piment PYE PIMANLA Actualités Archives Forum Liens Annuaire Boutique Interview raphael cofiant Raphaël Confiant, vous êtes publié par les plus grandes maisons d'édition parisiennes. Pourquoi avoir choisi un éditeur local pour ressortir deux de vos ouvrages ? RÉPONSE : J'ai commencé par publier localement. Mes 5 premiers livres, tous en créole, ont été édités à la Martinique, cela entre 1979 et 1987. Ce n'est qu'en 1988, lorsque je suis passé au français, que j'ai publié «Le Nègre et l'Amiral» chez Grasset, à Paris.Donc, je ne fais pas de différence fondamentale entre éditeur local et éditeur parisien. J'ai beaucoup publié chez Ibis Rouge qui est installé en Guyane. Je vous signale enfin mes deux livres parus au Québec, cela aux éditions Mémoire d'Encrier, ainsi que «Black is Black» chez un éditeur monégasque, Alphée. - Pourquoi d'ailleurs changez vous aussi souvent de maison d'édition et n'êtes vouspas «fidèle» à l'une ou l'autre ? RÉPONSE : C'est vrai que je suis un cas un peu à part puisque j'ai été publié par trois éditeurs locaux, onze éditeurs parisiens (Grasset, Gallimard, Stock, Ecriture, Mille et Une Nuit, Ramsay, Mercure de France etc...), un éditeur monégasque et un éditeur québécois. Ce nomadisme éditorial est une sorte de protection pour moi. Il signifie que je n'appartiens à personne, même si je reste fidèle quand même à deux d'entre eux à savoir Mercure de France et Ecriture. Demain, si un éditeur marocain ou sénégalais me sollicite, pourquoi pas ? C'est la mondialisation, comme on dit... - Parmi vos oeuvres en créole que l'on continue à lire et étudier, mais que l'on ne trouve plus dans le commerce depuis des années, pourquoi avoir choisi Kod Yanm plutôt que Bitako-a ou Marisosé par exemple pour une re-publication ? RÉPONSE : Pour trois raisons. D'abord une raison égoïste, c'est celui de mes 5 livres en créole pour lequel j'ai le plus d'affection. Ensuite, pour répondre au public qui ne cesse de me demander quand il sera réédité. Et enfin parce que tout de même, sa traduction en français par Gerry L'Etang, sous le titre «Le Gouverneur des dés», est parue aux éditions Stock dans la prestigieuse collection «Nouvelle Bibliothèque Cosmopolite» dans laquelle 29 Prix Nobel sont publiés. Je me souviendrai du choc et du bonheur que j'ai eu lorsque j'ai vu l'ouvrage sur l'étalage d'une grande librairie du Quartier Latin avec en couverture la mention «Traduit du créole», cela à côté d'autres ouvrages portant la mention «Traduit du russe», «Traduit du chinois» ou «Traduit de l'anglais». J'en ai ressenti une immense fierté pour le créole qui d'un seul coup se voyait hissé au même niveau que les langues les plus prestigieuses du monde. - Sortent donc simultanément, chez Caraïbéditions, Kod Yanm et sa version française, traduite par Gerry L'étang. Avez vous apporté des modifications à ces deux oeuvres originales ? RÉPONSE : Très peu de modifications. «Kod Yanm» est, en effet, le plus réussi de mes livres en créole. Quant à la traduction de Gerry L'Etang, elle est presque parfaite. En effet, en matière de traduction, étant donné la différence entre les langues, il est impossible d'atteindre la perfection totale. C'est pourquoi je recommande aux lecteur qui ne sont pas encore familiarisés avec la lecture du créole de lire les deux ouvrages en même temps : main droite le livre en créole, main gauche le livre en français. Ils découvriront qu'il s'agit d'une expérience passionnante. - On vous dit un écrivain «français en surface et créole en dedans», est-ce la raison pour aquelle vousécrivez parfois d'abord en créole et traduisez ensuite en français ? RÉPONSE : J'ai une égale maîtrise du créole et du français, simplement j'ai plus d'affection pour le créole parce que d'une part, c'est la langue de mes ancêtres et d'autre part, parce qu'il s'agit d'une langue jeune, fragile, qu'il faut absolument protéger et promotionner. Le français que j'écris est habité par l'imaginaire créole pour la bonne raison que les Antillais se sont appropriés cette langue et la parlent à leur manière, exactement comme les Québécois ou les Africains. - Vous n'avez donc apporté aucune modification à l'oeuvre originale. Si vous deviez cependant aujourd'hui écrire l'histoire de Rosalien Saint-Victor (Wozalien Sen-Vikto), le feriez de la même façon, exception faite de votre style peut être, qu'il y a 25 ans avec le recul et la perception que vous avez de la société antillaise ? Qui serait et que ferait le Rosalien Saint-Victor de 2009 ? RÉPONSE : Il est clair qu'un Rosalien de 2009 ne peut être un Rosalien de 1950. Toutes les sociétés changent et les mentalités avec. Le fier-à-bras de quartier des années 50, le «majò» comme on dit en créole, n'existe plus. Par quoi a-t-il été remplacé ? Je vous avoue très franchement que je l'ignore car littérairement parlant, je ne m'intéresse pas à la Martinique d'après 1960. Tous mes livres, qu'ils soient en créole ou en français, se déroulent avant cette époque. Bien sûr, comme citoyen, comme militant écologiste ou politique, la Martinique d'aujourd'hui m'intéresse, mais pas comme écrivain. Je laisse l'aujourd'hui à de jeunes talents comme Alfred Alexandre ou Jean-Marc Rosier. - Que pensez vous des auteurs qui au moment de re-publier une oeuvre reprennent le texte, l'actualise et vont même parfois jusqu'à le moderniser dans le style et dans le contexte ? RÉPONSE : Chaque auteur est libre d'agir sur un texte qu'il a écrit. S'il estime qu'il faut le revoir de fond en comble, il en a parfaitement le droit et je respecte ce droit, mais ce n'est pas ma conception de la littérature. Pour moi, un texte est toujours daté, il correspond toujours à une époque donnée et il témoigne d'ailleurs de ladite époque. Le remanier dix ans ou vingt ans plus tard revient à écrire un tout autre texte et donc à annuler le premier. - Avez vous prévu de re-publier d'autres romans que l'on ne trouve plus chez les libraires ? RÉPONSE : Si CARIBEDITIONS veut continuer l'aventure que nous commençons avec «Kod Yanm» et «Le Gouverneur des dés», je suis bien évidemment partant, d'autant qu'il y a une demande pour certains titres épuisés depuis parfois deux décennies. Je verrais bien une republication de mon roman «Marisosé» et de sa traduction en français, réalisée par moi, «Mamzelle Libellule». C'est curieux, mais cette traduction est celui de mes livres qui a connu le plus de traductions en langues étrangères : anglais, japonais, allemand, italien etc...J'avoue ne toujours pas comprendre pourquoi. Mais là encore, c'est un grand honneur fait au créole puisque «Mamzelle Libellule» est traduit du créole. - Vous êtes publié chez un éditeur qui publie également des BD en créole (Astérix, Titeuf, Tintin...), que pensez vous de la place du créole dans ce genre littéraire ? RÉPONSE : Le créole demeurant encore une langue orale, il est clair que la BD, qui utilise la forme dialoguée, est un outil rêvé pour diffuser l'écrit en créole. Face à la phrase en créole «nuedu texte romanesque, la phrase en créole «habillée» d'une bulle et d'un dessin de la BD est beaucoup plus attractive. Je connais des gens qui ne liraient pas trois pages de créole d'affilée et qui ont lu Astérix en créole d'une traite ! En fait, la BD en créole prépare des lecteurs pour les romans en créole. Quelqu'un qui a lu 3 BD en créole est mûr pour lire «Kod Yanm». - Hector Poullet vient de signer le scénario du premier manga antillais qui sortira chez Caraïbéditions (en français) en novembre 2009, Patrick Chamoiseau a déjà scénarisé plusieurs BD et travaillerait actuellement au scénario d'une BD dont l'histoire se passe aux Antilles. Ecrire pour la BD, ça vous dirait ? RÉPONSE : Non, je ne crois pas avoir le talent pour cela. Poullet et Chamoiseau sont de vrais artistes, dotés de multiples talents alors que moi, je suis un demi-ethnologue demi-historien égaré en littérature. Ha-ha-ha !... __________________________________________________________________ Le traducteur Gerry Letang Né le 19 octobre 1961 à Fort-de-France dans une famille d'origine saintoise, Gerry L'Etang est diplômé en lettres,linguistique et anthropologie. Il est actuellement maître de conférences en anthropologie à l'Université des Antilles et de la Guyane(Martinique) et chercheur au GEREC-F (devenu CRILLASH). Il est l'auteur de nombreux articles et de plusieurs ouvrages et directions d'ouvrages. Ses travaux portent sur les traces laissées par l'Inde dans la Caraïbe, l'hindouisme et l'Islam en Inde du sud, la créolisation culturelle, l'esthétique. Il est aussi l'auteur de la traduction française d'un roman en créole de Raphaël Confiant : Le Gouverneur des dés. Son dernier livre, La peinture en Martinique, a obtenu le Grand prix du livre insulaire. __________________________________________________________________ Interview - Qui a eu l'idée de traduire en français Kod Yanm ? RÉPONSE : C'est, je crois, les Editions Stock, qui ont proposé à Ralph Confiant cette traduction, lequel a pensé à moi car j'avais, en 1986, soutenu à l'Université Paris III un mémoire de maîtrise de lettres sur l'oeuvre créole de Ralph, où j'avais étudié cet ouvrage en détail. - Pour quelles raisons est-ce que cet ouvrage vous a particulièrement touché ? RÉPONSE : Il y a dans ce texte la mise en scène d'une Martinique disparue, avec des types sociaux profilés avec un certain bonheur. Raphaël, en quelque sorte, restitue ici un peu de l'âme de ce pays. D'une façon générale, j'aime beaucoup la littérature de Confiant. Mais il y a dans ses textes créoles quelque chose de plus : une émotion particulière, de la nostalgie, et un travail fondateur sur une langue en cours de construction littéraire. - Qu'est ce qui vous a particulièrement touché dans l'écriture créole de R. Confiant ? RÉPONSE : Le thème du major est remarquablement traité, et aussi la psychologie des joueurs créoles, ainsi que les stratégies de domination mises en oeuvre à travers les jeux d'argent traditionnels de Martinique. - Pourquoi avoir choisi de traduire en français Kod Yanm plutôt que Bitako-a ou Marisosé par exemple ? RÉPONSE : Quand Ralph m'a proposé de traduire Kod Yanm, j'ai été ravi de le faire. J'aurais aussi beaucoup aimé traduire Bitako-a, qui est un ouvrage très fort, mais il a déjà été traduit, avec talent, par Jean-Pierre Arsaye. - R. Confiant vous a t-il laissé totale liberté de traduction ou est il intervenu à divers stades de votre travail ? RÉPONSE : Ralph m'a laissé la plus grande liberté, mais avant publication, je lui ai soumis ma traduction pour imprimatur. Il y a deux types de traductions : la cibliste, qui privilégie le texte d'arrivée, et la sourcière, qui colle au texte de départ. Ma traduction est de type cibliste. Mais elle reste, bien entendu, fidèle au texte initial. - Si vous deviez traduire aujourd'hui un des ouvrages de R.Confiant en créole, lequel choisiriez vous et pourquoi ? RÉPONSE : A ma connaissance, tous les textes littéraires créoles de Ralph ont été traduits, par d'autres et par lui-même. Mais s'il écrivait un nouveau roman en créole, j'aurais plaisir, s'il me le demande, à en réaliser la traduction. - Vous êtes publié chez un éditeur qui publie également des BD en créole (Astérix, Titeuf, Tintin...), que pensez-vous de la place du créole dans ce genre littéraire ? RÉPONSE : Ce travail d'édition est remarquable et nécessaire. La bande dessinée est, à mon sens, l'accroche idéale pour amener les créoles à lire le créole. Il faudrait multiplier ce genre d'initiative, d'autant que l'expérience a montré qu'il y a un lectorat significatif pour ce type d'ouvrage. - Seriez-vous intéressé par ce genre d'exercice ? RÉPONSE : Oui, bien sûr. Bookmark and Share Kod yanm 2è DEKATMAN Sé atè Karaben Wozalien té fè kay-li. Lè ou té anlè tet mòn la, ou té ka pèsivwè bouk Fon-Gantans la anba-a kontel an léfan ka fè an poz-tet bò zié blé lanmè-a. Antan ladjoukann, Bétjé pa jenmen rivé tjenbé an bitasion an manniè obidjoul nan lakanpany-tala. Neg toujou té ka mawon nan danbwa Mòn Létwal ek délè, lè yo té ni kont-tjè-yo, jik Mòn Jakob éti betlong té ka fè siwawa. Sé pou sa moun té ka di neg Karaben, sé an ras ki ni tet red. Chak lè i té ka rivé nan kay-la, Sen-Viktò té ka mété an gwo lanmonné adan an ti bwet ki té anlè saybot latjuizin-la, kon sa madanmli té toujou ni dikwa genyen konmision pou sa swen sé set yich-li a. Epi i té ni an lot koté, anba kabann-li, an mitan dé mòso planch, oti i té ka séré lèrestan lajan'y. Léswè, avan sonmey té baré'y, i té ka lévé sé planch-lan pou wè es tjek malfentè pa té foukan épi rékolonmi'y. Men, sé pa pou di i té ajounou douvan soumaké. Sé pa sa pies ! I té plis ki sav lajan sé bagay ki sal davwè i za pasé andidan tout kalté model lanmen. kod yanm Jou-a i té dégrennen majò Marigo a, konmva i té ka déviré bò kay-li anlè boutjet-li, i jwenn konpè Malandi ki té sòti fè zeb ba befli pabò Savann Pwa-dou. Douvanjou a té chwit kon siwo ek soley pòkò té fè kalbas jòn li tijé pa dèyè larel sé mòn-la. Malandi rété i di kon sa : -- Sa sa yé sa, konpè Wozalien ? Wozalien pa réponn. I ba boutjet-li an kout bounougounoy pou fè'y vansé pi vit. I pa menm jété zié anlè boug-la ki té ka chayé an gwo mal patjé zeb-djinen anlè tet-li. Malandi viré di : -- Konpè, ou pa lé bonjou-mwen ? -- Kriyé mwen misié Sen-Viktò, man pa kanmaradou ! Man pa lévé adan menm kay épi'w, nou pa manjé adan menm kwi. -- Bonjou, misié Sen-Viktò. -- Wè-è-è ! Sé djendjen ou paré pou fè épi mwen bonnè bonmaten-tala, Wozalien rélé, égritid anlè'y sé van ek ka fè wol tounen asou Malandi akwèdi i té lé pwan an goumen. __________________________________________________________________ Le Gouverneur des dés Le Gouverneur des Dés Nul n'avait découvert que Rosalien avait pour métier de jouer aux dés à travers tout le pays et de présenter des coqs dès l'ouverture de la saison. Tous pensaient qu'il ne roulait ses grains d'os que lors de la fête de Fond Grand-Anse. Ils ignoraient qu'il était chaque semaine dans une commune différente, occupé à plumer des partenaires du hasard. Il employait même trois gars à tenir des tables de jeux : deux à Fort-de-France, au Bord de Canal, et un au Gros-Morne. En fait, seuls les joueurs professionnels se connaissaient. Ils se retrouvaient chaque semaine autour de leurs tables à inciter des Nègres qui n'avaient jamais touché aux dés à tenter leur chance. Quitte à les faire boire pour les encourager. Parfois, quelques larrons venaient perdre l'argent ou l'or qu'ils venaient de voler. Il y avait, de toutes manières, plus d'un couillon à dépouiller. C'est pourquoi, quand deux majors s'affrontaient autour d'un tray, ce n'était jamais affaire d'argent, mais toujours affaire d'honneur ou d'arrogance La femme de Rosalien aurait bien voulu connaître le secret de son mari, mais elle n'osait le questionner. Quand il lui remettait un paquet de billets de mille francs, elle se précipitait dans sa chambre, approchait la liasse d'une statuette de la Vierge allumée toute la sainte journée et récitait une incantation. Elle pensait ainsi purger les billets de leur mauvaiseté. Car croyait-elle, Rosalien était un séancier. Et quoique personne de Fond Grand-Anse ne se soit jamais présenté chez elle pour réclamer à son mari une séance de sorcellerie, elle se doutait qu'il s'y adonnait au François, au Saint-Esprit ou au Lamentin ; là où personne ne le connaissait. Aussi, quand elle faisait tenir quelque offrande à ses «amies», Matilda ou Passionise, ce n'était pas tant par amicalité que par précaution. Elle espérait ainsi éviter que ces bougresses ne poussent Rosalien à commettre un maléfice à son endroit, qui lui ferait perdre la santé ou la rendrait folle. __________________________________________________________________ Adéle et la Pacotilleuse Adéle et la Pacotilleuse Le roman "ADELE ET LA PACOTILLEUSE" a été sélectionné parmi les 12 romans de la toute nouvelle collection des éditions Gallimard, intitulée FOLIO-CINEMA, qui sera lancée en octobre. Il s'agira pour chacun de ces livres d'un coffret comprenant un film + un livre + un livret explicatif pour le prix de 15 euros. Le roman consacré à la fille de Victor Hugo, Adèle, partie au Canada, puis aux Antilles, à la recherche de l'homme qu'elle aime, figuera donc dans le coffret contenant le film de François TRUFFAUT intitulé "Adèle H.". Je précise que le film de Truffaut traite de la période canadienne et le mien de la période antillaise. Bien à vous. R. CONFIANT