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Zinédine Zidane n'a jamais été de ceux qui se gonflent d'aise les jours de récompense. L'homme est ainsi, discret, peu loquace, méfiant.
Cette aura de mystère, finalement, conjuguée à son palmarès exceptionnel et à son talent si personnel, où la grâce importe plus que la force, a peut-être contribué à faire de lui cette figure d'exception, adoptée par la société française depuis le sacre des Bleus sur leurs terres, en 1998. Zinédine Zidane, l'enfant d'origine kabyle du quartier populaire de la Castellane, à Marseille, a été élu pendant de longues années personnalité préférée de ses concitoyens, ne laissant que récemment cet honneur à Yannick Noah.
Pris dans l'engrenage du succès, qui en a broyé bien d'autres, il a su redonner ses lettres de noblesse au genre taiseux, qui s'accompagne si bien du sourire énigmatique. Comme Mona Lisa, il possède cette particularité : ce silence éloquent, où chacun puise, au gré de son interprétation, ce qu'il veut bien y trouver, est son plus sûr allié.
Zidane, et ce n'est pas un hasard, est d'ailleurs à son tour devenu une oeuvre d'art. Deux artistes, Douglas Gordon et Philippe Parreno, l'ont filmé inlassablement, l'espace d'un match de championnat espagnol. Zidane, un portrait du XXI e siècle, film inclassable qui raconte un corps en mouvement, des inspirations, un regard. De la fluidité, de l'élégance. De l'attente. De la beauté, tout simplement, celle qui le caractérisait avant tout sur un terrain de football.
Son arrivée dans les musées, qui se pressent, tel le Museum of Modern Art de New York, pour diffuser le film, est une fin logique au moment de quitter la scène. Zinédine Zidane, depuis déjà quelques années, n'était plus un simple joueur, comptable de ses résultats.
Au Real Madrid, dans ce club amoureux du beau jeu, il est devenu une icône intouchable. Qu'importe si l'équipe fléchissait en même temps que ses jambes, c'étaient les autres qui étaient responsables, même si le système de jeu avait été entièrement conçu pour lui. Ronaldo, en dépit de son immense palmarès, n'a jamais bénéficié de pareille mansuétude.
Acteur et figure témoin de son temps, Zinédine Zidane est aussi devenu, au fil de sa carrière, la star d'un monde marchand. Il aurait ainsi pu servir de matière à Andy Warhol, décliné à l'infini dans toutes les couleurs.
Le Marseillais a connu, à ses débuts, l'époque où les footballeurs restaient avant tout les idoles des passionnés de football, où les vignettes Panini n'étaient pas encore ringardes, célébrées en tant que telles par les branchés, mais un simple support à des rêves d'enfants en short et crampons. Puis, en même temps que Zinédine Zidane est devenu le mannequin de Dior et l'image de Leader Price - improbable grand écart, pour ce fédérateur, entre l'enseigne du luxe et celle de la grande distribution à petits prix -, les footballeurs ont remplacé les rock stars dans les chambres des adolescents.
Zinédine Zidane, dans sa première vie de footballeur, a été tout ça : un joueur au talent singulier, un emblème du beau jeu, une star universelle, un artiste du ballon devenu objet d'art. Il n'a que 34 ans.
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