Sémiologie - sémiotique
Signes
Indice, icone, symbole
Pour une sémiologie pragmatique
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Sémiologie - sémiotique
Ces deux termes sont synonymes. L’un et l’autre ont pour
objet l’étude des signes et des systèmes de
signification.
Sémiologie renvoie davantage à Saussure, à
Barthes, à Metz et de façon plus générale
à la tradition européenne où les sciences dites
humaines restent plus ou moins attachées aux mouvements
littéraires, esthétiques et philosophiques.
Sémiotique renvoie à Peirce, Morris et plus
généralement à une tradition anglo-saxone
marquée par la logique.
Pour les pères fondateurs de la sémiologie, (Ferdinand de Saussure 1857-1913), la sémiologie est un vaste domaine scientifique dont la linguistique est un élément. Roland Barthes, dans les années 60, inversera la proposition et fondera la sémiologie de l'image en empruntant à la linguistqiue ses concepts. C'était sans doute la condition historique pour que l'image, en tant qu'objet d'étude, puisse faire son entrée à l'université. Roland Barthes pour l'image fixe, puis Christian Metz pour le cinéma auront été les deux figures emblématiques de ce mouvement.
Marquée par le structuralisme (Lévi-Strauss) la
sémiologie postule l’objet (texte, image, film...) comme
principal lieu du sens et la langue comme le fondement de tout système de signe (Jacques Lacan).
La sémiologie du cinéma de son côté étudiera les films
dans leur dimension langagière, en tant que système
producteur de sens. Elle s'ouvrira par la suite à la narratologie, à la
psychanalyse, à la pragmatique...
La sémiologie "pure et dure" des années 60 a néanmoins dominé le champ universitaire durant quelques décennies. Un de ses principaux atout aura été, comme le dit si bien André Gardies, de permettre "... qu'un discours autre que celui du ressassement extatique, de l'impressionnisme intuitif, de l'herméneutique humaniste ou du jugement subjectif, puisse peu à peu s'élaborer pour qu'enfin le regard échappe à la sidération."
A contrario, elle aura conduit l’analyse de l’image dans des discours verbeux, qui ont pu avoir quelques utilités en matière de communication visuelle (publicité en particulier), mais qui se sont avérés particulièrement stériles pour comprendre et analyser des œuvres d’art et plus généralement les approches de l’image fondées sur le sensible.
Depuis les années 80, la sémiologie "classique" est fortement dénoncée
pour le caractère
immanentiste de la signification qu'elle suppose et pour la non prise en compte du contexte
et du spectateur dans la production de sens. Côté enseignement, un usage formaliste de la sémiologie aura conduit à pas mal de dérives
pédagogiques comme celles qui cherchaient (et cherchent parfois encore aujourd'hui) à faire apprendre une "grammaire de l’image".
Comme le souligne
Geneviève Jacquinot (1985) : “De nombreuses pratiques d’analyse des messages
audiovisuels se sont développées dans la ligne des
travaux théoriques sur la sémiologie de l’image
fixe le plus souvent.../... Ce type d’exercice pédagogique
peut devenir inutile voire dangereux : lorsqu’il vise plus un
apprentissage terminologique qu’un apprentissage
méthodologique (on jongle avec la polysémie, la
monosémie, le code, le référent, le signifiant et
le signifié...) ; quand il devient une fin en soi au lieu
d’être un moyen d’aider à voir, entendre,
dépister le sens (ça dénote et ça connote
à tour d’image et de pâtes Panzani) ;
lorsqu’il n’est pas relativisé par l’apport
d’autres savoirs sur les images (histoire de l’art,
iconographie, approches psychanalytiques, socio-historiques,
anthropologiques,...) ; lorsqu’il se transforme en
impérialisme culturel ou social pour imposer «le bon
sens» au mépris du respect des processus complexes
d’appropriation des messages... “.
Signe
Dans la sémiologie classique (Saussure pour la langue, Barthes
pour tout système de signes, Metz pour le cinéma...) une
première distinction est faite entre le signe et son
référent. (“Ceci n’est pas une pipe“).
Une deuxième distinction concerne le
signe lui-même. Un signe est la réunion de quelque chose
que je perçois et de l’image mentale associée
à cette perception. Le signe est par essence double. On appelle
signifiant, la face matérielle, physique, sensoriellement
saisissable, et un
signifié la face immatérielle,
conceptuelle, qu’on ne peut appréhender que
intellectuellement. Le signifiant et le signifié sont
indissociables, ils sont comparables aux deux faces d’une
même pièce qui serait le signe.
La signification est l’acte qui unit le signifié et le signifiant et qui produit le signe.
On dit qu’il y a monosémie lorsque à un signifiant
correspond un seul signifié et il y a polysémie
lorsqu’on peut associer plusieurs signifiés au même
signifiant. (Ne pas confondre le couple
monosémie/polysémie avec l’autre couple
dénotation/ connotation.)
La polysémie d’un système de signes est ce qui en
fait sa richesse expressive et interprétative. La
monosémie, au contraire, ce qui en fait sa logique, sa
rationalité. On rencontrera plus fréquemment la
polysémie dans les domaines artistiques, culturels,.. (une image
par exemple) et la monosémie dans les domaines scientifiques,
techniques,.. (une équation par exemple).
La dénotation est la signification fixée d’un signe
donné (à un signifiant donné on associe un
signifié). La connotation est une construction d’ordre
supérieur dans laquelle signifiant et signifié d’un
premier signe deviennent un signifiant de second degré qui
à son tour produira un signifié second, etc.
Indice, icone, symbole
Dans sa sémiotique, Ch. S. Peirce (1938) distingue trois types de signes : les indices, les icones
(*),
et les symboles.
Les signes indiciels : sont des traces sensibles d’un
phénomène, une expression directe de la chose manifestée. L’indice est lié
(prélevé) sur la chose elle-même (la fumée pour le feu).
Les signes iconiques : sont des représentations analogiques
détachées des objets ou phénomènes représentés. (l’image en particulier)
Les signes symboliques : rompent toute ressemblance et toute
contiguïté avec la chose exprimée. Ils concernent tous les signes arbitraires (la langue, le calcul..)
La sémiotique de Peirce, qui date de la fin du XIXème
siècle, a depuis quelques temps retrouvée une seconde
jeunesse. Sans doute faut-il y voir la pertinence qu’elle offre
dans la compréhension et l’analyse des formes actuelles de
la communication audiovisuelle et en particulier depuis
l’émergence des “nouvelles images“. D’un
point de vue sémiologique, la caractéristique principale
de ces “nouvelles images“, qui, par le biais de
l’iconicité, cherchent à ressembler aux
“anciennes“, est de ne pas posséder de lien indiciel
avec l’objet représenté. L’absence de
contiguïté indicielle des “nouvelles images“ a
fait ressurgir, par opposition, cette dimension cachée de
l’image photographique et cinématographique, même si
cet aspect de trace (“ça a été“) fut
parfois souligné par certains auteurs comme Roland Barthes (1980)
“La photo est littéralement une émanation du
réfèrent.“ ou Jean-Marie Schaeffer (la
notion d’arché qu’il développa
représente une forme de savoir spectatoriel sur la genèse
de l’image - 1987).
Pour Daniel Bougnoux (1991), le passage de l’indiciel au symbolique (de
l’analogique au digital) serait le cheminement de
l’éducation et de la culture, tandis que l’art, le
rêve et l’imaginaire emprunteraient un chemin inverse (du
symbolique à l’indiciel, ou du digital à
l’analogique).
(*) «Le plus souvent icône prend un accent circonflexe. Mais sous cette forme il a une signification religieuse. D'où la
préférence qu'on accorde ici (par référence à l'anglais icon) à icone, au masculin et sans
accent.» D'après : GARDIES (André), BESSALEL (Jean), 200 mots-clés de la théorie du cinéma,
Paris, Editions du Cerf, 1992.
Pour une sémiologie pragmatique
La sémiologie des années 60 trouvera dès son origine, ses détracteurs, comme la plupart des réalisateurs de l'époque mais aussi des théoriciens célèbres comme Jean Mitry (enseignant à l'IDHEC, et à la Sorbonne), pour qui l'image ne peut être réduite à un ensemble de signes organisables comme des mots.
Dans un récit visuel, l'image est toujours l'image de quelque chose. Il ne peut donc y avoir dans une image filmée de signes visuels arbitraires au sens strict. Si le signe visuel présente un caractère symbolique il n'est pas, comme pour la langue, posé a priori, il l'est de "surcroît".
Rudolf Arnheim (1973) montrera toute l’importance de la perception globale dans l’image. Les formes sont aussi des concepts. L’image ne s’accommode pas de la linéarité du langage et la “pensée visuelle” n’est pas la somme de ses éléments constitutifs. C’est la perception visuelle qui est sémiotisante. Cela signifie que c’est l’expérience continuelle du voir qui construit les signes de l’image et non pas, comme pour la langue, à partir d’un assemblage de signes aux significations bien établies (dictionnaire).
Par la suite, d'autres travaux théoriques (Groupe µ, Roger Odin, etc..) redonneront la place qui revient au spectateur dans la construction du sens.
La sémiologie de l’image et du film dans ses versions
originelles (Barthes, Metz ou Eco...) a peu cours
aujourd’hui. Elle s’est teintée depuis de
pragmatisme : la signification n’est plus
considérée comme la mécanique immanente
d’une rencontre entre un signifiant et un signifié, mais
le produit d’un “donné a voir“ et d’une
réception contextualisée. Ni grammaire de l’image,
ni codes prédéfinis, mais une construction spectatorielle
toujours à re-situer dans son contexte
géographique, historique, économique, social, culturel...
Ainsi donc si l'image est constituée d'éléments qui sont à la base de la construction du sens, il n'y a pas de liens directs et figés entre chacun des éléments présents dans l'image et les interprétations qu'ils peuvent susciter. S'il y a des significations communes que nous partageons avec nos semblables devant telle ou telle image, cela n'est pas porté par l'image elle-même mais par seul fait que nous possédons une culture commune à un moment donné dans un contexte donné. Partant de cette évidence, il faut alors admettre que d'autres puisse avoir une interprétation, une sensibilité, une appropriation différentes des images. Ce qui signifie nullement que toute interprétation se vaut ou que tout propos sur une image ne serait pas critiquable, contestable. Les différents niveaux possibles d'interprétation sont alors tributaires du savoir, de la culture visuelle et artistique, de la pratique imageante... de ses interprétants.
La qualité esthétique ou langagière ou sensible d'une image est une co-construction complexe qui se joue entre l'auteur, l'image et son spectateur. Mettre à jour les signes qui font sens dans une image ou dans une suite d'images est donc en soit une démarche d'analyse. C'est à partir de là que l'on peut parler de "sémio-pragmatique" qui considère que les outils d'interprétation ne sont pas donnés au préalable et ne sont pas transposable dans un autre contexte sur une autre image. Ils sont eux-mêmes le résultat d'un travail d'interprétation, toujours fluctuant et toujours susceptible d'être approfondi ou réinterrogé.
Sites complémentaires
• Signo - Site Québéquois consacré aux différentes théories sémiotiques - Animé par des universitaires canadiens et belges, vous y trouverez une synthèse des travaux de : Derrida, Eco, Fontanille, Genette, Greimas, Hjelmslev, Jakobson, Klinkenberg, Kristeva, Peirce, Rastier, Riffaterre, Todorov, Wittgenstein, Zilberberg.
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