Discours de
MADAME MARTINE AUBRY,
MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE
Geneve, le 26 Juin 2000
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Les manifestations qui se déroulent « Cinq ans après » doivent être à la hauteur des actes fondateurs. J' exprime ici le souhait et la conviction de la France que ce sera le cas.
Le sommet du développement social de Copenhague a marqué une étape importante. Rappelons-nous le discours unique qui prévalait alors sur la mondialisation. Le sommet de 1995 l'a nettement infléchi en suscitant un engagement d'une ampleur sans précédent des Etats et des institutions internationales dans le combat contre la pauvreté, et en donnant, au plus haut niveau politique, un contenu fort aux valeurs qui fondent le développement social.
Permettez-moi de revenir sur l'actualité de ces valeurs :
La France est convaincue qu'il est nécessaire de réaffirmer notre
volonté politique collective de mettre en oeuvre et d' approfondir les
valeurs exprimées au sommet de Copenhague, dont le Président français
François MITTERRAND fut un grand artisan.
J' appuie fortement à cet égard les propos de mon collègue
portugais, au nom de l'Union européenne, et je saisis cette opportunité
pour souligner ici les résultats remarquables de la présidence
portugaise de l'Union européenne et son souci constant de jeter des ponts
entre le Nord et le Sud. La future Présidence française de l'Union
européenne s'inscrira dans ces pas.
Cette volonté d' approfondir et de compléter les acquis de Copenhague
est également largement répandue au sein des pays ayant en commun
l'usage du français, et je me réjouis qu'une déclaration
politique commune des pays francophones puisse exprimer, notre préoccupation
partagée de lutter contre les inégalités, dans un esprit
de dialogue entre pays du nord et du sud.
A l' occasion du renouvellement des engagements souscrits au sommet de Copenhague, et considérant les initiatives nouvelles qui doivent le concrétiser, je souhaite marquer la volonté de mon pays de voir des progrès s' accomplir dans quatre directions :
1) La lutte contre la pauvreté et l'exclusion, par la mise en oeuvre de strategies nationales ambitieuses et concertées, que nous souhaitons promouvoir dans notre ensemble européen, et, au-delà, par un appui plus net de l'aide au développement à la réalisation des obj ectifs des grands sommets des NationsUnies. L'obj ectif même du développement est de garantir à chacun la réalisation de l'ensemble des droits civils, politiques, économiques et sociaux. L'éradication de la pauvreté et la lutte contre les inégalités doivent être des priorités de la coopération internationale au développement. Le droit au développement, dont l'individu devrait être le principal bénéficiaire, nécessite un soutien affirmé de la communauté internationale.
2) La promotion et la mise en oeuvre effective des droits de l'homme, des droits économiques, sociaux et culturels. Nous devons par exemple développer la mise en .oeuvre de la déclaration de l'OIT sur les droits fondamentaux des travailleurs. Ces progrès passent par des programmes coordonnés de coopération pour la promotion de la Déclaration et par une prise en compte des droits des travailleurs par le système multilatéral, dans une perspective qui ne puisse être interprétée, comme cette déclaration ellemême le precise, comme la volonté des pays riches d'imposer un protectionnisme déguisé. Ce sommet constituera un test à cet égard.
3) La mise en oeuvre rapide et complète, dans un esprit d' ouverture, de l' initiative sur la dette pour les pays pauvres très endettés, qui doit beaucoup au sommet de Copenhague. Au-delà de cette initiative, il nous faudra réfléchir aux moyens de prévention de processus d'endettement excessifs dans les pays en développement. Nous devons aussi donner un contenu concret, en imaginant des modalités pragmatiques, à une gestion plus sociale des programmes d'ajustement structurel, point sur lequel nous avons très insuffisamment progressé.
4) L'approfondissement urgent dune stratégie pour les pays les moins avancés, particulièrement en Afrique. Tous les aspects du développement sont concernés.
Une attention particulière doit être portée à l'accès aux services sociaux de base, notamment l'éducation et la santé. La France militera pour une accentuation de la lutte contre les grandes pandémies, pour un traitement multidimensionnel des effets du SIDA et une prévention renforcée, ainsi que pour la mise en place de mécanismes qui permettent d'assurer l'application efficace et durable de l'engagement significatif pris conjointement par des laboratoires pharmaceutiques et des agences de l'ONU pour rendre plus accessibles aux pays les plus pauvres les médicaments de traitement du SIDA.
Sur tous ces points, il existe des éléments intéressants
et des initiatives à la fois audacieuses et nécessaires dans les
documents soumis à cette assemblée. Je forme à cet égard
le voeu qu'ils puissent étre reflétés dans les textes finals
du sommet qui doivent être adoptés par consensus. Nous ne pouvons
pas décevoir. C'est notre crédibilité qui est en cause,
et celle des Nations Unies. Prenons garde au risque que, sur les enjeux du développement
social, les grandes décisions internationales ne se prennent plus que
daps d' autres enceintes, et de façon de plus en plus exclusive
Je demeure confiante, sachant que c'est dans la dernière ligne qùe s'opèrent les progrès décisifs, ce qui fut largement le cas pour Copenhague.
Je voudrais enfin conclure en citant quelques mots du discours du Premier Ministre français, Lionel Jospin, devant les Nations-Unies, en septembre 1999 :
« Face à la mondialisation, un choix s'impose. Nous pouvons nous
en remettre à des lois prétendument naturelles et, par là,
abdiquer nos responsabilités politiques. Nous pouvons au contraire chercher
à ordonner la mondialisation et à construire ainsi la maîtrise
de notre destinée collective
(...)
Ce monde a besoin de règles. Ce monde a besoin de l'ONU ».