Concours photo - \"Les Trains en Russie\"
Éditorial

Rien de mieux qu’une bonne soupe pour calmer les affamés

Fillon est en colère. Moi aussi, mais pas contre Eva Joly. Eva vend sa soupe. C’est de bonne guerre. Et pas de quoi surprendre les militaires, la norvégienne, ils connaissent…  Eva Joly n’a rien de satanique façon 666. C’est tout juste un sacré numéro : 67, 68, 69 peut-être.

67 : c’est l’âge du capitaine (mais attention, de tout sauf d’un drakkar) ; 68 : probablement pour elle l’année de référence pour célébrer le 14 juillet, sauf que si on s’en tient à l’histoire, 1789 était bien plus gore que 68 ou ces quelques régiments qui chaque année descendent fièrement les Champs Elysées à l’ombre des trois couleurs. 69, ne rêvez pas. Eva, ce n’est pas DSK…

Eva Joly : Celle qui dit ne pas descendre de son drakkar et être française du fait d’une usucapion cinquantenaire. Elle me fait marrer. Moi qui suis normand depuis quinze générations, la seule chose dont je sois vraiment fier c’est précisément ce drakkar dont j’ai toujours et encore l’impression de débarquer alors que mes ancêtres ne sont jamais remontés dessus.

Eva Joly, alias Gro Farseth. Comment ce nom se prononce-t-il en norvégien ? Qu’Eva me pardonne, à la faveur ou en dépit du principe d’égalité qu’elle affiche partout, l’Education nationale incite peu à l’apprentissage du norvégien et « grosse farce » sort de ma bouche avant même que mes lèvres aient bougé.

Même son parti porte un nom bizarre : « Europe Ecologie Les Verts ». En abrégé : EELV.  Difficile à prononcer. Heureusement, à écouter ou lire leur prose, on s’aperçoit que EELV sonne comme « autant En Emporte Le Vent » et ça, c’est facile à retenir.

Le vent, la bonne graine… cela me ramène à l’évangile d’il y a quinze jours. L’évangile selon Saint-Matthieu (13, 4-23) encore appelée « parabole du semeur ». Le semeur jette les graines dont certaines tombent sur le bord du chemin, sur les roches et dans des buissons d’épines, et la semence est donc perdue ; en revanche lorsqu’elles tombent dans la bonne terre, elles produisent du fruit jusqu’au centuple.

Eva Joly peut rêver, chasser les militaires des Champs-Elysées, considérer qu’en défilant, notre armée est pareille à l’armée russe… By the way, ça c’est plutôt pour me rassurer.

Eva Joly peut rêver d’un défilé citoyen, façon Jean-Paul Goude, pour magnifier toutes les cultures et mieux dédouaner la France d’un certain passé colonialiste. Au nom de l’égalité, elle pourrait aussi faire défiler sur les Champs tous les détenus  comme le berger emmène à l’estive ses brebis. A moins que toujours au nom de l’égalité citoyenne, elle ne préfère organiser une grande gay pride.

Au passage, elle changera probablement la Marseillaise. Peut-être chanterons-nous « Au bal, citoyens, trouvez-vous un compagnon…». A moins que cela ne soit : « Aux arbres, capétiens…  cette fois, vous l’avez dans le fion… ».

Mais le pire dans tout cela, c’est que cette « bonne soupe » ne vaut pas mieux que les burgers des fast-foods. Elle calme la faim, sans nourrir son homme. Egalité, identité nationale, and so what ?

Toute écologiste qu’elle est, Eva Joly n’a pas compris de quoi la bonne terre est  faite. La France n’est pas une aire de pique-nique. Encore moins un paradis peuplé de citoyens angéliques. Génération après génération, la terre doit être cultivée pour être conservée. La récolte ne vient qu’ensuite en récompense du travail accompli.

Madame Joly peut avoir la main verte, elle n’échappera pas au travail du jardin si elle veut porter quelques fruits et, n’en déplaise aux socialistes qui se sont tous engouffrés dans la brèche, dire cela n’équivaut en rien à faire une gradation entre français. De toute façon, l’apologie du français de souche n’est pas la réponse appropriée du berger à la bergère. C’est tout le contraire.

Auvergnat, berrichon, ou normand, le « Français de souche » n’est pas cet indigène plus ou moins bien dégrossi, généralement catholique ou protestant, chantant « vive le vieux vin gaulois » avec ses copains après une chasse à la perdrix ou quelque compliment à une fermière opportunément égarée au milieu des champs. Bien sûr, ceux-là existent. Mais, la consanguinité aidant, ils disparaissent d’eux-mêmes peu à peu.

Les « Français de souche », ce sont plutôt ces hommes riches d’un héritage multi séculaire qui ne voient pas pour autant là une raison de s’arrêter et de « profiter ». Auvergnats, Normands, Vikings ou venus d’ailleurs, ils sont pareils à Rollon, Jean Ango, Henri de Monfreid, Charles de Foucauld, Albert Camus, Théodore Monod et bien d’autres. Qu’ont-ils tous en commun ? Une bonne terre. Une éducation. Des valeurs. Un idéal, une passion dépassant le simple besoin d’égalité qu’on nous sert comme de la bonne soupe.

Citoyenneté, égalité, identité nationale, porte en soi autant de consanguinité que les « fins de race » dont je me moque plus haut. A ceci près que pareils aux tribus africaines, nos autochtones de Champagne, de Guyenne ou de Normandie ne manquent pas de folklore. Costumes élimés, chapeaux à plumet, Pater Noster et Credo très approximatifs, amateurs d’excellents vins mais toujours chez les autres et en général un ou deux cousins attardés, mais toujours entourés au nom du sang. Au contraire, les apôtres de l’égalité républicaine n’ont ni défaut, ni qualité et se doivent d’être tous semblables.  Rejetant toute notion d’origine, de tradition ou d’ancienneté, seule la matière compte. En un mot, pour ne froisser personne et ne pas atteindre au dogme, l’homme peut revendiquer son statut de descendant du pithécanthrope et n’a pas vraiment le droit de rêver d’autre chose.

Dommage qu’ils n’aient pas compris Saint-Matthieu. La Bonne terre est celle du cœur. Il y a trente ans, quand on rêvait de grands espaces, on rejoignait Frères des Hommes au Bangladesh en faisant un saut à Katmandou pour les vacances. Et quand on n’était moins rêveur, on faisait une licence de droit ou Sciences Po et son service militaire dans les troupes de marine (l’armée coloniale ou « la colo » avant que ces mots ne soient bannis). Parfois un stop aux Glénans et une virée aux Antilles avant un MBA aux Etats-Unis. Et quand on décrochait un premier job à Londres ou à New York, on était un aventurier digne de Christophe Colomb.

Aujourd’hui, les enfants naissent, l’un ici, l’autre là, de mère ou de père français et d’un conjoint d’Amérique, d’Afrique ou d’ailleurs. Ils iront au lycée à Buenos Aires, Rome ou Varsovie et feront ensuite des études supérieures à Jouy-en-Josas, Glion ou Cambridge. Puis ils travailleront à Rio, Dehli ou Shanghaï.

Chacun fait sa route. Et croyez-vous vraiment que ces enfants perdront leur temps à se comparer aux fils d’immigrés vivant dans les banlieues ou de paysans chinois ou somaliens ? Chacun fait sa route et la notion d’égalité est toute relative. Et le comble de l’égalité, c’est que les plus forts s’en sortent généralement aux dépens des plus faibles.

Je suis donc en colère contre ces corps intermédiaires qui ne jouent pas leur rôle. Médias, partis politiques, syndicats, philosophes. Non pas ceux qui affichent la couleur, tels Eva Joly et son pithécanthrope, Onfray et son hédonisme ou les adeptes de la « théorie du genre » qui rêvent de Sodome et Gomorrhe débarrassées de Dieu. Ceux-là  disent qui ils sont et il est facile d’imaginer ce qu’ils projettent. Mais ceux qui revendiquent l’héritage et voient le monde changer, mais ne disent rien de peur de perdre le peu de pouvoir qu’ils ont.

Qu’Eva Joly déteste les drakkars et revendique le droit de rester au bord du quai. Grand bien lui fasse. Mais tous les autres ; ceux qui comprennent que le monde est un peu déboussolé et qui cherchent leur voie. N’y a-t-il personne capable de se lever pour leur dire que la soupe au pithécanthrope ne saurait les rassasier bien longtemps.