Jean-Louis Billon est le président de la chambre de commerce et d’industrie de Côte-d’Ivoire
¶gé de quarante ans, Jean-Louis Billon dirige la SIFCOM, un grand groupe agroalimentaire. Il est également maire indépendant de Dabakala, une ville située dans le nord du pays. Il a accepté de répondre aux questions de l’Humanité.
Quel est le bilan de la crise sur les opérateurs économiques ivoiriens. Avez-vous des évaluations en ce qui concerne les pertes d’emploi ?
Jean-Louis Billon. Le bilan est mauvais pour toutes les entreprises, même si certaines sont plus touchées que d’autres. Nous n’avons pas encore d’évaluation, mais ce sont les PME qui ont le plus souffert. Dans le cas de l’hôtellerie, les pertes sont énormes. Nous avons actuellement les chiffres pour les licenciements dans les grandes entreprises. Ils sont importants, mais ils ne reflètent pas la situation d’ensemble car dans notre pays le secteur informel occupe une place énorme. C’est un grand pourvoyeur d’emplois, mais par sa nature même, il rend difficile toute évaluation.
Quels sont les problèmes que vous rencontrez ?
Jean-Louis Billon. La crise a énormément desservi nos partenaires traditionnels de l’Afrique de l’Ouest. Le Mali, le Burkina et le Niger ont dû trouver de nouvelles sources d’approvisionnement, ce qui a entraîné un surcoût en fret pour eux. L’activité économique est gelée dans les zones contrôlées par les forces nouvelles. Il n’y a ni banques ni administration, tout est suspendu aux incertitudes politiques actuelles.
Le processus de paix engagé vous permet-il d’espérer une reprise rapide de l’activité économique surtout avec la sous-région ?
Jean-Louis Billon. Tout dépendra de l’évolution de la situation. Seul un retour effectif de la paix par le désarmement peut permettre une reprise réelle de l’activité économique. Si la situation se normalise nos partenaires ouest-africains reviendront car notre pays reste très compétitif. Avant cela il y a encore d’énormes efforts à faire. Il faut rétablir la liberté de circulation sur l’ensemble du pays ce qui implique de réduire les barrages routiers et de supprimer le racket qu’ils occasionnent car ce sont des actes antiéconomiques.
Les axes routiers ont été rouverts, les camions en direction des pays voisins bénéficient d’une escorte militaire, les barrages routiers ont été réduits...
Jean-Louis Billon. La diminution des points de contrôle est relative, car ils restent en nombre très élevé. Le convoyage par l’armée n’a pas mis fin au racket. Il faut non seulement payer pour être convoyé mais aussi débourser de l’argent à chaque barrage. C’est malheureusement une situation qu’on rencontre autant dans les zones gouvernementales que celles contrôlées par les forces nouvelles. Tant que ça continuera, l’activité économique ne pourra pas reprendre et c’est toute la population qui en souffre.
Avez-vous le sentiment de ne pas être entendu ?
Jean-Louis Billon. Notre message est entendu, il est même compris. Mais les hommes politiques vont à leur rythme et c’est malheureusement celui que nous devons suivre.
Entretien réalisé par
Sahi Soumahoro