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A380 Pavement Experimental Program : sur la piste des avions de demainLe 8 mars 2005 par Patrick LERAT TPE33 ; Cyril FABRE - Infrastructure senior engineer - Airbus ; Arnaud MAZARS TPE 47NB : Cet article a été également présenté dans la revue PCM Le Pont, revue des Associations des Ingénieurs des Ponts et Chaussées et des Anciens Elèves de l’ENPC. Le programme d’essais de charges sur piste aéronautique (A380-PEP) est la première et seule expérimentation en vraie grandeur conduite en Europe Occidentale dont le double objectif est de permettre la définition technique des trains d’atterrissage d’une nouvelle génération d’avions et de fournir les données fondamentales au développement d’une nouvelle méthode de dimensionnement des chaussées aéronautiques intégrant les aéronefs gros porteurs de dernière génération (Airbus A380, Boeing B777). Un contexte économique en forte mutationDans le cadre du développement international des avions gros porteurs, Airbus a développé le programme A380, un avion dont la mission est de transporter, dans sa version de base, 555 passagers sur 8000 miles nautiques (environ 15 000 km). Cet avion commercial présente une envergure de 80 mètres pour une masse maximale au décollage (MMD) de 560 à 600 tonnes, avec un développement potentiel encore supérieur.
La question de compatibilité avec les structures de pistes existantes a été considérée comme fondamentale, d’autant que les méthodes actuelles ont montré leurs limites concernant les avions gros porteurs. Dans le cadre d’un vaste programme de recherche, Airbus a monté, en partenariat avec le Service Technique des Bases Aériennes (Direction Générale de l’Aviation Civile -STBA/DGAC) et le Laboratoire Central des Ponts et Chaussées (LCPC), une expérimentation à échelle 1 et à l’air libre, dans des conditions environnementales représentatives des conditions opérationnelles : l’A380 Pavement Experimental Program (A380-PEP). Un double objectif ambitieux : configuration du train d’atterrissage et dimensionnement des chausséesLe programme expérimental de charges sur piste (A380-PEP) a été lancé en juin 1998 avec deux objectifs :
Une première étape s’est intéressée aux chaussées souples (PEP flexible) en distinguant une première phase d’essais quasi-statiques (de novembre 1998 à juin 1999), suivi d’une campagne d’essais de fatigue (d’octobre à juillet 2000). La seconde étape concerne les chaussées rigides (PEP rigide) avec, également, une phase d’essais quasi-statiques (de décembre 2001 à septembre 2002) suivie d’une campagne d’essais de fatigue (depuis janvier 2003). Un véhicule de simulation hors normeAfin de représenter fidèlement les cas de charge des trains d’atterrissage d’avions existants (A340-600, B747, B777-300ER) ou en cours de développement (A380-800 et 800F), un véhicule de simulation en vraie grandeur a été conçu.
Il s’agit d’un véhicule constitué de modules reliés par une structure tubulaire qui permet d’ajuster la charge (chaque module est lesté individuellement par des gueuses d’acier) et la position relative de chaque bogie. Les voies et empattements de chacun des types d’atterrisseurs (2, 4 ou 6 roues) sont également réglables. La charge par roue peut être ajustée jusqu’à 32 tonnes. Les pneumatiques utilisés sur le simulateur sont des pneumatiques de type A340-300 ; la pression de gonflage appliquée sur chaque configuration est adaptée de telle façon que la surface de contact corresponde à l’avion considéré. Le véhicule se comporte comme un véritable avion, il est équipé d’un moteur autonome et d’une centrale hydraulique capable de contrôler sa trajectoire et sa vitesse. Sa vitesse d’évolution peut varier de 2km/h à 5km/h.
Les deux types de chaussées aéronautiques analysées :Les deux types de chaussées aéronautiques classiquement utilisés sur les aérodromes ont été testées lors de ce programme d’essais. - PEP flexible Le site retenu est une extrémité de taxiway sur l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Malgré des contraintes opérationnelles importantes, un site aéroportuaire présentait l’intérêt de pouvoir faire circuler des avions réels sur la piste d’essais. Celle-ci devait être représentative des 4 types de sol considérés dans les méthodes de dimensionnement des chaussées aéronautiques. Les quatre structures expérimentales retenues sont présentées sur la figure ci-jointe. Les épaisseurs des matériaux traités (béton bitumineux et grave bitume) ont été gardées constantes afin de simplifier la phase de construction de la piste.
L’instrumentation a permis la mesure in situ des paramètres utilisés en mécanique des chaussées, à savoir d’une part les déformations horizontales à la base de la grave bitume et, d’autre part, les déformations verticales dans les couches non traitées (grave reconstituée humidifiée (GRH) et sol). Environ 75 capteurs ont ainsi été installés dans chaque section et disposés suivant des profils transversaux de la chaussée. Essais statiques Ils ont permis la réalisation d’une base de données constituée de l’ensemble des enregistrements des déformations créées dans les couches de chaussées et les sols support par seize configurations successives de train d’atterrissage reproduites par le simulateur, et par quatre avions réels qui ont également circulé sur la piste expérimentale. L’analyse de ces essais a consisté à essayer de recréer les déformations relevées in situ à l’aide du logiciel utilisé en mécanique des chaussées routières Alizé-LCPC (modèle élastique linéaire). Ce calage a permis une détermination assez précise des déformations maximales engendrées au sommet du sol et au sommet de la GRH. Par contre, ce modèle est inadapté pour restituer les déformations mesurées à la base de la grave bitume, car, sous charges aéronautiques, les matériaux bitumineux ont un comportement visco-élastique (simulé à l’aide du logiciel CESAR-LCPC)
5000 cycles de fatigue [1] Les deux principaux objectifs des essais de fatigue étaient :
Le simulateur présentait une structure hybride, composée d’un assemblage de bogies 4 et 6 roues, permettant d’obtenir des données comparatives pour trois avions différents (A380, B777 et B747). La campagne de roulage a duré environ 9 mois. Pendant cette période, l’évolution de la chaussée a été suivie très attentivement. A l’issue de celle-ci, une autopsie de la piste a été réalisée, permettant le prélèvement de matériaux qui ont ensuite été soumis à une batterie de tests en laboratoire. Ces essais de fatigue mettent en évidence le rôle prépondérant du niveau de charges et de la géométrie des atterrisseurs sur les déformations relevées dans les couches non traitées de la structure de chaussée et au sommet du sol support. Ces essais in situ ont conduit à poursuivre les investigations par de nouveaux essais de laboratoire afin de mieux comprendre l’influence de la fréquence et de la durée de sollicitation sur les déformations engendrées dans le sol support. Ces essais complémentaires sont actuellement en cours au LCPC. PEP rigide Les chaussées rigides sont très différentes des chaussées souples par leur plus grande rigidité et surtout par leur discontinuité. Ceci entraîne une multiplication des paramètres, non seulement liés à la structure de chaussée elle-même (dimension des dalles, goujonnage, ...), mais également liés à la circulation de charges sur ces dalles (circulation au bord, au centre, ...). Le site retenu pour le PEP rigide se situe dans l’enceinte d’Airbus France, à proximité de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. La multiplicité des paramètres (dimension des dalles, goujonnage ou non, sol support, type de fondation, ...) intervenant dans la conception des chaussées aéronautiques en béton de ciment ont conduit à retenir un calepinage complexe croisant ces paramètres. Les différentes zones constituant l’expérimentation PEP rigide sont présentées en figure 7.
L’instrumentation se compose :
Quatre dalles ont ainsi été instrumentées (représentées en vert sur la figure 7). Un effort tout particulier a été fait sur le suivi des conditions thermiques régnant sur le lieu de l’expérimentation. En effet, le béton est très sensible aux variations de température. Une dalle de béton peut ainsi présenter une courbure convexe ou concave suivant le gradient thermique qui y règne. Des profils thermiques installés dans la piste expérimentale permettent de suivre l’évolution de la température et de calculer le gradient thermique auquel est soumis chaque type de dalles. Essais statiques Compte tenu de la complexité liée à la discontinuité des dalles de béton et donc des outils d’analyse devant être utilisés (modèles aux éléments finis CESAR-LCPC, lois non linéaires de contact, ...), les configurations testées ont tout d’abord été des charges simples (2, 4 et 6 roues isolées, en faisant varier divers paramètres : voie, empattement, charge à la roue, ...) et ensuite des chargements complexes (atterrisseurs à plusieurs bogies, ...) pour étudier notamment l’interaction d’un bogie sur l’autre.
Chaque dalle instrumentée est balayée finement par la charge testée de façon à rechercher la trajectoire créant la sollicitation maximale dans la dalle. L’ensemble des acquisitions réalisées durant ces essais représente un volume considérable de données (plusieurs Gigaoctets). Une charge de référence (géométrie, charge et trajectoire constante) a également été utilisée pour analyser l’influence du gradient thermique sur la réponse des dalles. Comme attendu, ces tests ont mis en évidence l’influence très importante du gradient thermique sur la réponse des dalles soumises à une sollicitation de charges aéronautiques. La capacité de prise en compte du gradient thermique par le modèle numérique est donc cruciale pour d’une part restituer les déformations mesurées au passage d’une charge dans des conditions thermiques données, et d’autre part afin de corriger des effets thermiques les différentes mesures enregistrées pendant les essais (dans des conditions thermiques différentes) pour pouvoir comparer les différentes configurations entre elles. Essais de fatigue en cours, jusqu’à la rupture des dalles Les essais de fatigue ont débuté en janvier 2003 et s’achèveront lorsque la piste sera devenue impraticable (rupture d’une ou plusieurs dalles). La piste est actuellement soumise au passage du simulateur recréant un ½ train d’atterrissage de B777-300ER et un ¾ train d’atterrissage de A380-800F. Une collaboration internationale aux enjeux majeursCe programme expérimental unique en Europe Occidentale aura permis à Airbus de choisir la meilleure configuration d’atterrisseurs, en terme de compatibilité avec les chaussées aéronautiques actuelles, pour son futur avion gros porteur A380. Mais il va aussi permettre de mieux comprendre le fonctionnement si particulier des chaussées aéronautiques et ainsi, à terme, il participera au programme de renouvellement des méthodes de dimensionnement des chaussées aéronautiques. Ce programme expérimental est régulièrement présenté au monde aéronautique international, en particulier à la FAA (Federal Aviation Administration) et à Boeing (prochain rendez-vous en mai 2003). De façon réciproque, le STBA et Airbus font partie du comité de suivi d’une expérimentation « jumelle » dirigée par la FAA et Boeing à Atlantic City (prochain rendez-vous en juin 2003). [1] Les chaussées aéronautiques sont dimensionnées pour 104 recouvrements de charge contre 106 pour les chaussées routières (Réagir en postant un message) |
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