Arnaud Montebourg ne porte plus sa robe d'avocat mais il ne perd jamais une occasion de faire un plaidoyer. Alors que l’idée de « décroissance » a essaimé dans les rangs de la gauche écologiste, le député de Saône-et-Loire préfère défendre le concept plus récent de « démondialisation », dont l’Europe pourrait être le pivot.

A peine sortie de la crise financière de 2008, l’Union européenne s’est enlisée dans une crise de la dette dont elle ne voit pas le bout. Un contexte douloureux mais qui aurait ses avantages. Pour le candidat à la primaire socialiste, « la crise permet enfin de réviser les principes moraux et intellectuels » sur lesquels le système économique est assis. « La mondialisation est une œuvre, une pensée politique, pas un fait », a-t-il lancé à un public acquis à sa cause, venu l’écouter débattre mardi 30 août aux côtés de Jean-Pierre Chevènement et d’économistes, dont le très "démondialiste" Jacques Sapir.

Perdre l'euro, c'est perdre l'Europe

Mais tous ne convergent pas tout à fait sur les remèdes à apporter. Si le discours d'Arnaud Montebourg séduit l’extrême gauche, friande de la « mise sous tutelle des banques » qu’il propose, le candidat ne se risque pas à saborder la monnaie unique. « Si nous perdons l’euro, nous perdons l’Europe », clame-t-il, défendant la « monétisation de la dette à la hauteur de ce qu’ont fait les Etats-Unis ».

En 2009, le programme de rachat de bons du trésor par la Fed a atteint 1500 milliards de dollars, soit 10 fois plus que la BCE, partie à la rescousse des pays surendettés depuis mai 2010. A plus long terme, « renationaliser la dette » constituerait selon lui un rempart contre la spéculation, car « les ménages n'ont pas peur de ce que dit Standard and Poor's » pour souscrire aux emprunts d'Etat.

A l’aise dans ses habits de prophète pessimiste, Jacques Sapir semble en revanche moins attaché à préserver la monnaie unique et prédit avec certitude « l’éclatement de la zone euro d’ici fin 2011 au premier semestre 2012 ». Une solution presque enviable selon lui, puisque le retour aux devises nationales serait une phase transitoire avant l’établissement d’une coordination monétaire. Déjà expérimentée en Europe, celle-ci avait pourtant été abandonnée en 1993 en raison de son incapacité à stabiliser les taux de change.

"Pimprenelle et Nicolas"

Pour guérir de ses maux, l’Europe doit se résoudre à embrasser le « protectionnisme européen » et oublier le « juste échange », une chimère tout juste bonne pour « Pimprenelle et Nicolas », ironise Arnaud Montebourg. L'Europe serait donc bien naïve de croire qu'elle peut négocier des normes sociales et environnementales dans les relations commerciales avec les pays tiers.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Nicolas Sarkozy ira en Allemagne défendre le projet, « Mme Merkel dira non et Henri Weber fera une éternelle tribune pour dire pourquoi la social-démocratie a encore un avenir ! », se gausse le député.

Peu préoccupé par la faisabilité concrète de son projet, Arnaud Montebourg n'hésite pas à prôner la remise en cause de la libre circulation des marchandises en Europe, appelant à des « actions unilatérales » des Etats membres comme de l’UE sur les produits extra-européens. Ne craint-il pas de s’attirer les foudres commerciales des pays visés, Chine en tête ? « Vous savez, le cognac, le roquefort, les Airbus se vendent et se vendront toujours ». Une pirouette qui laisse songeur vu le chemin à parcourir pour convaincre les pays de l'UE du bien fondé de la "démondialisation".