La maison Airbus serait-elle en perte de vitesse, proche de l’atterrissage forcé si ce n’est du crash final ? On pourrait le penser sur base des commentaires que distillent ces jours-ci les habituels experts autoproclamés.
Le tir de barrage médiatique a été déclenché par une simple dépêche d’agence. Elle notait, dans un style très professionnel, c’est-à-dire factuel et neutre, que Boeing a vendu 480 avions commerciaux depuis le début de l’année tandis qu’Airbus doit se contenter de 117 commandes. De là à conclure que le pire est en train de se produire sous nos yeux, il n’y avait plus qu’un pas à franchir. Ce que se sont empressés
de faire certains commentateurs, et non des moindres. Résultat : ils font sourire, tant leur incompétence est manifeste, d’autres agacent en raison de leur grande mauvaise foi.
Certes, les chiffres du premier semestre sont très mauvais pour l’avionneur européen, victime du faux départ de l’A350, et cela dans un contexte détestable plombé par le double retard de l’A380 et les problèmes qui viennent de secouer durement EADS.
Reste qu’il convient de relativiser les piètres résultats semestriels d’Airbus en les mettant en perspective. Dans la mesure où les médias tiennent absolument à entretenir l’illusion d’une course aux statistiques, il convient tout d’abord de rappeler que l’Europe occupe toujours la première place. Et cela quel que soit le critère choisi : cadences de production, livraisons mensuelles, trimestrielles, annuelles, carnet de commandes, etc.
Ensuite, il convient de répéter (ce ne devrait plus être nécessaire depuis longtemps) qu’on ne juge pas de la bonne tenue d’un constructeur sur base de deux trimestres d’activité. La production d’un avion commercial réussi s’étale sur une bonne trentaine d’années, sinon davantage, et l’unité de référence des industriels est la décennie, et certainement pas le semestre.
Loin de nous l’idée d’occulter les errements d’Airbus qui ont frappé de plein fouet ses deux programmes les plus importants, A350 et A380. Ils demeurent inexplicables et inexcusables, d’autant qu’ils produisent des effets en chaîne au moment où Boeing retrouve tout son brio technique, conforté par une direction solide et stable. A l’opposé, Airbus commence à peine à sortir d’une zone de fortes turbulences et n’a peut-être pas terminé une mue managériale jusqu’à présent limitée à la case de tête de son organigramme.
Le télescopage de circonstances défavorables a produit des dommages collatéraux d’autant plus importants qu’il est intervenu à un moment particulier, c’est-à-dire à la veille (ou presque), d’un grand salon anglo-saxon de l’aéronautique, celui de Farnborough.
Dès le jour de l’inauguration, le lundi 17 juillet, reporters, vrais-faux experts et paparazzi se précipiteront dans les chalets d’Airbus et Boeing dans l’espoir d’obtenir le décodage d’un suspense digne de Dan Brown (la miraculeuse renaissance du géant Boeing) et la matière à une enquête digne du Nouvel Obs (les « vrais » problèmes de Noël Forgeard).
Succès garanti, à un moment où la torpeur estivale devrait, tout au contraire, inciter chacun à attendre patiemment ce qu’il est convenu d’appeler la rentrée. Il est vrai que ce repère chronologique n’existe par dans le monde anglo-saxon.
Pierre Sparaco – Toulouseweb-aero
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