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Guitares
& Claviers n° 180 Le barrage, c'est tout simplement l'ensemble
des barres et des renforts qui nervurent la table d'harmonie d'une guitare. Il
a une double fonction : contrôler les déformations de la table et
répartir uniformément l'énergie fournie par les cordes. En
effet, une table de guitare est constituée de deux fines planchettes jointives
d'épicéa ou de cèdre d'environ 3 mm d'épaisseur. Sans
un barrage bien étudié, elle va se déformer de façon
irrémédiable en très peu de temps ! Il
est amusant de constater que la quasi-totalité des guitares actuelles utilise
des barrages inventés au 18e siècle ! La classique est encore fondée
sur le bon vieil éventail de Antonio De Torres (1817-1892), quant à
la folk sans l'incontournable X de C.F Martin (1796-1873), elle ne serait plus
tout à fait la même... Ovation mise à part, seule la firme
Gibson dans les années 1970 a tenté de commercialiser un modèle
réellement novateur, la série des Mark mise au point en étroite
collaboration avec un chercheur en physique biomoléculaire, le Dr Kasha.
Ces guitares possédaient un barrage extrêmement complexe et un chevalet
asymétrique mais, en raison de leur insuccès, Gibson mit fin à la
production en 1979. Quelques principes peuvent aider à comprendre comment
l'emplacement et le nombre de barres modifient la sonorité d'un instrument.
Une table très souple, c'est-à-dire peu renforcée, aura une
fréquence de résonance basse et favorisera les graves. On obtiendra
un son certainement flatteur mais avec des aigus très pauvres et sans sustain.
A l'inverse, une table trop rigide (trop barrée) va donner des aigus brillants
mais sans chaleur. Toutes
les barres composant le barrage n'ont pas le même rôle, certaines
n'ont qu'une fonction structurelle. Sur la photo d'un X Gibson, les trois petites
(5) renforcent la partie de la table évidée pour y incruster
la rosace. La barre (2) a pour rôle d’empêcher I'affaissement
de la table, dû au bras de levier formé par le manche. La (6)
prévient les risques de fente dans l'axe de la touche. Le fameux X (1)
est bien sûr l'élément le plus important. C'est lui qui soutient
la table et en détermine la rigidité. Les petits barrages latéraux
(4) limitent eux aussi les risques de fente. Les barres (3) sont
considérées comme des éléments correcteurs de tonalité
; proches du centre de la table, elles vont la raidir et en favoriser les aigus;en
les éloignant, ils vont l'assouplir avec effet inverse sur la réponse
des fréquences. La petite plaque de renfort de chevalet en érable
(7) fortifie cet emplacement crucial au croisement du X. Elle empêche
aussi les boules de fixation des cordes de détériorer la table.
Tout le travail du luthier, qu'il soit artisan ou salarié, consiste à
faire la synthèse de tous ces paramètres comme de ceux des bois
composant la caisse afin d'arriver au meilleur compromis possible pour satisfaire
les exigences musicales du guitariste. | | |