MÉMOIRES DE RECHERCHE DE L'INSTITUT :
LACCOMPAGNEMENT
DE LA FIN DE VIE
Par Marie-Jeanne Kouskoff
(Page: 2)
Michel de MUzan,
psychanalyste, écrit dans "
De lart à la mort " à
propos du mourant :
" Alors que les
liens qui lattachent aux autres sont sur le point de
se défaire absolument, il est paradoxalement soulevé
par un mouvement puissant, à certains égards
passionnel. Par là il surinvestit ses objets damour
car ceux-ci sont indispensables à son dernier effort
pour assimiler tout ce qui na pu lêtre jusque
là dans sa vie pulsionnelle, comme sil tentait
de se mettre complètement au monde avant de disparaître
La disponibilité
absolue du thérapeute (ou de laccompagnant) prend
valeur dun don de sa propre vie au patient. Dès
lors celui-ci peut transformer lhorreur davoir
été " choisi " par la mort, alors
que la vie continue dans le monde, en une mort partagée
avec un autre quon entraîne avec soi- ce qui correspond
peut-être à une nouvelle naissance
Le mourant forme ainsi
avec son objet ce que jappellerai sa dernière
dyade
Cet objet-clé (laccompagnant) devrait
pourvoir et assurer une présence qualitativement sans
défaillance et assumer un certain flou de son être,
vivre presque en état dabsence
Le plus
souvent, ce sont les autres qui entravent le travail du trépas.
Aveugles à ce qui se passe, ils refusent le rôle
dobjet-clés du mourant "...
Jean Vimort, aumônier
dhôpital, sinterroge sur la distinction
entre la mortalité de lhomme en elle-même
et les modalités de la mort.
" Si la mort nest
pas évitable, toute mort particulière, en son
ici et maintenant, naurait-elle pas pu être évitée
?... Sous le choc de la maladie et de la menace de la mort,
une sorte de réveil se produit leur permettant de voir
ce quils ne voyaient pas auparavant. Ils cherchent alors
à le dire, à en parler, mais bien souvent nous
ne lentendons pas, nous éludons ces questions
Lhomme menacé
directement par la mort a une parole à dire, non sur
la mort dabord, mais sur la vie, sur la manière
de vivre qui pourrait changer les conditions de notre mort.
Parole de refus de tout ce quil saisit maintenant comme
mortifère dans sa vie et dans le monde. Parole de protestation,
de révolte, de lutte. Parole quil dit pour lui-même
autant que pour les autres
Parole que souvent il nose
pas formuler, même intérieurement, tant sont
grandes les résistances de tous ordres qui lempêchent
de venir au jour
.Le malade cherche à se vivifier
avec ce qui est vivifiant dans son passé ou dans son
présent et à se protéger de ce qui est
mortifère
Suivre le malade suppose aussi de ne
pas esquiver les obstacles, de ne pas les minimiser
Laccompagnant doit
apporter la plus grande attention à ses messages non
verbaux : tout le non-dit derrière les mots, les attitudes,
les regards, le ton de la parole
Une fois que la médecine
ne peut plus rien pour la guérison, il reste toute
une tâche vivifiante permettant au malade de vivre au
maximum jusquau bout
Il perd son envie de vivre
si le genre dexistence quil a maintenant nest
pas reconnu comme une vie possible, comme quelque chose qui
vaut la peine dêtre vécu, reconnu par son
entourage, par la société, par linstitution
de soins où il se trouve
Lidée dune
mort possible, lorsquelle simpose au malade, lui
donne souvent le désir de vivre au maximum toutes les
possibilités qui sont les siennes, et en particulier
de chercher des comportements qui lui donnent le sens de sa
dignité, de limportance de sa parole et des messages
de toute sorte quil nous destine. ".
Par leur écoute attentive
et respectueuse, et leur reconnaissance de la valeur de lêtre
humain, les accompagnants (soignants, familles ou bénévoles)
peuvent aider les mourants à réaliser ce désir,
à affirmer cette sagesse et cette dignité.
b) - accompagner les personnes
âgées :
Trop souvent mises au rebut,
isolément à leur domicile ou en institutions,
elles ne sont pas ou mal regardées ; elles font peur
et suscitent parfois lhorreur, néantisées
par le regard des autres et de la société dans
son ensemble. Leur expérience, les leçons quelles
ont pu tirer de la vie et du monde dans lequel elles ont vécu
nintéressent plus personne (le monde dans lequel
nous vivons aujourdhui na plus rien à voir
avec ce quelles ont connu, et encore moins le monde
de demain !) ; leur rôle social est réduit à
néant ; elles ne sont considérées que
comme des charges à assumer, souvent à contrecur.
Pourtant laccompagnement
de ces personnes très âgées peut être
dune très grande richesse pour ceux qui savent
voir la personne au delà de ses handicaps ; lêtre
humain a la capacité dévoluer jusquà
la mort, mais cest lêtre dans sa spécificité-
et non le vieillard ou le malade- quil faut contacter.
" Laccompagnement permet un
retour au sentiment dappartenance au même monde
; il donne à la personne la possibilité de se
sentir exister dans le temps présent et de se remettre
en mouvement
De là elle peut entrer dans le travail
de deuil de sa vie, avant de se préparer à mourir.
Présence et écoute changent le regard, notre
regard et celui de lautre sur lui-même et sa fin
de vie " écrit V. Martinet
(responsable des S.P. en Gérontologie).
Combien de personnes âgées
pourraient ne pas sombrer dans le repli sur soi et la confusion
mentale si nous les regardions avec davantage de considération
?
c) - accompagner les personnes
en deuil :
Michel Hanus, Dr en Psychologie
et en médecine, président de la Société
de Thanatologie et fondateur de lassociation
" Vivre son deuil " nous
dit que le deuil nest pas non plus une affaire de spécialiste
-médecin ou psychologue- mais de solidarité.
Ce nest pas une maladie mais une épreuve de la
vie.
La mort est un temps dans la
relation ; le deuil, cest le " jamais plus ",
mais ce nest pas loubli ; cest un travail
de transformation de la relation dans le sens de davantage
de présence intérieure.
Il est indispensable daccompagner
les endeuillés. Au début, cest le choc
; la personne est touchée dans toutes ses dimensions,
y compris le corps. De réels états dépressifs
réactionnels se manifestent, avec une grande douleur
intérieure ; ils peuvent durer longtemps (non codifiable)
; il est encore plus inquiétant de faire un deuil très
rapidement. Certaines personnes croient voir, entendre, sentir
la personne morte ; elles ont peur de perdre la raison. Il
y a toujours de la culpabilité dans le travail de deuil.
Souvent aussi, une identification narcissique à la
personne décédée, mais habituellement
cette régression ne dure pas, les forces de vie lemportent.
Puis vient la reconnaissance -progressive- de la réalité.
Ensuite lintériorisation de la relation : le
recueillement avec la personne morte, la remémoration
des souvenirs (bons et moins bons), le moment du pardon pour
lautre et pour soi. Dans cette intériorisation,
il y a un mouvement didentification et de transmission
; nous nous identifions aux gens que nous aimons ; lorsquils
meurent, ces identifications augmentent. Ainsi on garde en
soi une partie de la personne et on la transmet ; le deuil
est une voie de passage.
Lorsque le travail de deuil ne
parvient pas à se faire, ou lorsque la douleur ne peut
sexprimer affectivement, cest le corps qui va
la traduire : maladies, accidents, prises de risques inconscientes.
Un deuil différé est encore beaucoup plus dur
; les deuils itératifs sont des facteurs aggravants.
Il faut parfois donner des médicaments aux endeuillés
si la douleur est trop insupportable et la dépression
trop profonde, mais il faut surtout les entourer, les accompagner,
pas seulement juste après le deuil mais pendant longtemps.
Au niveau de la société, on observe que le deuil
entraîne une surmortalité. Les hommes meurent
plus ; ils expriment moins leur chagrin. Bloquer les émotions
est dangereux pour la santé. Les deuils non faits se
transmettent à travers les générations.
Comment accompagner un endeuillé ? Il faut toujours
se demander quelle qualité relationnelle unissait les
deux personnes pour essayer denvisager comment elle
peut être maintenant ; surtout ne pas vouloir consoler
: il ne veut pas perdre cette douleur qui équivaut
à de lamour ; parfois il na pas envie de
la partager. On ne peut quaccompagner la souffrance
; il faut donner du temps, de façon suivie, pour écouter.
Peu à peu, la souffrance qui diffuse sapaise.
Les rites facilitent le travail
de deuil, ils expriment les choses quon ne dit pas ;
ils sont indispensables pour les deuils traumatiques. Or les
rites funéraires sont de plus en plus pauvres. Il est
important de resocialiser le deuil, de mettre en place des
rites qui aient un sens pour tous et permettent de relier
pendant un temps donné une communauté dans une
même émotion, de soutenir les personnes en deuil
et de les accompagner dans les étapes du détachement.
Lorsque laccompagnement de proximité est insuffisant
ou défaillant, laccompagnement associatif et
le partage communautaire peuvent être dun grand
réconfort. Faire des deuils, cest la dynamique
de la vie ; on peut survivre au deuil, cest un processus
qui nous fait grandir.
6) - Laccompagnement :
Un devoir de civilisation
Eric Fiat fait de laccompagnement
un devoir de civilisation :
"
La maladie entrave, appauvrit la vie sociale : elle assigne
à la nature. Parler avec le malade, cest laider
à entretenir cette flamme de lesprit que la maladie
tend parfois à étouffer, cest tenter de
le rapatrier dans ses droits et devoirs de citoyen ; de cela,
tout le monde est capable
Accompagner le mourant, cest
se faire son témoin. Ecouter ses dernières paroles
pour témoigner que jusquau bout, et même
après la mort, il fut un être desprit
Proches
les uns des autres, les mourants et les bien-portants, les
hommes morts et les hommes vivants se constituent les uns
les autres comme êtres desprit.
Certaines choses échappent
à lordre marchand du " donnant-donnant "
: le savoir, lamour, lêtre humain ; eux
seuls peuvent se donner sans se perdre. Entre le " donnant-donnant
" et la gratuité, qui est de lordre de la
grâce, il y a un intermédiaire : cest la
gratitude. Pourquoi lautre est-il sorti du " donnant-donnant
" ? Pourquoi ma-t-il donné plus que je nattendais
? Laccompagnant bénévole
est quelquun qui éprouve la gratitude.
III - LE TRANSPERSONNEL DANS
LACCOMPAGNEMENT
Approches et expériences
:
" Le transpersonnel,
cest tout ce qui dépasse la personne "
dit Marc-Alain Descamps. Dans laccompagnement
de la fin de vie, la personne est très souvent dépassée,
tant celle du mourant que celle de laccompagnant
Les bénévoles
sont souvent des personnes qui ont vécu des deuils
très lourds, ou ont frôlé la mort de près,
ou se sont confrontés à des expériences
de mort symbolique et renaissance, bref toutes sortes dexpériences
qui amènent à percevoir le monde, la vie et
la mort au-delà des barrières de lego
et entrer en contact avec des énergies spirituelles.
Le paradoxe de ces confrontations à la mort (ou méditations),
est que simultanément elles nous incitent à
vivre intensément chaque instant, tout en nous amenant
à percevoir ce qui, en nous, ne change jamais (le Soi,
selon Jung) ; en cela, elles ont une grande puissance régénératrice.
De par cette confrontation avec la mort (de lego) et
louverture qui en découle, se crée une
proximité avec les personnes en fin de vie, une relation
au niveau de lêtre essentiel ; laspect terrorisant
de la mort tend à disparaître, même si
elle peut toujours apparaître comme injuste et douloureuse.
A la fin de la vie comme à
la naissance, lêtre humain est contraint de quitter
son existence pour être projeté dans linconnu
; le malade est seul face à la mort qui sannonce,
nous navons aucune solution à lui proposer. Seulement
accepter, avec lui, que la vie humaine est faite dincertitude
et de finitude. Si nous sommes nous-mêmes en contact
avec notre propre solitude existentielle, nous partageons
avec lui ce mystère de notre condition. Dune
façon paradoxale, dès que jose my
confronter, ma solitude disparaît. Plus je suis conscient
de ma solitude, plus je suis en relation avec lautre
; mais cest une relation qui se situe au-delà
de lego. Les moments de souffrance et dimpuissance
partagée sont souvent dune grande fécondité.
Ce que le malade offre à laccompagnant, cest
le cadeau de sa différence, de sa spécificité,
de son altérité. Dans léchange,
dans ce que jai pu percevoir de lui et reprendre à
mon compte, je me transforme, ma conscience sélargit
en intégrant et unifiant ; des êtres qui, à
priori, pouvaient mapparaître comme étrangers,
me deviennent proches ; cest un processus dhumanisation
qui sopère.
Lune des difficultés-
et lun des paradoxes- de laccompagnant, cest
de pouvoir sengager le plus totalement possible auprès
du mourant sans personnaliser la relation ; par exemple, on
doit accepter de ne jamais savoir pourquoi on a été
choisi pour tenir le rôle d " objet-clé
" ; on ne devrait même pas se poser la question
Qui aide qui ? Cest nous
qui venons chercher " quelque chose " pour nous-mêmes.
Cest à partir de notre manque, de notre blessure
consciente ou inconsciente que nous pouvons rejoindre lautre,
lui-même blessé, nos retrouvant dégal
à égal, dêtre humain à être
humain, face au deuil de la toute- puissance, reliés
dans ce travail de dépouillement, de renoncement et
dabandon à la vie et à la mort.
Cécile Bessières,
longtemps formatrice des bénévoles, disait :
" Le salaire du bénévole, cest son
enrichissement existentiel, mais il passe par la frustration
de lego et la désillusion ".
Laccompagnement des
personnes en fin de vie nous offre la possibilité de
vivre des états de conscience différents de
la conscience ordinaire, où le moi tend à satténuer,
sinon disparaître ; cest un travail de désinvestissement
de lego ; à partir dexpériences
transpersonnelles fugitives, il peut nous amener progressivement
à vivre plus durablement dans un état transpersonnel.
(cf, plus haut, Michel de MUzan : "
vivre presque en état dabsence ").
Les difficultés,
ce sont toujours lorgueil, les peurs, le mental, la
subjectivité
Il nous faut abandonner
toutes les représentations,
y compris celle du " bon accompagnement " ou de
la " bonne mort ".
Le paradoxe de ces états
de conscience, cest que simultanément la conscience
de lego, du moi séparé, sestompe,
tandis que lidentité profonde de lêtre
semble enfin se révéler.
Lacceptation de limpermanence
de toute chose, et très précisément celle
de notre propre mort nous fait prendre conscience de la futilité
et de labsurdité de nos attachements et de nos
ambitions. A lapproche de la mort, beaucoup de personnes
découvrent que la seule réalité qui subsiste,
cest lamour ; parfois, il est trop tard, les besoins
du mourant ne sont pas compris, lentourage est devenu
indifférent. Mais il arrive aussi que lannonce
de la maladie et de la mort possible revivifie les liens damour
avec les proches et transforme la fin de vie. Ainsi ce malade
qui en vient à reconnaître : " Aujourdhui
je sais ce qui est essentiel dans la vie ; le temps mest
peut-être compté, mais je me sens pleinement,
intensément vivant, et je remercie chaque jour le ciel-
et ma maladie !- de mavoir permis de vivre ces moments
là, je veux bien donner ma vie pour ça ! "
Vivre une telle expérience
nest certainement pas le lot de toutes les personnes
gravement malades ; elle illustre pour moi ce quon pourrait
appeler " entrer vivant dans la mort ".
Mais de telles rencontres, qui
sont de vrais " cadeaux ", ne doivent pas conduire
à idéaliser le bénévolat daccompagnement.
Le quotidien de laccompagnant bénévole,
cest de rencontrer toutes sortes de malades, et parfois
aussi de venir pour sa permanence et de ne rencontrer personne
! Chaque première rencontre peut être aussi la
dernière ; tout doit se donner dans cet instant ; nous
ne pouvons compter sur le temps pour tisser la relation. Laccueil
du malade peut être mondain, chaleureux ou indifférent
; il peut nous mettre à la porte, nous injurier, tenter
de nous humilier
Les changement dhumeur peuvent
être très brusques; il peut prendre le risque
de nous renvoyer car il sait que cela ne porte pas à
conséquence ; nous reviendrons lui faire un signe amical
la fois suivante ; un bénévole ne se vexe pas
!
Dans la vie du bénévole,
il y a beaucoup de moments où on se demande si on nest
pas venu pour rien : on na eu que des contacts superficiels,
ou bien tous les malades quon devait voir étaient
sortis, absents de leur chambre, en soins, ou décédés
Ces moments de vide, de doute,
font aussi partie intégrante de notre engagement de
bénévole ; ils nous permettent heureusement
de rester, avec une certaine humilité, dans le questionnement
sur le sens de ce bénévolat.
Malgré cela, notre présence
hebdomadaire régulière, aux horaires préalablement
définis, donne tout son sens à notre engagement
vis-à-vis des malades, des soignants et de léquipe
des bénévoles. Et pourtant nos " prestations
" restent très aléatoires. Chaque semaine
nous devons arriver " neufs ", ouverts et disponibles
à tous (malades, familles, soignants), et en même
temps prêts à accepter que personne nait
lenvie, le besoin ou le temps de nous rencontrer
et
repartir sans être déçus ni découragés
!
CONCLUSION
Accompagner des personnes en
fin de vie, cest sengager dans un mouvement de
société qui nous transforme à la fois
personnellement et collectivement et développe notre
amour de la vie.
Accompagner est un privilège,
mais aussi une responsabilité ; nous devons à
chaque instant trouver notre juste place, la juste mesure
du temps donné
Lors des Journées nationales
des bénévoles de la SFAP, le Pr Delattre, neuro-oncologue
à lHôpital de la Pitié-Salpétrière,
disait aux bénévoles : " Il peut y avoir
un risque dinhumanité dans les services où
il y a une forte mortalité ; nhésitez
pas à dire ce qui vous paraît inadmissible ou
inhumain dans le service ; louverture sur la société
civile est un garde-fou, une protection pour tous ".
Et Marie-Sylvie Richard, chef de service à la Maison
Médicale Jeanne Garnier : " Les bénévoles
ne sont pas là pour combler les manques de linstitution,
ils assurent une présence de la société
observatrice et critique
Le questionnement sur le "
savoir être " concerne tout le monde, soignants
comme bénévoles
La présence des
bénévoles aide les soignants à sortir
de leur spécialisation et à renvoyer à
la société les questions qui lui appartiennent,
par exemple celle du vieillissement de la population...Les
soignants doivent travailler en étroite collaboration
avec léquipe des bénévoles, mais
leur altérité doit être reconnue ; avec
des approches différentes, ils ont nécessité
de faire équipe ensemble
"
Si nous sommes conscients
de la nécessité de réhumaniser et resocialiser
le temps de la fin de vie, il nous faut aussi éviter
le piège de la professionnalisation et de la spécialisation
; lessentiel est un travail sur soi-même. Il ne
peut pas y avoir de " savoir-faire " dans lexpérience
de laccompagnement de la fin de vie, précisément
parce quil ny a rien à faire et quil
sagit à chaque fois dune
rencontre unique entre des êtres uniques à un
moment unique.
Les pré-requis sont
simplement de pouvoir faire le vide en soi, créer un
espace daccueil, apprendre à être un canal,
devenir transparents, mettre de la conscience dans nos moindres
regards, paroles, attitudes. Reconnaître limpuissance
de lego, cest la condition pour quapparaisse
la fécondité ; lêtre
se connaît à travers le don, plus je donne, plus
je reçois ; dans la présence, quelque chose
se donne de lun à lautre.
Au contact des personnes en fin
de vie, nous expérimentons limpermanence et linterdépendance
; or nos sociétés fonctionnent sur le déni
de ces réalités.
Dans les sociétés
pré-industrielles, différents rites de passage,
lors des moments de transition importants de la vie, permettaient
daffronter la mort, de transcender la peur et de transformer
radicalement son existence ; les individus pouvaient faire
plusieurs fois lexpérience de mort et renaissance
psycho-spirituelle avant dêtre confrontés
à leur mort biologique. Cet entraînement à
la mort fait cruellement défaut dans nos sociétés
; les violences de toutes sortes, les passages à lacte
et la fuite dans lalcool ou la drogue en sont, entre
autres, les conséquences.
Stanislas Grof écrit
: " Ce " mourir avant
de mourir " a deux conséquences fondamentales
:il nous libère de la peur de la mort et change notre
attitude face à elle
il transforme aussi notre
façon dêtre au monde
Louverture
à une spiritualité de type universel et non
confessionnel constitue une autre conséquence importante
du fait de se libérer de la peur de la mort ".
Cette capacité de vivre
des états de conscience transpersonnelle, chacun de
nous la possède en lui-même.
Dans "
Quest-ce que le transpersonnel ? " Marc-Alain
Descamps écrit : " Cest
dans lexpérience préalable du vide (du
défilement des idées et du moi) que se fait
la révélation dune Présence qui
se contemple et saime elle-même, à la fois
dans la majesté de sa manifestation physique par lUnivers,
dans la montée à la conscience et à la
Sur-conscience et par lamour dans le cur de lHomme
Laccès
au transpersonnel peut se faire à différentes
occasions et selon diverses formes. Mais ce qui est surtout
important, cest son apport et les transformations quil
opère dans lindividu. Lapproche du transpersonnel
ouvre à laltruisme, à lhumilité,
au dévouement, à lamour des êtres
humains, des êtres vivants, de la nature, du cosmos
et du divin. "
Et Abraham Maslow, dans
" Vers une psychologie de lêtre
" : " Le besoin du Beau, du Vrai, du Juste est une
pulsion innée. "
Nos sociétés tendent
à refouler ces pulsions innées, à ridiculiser
les idéaux et les idéalistes ; la volonté
de maîtrise du monde conduit au mépris de lart,
devenu marchandise, de la réflexion philosophique,
de la contemplation de la nature, du recueillement, de la
vie intérieure
Pourtant, mettre ses capacités
au service des valeurs (le Beau, le Vrai, le Juste
),
se battre pour les incarner dans le monde, cest se réaliser
Laccompagnement des personnes
en fin de vie, en ouvrant au dépassement de la personne,
tend à étendre la conscience à luniversel.
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