés et contrôlés. Dans les années 1990, le ministère de l’Environnement charge le Cemagref de faire un état des lieux national sur l'ensemble des barrages sous sa responsabilité. L'enquête permet d’actualiser la liste des barrages « intéressant la sécurité publique » et révèle aussi plusieurs insuffisances, aussi bien en ce qui concerne la sécurité intrinsèque de quelques barrages qu'en matière de surveillance que du contrôle. Depuis lors des études et des travaux de confortement ont été entrepris sur de nombreux ouvrages et une remise à niveau s'est opérée pour la surveillance par les propriétaires et le contrôle par l'administration.
Reconnu pour ses qualités d’expert, le Cemagref participe depuis 1996 aux visites décennales des 250 ouvrages intéressant la sécurité publique (équipes « Ouvrages hydrauliques » d’Aix, de Bordeaux et d’Antony). Il s’agit de l’une des actions pluriannuelles confiées au Cemagref par le ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement en vue d’amener son parc de barrages au meilleur niveau de sécurité.
Il ne faut pas oublier que le danger est réel. En Europe depuis les vingt dernières années, des crues exceptionnelles ont fait céder deux barrages en Roumanie (Belci) et en Espagne (Tous) et ont causé la mort de plusieurs dizaines de personnes. En France, des ruptures de petits ouvrages se sont également produites, heureusement sans faire de victimes, mais en causant des dégâts matériels substantiels (barrage des Ouches en juillet 2001, bassins de la Savoureuse fin décembre 2001). Pour évaluer les conséquences de telles catastrophes, l’Unité Hydrologie-Hydraulique de Lyon a mis au point, par exemple, des outils informatiques pour simuler l’onde de crue liée à la rupture brutale ou progressive d’un barrage et l'équipe d'Aix en Provence travaille sur la modélisation de la rupture progressive des remblais en cas de surverse.
Bien connaître les barrages en service et leurs pathologies permet de développer des actions de recherche. Ainsi, le projet CASCAD consiste à élaborer des scénarios sur le vieillissement des barrages : « connaître hier et aujourd’hui pour mieux appréhender demain ».
C’est en janvier 1994 lors de la crue du Rhône que le ministère de l’Agriculture demande l’intervention technique du Cemagref sur les digues de Camargue. Le plan ORSEC vient d’être déclenché et l’urgence est de mise. Diagnostic, réparations et confortements suivent… Première mission d’ampleur pour l’équipe de Paul Royet à Aix, et les autres s’enchaînent rapidement. Le Cemagref a ainsi préparé sous la forme du logiciel « BARDIGUES », le recensement national des digues de protection contre les inondations. Ordonné par le Ministère de l’Environnement, ce recensement est en cours d'achèvement et va permettre de déterminer les ouvrages intéressant la sécurité publique en vue de leur appliquer des modalités de surveillance et de contrôle s'inspirant de celles pratiquées sur les barrages.
Des barrages aux digues, la transition s’est faite naturellement. Les méthodes et les outils développés pour la sécurité des barrages peuvent en effet s’appliquer à d’autres types d’ouvrages hydrauliques comme les digues. L’enjeu est d’importance : la France compte plusieurs milliers de kilomètres de cours d’eau endigués pour la protection contre les crues. Souvent très anciennes, certaines datent même du Moyen-âge. Elles ont été depuis sans cesse élargies et rehaussées. L’insécurité de ces ouvrages vieillissants se confirme ces dernières années avec les ruptures des digues sur l’Ouvèze en 1992 ainsi que sur l’Aude et l’Agly en novembre 1999.
Aujourd’hui, les craintes des pouvoirs publics portent sur l'ensemble de ces systèmes de protection contre les inondations, souvent mal connus et plus ou moins bien entretenus, et qui pourtant protègent en France quelque deux millions de personnes. Même les levées de la Loire, qui ont fait l'objet d'importants programmes de confortement ces dernières décennies, ne sont pas totalement à l'abri de brèches, car de nombreux points nécessitent encore des travaux complémentaires. L’équipe d’Aix s’est engagée, en collaboration avec l’UMR TETIS de Montpellier, à élaborer un outil informatique générique permettant de mieux gérer et surveiller les digues : un Système d’Information à Références Spatiales. La conception de cet outil, démarrée en 1998, s’est terminée par son développement opérationnel et son déploiement chez deux gestionnaires à partir de l’été 2004. En 2007, les 600 km de digues de la Loire moyenne rejoignent les quelques 500 km d’ouvrages de l’AD-IDR en Isère et du SYMADREM en Camargue déjà gérés à l’aide du SIRS Digues.
Digues ou barrages, de toute façon, les différentes missions d’assistance aux services publics et d’expertise permettent aux équipes impliquées d’enrichir les bases de données sur les ouvrages, « à la source » des travaux de recherche.