Frédéric Béatse, l'homme qui sait avancer ses pions

En ce mercredi après-midi, quelques heures après être élu maire, on le voit qui rechigne à s'épancher. Frédric Béatse, fils d'une instit et d'un cadre bancaire, grimace plus souvent qu'à son tour. « J'ai beaucoup de mal à parler de moi », finit-il par admettre. On le croit timide, il balaie. Pudique ? Il acquiesce. Avant de se lâcher quelques secondes : « Je ne suis pas dans l'exubérance. Pas du genre non plus à rouler des mécaniques. Suis Angevin, tout simplement. »

En le voyant, en l'écoutant, on s'arrache les cheveux : comment cet homme décrit comme « comique troupier » (dixit son ami nantais Hugues Bernard, ancien collègue attaché parlementaire) peut paraître aussi triste qu'un jour de pluie dans une ville stalinienne : « On a tous nos talents cachés », s'amuse-t-il soudainement.

Et si, au bout du compte, cet ancien arbitre de foot, 41 ans, se fichait de ce que l'establishment pense de lui... Si celui qui a grandi dans le quartier des Plaines, à Trélazé, préférait l'avis des sans-grade de la Roseraie, ses « électeurs » : « Des gens géniaux qui m'ont aidé à me construire. Qui m'ont envoyé des messages ces derniers jours. » « Sûr, affirme en écho Christophe Clergeau, il a su nouer des relations avec les Angevins des cités, plus qu'avec les bobos qui attendent quelqu'un de flamboyant. »

Aujourd'hui, Frédéric Béatse le sait, il devra prouver qu'il est l'homme de la situation. Pour affronter d'ici deux ou trois ans son adversaire de droite. « Je ne le cerne pas », dit Christophe Béchu. « Dégage-t-il une vision ? », se demande l'élu UMP qui donne ainsi en creux son sentiment. « Ce n'est pas idéologue. Mais un pragmatique », assure Hugues Bernard. Et Christophe Clergeau de prévenir ceux qui se frotteraient déjà les mains : « Attention, c'est aussi un tenace. »

« Il a souvent été raillé »

En ces temps de régime Dukan, de sveltesse des altesses politiques, Frédéric Béatse a la bonhomie très Troisième république. L'ancêtre du dessin de presse, Daumier, pense-t-on, aurait certainement aimé le croquer de son oeil acéré.

Le nouveau maire d'Angers, éléphanteau socialiste, est entré tôt dans l'arène du militantisme. À l'Unef, le syndicat étudiant. Au club « Forum », réseau de jeunes rocardiens, avec notamment Manuel Valls et le criminologue (aujourd'hui sarkozyste) Alain Bauer, ancien grand maître de la loge maçonnique du Grand Orient de France. « Frédéric et lui étaient grands amis », se souvient un socialiste.

C'est armé de cette rose au rouge délavé qu'il se présente, à 28 ans, à sa première élection. Une cantonale. Première et seule défaite. « Depuis, il n'en a perdu aucune », rappelle le Nantais Christophe Clergeau, aujourd'hui conseiller régional. Il raconte : « Au PS, il y en a toujours eu pour le railler. Pour se croire plus brillants, plus intelligents, donc plus légitimes pour être investis comme candidats. Sauf que c'était Frédéric qui était désigné. Grâce à son travail... »

Et si la force de cet homme était là : être celui dont on ne se méfie pas, celui dont on pense qu'il sera l'éternel second couteau, trop gentil pour manier du poignard dans le dos. Calculateur ? Fin stratège comme le craint Sophie Briand-Boucher, l'adjointe centriste qui a démissionné hier. « C'était un excellent compagnon mais, après toutes ces manoeuvres, je me suis peut-être bien trompée... » « Si on veut me coller cette image... », rétorque Frédéric Béatse.

Jean-François MARTIN.