Les socialistes auraient-ils créé un monstre, avec leur primaire? Un mécanisme incontrôlable prêt à envoyer le moins attendu d'entre eux affronter Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle de 2012? Après le score surprise d'Eva Joly lors de la primaire d'Europe Écologie-Les Verts (EELV) et la quasi-élimination du favori Nicolas Hulot, les outsiders du PS ont, en tout cas, réagi à l'unisson, qu'il s'agisse de Ségolène Royal, d'Arnaud Montebourg ou de Manuel Valls.

Le score d'Eva Joly, promise à la défaite par les sondages, les a ragaillardis. Pour eux, c'est une nouvelle fois démontré: l'outsider peut gagner. Bien sûr, tous clament depuis des mois que les enquêtes d'opinion ne font pas une élection. Ils disposent désormais d'un exemple récent et concret pour appuyer leur thèse. Après Ségolène Royal, c'est Manuel Valls qui s'est réjoui de ce précédent lors de son arrivée, jeudi, au conseil politique du PS. «Ça bouge, ce qui vient de se passer chez Europe Écologie-Les Verts en est la démonstration, c'est-à-dire: les candidats qui sont en tête dans les sondages, qui ont les faveurs de la presse et qu'on croit gagnants, en général n'arrivent pas en tête», a-t-il commenté. Et le député maire d'Évry a levé les doutes sur sa propre candidature en assurant qu'il disposait des signatures néces­saires et qu'il les déposerait «dans les jours qui viennent».

Le précédent Obama 

Également satisfait, Arnaud Montebourg s'est montré plus cinglant. Pour son porte-parole, Géraud Guibert, la primaire d'EELV «comporte une première leçon: la déroute des sondages est spectaculaire ; ils sont ridiculisés (…) ils ne prennent pas en compte la réalité du corps électoral, et surestiment le poids de la notoriété des candidats».

La primaire du PS est-elle vouée à connaître le même sort que celle des écologistes? Dans les entourages des favoris, on relativise. Pour Claude Bartolone, la réaction des outsiders socialistes est «une figure imposée et artificielle». Ce soutien de Martine Aubry propose une autre explication à la percée d'Eva Joly que celle de l'erreur sempiternelle des sondages: «Ce résultat me semble en ligne avec ce que je ressens dans la société française: un besoin de solidité. Eva Joly par rapport à Nicolas Hulot, c'est le fondamentalisme par rapport au médiatique, assure-t-il. Nicolas Hulot a perdu parce qu'il était plus porteur d'image que messager de fond. Nous ne sommes plus dans le temps du design mais dans celui du chêne massif.» En fait, pour emporter les suffrages des sympathisants de gauche, il faudrait être aujourd'hui dans la rigueur et la solidité, deux qualités dont il pare Martine Aubry.

Pour l'autre favori des sondages au PS, François Hollande, la surprise Joly est surtout liée à la petite taille du corps électoral des écolos si on la compare au million de personnes attendu par les socialistes dans leurs prévisions.

Architecte de la primaire, Olivier Ferrand confirme: «Dans les primaires PS, les sondages sont fiables, car le corps électoral est très large.» Mais il apporte une nuance: «Les favoris partent avec un avantage. Mais si les outsiders courent plus vite, ils peuvent les rattraper et les dépasser. C'est le but de la campagne que de faire apparaître le meilleur et de le désigner, même s'il est outsider.» Et, là aussi, il y a un précédent. Pas chez les Verts mais de l'autre côté de l'Atlan­tique, lorsque Barack Obama avait remporté la primaire démocrate avant d'être élu président des États-Unis. «Si le vote avait eu lieu le premier jour, il était battu. C'est la primaire qui a permis à quelqu'un de quasiment inconnu de battre Hillary Clinton», rappelle Olivier Ferrand. Les outsiders du PS rêvent ouvertement d'un tel exploit. Ségolène Royal et Arnaud Montebourg se sont même inspirés des méthodes de cam­pagne du président américain.