Le comportement du consommateur et de l'acheteur
Concepts de base de grille d'analyse

 

La société de consommation est jalonnée d’épisodes inédits. La vie quotidienne nous livre de nombreuses expériences et de situations insolites. Pour les comprendre, il est utile de disposer d'un cadre d'interprétation.

Les enjeux - La qualification du comportement étudié - Les différents niveaux de lecture - Les acteurs et leur qualification - Les compétences des acteurs - les comportements d'achats et de consommation - Conclusions - Grille de diagnostic - pour en savoir plus
 

Les enjeux La consommation est l’une des formes élémentaires de la vie quotidienne. Le développement de la société moderne a conditionné un environnement lourdement chargé d’objets, de signes et d’interactions fondées sur des échanges marchands. La production de biens manufacturés augmente de manière inflationniste et les prestations de services ne cessent de se développer et de se diversifier. A ce phénomène s’ajoute l’accélération du renouvellement de l’offre disponible. Face à cette complexité, les acteurs économiques, analystes ou praticiens, cherchent des repères car les enjeux sont de taille, tant pour les praticiens du marketing que pour les organisations de défense des consommateurs. Les premiers souhaitent influencer les acteurs du marché alors que les seconds espèrent établir un contre-pouvoir. Les entreprises doivent assurer leur pérennité économique, mais elle ne pourra se réaliser sans une réflexion approfondie sur l’éthique. Si l’on accepte que l’étude du consommateur et de l’acheteur est en mesure d’apporter aux entreprises un cadre d’analyse susceptible d’augmenter leurs performances économiques, ce même cadre d’analyse est exploitable par les organisations de défense des consommateurs pour contrer certaines dérives.

En pratique, il est nécessaire de développer différentes lectures pour apprécier avec suffisamment de nuances la diversité et les spécificités des comportements d'achat et de consommation.

La qualification du comportement étudié Pour rendre plus opérante l'analyse du comportement du consommateur ou de l'acheteur il est indispensable de pouvoir en première approche mieux contextualiser ou spécifier le comportement. En ce sens, on pourra préalablement analyser:
- la forme de l'échange 
- les caractéristiques de l'offre 
- la situation dans laquelle se déploie le comportement 

L’étude des comportements d’achat ne peut être pertinente si l’on ne tient pas compte de la nature de la relation et de la forme de l’échange. Certains échanges sont transactionnels et ponctués dans le temps, d'autres en revanche sont plus relationnels et se déploient dans la durée. Par ailleurs certains échanges sont formellement contractualisés, d'autres ne le sont pas. La prise de décision et d’une manière générale, l’ensemble du processus d’achat en sont affectés. Si les entreprises, par un souci évident de fidélisation, tendent à s’orienter vers un marketing de type relationnel, elles devront également mettre en perspective un modèle d’analyse du comportement du consommateur et de l’acheteur adapté à la forme de la relation.

L'achat ou la consommation est une activité comportementale qui admet un objet : l’offre commerciale. De manière normative, celle-ci est composée de produits et de services. Parmi les produits, on distingue habituellement les produits durables des produits non durables. Le produit est tangible; le service ne l'est pas. La cafetière électrique est indiscutablement un produit durable, la baguette de pain, un consommable, et une coupe de cheveux, une prestation de service. Au-delà de quelques types purs, on constate rapidement que cette classification est réductrice. L'offre commerciale est souvent complexe car elle combine à la fois des produits et des prestations intangibles. Quelles que soient les typologies utilisées, l’analyse du comportement du consommateur et de l’acheteur nécessite de qualifier l’offre avec précision. Selon la nature de l’offre, ses caractéristiques, l’acheteur ou le consommateur mobilise des compétences différentes et engage plus ou moins de ressources lors de l’achat ou de l’utilisation. En ce sens, il est utile de préciser la nature de l’offre en distinguant les caractéristiques intrinsèques (composants du produit, noyau technique de la prestation de service, etc.), les caractéristiques associées (marque, image, packaging, etc.), qui sont du domaine de l’entreprise, l’usage et les caractéristiques dérivées (perceptions et représentations), qui sont du domaine du consommateur.

Enfin, la situation est un paramètre permanent qui caractérise l’activité de l’individu. A tout instant il est exposé à de nombreuses stimulations. Sur le point de vente, l’acheteur est stimulé par l’environnement commercial ; devant son téléviseur, le consommateur est exposé régulièrement à des stimulations publicitaires. Dans sa vie quotidienne, l’individu est au centre d’un tissu relationnel varié qui est explicitement à l’origine d’informations, comme par exemple lorsque des consommateurs échangent sur les avantages et inconvénients respectifs des produits qu’ils achètent ou implicitement, lorsque l’individu observe ses congénères dans leurs comportements, leurs modes de vie et leurs choix en matière de consommation. La situation est identique pour le consommateur qui se débat avec un mode d’emploi pour faire fonctionner un appareil ou obtenir une prestation d’un distributeur automatique quelque peu complexe. Dans ces conditions une meilleure prise en compte de la situation dans laquelle se développe le comportement étudié ne peut qu'améliorer l'analyse.

Les différents niveaux de lecture Les acteurs

Le premier niveau de lecture concerne les acteurs. Il est en effet indispensable de pouvoir qualifier les individus impliqués dans les comportements d’achat ou l’activité de consommation. Dans cette perspective, il s’agit tout d’abord de décrire l’environnement socioculturel dans lequel l’individu est inséré. L’environnement culturel, familial et social constituent des sources d’influence qui ne peuvent être négligées. L’individu construit sa trajectoire de vie à partir d’un héritage constamment actualisé, que l’on qualifiera d’actif socioculturel et qui détermine au moins partiellement ses valeurs, son style de vie et par voie de conséquence certains de ses choix en matière de consommation. En fonction de sa position sur sa trajectoire de vie, l’individu pourra être qualifié à partir de nombreuses variables sociodémographiques telles que sa catégorie socioprofessionnelle, sa situation dans le cycle de vie familial. En qualifiant les acteurs sur la base de leur situation courante, on est également en mesure d’apprécier leurs ressources. Celles-ci ne sont pas limitées aux ressources financières et intègrent également le temps ainsi que diverses ressources psychologiques. Enfin, il s’agira de détailler les mécanismes de l’influence psychosociologique, afin de comprendre comment la participation à des groupes sociaux affecte les préférences ou les choix en matière de consommation.

Ce premier niveau de lecture permet ainsi de situer socialement les acteurs, d’appréhender leur logique de consommation ainsi que leurs principaux arbitrages budgétaires. Si de telles analyses sont avant tout de nature compréhensive, elles offrent également la possibilité de qualifier les acteurs en fonction des comportements qu’ils développent, des rôles qu’ils assument ou des compétences qu’ils mobilisent. Elles sont de fait à la base de toute démarche de segmentation désormais indispensable pour la compréhension des comportements d’achat et de consommation.

Les compétences des acteurs

Le second niveau de lecture a trait aux compétences des acteurs. Il permet de mettre en perspective les processus de traitement des informations qui concourent directement ou indirectement à la prise de décision. Les individus puisent des informations dans leur environnement et pour ce faire, ils mobilisent des processus perceptuels à l’aide desquels les informations ainsi extraites deviennent intelligibles et sont susceptibles d’être interprétées afin de servir de base à la décision ou à l’évaluation. On pourra alors mieux apprécier la manière dont sont exploités les messages publicitaires et d’une manière générale l’ensemble des informations commerciales utilisables par l’individu (packaging, bouche à oreille, etc.) et ainsi expliquer les décalages entre le message que l'entreprise entend diffuser et ce qui est effectivement compris par le destinataire. Lorsque les informations disponibles sont interprétées, elles peuvent éventuellement être mémorisées afin d’être exploitées ultérieurement. La compréhension de ces mécanismes est particulièrement importante pour identifier l’impact des différentes stratégies d’exposition publicitaire, mais aussi pour apprécier la manière dont les informations se structurent en mémoire. En effet, selon l’organisation des connaissances en mémoire, les informations sont plus ou moins facilement exploitables et peuvent affecter le processus de prise de décision. Enfin, il sera nécessaire de détailler le processus de prise de décision, depuis la dynamique motivationnelle jusqu’aux mécanismes utilisés lors d’une délibération. Ces mécanismes sont très diversifiés et sont parfois affectés de biais importants. L’intérêt de cette approche est de comprendre la formation de la décision, l’aptitude de l’offre à répondre aux motivations de l’acheteur ou du consommateur mais aussi la manière d’exploiter les informations dans le processus de décision. Une investigation de qualité sur ces points permet tout d’abord d’apprécier le poids des caractéristiques de l’offre dans la prise de décision, de l’adapter ou de segmenter en conséquence. Elle permet également de gérer les informations à mettre à la disposition des acteurs et d’organiser la présentation des arguments afin de faciliter et d’orienter l’évaluation ou la prise de décision.

Les comportements

Le dernier niveau de lecture vise à appréhender les comportements de référence. Il sera alors nécessaire de distinguer les comportements d’achat et de consommation et de situer l’unité de décision. Par ailleurs, il faudra élargir l’analyse à la notion d’accès à l’offre qui est un pré requis au comportement d’achat et à la notion de satisfaction qui résulte d’une expérience de consommation ou d’achat. La distinction entre comportements d’achat et de consommation est décisive car l’individu n’assume pas nécessairement les deux rôles. L’individu peut par exemple être le consommateur du produit, sans avoir participé au processus de prise de décision. Cette distinction n’est pas purement formelle. En effet selon le rôle qu’assume l’individu, il sera amené à mobiliser des ressources et des compétences différentes. L’acheteur doit gérer l’accès à l’offre mais aussi le comportement d’achat effectif, autrement dit la transaction. Il n’est pas forcément à l’origine de la décision et, dans ce cas, la délibération relative au choix d’un produit ou d’une marque ne le concerne pas. En revanche, il doit disposer des compétences et des ressources qui lui permettent de sélectionner puis de repérer un point de vente, d’en programmer l’accès et de s’adapter à l’interface commerciale. Le consommateur est quant à lui confronté à une problématique différente. Il doit par exemple disposer des compétences pour utiliser le produit ou exploiter son mode d’emploi, mais aussi évaluer dans quelle mesure l’offre répond à ses besoins et lui apporte satisfaction. De tels cas de figure soulignent la nécessité de définir clairement les comportements auxquels on s’intéresse, d’en apprécier les spécificités afin d’identifier les compétences qui doivent être mobilisées. Cela permet indirectement de raisonner la manière dont se structure la relation commerciale et d’être en mesure de l’amender.

Les acteurs et leur qualification Le premier niveau de lecture, basé sur la qualification des acteurs, consiste à aborder de manière compréhensive la logique de consommation. La notion d’actif socioculturel permet en ce sens d’apprécier la cohérence de la trajectoire de vie de l’individu, mais aussi la manière dont s’organise son style de vie. Cette relative inertie ne doit cependant pas masquer le fait que les pratiques de consommation tendent à se diversifier. Bernard Dubois parle ainsi à juste titre de consommateurs " caméléons " qui développent des comportements radicalement différents selon les situations dans lesquelles ils se trouvent. Autrement dit, le consommateur pourra par exemple se rendre dans un fast food à certaines occasions, privilégier occasionnellement une grande table, tout en appréciant la cuisine traditionnelle lors des repas domestiques. Si l’on assiste à un déclin du pouvoir explicatif des variables sociodémographiques classiques, elles ne peuvent cependant être négligées. Elles offrent encore à l’heure actuelle une grille de lecture intéressante qui révèle de nombreuses disparités dans les choix en matière de consommation, qu’explique notamment le niveau de revenu. En pratique, la véritable question ne consiste pas à s’interroger sur la pertinence des variables sociodémographiques dans la description des comportements d’achat. Il s’agit plutôt de savoir quelles sont les variables ou les combinaisons de variables qui sont les plus à même d’expliquer un comportement d’achat ou de consommation dans une situation donnée. Si pour certains produits la catégorie socioprofessionnelle est une variable pertinente, pour d’autres, la situation dans le cycle de vie familial, l’origine ethnique ou l’héritage culturel seront de meilleurs indicateurs pour apprécier les différences en termes de consommation. Outre l’aptitude des variables impliquées dans la définition de l’actif socioculturel à expliquer certaines disparités dans les pratiques de consommation, il est également nécessaire d’analyser de manière dynamique l’environnement social afin de comprendre son impact sur les choix en matière de consommation et leur rôle dans la construction de l’identité de l’individu

Les compétences des acteurs Les enjeux associés à l’analyse des compétences des acteurs sont de nature différente et participent plus directement à la mise en œuvre des actions de marketing opérationnel. La prise en compte des processus de la perception permet incontestablement d’améliorer la qualité de la communication de l’entreprise. Cela concerne des domaines aussi variés que les actions publicitaires ou promotionnelles, le design des emballages, le balisage des points de vente, la conception de catalogues de vente à distance ou la mise en place de sites Internet. En arrière plan, force est d’accepter l’idée qu’une information disponible n’est pas nécessairement perçue et encore moins comprise. Les enjeux associés à la mémorisation et à l’acquisition des connaissances concernent davantage les stratégies d’exposition lors de la mise en œuvre d’actions de communication, ainsi que les contenus des messages. Si certaines formes d’acquisition des connaissances sont de nature passive et ne peuvent que difficilement être optimisées, d’autres en revanche sont susceptibles de l’être. Dans cette perspective, une meilleure compréhension des modalités d’acquisition des connaissances et de leur organisation en mémoire est décisive afin de fournir aux acteurs les informations nécessaires à la prise de décision et à l’usage du produit ou du service. Enfin la compréhension du processus de décision autorise une segmentation des attentes et par voie de conséquence une gestion plus affinée de l’offre commerciale. Par ailleurs, l’analyse de l’activité délibérative permet également de gérer une argumentation commerciale, en tenant compte des biais cognitifs et des facteurs émotionnels qui affectent le processus de décision.

Les comportements Le dernier niveau de lecture consacré à l’analyse des comportements d’achat et de consommation permet de contextualiser l’activité comportementale et ses conséquences. L’acquisition d’un produit n’est pas mécaniquement conditionnée par la décision d’achat. Avant cela, l’individu doit accéder à l’offre. Or cette phase est susceptible d’avoir un impact sur l’issue de la décision d’achat. Une offre disponible n’est pas nécessairement accessible et une offre accessible ne l’est pas nécessairement dans de bonnes conditions. En analysant les conditions d’accessibilité, l’entreprise dispose éventuellement de la possibilité de faciliter l’accès. L’analyse du comportement d’achat relève de la même logique. Il est en effet nécessaire de situer temporellement la décision par rapport à l’achat proprement dit, mais aussi d’appréhender les conditions environnementales ou situationnelles qui sont susceptibles d’affecter la réalisation de la transaction. L’activité de consommation doit également être précisée avec suffisamment de nuances. La consommation peut être une réponse à un besoin purement fonctionnel, mais elle peut également être caractérisée à partir de l’expérience comportementale, intellectuelle ou émotionnelle qu’elle procure. L’activité de consommation, quelle que soit sa forme, donne nécessairement lieu à une réponse en termes de satisfaction ou d’insatisfaction. Dans la mesure où elle est susceptible d’avoir une incidence sur la réitération du comportement d’achat, il est légitime que l’entreprise lui accorde une importance privilégiée. D’une manière générale, l’analyse détaillée des comportements qui participent à l’activité de consommation ou d’achat permet de différencier les rôles des acteurs et donc des compétences ou des ressources qu’ils doivent engager.

Conclusions L’analyse des comportements d’achat et de consommation se révèle complexe. Les différents points abordés dans cet ouvrage soulignent l’intérêt de développer des investigations toutes en nuances. Cela nécessite d’accepter l’existence de différents niveaux de lecture : la qualification des acteurs, les comportements spécifiques qu’ils développent et les compétences nécessaires à leur mise en œuvre. Chacun d’entre eux répond à des enjeux différents, tant en ce qui concerne l'étude du comportement du consommateur qu'en ce qui concerne la mise en œuvre d'actions de marketing opérationnel.

Indépendamment des enjeux opérationnels sous-jacents à l’étude du comportement du consommateur et de l’acheteur, se profilent de nombreuses questions sur le devenir de la société de consommation, l’éthique des pratiques commerciales et le poids des décisions politiques sur la structuration des marchés. En contrepoint, la question de l’identité de l’individu au miroir de sa consommation préfigure un bouleversement du champ des investigations. Ces interrogations pourraient à terme voir l’étude du comportement du consommateur et de l’acheteur opérer sur de nouvelles frontières de recherche à la marge de l’anthropologie économique.

L'utilisation des concepts par une grille de diagnostic Les différents concepts proposés peuvent être intégrés en une grille de diagnostic. Celle-ci permet de préparer une action une action marketing, d'apprécier l'évolution d'un produit ou encore de préciser les besoins en études.

Pour accéder à la grille cliquez ici

 

 

Pour en savoir plus ...

 
 Richard Ladwein - mise à jour 28.03.2000