12.01.2011
Schengen ou la frontière à sens unique
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 13 janvier 2011)
Acquis sur catalogue, sans essayage préalable, Schengen fait partie de ces mauvais achats que l’on retourne au fabricant pour non-conformité de l’article aux qualités promises. Avec, au passage, un blâme, voire une demande de réparation, à l’intention du détaillant indélicat qui a fourgué une camelote en promettant la qualité.
Le traité de Schengen est censé augmenter la sécurité du pays par l’interdiction des contrôles de personnes aux frontières « intérieures » et le transfert de la garde des seules frontières « extérieures » à une autorité supérieure, présentée par le Conseil fédéral en 2005 comme plus efficace que nos gardes frontières d’alors, grâce à sa banque de donnée (SIS) et une coopération accrue des polices de l’espace. C’est ainsi que depuis deux ans, nos gardes frontières sont repliés, à l’exception de quelques aléatoires patrouilles volantes, sur les seules frontières « extérieures » de l’Espace. C'est-à-dire, en Suisse, la zone non-Schengen des aéroports, qu’en fidèles mercenaires de leurs nouveaux maîtres, les Suisses gardent depuis lors, arme au pied. On respecte les traités.
Les gangsters, eux, les lisent les traités. A témoins, cette habitude nouvelle d’attaquer les banques genevoises avec des armes de guerre, en circulation apparemment assez libre dans l’espace de sécurité européen. Fait parlant : ces attaques ne visent pas les banques les mieux fournies en liquidités mais celles, plus petites, sises à quelques dizaines de mètres de cette frontière qui n’existe plus. Pour trois raisons conjuguées découlant du traité : 1) le passage de la frontière suisse est le seul endroit où il n’y aura pas de contrôle des personnes (interdits par Schengen) ; 2) sauf à être talonnés par la police cantonale, celle-ci ne franchira pas la frontière (franchissement autorisé si le fuyard se trouve dans le champ visuel du policier poursuivant) ; 3) aucune poursuite efficace ne s’organisera à temps côté français (la communication transfrontalière est aléatoire, le système SIS incomplet et les moyens français insuffisants). Ainsi, contrairement à sa promesse, Schengen n’a pas aboli la frontière mais érigé une frontière d’un genre nouveau, aux dépens de la Suisse : la frontière à sens unique. Qui garantit, comme jamais, l’immunité des gangsters qui savent se réfugier rapidement, pour s’y perdre, dans leur nouvel espace de sécurité européen.
Détaillants d’un même grossiste européen (Séguin), la droite et la gauche suisses ont fait, grâce à Schengen, la preuve leur absence de vision politique pour une Suisse en phase avec le monde d’aujourd’hui. Qui ne se résume pas à l’Europe des quatre libertés marchandes, même si l’UE détermine une part notoire de nos échanges économiques. Pour avoir considéré la sécurité et la souveraineté du pays comme elle considère le reste, c'est-à-dire comme des marchandises, la classe politique suisse est parvenue, en 20 ans d’efforts depuis 1992, à installer durablement l’UDC dans ce rôle aujourd’hui le sien : la voix d’un peuple qui demande des comptes à ses élites. Bonne année 2011 !
05.01.2011
Schengen : en finir avec un traité Frankenstein
L'obligation d'adopter le droit évolutif de Schengen nous a conduit là où personne ne voulait aller
Fabriqué avec des morceaux de souveraineté prélevés sur les divers Etats qui l'ont institué, le traité évolutif de Schengen a rapidement échappé à ses créateurs. D'ordonnances en directives, le traité vit actuellement sa propre vie, à la manière du monstre du Docteur Frankenstein (voir dossier complet : http://www.udc.ch/)
Déroute démocratique
Après dix minutes sur le divan d'un psy, n'importe quel parlementaire suisse, quelle que soit sa couleur politique, vous avouera, sa frustration et sa mauvaise conscience à chaque fois, c'est-à-dire à chaque session, lorsqu'apparait à l'ordre du jour du plénum un objet commençant par les mots « Reprise de l'acquis de Schengen, .... ». Frustration, car nous savons que ces mots signifient « coup de tampon parlementaire obligatoire » sur des règles dictées par des autorités non élues et dont le contenu ne peut pas être discuté. Mauvaise conscience, face aux électeurs, qui attendent de nous un véritable travail de législateurs et pas de simples actes d'enregistrement.
La Suisse s'est engagée à reprendre tous les développements de l'acquis de Schengen (art. 2 al. 3 et art. 7 de l'accord d'association Schengen) (AAS), selon une procédure qui comprend la notification du développement de l'acquis par l'organe UE compétent et la transmission d'une note de réponse par la Suisse.
A chaque notification, la Suisse doit répondre dans les 30 jours et annoncer dans quel délai elle entend traduire l'acte nouveau dans son droit interne (art. 7 al. 2 lt. A). Si la Suisse n'y procède pas, la procédure de résiliation de tout l'accord est déclenchée (art. 4). Les délais étant excessivement courts, la Suisse est soumise en permanence à un stress d'adaptation que personne ne conteste.
En signant un contrat que l'autre partie peut modifier unilatéralement, la Suisse a partiellement abandonné la souveraineté de légiférer qui est un principe définissant un Etat souverain, elle est devenue un simple receveur d'instructions.
L'UE l'a bien compris et ne prend même plus la peine de respecter les délais qu'elle a elle-même imposés, notamment le délai de 30 jours après la notification pour s'exprimer sur un acte. Le 25 mars 2010 l'UE a approuvé l'ordonnance du Parlement européen et du Conseil sur la modification de l'accord de Schengen et de l'ordonnance (CE) no 562/2006 concernant la circulation de personnes ayant un visa pour un séjour de durée prolongée. Sans autre forme de procès, l'UE a exigé de la Suisse qu'elle applique ces textes dès le 5 avril 2010, soit dans les 10 jours !
Ainsi, la Suisse se voit-elle notifier à une cadence quasi hebdomadaire des innovations qu'elle doit reprendre. Actuellement nous en sommes à l'étape de développement no 112 (état au 20 décembre 2010). Pas moins de 17 lois fédérales (liste dans le papier de synthèse) ont déjà été modifiées d'en haut, sans contrôle démocratique. Et d'autres changements sont déjà en préparation.
La Grande-Bretagne et l'Irlande ont prouvé que des compromis étaient possibles lorsqu'ils sont exigés. Ces pays membres participent à la coopération judiciaire et policière tout en continuant à contrôler eux-mêmes leurs frontières.
La Suisse doit pouvoir elle aussi décider librement et sans stress si elle veut reprendre une adaptation de l'accord de Schengen ou non, et cela sans que l'UE puisse immédiatement résilier tout l'accord.
Protection incohérente des données
Le projet Schengen prévoit des échanges de données dans plusieurs systèmes (SIS, SIS II, VIS, MIDES, Eurodac, etc.). Ces échanges ne servent en réalité qu'à combler ou à réduire les lacunes provoquées par la suppression des contrôles de personnes aux frontières. En d'autres termes, on met en place un dispositif complexe pour résoudre des problèmes qui, sans l'accord de Schengen, n'existeraient pas.
Ce dispositif d'échanges d'informations suppose ensuite un contrôle renforcé et donc un préposé à la protection des données, qui a été soustrait au système d'évaluation prévue par la loi sur le personnel fédéral auquel sont soumis tous les employés de la Confédération. Sa réélection est quasiment automatisée alors que celle des juges fédéraux passent par les Chambres fédérales. D'une main, l'accord de Schengen troue la sphère privée des citoyens par le transfert de données judiciaires, au mépris, notamment, du principe de double incrimination, de l'autre, il met en place une espèce de super-surveillant non démocratique chargé de la protection de ces données.
De plus, la Confédération doit désormais réparer les dommages provoqués par l'exécution du SIS, y compris par les personnes chargées de l'exécution au niveau cantonal, voire dans les autres Etats Schengen lorsque ceux-ci ont mal introduit des données ou qu'une recherche policière a été lancée de manière illégale.
Médiocre coopération policière
Cela fait dix ans que l'UE travaille à la mise en place du système d'information SIS, indispensable à la sécurité vu l'absence de contrôles aux frontières. Cinq fois, son achèvement a été reporté. Les tests récents révèlent des « déficiences considérables dans l'architecture de base du système ». Le coût initialement escompté de 15,5 millions d'euros a décuplé alors que la structure de base, entre temps vétuste, est reconnue obsolète.
Mais ce sont les faits divers qui parlent le mieux : les médias vous ont appris que les gangsters lyonnais avaient pris l'habitude nouvelle d'attaquer les banques genevoises avec des armes de guerre, en circulation apparemment assez libre dans l'espace de sécurité européen. Vous aurez remarqué que ce type d'attaques ne visent pas les banques les mieux fournies en liquidités mais de petites banques qui se trouvent à quelques dizaines de mètres de cette frontière qui n'existe plus. Pour trois raisons conjuguées découlant du traité : 1) le passage de la frontière est le seul endroit où il n'y aura pas de contrôle des personnes (interdits par Schengen) ; 2) sauf à talonner les gangsters, la police cantonale devra s'arrêter à la frontière (le franchissement n'est autorisé que si le fuyard est dans le champ visuel du policier poursuivant) ; 3) aucune poursuite efficace ne s'organisera à temps côté français (la communication transfrontalière est aléatoire, le système SIS incomplet et les moyens français insuffisants). Ainsi, contrairement à sa promesse, Schengen n'a pas aboli la frontière mais a érigé une frontière d'un genre nouveau : la frontière à sens unique. Qui garantit, comme jamais, l'immunité des gangsters qui savent se réfugier rapidement, pour s'y perdre, dans leur nouvel espace de sécurité européen.
03.12.2010
Valais tragique
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 3 décembre 2010)
Rappaz Prométhée défie la loi de l'Olympe. Il a dérobé aux dieux le feu cannabis pour le donner aux hommes, dont il se verrait bien en fournisseur exclusif. Le Tribunal de Zeus l'a condamné: il est enchaîné au rocher, où un aigle chaque jour (de jeûne) vient lui dévorer le foie que chaque nuit, Hippocrate, sur ordre de Zeus, s'affaire à lui reconstituer. La souffrance du titan est sans issue.
D'autant qu'Héraclès ne viendra pas: le Grand Conseil a amendé la liste des douze travaux. Et c'est d'Hippocrate que vient le dénouement: il est Genevois, donc objecteur de conscience. Lorsque le garant de sa vie lui désigne une mort certaine, l'immortel titan agite un drapeau blanc.
Rappaz l'enfant est déchiré. Entre son besoin de protection et celui de dicter sa loi. De l'autorité qu'il défie, il exige une bienveillance infinie, des soins intensifs et une compétence absolue. Il y croit si fort, à cette autorité, qu'il met sa vie entre ses mains. Se prenant lui-même en otage, l'enfant attend, résolu, une boîte d'allumettes calée entre les doigts.
Au fond, il se rallierait bien à cet ordre protecteur. Pour peu qu'il soit capable de résoudre son dilemme. De déchiffrer son énigme. Pour peu que l'ordre renonce, juste pour lui, à la loi qui le fonde. Au nom de l'amour, inconditionnel, son ultime prétention. Lorsqu'il comprend qu'il s'est brûlé les doigts, l'enfant est pris de sanglots. Pleurs de peur ou pleurs de colère, cela n'importe plus.
Rappaz le taulard est un cas. Sans pareil pour exploiter les failles du système. La démocratie, dont il a appris à pousser la logique dans ses derniers retranchements. Jusqu'à l'absurde. Et en tirer un pouvoir dérivé. Oui mais voilà. Le Tribunal fédéral a dit la primauté du droit de l'Etat sur l'éthique privée. A raison. Les médecins ont dit leur refus d'entuber un malade contre son gré. A raison. Le Grand Conseil a refusé de gracier un impénitent. A raison. Du coup, la logique du taulard se retourne contre lui. Acculé dans ses propres retranchements. Jusqu'à l'absurde. Dont Rappaz soudain ne veut plus. Le taulard dit «pouce». Et tant pis pour la tragédie
17:12 Lien permanent | Commentaires (1) | Envoyer cette note
23.11.2010
"Nous sommes tous des Lumengo!"
François Lumengo, David Lumengo, Charles Lumengo, Pierre-François Lumengo, Marc Lumengo, Isabel Lumengo, et Michèle Lumengo, le Conseil d’Etat genevois devrait s’écrier comme un seul homme : « Nous sommes tous des Lumengo ! ». Car enfin, quel reproche a-t-il valu au conseiller national biennois d’origine angolaise de se voir condamné au pénal ? Celui d’avoir, dans le cadre d’une élection cantonale, distribué à ses frères suisses de couleur des bulletins de vote sur lesquels il avait préalablement inscrit son propre nom. Favorisant ainsi son élection. Or c’est exactement cette méthode qui a permis aux quatre candidats de l’entente et aux trois candidats de l’alternative de se faire élire au Conseil d’Etat genevois en novembre dernier. Tous, comme Lumengo, on fait remettre aux électeurs des listes sur lesquelles ils avaient fait ajouter leur nom. Ainsi, les candidats radicaux et PDC ont inscrit leur nom sur la liste libérale. Les candidats libéraux ont fait de même sur les listes radicales et PDC. De même à gauche, Charles Beer a inscrit son nom sur la liste verte, alors que Michèle Kunzler et David Hiler faisaient de même sur la liste socialiste. La seule différence, et elle est aggravante, est que les Lumengo genevois ont fait imprimer leur nom par des moyens d'impression industriels alors que le biennois, artisanal, a procédé à la main. Ces listes, comportant un choix de vote préfabriqué, ont été remises aux électeurs à plus de cent mille exemplaires. Et ça a marché ! Comme dans le cas Lumengo, les électeurs ont pour la plupart utilisé ces bulletins préremplis. Votant ainsi pour des candidats choisis par d’autres qu’eux même. Comme Lumengo, ils ont été élus, au détriment des candidats qui n’ont pas voté à la place des citoyens mais ont sollicité leurs suffrages à la loyale, ne comptant que sur leurs mérites propres. Aucun des candidats loyaux n’a pu rivaliser avec le système Lumengo genevois.
2. C'est pour se prémunir de telles dérives que le canton de Zurich interdit depuis belles lurettes les bulletins pré-imprimés lors des élections à l’exécutif. Seuls des bulletins officiels, vierges, sont distribués aux électeurs qui doivent inscrire eux-mêmes chacun des noms retenus. Les Zurichois s’assurent ainis que leurs Conseillers d’Etat ont été choisis parmi des candidats dont les électeurs se sont souvenus du nom, et du programme. Plutôt que d’envoyer au gouvernement des personnes que les électeurs ont plus omis de biffer qu’ils ne les ont choisies.
3.
4. Pour tenter de rendre sa crédibilité aux élections genevoises à l’exécutif, l’UDC avait déposé le 26 novembre 2009 un projet modifiant la loi sur les droits politiques http://www.geneve.ch/grandconseil/data/texte/PL10602.pdf<..., qui a été balayé avec dédain par 59 voix contre 22 le 27 mai 2010. Gageons que la condamnation de Ricardo Lumengo quelques mois plus tard, le 11 novembre 2010, à une peine pécuniaire de dix jours-amende soit de nature à approfondir la réflexion des nos députés.
14:26 Lien permanent | Commentaires (1) | Envoyer cette note
18.11.2010
Le choeur des pleureuses fait un bide
On croyait qu’elles faisaient semblant. Simonetta Somaruga (contre l’initiative UDC, pour le contre-projet PLR) et Ada Marra (contre toute forme de renvoi) de ne pas comprendre le texte de l’initiative qu’elles combattent. On restait admiratif devant leur jeu d’actrices mélodramatiques. Les masques sont tombés hier, à l’entracte, lors de la publication du sondage SSR. Les pleureuses ne jouaient pas : elles n’avaient pas compris la pièce. Si Mesdames Marra et Somaruga avaient lu, ne serait-ce que le titre de l’initiative UDC, elles auraient su que les Suisses votent le 28 novembre sur le renvoi des étrangers criminels. Elles se seraient renseignées et auraient appris que les criminels sont des personnes condamnées pour un crime. On leur aurait expliqué que les crimes (meurtre, viol, brigandage, traite d’être humains, trafic de drogue, escroquerie, etc.), se distinguent des délits (article 10 du code pénal) par la peine de 3 ans de prison qui leur est attachée. Elles auraient immédiatement compris qu’en matière d’abus à l’aide sociale, l’UDC veut le renvoi systématique des personnes qui ont été condamnées pour le crime d’escroquerie (montage astucieux visant à faire payer à quelqu’un un montant qu’il ne doit pas). Mais que l’initiative ne s’adresse pas à ceux qui ont omis de déclarer un revenu. Car ce second comportement n’est pas un crime. Mais un délit. Mesdames Marra et Somaruga auraient dû lire le texte de l’initiative avant de monter sur scène. Elles se seraient épargné les vocalises sur le thème du « jardinage au noir » (Ada Marra) et autres sonates sur l’ « omission de déclarer » (Simonetta Somaruga) qui n’ont convaincu, le sondage d’hier en atteste, ni la critique ni le public.
15:09 Lien permanent | Commentaires (3) | Envoyer cette note
14.11.2010
BRÛLER L'HERETIQUE, RECUPERER L'HERESIE
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 13 novembre 2010)
Imaginez que vous m'invitiez chez vous et que je reparte avec l'argenterie après avoir violé votre petite soeur. Vous tiendriez à ce que les tribunaux me condamnent à la prison pour un nombre d'années proportionné à mon crime. Et vous ne me réinviteriez sans doute pas chez vous de sitôt!
C'est ce qui se passait en Suisse avant 2007. En sus de la peine de prison applicable à tout prévenu, le juge pénal prononçait l'expulsion de l'étranger criminel devenu indésirable. Au nom d'une conception soixante-huitarde de l'égalité de traitement, cette «double peine» est sortie du Code pénal suisse le 1er janvier 2007 en même temps qu'y entraient les fameux «jours amendes» et autres sursis automatiques qui font les très riches heures des criminels transfrontaliers, dont la seule crainte actuelle en regard du droit suisse actuel est celle de se blesser en se tapant sur les cuisses à l'évocation de notre catalogue de sanctions.
L'initiative UDC veut restaurer l'ordre ancien. En le systématisant. Une hérésie, aux yeux de l'élite politique suisse et de ses dogmes. Mais une hérésie qui a les faveurs du peuple, acquis à l'idée du renvoi des criminels. La réponse des tenants du statu quo est venue du PLR, plus apte que d'autres à s'inspirer des recettes historiques de son ancien ennemi intime, l'Eglise catholique: brûler l'hérétique, récupérer l'hérésie, la neutraliser en l'intégrant au dogme.
Par des obligations croisées d'intégration et d'expulsion, le contre-projet tend en effet à paralyser l'administration. En la soumettant à l'ensemble des normes, contraignantes ou non, du droit international et en offrant aux futurs candidats à l'expulsion un droit constitutionnel supplémentaire (le droit à l'intégration) à invoquer pour y faire échec. La Commission fédérale des migrations (CFM) ne s'y est pas trompée: le contre-projet diviserait par deux le nombre des renvois (400 selon Madame Widmer-Schlumpf) par rapport à la pratique actuelle (750 selon la CFM), alors que l'initiative UDC prévoit de doubler ce nombre (1400). Car avec le contre-projet, l'administration devrait continuer, avec des contraintes supplémentaires, son travail de Sisyphe consistant actuelllement à ouvrir dans chaque cas une procédure administrative, avec des voies de recours jusqu'au Tribunal fédéral, où elle doit faire la preuve de la dangerosité actuelle d'une personne dont le comportement récent n'a pu être observé qu'en prison et démontrer l'existence d'un intérêt public à l'expulsion qui soit prépondérant par rapport à l'intérêt privé de l'intéressé à s'y soustraire. Comme aujourd'hui, cette preuve sera apportée, mais trop tard, par la récidive que l'initiative permettra d'empêcher.
21:09 Lien permanent | Commentaires (0) | Envoyer cette note
18.10.2010
Le Conseil fédéral règne mais ne gouverne pas
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 18 ocotobre 2010)
Il y a quelque chose de pourri au royaume des sept Sages. Mais quoi? Faute de s’être posé la question, avant d’y répondre, le projet d’auto réforme que le Conseil fédéral a lancé cette semaine manque sa cible et tombe à plat. Comme le parmesan à côté de l’assiette de pâtes.
Ça sert à quoi, quand ça fonctionne, un Conseil fédéral? Ça sert de chef d’Etat et de chef de gouvernant. Les républiques ont pour chef d’Etat un président, élu au suffrage universel. Les monarchies (plus nombreuses en Europe) ont une reine, élue par la génétique. Les Suisses ont un directoire élu par l’Assemblée fédérale pour représenter à tour de rôle l’Etat fédéral, à l’étranger notamment. Pour chef de gouvernement, les régimes parlementaires ont un premier ministre, généralement le leader du parti qui a remporté les dernières élections (en Suisse, ce serait Christoph Blocher), que le chef de l’Etat charge de composer un cabinet suceptible de rallier la confiance de la majorité du Parlement. En Suisse, c’est le même directoire élu par l’Assemblée qui assume collectivement la conduite des affaires face au Parlement et dicte, ou devrait dicter, ses choix politiques aux ministres que sont ses propres membres chargés à titre individuel de la conduite d’un département sous le regard de leur six collègues. Ça s’appelle la collégialité et ça ne fonctionne plus.
Parce que ses membres n’ont plus la force de débattre des sujets qui fâchent, le Conseil fédéral ne fonctionne ni comme chef du gouvernement ni comme chef de l’Administration. Les sujets importants sont débattus dans la presse du dimanche plutôt qu’en séance du Conseil et le plus souvent à l’initiative de l’Administration. Faute de pouvoir se prévaloir de l’autorité d’un vrai gouvernemnnt, sur laquelle assoir la conduite de leur département propre, les conseillers fédéraux ne font pas le poids face aux cloisonnements d’une administration en stabulation libre. Or ces maux, non seulement la réforme proposée cette semaine ne les guérit pas mais elle ambitionne même de les aggraver. L’allongement à deux ans des fonctions de représentation ne ferait que reléguer plus encore les conseillers fédéraux dans le rôle suave de commis voyageurs de l’Administration. La même conséquence est à attendre de l’arrivée de puissants secrétaires d’Etat à la tête des départements qui marginaliseront plus encore les dirigeants politiques. Certes, les inaugurations de chrysanthèmes à l’étranger seront-elles parfaitement maîtrisées mais ne le sont-elles pas déjà? La réforme proposée est mauvaise car elle ne fait que confirmer le Conseil fédéral dans ce rôle qui lui va si mal de reine d’Angleterre helvétique qui «règne mais ne gouverne pas».
11:28 Lien permanent | Commentaires (1) | Envoyer cette note
14.10.2010
Spectaculaire progression de l’UDC en Suisse
Un sondage SSR tout frais rend compte de la spectaculaire progression de l’UDC en Suisse depuis le début de la campagne sur le renvoi des criminels étrangers : 3,4% en un seul mois ! Entre le début septembre 2010 (22,7%) et le début le octobre 2010 (26,1%), l’UDC a gagné 3,4% compensant ainsi en grande partie la perte subie en 2008 du fait de la rupture d’avec les sections cantonales des Grisons et de Glaris, ainsi que la partie de la section bernoise qui les a rejoint pour fonder le PDB. A ce rythme, l’UDC est en passe de gagner son pari de récupérer d’ici à l’automne 2011 l’intégralité de sa capacité de 2007(29%) et de continuer sa progression. Pendant ce temps, le PDB et les Verts libéraux cannibalisent un centre déjà encombré et taillent des croupières aux Verts qui ont chuté à 8,5%, soit une perte de 1,3% par rapport à leur score de 2007.
21:45 Lien permanent | Commentaires (8) | Envoyer cette note
04.10.2010
Kafka, la Suisse et la mendicité transfrontalière
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 4 octobre 2010)
Sur l’échelle de Richter du crime, la mendicité ne représente sans doute pas le summum des atteintes graves à la sécurité publique. Là ne s’arrête toutefois pas le débat. La mendicité transfrontière permet en effet aux populations est-européennes les plus inassimilables au marché du travail suisse de s’y établir, à la faveur d’un vide juridique que Franz Kafka n’aurait pas dédaigné. Il faut rappeler que la libre circulation des travailleurs dans l’Union européenne exclut par principe celle des indigents assistés. Et que, pour un temps limité devenu invérifiable depuis la levée des visas et des contrôles aux frontières, les ressortissants de l’UE ont le droit de séjourner sans autorisation en Suisse (pour y rechercher un emploi) à la condition de disposer des moyens nécessaires à leur entretien sans dépendre de l’aide sociale. Soucieux d’éloigner de leur territoire des mendiants transfrontaliers venus en nombre y exercer leurs talents, les cantons de Genève et du Tessin s’y sont cassé les dents. Dans la mesure où la mendicité fournit des moyens d'existence autres que l'aide sociale étatique, le renvoi des mendiants pour ce motif n’était pas fondé, alors même que l’entretien de ces personnes repose exclusivement sur l’aide de la collectivité. L’absurdité de la situation monte encore d’un cran lorsqu’on y ajoute que le Conseil fédéral ne considère pas non plus la mendicité comme une activité lucrative soumise à autorisation. Il résulte de ces deux principes que les mendiants transfrontaliers ne sont renvoyés chez eux ni en raison de leur dépendance à l’aide sociale, quand bien même ils dépendent entièrement de la collectivité, ni en raison de l’exercice non autorisé d’une activité lucrative, quand bien même la mendicité constitue manifestement leur métier. Interpellé sur cette question par deux conseillers nationaux (un genevois et un tessinois), le Conseil fédéral devra dire s’il entend traiter désormais la mendicité par métier comme une activité lucrative ou s’il préfère la considérer comme une forme de dépendance à l’aide sociale ou encore s’il cautionne les absurdités du régime actuel. Réponse en décembre.
16:38 Lien permanent | Commentaires (3) | Envoyer cette note
03.10.2010
La Constituante, un ovni tombé dans un trou noir
L’UDC l’avait annoncé lorsque le Grand Conseil en a débattu le 4 mai 2007 : la Constituante est un OVNI institutionnel qui coûtera un saladier au contribuable avant d’atterrir « à un endroit que personne n'aura souhaité et que personne ne voudra assumer ». http://www.ge.ch/grandconseil/memorial/data/560207/34/560... C’était inscrit dans le génome politique du Canton mais personne à l’époque, ni à gauche ni à droite, n’aurait pour rien au monde renoncé à cette promesse de frisson existentiel qui accompagnait l’ambition suprême de faire à quelques uns table rase du passé de tout un canton. Arriva ce qui devait arriver : ceux qui rêvaient de la prendre avec le plus de fièvre sont ceux qui répudient aujourd’hui la Constituante, coupable de leur faire des enfants qui ressemblent à un autre. Mauvais perdants d’un jeu d’égos qui a tourné au bizutage, les socialistes cassent le jouet chargé de leur ultime rêve d’un possible grand soir genevois. Et ils ont raison. Car quel que soit le résultat de ce qui n’est sans doute qu’une gesticulation tactique de la part de Monsieur Longet, le sort de la Constituante en est scellé. L’OVNI tombé dans un trou noir restera dans l’histoire genevoise comme un épisode où l’élite s’est divertie en jouant à se faire peur aux frais d’un peuple de contribuables qui la regarde au loin.
21:40 Lien permanent | Commentaires (5) | Envoyer cette note
20.09.2010
Taisez vous, Ramadan !
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 20 septembre 2010)
Infrarouge du 14 septembre 2010. Le jeûne du Ramadan est à peine terminé que la TSR nous ressert entre poire et fromage une heure, une, de prédicateur musulman du même nom. Pouce ! On en a soupé. De ce discours, prévisible à mourir, mil et une fois susurré à l’oreille des téléspectateurs : les vertus «préventives» de la lapidation. Assez. De ce sophisme ritualisé par lequel un Kafka atone et barbu vient à la fois se présenter comme une autorité morale et refuser de poser un regard moral sur la pratique barbare censée être l’objet du débat. Avec cet argument rance à faire tomber les chaussettes qu’au fond, cette pratique n’existerait pas. Ou pas vraiment. Ou que sur le papier. Que la lapidation serait à comprendre comme une grâce pédagogique de la part de l’Islam. Destinée à détourner le pécheur de ses mauvais penchants. Par la menace d’un châtiment atroce, et là résiderait sa très grande vertu, mais impossible ou « presque » à mettre en œuvre. Tant les conditions théoriques posées à son exécution par la loi « divine » seraient difficiles à réunir. Personne n’est obligé de poser un regard moral sur une impossibilité. On ne condamne pas une institution qui n’a pas vocation à s’appliquer. On ne juge pas un fantasme. Et d’autant moins lorsque, comme l’explique Ramadan, ce fantasme aurait la vertu avérée de détourner les Musulmans du péché d’adultère. On n’affaiblit pas un message de prévention.
Et personne pour mettre en évidence le caractère paralogique des propos hors sujet du zélateur mou. Personne pour animer le débat, lui reprendre la parole lorsqu’il digresse et qu’il appelle au jihad. Personne pour faire observer que l’émission ne porte pas sur une impossibilité théorique. Mais sur une pratique. Très actuelle et très concrète, consultable en ligne sur « youtube ». Pour relever ensuite qu’un châtiment réputé impossible à appliquer ne ferait peur à personne. N’aurait aucun effet dissuasif. Qu’en clair, la défense de la lapidation au motif de vertus « préventives » attachées à un châtiment « impossible » est une insulte à l’intelligence. Que Ramadan le sait très bien. Qu’il n’est pas venu expliquer une position. Mais allumer une mèche. Celle de la haine des communautés. Qu’il est là pour inciter au rejet de l’Islam. En liant les Musulmans qu’il prétend représenter aux images atroces de ces visages réduits en bouillie au moyens de pierres calibrées pour provoquer une mort aussi lente que possible. La TSR joue aux apprentis sorciers. Taisez-vous Ramadan !
10:36 Lien permanent | Commentaires (9) | Envoyer cette note
10.09.2010
Affaire Selimi : Madame Rochat, sortez de votre silence !
Tel que relayé dans les médias ces deux derniers jours, le revirement supposé de l’Office fédéral des migrations (ODM) à l’égard de Musa Selimi est un désastre de communication. Car il laisse entendre qu’un jugement exécutoire du Tribunal administratif fédéral n’aurait eu aucun poids face à un chanteur populaire flanqué de deux parlementaires fédéraux. Et que la Suisse serait un Etat de droit à la tête du client. Dans le silence assourdissant d’Isabel Rochat, patronne pourtant de l’Office cantonal qui a délivré cette information, les médias et les citoyens en sont réduits à des suppositions. La réalité n’est sans doute pas celle annoncée, un peu vite, par ceux qui auraient été mieux inspirés d’attendre la réception d’une véritable info avant de s’en faire le porte-voix. Car enfin, que sait-on du dossier ? 1) Que le Tribunal administratif a rejeté la demande de régularisation humanitaire des Selimis qui n’en remplissaient pas les critères. 2) Que cette décision est exécutoire. 3) Que l’ODM a dès lors fixé aux Selimis un ultime délai pour quitter la Suisse le 5 juillet 2010. 4) Que le Canton de Genève, autorité d’exécution de cette décision fédérale, ne l’a pas exécutée. 5) Qu’une campagne médiatique aurait conduit l’Etat de Genève à demander lui-même à Berne le réexamen du dossier. 6) Que des raisons de santé, nouvellement invoquées, auraient conduit l’ODM à revoir sa position. 7) Que l’avocat des Selimis n’est pas au courant. 8) Que le Canton de Genève aurait été autorisé à délivrer un permis de séjour aux Selimis. Madame Rochat, sortez de votre silence ! Confirmez ou infirmez, mais expliquez, cette information apparemment sortie de vos services. Que l’on sache dans quelle mesure la Suisse et Genève sont ou ne sont pas des républiques bananières.
17:56 Lien permanent | Commentaires (1) | Envoyer cette note
08.09.2010
Rentrée des classes dans les toilettes publiques ?!?
Charles Beer s’est opposé au renvoi des roms en situation illégale à Genève en promettant de scolariser leurs enfants. C’est chose faite : à l’école du sexe crade des toilettes publics de Cornavin ! Où un enfant rom de 13 ans, incité par sa famille, défraie la chronique du 8 septembre en vendant son corps à de vieux messieurs. Pour 50 francs la passe : «Ça va? Oui. Alors on va au WC». Un vrai chef d’œuvre d’intégration par l’accès à la formation ! Combien sont-ils dans ce cas ? S’il voulait bien cesser, un instant, de ressasser ses idéologies mortes, Charles Beer pourrait s’intéresser enfin aux réalités humaines et sociales du canton. Fermer les yeux, comme le fait le Conseil d’Etat, sur la présence de populations en situation irrégulière, ce n’est pas de l’humanisme. C’est de l’aveuglement. Et ouvrir sciemment la porte au crime et à l’exploitation programmée, c’est y participer. Alors que renvoyer chez eux ceux qui doivent l’être, c’est appliquer la loi du pays. Tout simplement. Plus jamais de rentrée des classes dans les toilettes publiques !
07.09.2010
Easyjet chez les soviets
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 6 septembre 2010)
« Ils font semblant de nous payer, on fait semblant de travailler » : le slogan des ouvriers polonais des années 1980 en lutte contre le régime soviétique emportait alors l’adhésion de tous. Par son humour rebelle et sa pertinence corrosive. Reprise par Easyjet et érigée en modèle d’affaires, la formule ne fait plus rire personne.
Parce que ces clients qui paient, et souvent cher, pour une parodie de service que la compagnie orange fait semblant de leur délivrer, ne font pas semblant. Eux. Parce qu’Easyjet est irréformable, ses annulations et ses retards s’inscrivent dans une culture d’entreprise, ils ne résultent pas de pépins opérationnels mais d’un choix. Stratégique. Easyjet est fondé sur le renversement des règles du marché : la mise en concurrence des clients entre eux plutôt que de celle des produits. Le « bon marché », produit d’appel puissant, n’est effectif que pour quelques uns par le biais d’un quota de places sacrifiées jetées en pâture aux plus rapides. Charge à la masse nombreuse des retardataires de rentabiliser le vol. Sous peine d’annulation. En payant au prix fort une prestation médiocre et incertaine qui n’aurait eu aucune chance si elle avait été soumise au règles ordinaires du marché.
L’opération fonctionne grâce à la position dominante que certains aéroports concèdent à Easyjet sur son marché. Captif. L’aéroport de Genève, qui a eu la faiblesse d’associer son nom à celui d’Easyjet pour compenser ses pertes lorsque Swiss l’a trahi, doit se trouver des partenaires de remplacement. Vite. Car le « grounding » est programmé. A position dominante correspond le cortège inévitable des tares autrefois typiques de l’économie soviétique : files d’attentes interminables, pénuries planifiées, mauvaise qualité des produits. Et surtout : mépris du client. A l’exemple d’un récent vol Lisbonne-Genève. Annoncé (mensongèrement) avec un retard de 50 minutes à l’embarquement. Alors que le vol était annulé. Queue soviétique (et inutile) au « check in ». Aveu d’annulation. Seconde queue plus soviétique encore (et tout aussi inutile) au « desk » présenté comme un passage obligé : « Le prochain vol est dans une semaine, si vous n’en voulez pas, voici une adresse internet pour des renseignements ». Au suivant.
On peut se permettre toutes les audaces, en économie de marché, sauf le crachat au visage de celui qui paie. Preuve qu’Easyjet n’appartient pas à l’économie de marché.
10:28 Lien permanent | Commentaires (2) | Envoyer cette note
19.05.2010
Musa Selimi, coup de cœur ou coup d’intox ?
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 19 mai 2010)
Chacun a droit à un procès équitable. Même la Suisse. Ce ne fut pas le cas lors de la mise en accusation, par Kosovar genevois interposé, de la Suisse, de son droit et de ses juges dans la presse de la semaine passée. La poussière retombée, je le regrette pour ceux qui, de bonne foi, se sont laissé piéger. Musa Selimi est un clandestin qui a une bonne tête, le candidat idéal au casting des bons sentiments. Et puis, personne ne le conteste, sa situation est absurde. Il doit partir alors que, comme des milliers d’autres clandestins, ses deux enfants fréquentent l’école genevoise et que lui-même travaille. Dans un restaurant italien des Eaux-Vives où il donne satisfaction avec ce bonheur supplémentaire et décisif de compter parmi ses clients un chanteur populaire amateur de coups de cœur. Pour autant, son cas ne relève en rien du cas de rigueur.
On le sait, les rigueurs du droit suisse des étrangers n’imposent pas d’arracher quelqu’un, fut-il clandestin, d’un lieu où il a fait de solides racines pour l’expédier en un autre lieu où il n’en aurait aucune. La loi prévoit au contraire expressément le cas du clandestin de longue durée qui fait son « coming out » et voit son cas régularisé s’il démontre qu’il s’est intégré en Suisse, essentiellement par le travail, en même temps qu’il s’est désintégré de son pays d’origine avec lequel il n’a plus d’attaches, en particulier familiales. Lorsqu’en 2004, Musa Selimi recourt à cette disposition pour déposer à Genève sa demande de régularisation, il a une femme et deux jeunes enfants qui vivent au Kosovo où ils sont nés au début des années 2000. C’est dire qu’il entretient alors avec son pays d’origine des liens objectivement très actuels et très étroits. Conscient de la contradiction, Musa se présente aux autorités comme un homme sans famille vivant et travaillant en Suisse depuis les années 1990. Puis, en 2005, il fait venir clandestinement à Genève sa femme et ses enfants. La chose apparait, semble-t-il, en 2007. Le Tribunal administratif rend alors la décision qui s’impose : le cas de Musa Selimi, qui a violé son obligation de collaborer loyalement à la procédure, ne relève manifestement pas du cas de rigueur.
A l’époque, sa famille ne vit en Suisse que depuis deux ans. Je sais, la version « coup de cœur » était meilleure pour l’audimat, croyez bien que je le regrette.
10:13 Lien permanent | Commentaires (0) | Envoyer cette note
26.04.2010
Le gnome d’Appenzell, la crise et la sphère privée
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 9 avril 2010)
Forcer la plus grande banque suisse à pulvériser le secret bancaire, avec l’absolution de la Finma et la bénédiction du Ministre suisse des finances, l’administration US a fait très fort. Les gnomes de Zurich restés sans voix, c’est à un arrêt du Tribunal administratif fédéral que l’on doit la première sortie, partielle, du coma institutionnel : l’accord UBS-USA est grossièrement illégal. Cela allait sans dire. Mais tellement mieux en le disant ! Et voilà que de son sac à malices, le gnome d’Appenzell sort de nouvelles facéties: abracadabra, que le parlement blanchisse rétroactivement l’acte illégal tout en l’appliquant de manière anticipée à titre provisoire ! Source d’inspiration inépuisable pour les scénaristes de « Retour vers le futur », la dernière trouvaille du ministre fait aussi progresser les consciences. Sous la coupole, on comprend mieux : l’iceberg est devant nous et non derrière. Sauf à faire machine arrière, toute !, nous passerons par le fond. La formule prononcée le 13 mars 2009 à l’OCDE (fin de la distinction suisse entre fraude et soustraction) a déclenché une suite d’inéluctables défaites : car la Suisse y a renoncé à sa souveraineté juridique, à son droit d’avoir un droit.
Que reste-t-il alors à négocier ? Que reste-t-il pour négocier ? Rien, sauf à reconstruire d’urgence les remparts détruits. En commençant par la pierre angulaire du système suisse : la sphère privée. Sous la pression conjuguée des nouvelles technologies et d’une prolifération d’ accords internationaux, les garanties que la Suisse a jadis offertes à la sphère privée se sont évaporées. Les récents développements internationaux dans le domaine patrimonial ont débouché sur une mutation de notre système immunitaire. Qui était censée ne toucher que les contribuables étrangers. C’était bien sûr impossible, on commence enfin à le comprendre. Chaque citoyen est visé par un changement qui remet en cause la nature-même du rapport des Suisses avec leur Etat. Les Suisses sont unanimes à rejeter l'idée d'un Etat fouineur. Quand bien même il leur arrive de diverger quant aux domaines où la protection de la sphère privée doit être le plus fortement affirmée, ils souhaitent tous conserver un rapport à l'Etat qui soit fondé sur la bonne foi, présumée de part et d'autre. Or c’est ceci qui est atteint. Un vaccin est possible. Il doit être constitutionnel : dire dans la loi fondamentale ce qu'au XXIème il faut entendre par "sphère privée". Cette sphère que les gnomes ont saccagée. Que les Suisses doivent restaurer : http://www.parlament.ch/F/Suche/Pages/geschaefte.aspx?ges...
14:32 Lien permanent | Commentaires (5) | Envoyer cette note
23.04.2010
De la « démocratie » en économie ?
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 23 avril 2010)
Or donc, les actionnaires d’UBS ont refusé la décharge. Un grand moment de ferveur, éditoriale, accessoirement populaire. Une révolte mais pas une révolution. Encore moins l’indice de cette «démocratie économique» qu’un Christian Levrat en mal de grand soir appelle bruyamment de ses vœux creux. L’exceptionnelle assemblée générale constitue en revanche une démonstration. Utile, précieuse même. En montrant que le résultat des votes d’assemblée peut être nettement différent, selon que l’ensemble des actionnaires sont mobilisés et prennent la peine d’exercer leur droit de manière effective ou que, comme cela se fait d’ordinaire, ils y renoncent en laissant à une nomenclature proche des directions d’entreprises le soin de voter à leur place. C’est là précisément la thèse de l’initiative Minder «contre les rémunérations abusives»: rendre obligatoire la participation des actionnaires aux assemblées, au besoin par le biais du vote électronique, et abolir le règne des prête-noms. Mettre fin aux directions sans contre-pouvoir et aux systèmes de rémunérations à gogo qui en découlent par la restauration d’un contrôle effectif de la S.A. par ses légitimes propriétaires, les actionnaires. L’exception UBS, célébrée à tort cette semaine comme une révolution, deviendrait ainsi la règle.
On relève au passage cette ironie qui veut que ce soit à l’idée de «share holders value» que l’on doive ce système de rémunérations en self-service dont Thomas Minder invite les actionnaires précisément à prononcer l’oraison funèbre. Au nom de la morale, plus que de la «démocratie économique» à laquelle il ne croit pas.
Les assemblées d’actionnaires ne seront jamais à la démocratie que ce que le suffrage censitaire est au droit de vote universel. «One share, one vote», en aucun cas «One man, one vote», principe inacceptable en économie. Christian Levrat abuse donc des mots lorsqu’il fait miroiter la «démocratie économique» au bout du chemin. Un argument destiné à donner l’illusion du souffle prophétique à un Parti socialiste qui, depuis des lustres, ne respire plus qu’en vase clos l’air rance de ses idées mortes. Un argument dangereux au demeurant, qui ne manquera pas de se retourner brutalement contre son auteur auquel on reprochera de militer en corollaire pour un droit de vote politique proportionné à la taxation fiscale. Une idée qui pourrait être creusée par d’autres partis, plus proches de l’économie.
16:08 Lien permanent | Commentaires (0) | Envoyer cette note
26.03.2010
L’œil état dans la tombe…
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 26 mars 2010)
Après la langue de bois, la gueule de bois. Les chiffres crus de l'Office fédéral des statistiques sont tombés comme une goutte de piment d'Espelette dans la bouche pâteuse d'un lendemain d'hier.
La publication lundi de la première statistique fédérale agrégeant les données policières des cantons pour en tirer l'inventaire systématique du crime en Suisse, infraction par infraction et selon l'origine des prévenus, relègue définitivement les pires fantasmes de l'UDC au rang de rêveries virginales à l'ombre des cerisiers en fleurs.
Sans appel et sans surprise: ceux qui s'identifient le moins au pays sont ceux qui le vandalisent le plus.
La palme revient donc naturellement aux requérants d'asile (généralement faux), avec un score imbattable de crimes et de délits graves. Suivis par les étrangers clandestins, qui commettent plus de crimes et de délits que les étrangers au bénéfice d'un permis de séjour.
Et enfin, même après avoir relativisé le nombre des homicides par celui des infractions routières, les Suisses qui ferment la marche dans les profondeurs du classement.
Le contraire aurait été surprenant tant il est humain de se comporter différemment selon que l'on est placé sous le regard intrusif des membres de la tribu dont on partage l'histoire et les jugements de valeurs ou que l'on se trouve isolé en terrain ennemi avec pour seule boussole les impératifs de sa propre conscience et ceux de la nécessité.
A la guerre comme à la guerre.
C'est le syndrome, connu, du troupeau d'Allemands en goguette abandonnant force canettes sur la plage dalmate des vacances avant de s'en retourner à Munich y poursuivre le tri religieux de ses déchets, tous biodégradables.
Devenu adulte, le petit prince se sent toujours plus responsable de ce qu'il a apprivoisé que de ce qui lui est étranger. On peut le regretter, c'est comme ça.
Les 220 000 signataires de l'initiative pour le renvoi des criminels étrangers l'avaient compris avant les statistiques: il faut un œil. Soit il est dans la tombe et regarde Caïn.
Soit il porte le képi et la robe du juge.
08:35 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (43) | Envoyer cette note
10.03.2010
Schizoo
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 10 mars 2010)
Moins on a de rapports avec les animaux, plus on leur déclare un amour passionné. Avec, pour preuve de cet amour, une sensibilité orientée, un discours argumenté, d'apparence logique, mais délirant, soutenu par un réseau d'illusions. Les sociétés avancées développent, on le sait, un rapport à l'animal qui tient de la schizophrénie.
D'un côté, ces animaux de rente (les 99,9% des animaux avec lesquels nous avons commerce), chosifiés, industrialisés, à qui l'on ne demande qu'une seule chose: ne pas ressembler à des animaux.
C'est le cuir des chaussures, la graisse des cosmétiques, les poissons en bâtonnets au détour d'une assiette, toute trace d'empathie bannie, contraire à la consommation.
De l'autre, sans doute par compensation, il y a les animaux de compagnie, une infime minorité, instituée en personnes au point de leur vouloir donner des droits de partie dans les procès pénaux plus étendus que ceux accordés aux victimes, lorsqu'elles ne sont qu'humaines.
L a «schizoophrénie», ce dimanche, n'a pas passé la rampe et c'est tant mieux. L'avocat des animaux ne plaidera pas dans nos vallées. Ne pas se priver pour autant du seul bien qu'aura pu apporter cette coûteuse et vaine campagne: un brin d'introspection sur l'état de notre rapport aux animaux. Trop lointains pour nous toucher ou trop proches pour être vus, les animaux, ni choses ni personnes, nous ressemblent profondément.
Ils interpellent notre histoire, témoins de nos névroses, dépositaires de nos mémoires, «sans les animaux, le monde ne serait pas humain».
Enchaînés, comme nous, au besoin de vivre, le plus, le mieux possible, satisfaire des envies, éviter des souffrances, le plaisir, la peur, la mémoire, des êtres, des lieux, des circonstances, pour y revenir ou n'y revenir jamais, des méthodes, une logique, une pensée.
En les protégeant, c'est de nous que nous prenons soin, à nous que nous faisons du bien. Le lien à l'animal, comme amorce salvatrice d'une réconciliation espérée, avec cet humain malade de ne pouvoir aimer l'homme.
Amour des animaux ou réquisitoire contre l'homme? L'avocat, c'est certain, aurait été mauvais médecin.
11:11 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (4) | Envoyer cette note
25.02.2010
Minder ou le peuple propriétaire
(Chronique parue dans le Nouvelliste du 25 février 2010)
C’est sans doute inscrit dans le génome humain : quand tout le monde est propriétaire de tout, personne n’est propriétaire de rien. Et une nomenklatura chargée d’administrer le bien commun se comporte alors propriétaire effectif, la responsabilité en moins, en se goinfrant jusqu’à l’infarctus. Cette démonstration, les socialistes l’ont conduite jusqu’au dépôt de bilan, avec l’Union soviétique en 1991, puis jusqu’à l’asphyxie avec le clientélisme social européen. Or, voici que les dérives du capitalisme boursier en apportent leur propre confirmation. Quand le peuple des actionnaires est si nombreux et si diffus qu’il ne peut s’exprimer, sinon par des représentants bancaires ou institutionnels, la nomenklatura chargée de diriger les entreprises cotées en bourse ne tarde pas à se goinfrer, c’est humain, au nom de la « share holding value ». Socialisme orthodoxe ou capitalisme déviant, la négation des droits et des devoirs du propriétaire est au centre du problème. Elle doit donc être au centre de sa solution. C’est du moins ce qu’en pense, en substance, Thomas Minder et son initiative « contre les rémunérations abusives ». Renforcer les droits et les devoirs des actionnaires propriétaires face à l’administration et à la direction des entreprises cotées. Exiger un vote d’assemblée fixant la rémunérations des organes. Interdire les parachutes dorés. Empêcher la captation des voix par les institutionnels et les « nominee ». En clair, éviter qu’à peine élus, des oligarques cooptés s’empressent de conclure avec eux-mêmes des contrats leurs assurant d’avance des rémunérations garanties sur plusieurs années sans rapport avec les résultats annuels. Sur le fond, l’idée est bonne et répond aux préoccupations populaires du moment. A la forme, la Constitution fédérale n’est pas le lieu d’une codification du droit des sociétés. Tout comme la Constitution cantonale (les Genevois l’ont appris à leur détriment), n’est pas le lieu d’une codification socialiste du droit du logement. Rigide, imperfectible sans un passage devant le peuple, la voie constitutionnelle en ces matières signifie blocages annoncés et effets pervers garantis. Bonne nouvelle, Thomas Minder retirera son initiative si la réforme du droit de la SA préconisée par l’UDC est acceptée. Il suffisait de d’asseoir à une même table. Personne d’autre ne l’a fait. Les socialistes apprécient moyennement. Car ce qu’ils aiment chez Minder, ce n’est pas tant le renforcement de la propriété privée que ces blocages dont ils salivent par avance en contemplant la voie constitutionnelle.
10:14 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (6) | Envoyer cette note