Musique de danse et de fête

C'est une musique qui ne cache pas son projet de satisfaire immédiatement l'auditeur, de lui donner du plaisir. Une fête rythmée par des machines donne à vivre une communion momentanée mais rassurante avec la technologie, et calmer une certaine angoisse prométhéenne. Il s'agit de se donner une vision optimiste de l'avenir, qui, comme chacun sait, appartient aux machines. La Techno se vit dans la fête, mais tend après plus de 10 ans d'existence à s'en affranchir parce qu'elle se développe dans de nombreuses directions. On écoute de la Techno chez soi pour la domestiquer, apporter un peu de fête dans le quotidien, rythmer des activités banales et réenchanter le cadre de vie. Parce que la Techno rend au son un aspect mystérieux par l'invisibilité de la source.

Diffusion

La Techno est loin de connaître un succès aussi massif que celui du rap, du R'n'B, du rock, bref des musiques véritablement populaires qui occupent presque toute la place à la télévision, à la radio et dans l'industrie du disque, surtout en France. Mais paradoxalement il en est beaucoup question dans les médias, toujours prompts à créer du sensationnel, en raison de la polémique qui a longtemps frappé le mouvement des raves, liée à la consommation de drogues illicites, et à l'étrangeté de la musique, dont le néophyte ne perçoit souvent que l'extrême répétitivité et l'aspect robotique.

Utilisation et découverte des instruments

Les musiciens Techno utilisent des outils grand public parce qu'ils sont accessibles à la fois par leur coût modeste, et leur utilisation. Les synthétiseurs, échantillonneurs, tables de mixages et ordinateurs qui composent le studio domestique du compositeur Techno. À de rares exceptions comme Aphex Twin, Oval, certains conçoivent ou développent leurs propres logiciels de manière autonome.

Le surgissement de l'instrumentarium électronique a certes bouleversé le geste musical d'un point de vue spectaculaire et en particulier la maîtrise technique en temps réel de l'instrument (virtuosité) tandis que l'approche de l'instrument reste comparable de celle des instruments acoustiques. Le savoir faire nécessaire pour un néophyte (temps et aide) pour atteindre le niveau d'un groupe de pop-rock correspond à celui nécessaire pour une maîtrise des instruments du home-studio. Au bout de trois mois, quelqu'un qui n'a jamais joué de guitare peut rejouer une grande partie du répertoire rock (jouer les accords, pas les soli).

Ce musicien fraichement formé va être capable de jouer en concert avec un groupe. De la même manière, un apprenti DJ va en trois mois être capable de caler en rythme quelques disques lors d'une soirée. Tout connaisseur sait évaluer la qualité d'un mix et décèlera la fraîcheur de l'apprentissage. Mais en définitive, ce qui est possible dans la musique pop et dans la Techno (être opérationnel en trois mois pour un non musicien) est strictement impossible dans l'univers du jazz et de la musique académique.

La non-virtuosité s'affirme chez certain musiciens comme une valeur en soi, revendiquée comme telle en réaction à la débauche de technologie et d'effets déployée par d'autres, quel que soit le style de musique. Ce clivage s'apparente au courant Punk de la fin des années 70 rejetant la mode des très longs soli de guitares dans le rock, ou encore à la même époque Ornette Coleman se mettant brusquement à jouer des instruments qu'il ne maîtrise pas alors que la vogue est à l'ultra-technicité avec le jazz-rock. Dans la musique électronique, la virtuosité se manifeste surtout dans la volonté d'avoir un son de très bonne qualité, très "propre", ce qui ne suppose pas seulement de disposer de matériel couteux, mais également de le maîtriser. Les isntruments les plus perfectionnés génèrent des sons complexes, impressionants et Un enjeu politique se profile en arrière-plan : la salissure du son se cultive comme son contraire.

Grille rythmique

Tout son occupe une place déterminée par la grille rythmique. Une position qui signifie différemment selon sa mobilité ou sa régularité par rapport au pied. Lorsqu'un son prend son indépendance , ce qui est rare, l'indépendance va frapper l'auditeur, autant voir plus que la nature du son. C'est essentiellement la présence < ou l'absence du pied < qui structure l'écoute, et produit l'impression de séquentialité à l'intérieur du continuum sonore. Rappelons qu'une rave dure une dizaine d'heures et ce sans interruption du son. Lorsque le musicien choisit de supprimer provisoirement le pied, il s'agit d'une stratégie soit de création d'une tension, soit au contraire d'apaisement, en interaction avec le contexte. La dialectique tension / détente qui existe en Techno comme dans toute musique (seule l'échelle temporelle varie) repose essentiellement sur le rapport hiérarchique entre pied et contexte sonore.

L'importance du paramètre des hauteurs est considérablement amenuisé soit tout simplement parce qu'il n'y a pas vraiment de hauteurs, les sons de prédilections étant des sons de percussion ou bien des sons complexes (bruits) sans hauteurs clairement identifiables par l'oreille. Une analyse paramétrique de la Techno montre que la hauteur s'éloigne en arrière-plan au niveau d'autres paramètres tels que les registres de durées, masse, dynamique, tandis que que rythmes et timbres dominent le discours. D'une manière générale, et à l'exception du sous courant Trance-Goa, l'utilisation de hauteurs se limite à de très courts motifs mélodiques sans la moindre sophistication. De courtes cadences tonales ou modales, des triades. Ce qui est certain, c'est que l'élaboration n'a jamais concerné la hauteur.

Un climat modal ou tonal se crée parfois dans les morceaux, mais il n'y a jamais d'atonalité. Par contre, pour créer une tension, l'utilisation d'intervalles répétés avec insistance tels que le triton, les quintes augmentées et les septièmes ou neuvièmes sont parfois utilisés. L'absence d'élaboration du paramètre de hauteur trompe souvent le néophyte habitué à évaluer la qualité d'une musique essentiellement sur le langage mélodique et harmonique. L'intérêt est déplacé vers d'autres paramètres en particulier le timbre et la durée. Un temps d'adaptation est nécessaire pour comprendre le langage de cette musique.

Source: cdmc.asso.fr