Convention européenne

24 janvier 2003
Tirs de barrage

Chirac et Schroeder ont fait oublier durant deux jours que le moteur franco-allemand ne tourne pas toujours très rond
 

Ce fut remarqué : mardi, Valéry Giscard d’Estaing, le président de la Convention sur l’avenir de l’Europe, n’a ni fait usage de sa prérogative de constater le consensus au sein de l’assemblée ni celui de présider lui-même la conférence de presse de clôture de la session. Le sujet au menu des « conventionnels » était pourtant de première importance avec la question du futur agencement des principales institutions européennes. Il était aussi, logiquement, fortement controversé.
Même si d’aucuns estiment révolu le temps où l’axe Berlin-Paris forçait la main à l’Union européenne, force était de constater que Jacques Chirac et Gerhard Schroeder ont fait oublier durant deux jours que le moteur franco-allemand ne tourne pas toujours très rond. Leur contribution commune à la Convention a dominé les débats. Au centre de l’intérêt se trouvait, sans surprise, le projet de doter le Conseil européen, les sommets réunissant les chefs de gouvernement, d’un président à plein temps élu pour au moins deux ans et demi. Jusqu’ici, le Conseil européen est, comme celui des ministres, présidé à tour de rôle pour six mois par un État membre.
Si le projet franco-allemand a fait beaucoup de vagues, il ne s’est pas fait beaucoup d’amis. Des 80 intervenants à la Convention, douze ont soutenu l’idée, douze n’ont pas pris position et une majorité écrasante de 64 orateurs, dont Jacques Santer et Ben Fayot, a rejeté ce nouvel homme fort. Ils craignent surtout qu’il fera de l’ombre au président de la Commission, qu’ils aimeraient voir sortir renforcé de l’exercice.
Ce rejet net, qui pourtant est loin d’être le dernier mot dans ce dossier, démontre une nouvelle fois que la Convention européenne est dominée par des « europhiles communautaires », qui ne partagent pas nécessairement les opinions et soucis des chancelleries des États membres.
Habile, Valéry Giscard d’Estaing a mis dans sa synthèse des débats l’accent sur les éléments faisant l’objet d’un large consensus. Car en fait, bon nombre d’idées, notamment celles contenues dans la contribution franco-allemande, étaient partagées par un grand nombre de « conventionnels ». Aucune institution, Conseil des ministres, Parlement européen et Commission n’est ainsi fondamentalement mise en cause.
Dans le travail législatif, le Parlement devrait voir ses compétences de co-décision avec le Conseil élargies à quasi l’ensemble des matières traitées au niveau européen. Parallèlement, les ministres adopteront les lois européennes en principe à la majorité. Les détails et les exceptions restent à être déterminés. Alors qu’aujourd’hui chaque configuration du Conseil des ministres - Affaires étrangères, Social et Travail ou « Écofin » - peut adopter des directives, ce privilège sera réservé à un « Conseil législatif », dont les délibérations seront publiques, à l’exemple de celles d’un sénat. À la Commission, le rôle du président sera renforcé. Il sera doté d’une « Richtlinienkompetenz » à l’image d’un Premier ministre face à ses commissaires. Le rôle du Parlement européen dans sa désignation sera accru. L’Union sera aussi dotée d’un ministre des Affaires étrangères.
Selon VGE, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur les débats relatifs aux institutions. C’est d’autant plus compréhensible de sa part qu’en ce moment, elles ne correspondraient guère à ses propres convictions. 
Pour les autres domaines traités jusqu’ici par la Convention, l’heure est à la rédaction des articles de la future Constitution. Un exercice qui prend plus de temps que prévu, a dû admettre Giuliano Amato, vice-président de la Convention. Premier rendez-vous en février. jls