L’automne aux couleurs de John Lennon
Le chanteur des Beatles fait l’objet d’une exposition de photos à Paris tandis que de nombreux événements sont organisés dans le monde, trente ans après sa mort
Si l’on s’en tient au nombre de nouveautés dans les rayons, le héros de cette fin d’année est né il y a soixante-dix ans, le 9 octobre, et est mort il y a trente ans, le 8 décembre. Pendant ces deux mois, les hommages à John Winston Lennon vont se multiplier, de Reykjavik à New York et Liverpool.
Un enfant de la guerre, venu au monde en plein Blitz allemand sur la cité du nord-ouest de l’Angleterre. Un gamin de la « working class », pas malheureux malgré des parents divorcés, élevé à « Mendips », la maison de son oncle George Smith et de sa tante Mimi, selon les règles de la bourgeoisie provinciale – lorsqu’il sera une star, elle se plaindra de ses cheveux longs !
Un ado écorché, querelleur, jouant avec son premier groupe, The Quarrymen, sur un camion à charbon, tout en suivant les cours de l’école d’art. Un homme à l’esprit créatif, à la tête emplie de souvenirs d’enfance qui inondent ses chansons : la tombe, dans le petit cimetière St Peter, d’une Eleanor Rigby « à l’âge de 40 ans endormie », ou la ruelle « Penny Lane » à une encablure de la maison.
Un poète hilarant aussi, à l’humour british (à l’image de photos des Beatles portant parapluies et chapeaux melon) digne des Monty Python. Truffé de jeux de mots, de pastiches, de dessins griffonnés, son livre, publié en 1964 sous le titre In His Own Write (« En flagrant délire », en français), eut un succès considérable.L’attentat eut lieu à New York
Une star idolâtrée, enfin, « plus célèbre que Jésus », disait-il, non sans ironie, à l’époque des Beatles. Milliardaire mais voulant vivre au milieu du monde, abattu par un admirateur dérangé, Mark David Chapman, de cinq coups de feu à bout portant. L’attentat eut lieu à New York, la ville où, disait-il un peu plus tôt, dans une interview à la BBC, « personne ne nous importune, sinon pour un autographe ou prendre des nouvelles du petit »…
La nouvelle de sa mort fut une déflagration pour le monde et pour New York : « Certainement le jour le plus triste dans l’histoire de la ville avant le 11-Septembre », selon Bob Gruen, qui fut son photographe (et celui d’autres grands artistes) de 1971 à 1980. Ses clichés, réjouissants ou émouvants, font l’objet d’un livre fourmillant d’anecdotes, et d’une exposition à Paris (1).
On y redécouvre un Lennon trentenaire, dans toute sa gloire post-Beatles mais accessible, pitre, enfilant cinq paires de lunettes rondes à la fois, ou faisant le signe de victoire devant la Statue de la Liberté, alors que, Anglais sur le sol américain, il fait l’objet d’un arrêté d’expulsion pour des déclarations hostiles à Nixon et à la guerre du Vietnam…"John avait un rapport simple aux autres"
Lennon acceptait, voire sollicitait la présence du photographe, y compris afin de montrer son amour pour Yoko Ono, sa dernière compagne. Un tour à deux à bord d’une barque, sur une petite mare du Connecticut. Ou leurs deux mains se caressant sur un tronc d’arbre de Central Park. Deux traces indélébiles de cet amour.
Jusqu’aux images de la maternité où Sean, fils du couple, vit le jour le 9 octobre (!) 1975. On y voit un John « bobo » avant l’heure, donnant le biberon et changeant son petit bonhomme sous les yeux d’une Yoko attendrie… Des photos comme on en trouve dans chaque album de famille.
« Je n’étais pas leur ami au départ, confie Bob Gruen, mais John avait un rapport simple aux autres et à son image, je pense que s’il avait vécu, il aurait été à l’aise avec les outils modernes, Internet, les réseaux sociaux… »
Suivront de fait des centaines de portraits, notamment ceux, fameux, au tee-shirt New York City. Jusqu’aux derniers, deux jours avant la fin : « Il m’avait appelé pour me montrer le manteau qu’il venait de s’acheter. Le couple semblait heureux… »Une conscience œuvrant pour la paix
John Lennon est célébré comme l’artiste qu’il fut, mais aussi comme une conscience œuvrant pour la paix. Un phénomène encouragé par les proches, à commencer par Yoko Ono. À 77 ans, elle perpétue la mémoire et gère, depuis le Dakota Building (où eut lieu l’agression mortelle) les œuvres de charité en lien avec la star.
En 2005, elle offre à Amnesty International les droits sur la chanson Imagine. Repris par d’autres, le titre a rapporté 4 millions de dollars (2,8 millions d’euros) pour des actions au Darfour. Elle gère aussi le « Lennon-Ono Grant for Peace », un prix de 50 000 dollars (35 700 €) remis tous les deux ans à des faiseurs de paix. L’occasion de reparler du message du dreamer (« rêveur »), tel qu’il s’intitulait. Et tel qu’il semble être resté.
Jean-Yves DANA
(1) Jusqu’au 25 octobre, galerie Basia Embiricos, 14, rue des jardins Saint-Paul, Paris 4.