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Paris, 2 juin 2005

Stocker de l'information dans des matériaux moléculaires par voie optique

Des chercheurs du CNRS (1) ont démontré la possibilité d'écrire et d'effacer des informations dans un matériau moléculaire en utilisant la lumière d'un laser à température ambiante. Jusqu'à présent, cette opération n'avait été réalisée qu'à basse température. Cette découverte permet d'envisager le développement de mémoires d'ordinateur moléculaires à commande optique, à la fois rapides et fiables. L'une des molécules étudiées dans le cadre de ces recherches pourrait servir de support à une électronique à trois bits.

Aujourd'hui, l'électronique moléculaire apparaît comme l'électronique du futur. Par rapport aux circuits intégrés sur silicium, les molécules présentent l'avantage d'être plus petites. Alors que les composants actuels mesurent au moins 70 nanomètres (2), l'utilisation des matériaux moléculaires permettra de descendre jusqu'à 30 nanomètres, voire plus bas, donc d'en mettre un plus grand nombre par unité de surface et de gagner ainsi en rapidité ou en densité de stockage, dans le cas des mémoires d'ordinateur. En outre, l'électronique moléculaire utilise de faibles courants, ce qui autorisera un gain énergétique par rapport à la consommation électrique des circuits intégrés sur silicium.

 

Stockage à température ambiante

 

C'est dans ce contexte que les chercheurs de l'équipe Propriétés physiques moléculaires du Laboratoire de chimie de coordination (1), en collaboration avec une équipe espagnole (3) et une équipe irlandaise (4), ont travaillé sur les propriétés physiques des matériaux pour l'électronique moléculaire. Ils viennent de mettre en évidence un phénomène encore jamais observé jusqu'ici : à 20°C, un composé passe de son état « bas spin » à son état « haut spin », par éclairement avec un laser vert pulsé. L'état « bas spin » et l'état « haut spin » sont deux états électroniques qui permettent d'écrire dans le matériau l'information codée sous forme binaire (sous forme de 0 et de 1, l'état bas spin correspondant au 0 et l'état haut spin correspondant au 1). L'énergie de l'état bas spin est proche de celle de l'état haut spin, autorisant une transition réversible entre les deux, grâce à laquelle il est possible d'écrire ou d'effacer l'information. Pour commander la transition, les chercheurs ont utilisé un laser vert (la couleur de la lumière du laser a été choisie d'après l'étude du spectre d'absorption optique de la molécule), dont la durée d'impulsion est de huit nanosecondes. Cette caractéristique permet d'envisager une électronique moléculaire à commande optique, et non plus électrique. Outre les avantages déjà mentionnés de l'électronique moléculaire, ce résultat pourrait se traduire par un gain en temps (l'excitation d'écriture ou d'effacement de  l'information ne prend que 8 nanosecondes) et en fiabilité (les composants à commande optique étant « infatigables »). L'obtention de la transition à température ambiante constitue une barrière de moins pour passer au stade des applications. Après un premier brevet international de conception de mémoires moléculaires à base de matériaux à transition de spin, déposé en 2004, c'est aujourd'hui une nouvelle étape qui est franchie avec la possibilité d'un stockage moléculaire par voie optique (lecture et écriture).

 

Vers une électronique à trois bits

 

En collaboration avec une équipe espagnole3 et une équipe japonaise (5), les mêmes chercheurs ont découvert une molécule qui pourrait servir de base à une électronique à trois bits. Actuellement, les informations sont codées sous forme binaire, les 0 et les 1 étant appelés bits : c'est une électronique à deux bits. L'avantage de l'électronique à trois bits serait un gain de temps, puisque là où on code deux informations dans la logique binaire, on pourrait en coder trois (on augmenterait ainsi la densité des mémoires) et les machines ne perdraient pas de temps à aller chercher la troisième information à un autre endroit. De plus, l'électronique moléculaire à trois bits constitue une nouvelle logique, susceptible de déboucher sur des applications que nous ne pouvons encore prévoir. Lorsque le transistor a été inventé, en disposant deux diodes tête bêche, personne n'avait prévu les multiples développements que son utilisation a engendrés.

 

La molécule que les chercheurs ont utilisée est « binucléaire » : elle possède deux atomes de fer susceptibles de se trouver dans les états « haut spin » et « bas spin ». La combinaison des deux états de chaque atome de fer aboutit à l'existence, à la même température (environ -90°C), de trois états possibles : (0,0), (0,1) et (1,1), correspondant aux trois bits mentionnés plus haut. Les chercheurs ont  sélectionné la  transition qu'ils ont déclenchée en choisissant la longueur d'onde du laser : un laser rouge provoque la transition de l'état (0,0) vers l'état (1,1), alors que l'éclairement par un laser infrarouge fait passer le matériau de l'état (0,0) vers l'état (0,1).

 

matériau moléculaire

© CNRS/LCC

Cette figure représente la structure du matériau sur lequel les chercheurs ont travaillé à température ambiante. Les atomes de fer (en rouge) peuvent se trouver dans l'état « haut spin » ou l'état « bas spin ». La transition provoque un changement de couleur, du rouge vers le jaune ou inversement. Les deux carrés au centre sont des photographies du matériau dans les deux états de spin électronique.


 


Notes :

(1) Laboratoire de chimie de coordination du CNRS à Toulouse (Consulter le site web)
(2) Un nanomètre = 10-9 mètre
(3) Département de chimie inorganique de l'Université de Valencia (Consulter le site web)
(4) School of Chemistry, Queen's University of Belfast (Consulter le site web).
(5) Département de physique de l'Université de Kyoto (Consulter le site web)

Références :

Selective photoswitching of the binuclear spin crossover compound {[Fe(bt)(NCS)2]2(bpm)} into two distinct macroscopic phases; N. Ould Moussa, G. Molnár, S. Bonhommeau, A. Zwick, S. Mouri, K. Tanaka, J. A. Real, and A. Bousseksou. Physical Review Letters, 94, (2005) 107205.

One-Shot-Laser-Pulse-Induced Reversible Spin Transition in the Spin Crossover Complex {Fe(C4H4N2)[Pt(CN)4]} at Room Temperature; Sébastien Bonhommeau, Gábor Molnár, Ana Galet, Antoine Zwick, José-Antonio Real, John J. McGarvey, and Azzedine Bousseksou. Angew. Chem. Int. Ed. 44 (2005) 2-5. L'article est consultable sur : Consulter le site web

Brevet CNRS PCT : Molecular memory and method for making same, A. Bousseksou, C. Vieu, J.-F. Létard, P. Demont, J.-P. Tuchagues, L. Malaquin, J. Menegotto, L. Salmon, EP1430552 (23/06/1004)

Contacts :

Contact chercheur :
Azzedine Bousseksou
Tél: (33) 5 61 33 31 53, Mél: boussek@lcc-toulouse.fr

Contact presse :
Claire Le Poulennec
Tél : 01 44 96 49 88, Mél : claire.le-poulennec@cnrs-dir.fr

Contact Région Midi-Pyrenées :
Carine Desaulty
Tél : 05 61 33 60 54, Mél : carine.desaulty@dr14.cnrs.fr


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