hugo : n'y-a-t-il pas une influence de la langue sur le caractere ? souple [italien], rigide[allemand] , peut-etre par les lois de la grammaire? merci
Claude Hagège : A ma connaissance, non. C'est une forte tentation de le croire, car le lien entre les deux paraît naturel, mais entre les deux je ne crois pas à regret qu'il y ait d'influence directe. S'il y en avait (preuve par la négative) les traductions, et plus généralement un grand nombre de situations de communication seraient sinon impossibles, en tout cas compromises.
sanchezeldiablo : Ne trouvez-vous pas que le franglais est un outil précieux pour identifier immédiatement (et éviter) un cuistre, un opportuniste ou un simple imbécile heureux ?
Claude Hagège : Oui enthousiaste! Votre excellente formulation rend vaine toute glose.
ÉcrivainpublicQuébec : Bonjour Monsieur Hagège, comment la qualité de la langue française peut-elle être défendue dans les entreprises, alors que l'anglais y est encouragé et valorisé ?
Claude Hagège : Je suis heureux et peu surpris qu'un ami québecois, habitant d'un îlot de 6 millions de francophones immergés dans près de 270 millions d'anglophones (Canada anglophone + Etats-Unis) et par conséquent conscient, à travers l'admirable loi 101 et autres mesures de promotion du français menacé, relève avec acribie un ridicule et une indignité propre aux Français de France. Je n'y puis rien, sauf de lutter constamment contre ce snobisme, que ne justifie même pas l'efficacité commerciale?
Heureusement qu'il y a les Québecois (inventeurs notamment du l'excellent "courriel").
mchfrench@mac.com : En tant que professeur de français aux E.U. je me rends compte, bien évidemment, de la difficulté de notre grammaire. Je remarque tant d'erreurs d'accord de participe passé même dans des journaux comme Le Monde et l'Express. Des fautes que même certains de mes élèves remarquent parfois. Si les Français ne savent plus accorder les participes passés, comment peut-on espérer que nos étudiants étrangers le fassent? Je suis pour la défense de la langue, de sa pureté, de sa beauté... et certainement pas pour un nivellement par la base. Où se trouve le juste milieu?
Claude Hagège : Permettez-moi de dire que ces fautes sont vénielles au regard de l'américanisation galopante du vocabulaire. Le non-respect de l'accord des participes ne me paraît pas de nature à compromettre la pureté (notion puriste, par définition, qu'un linguiste professionnel n'utilise évidemment jamais) ni la beauté (Voir entrée "Beauté" de mon Dictionnaire amoureux des langues) du français. Quant aux difficultés (Voir ibid. entrée "Difficiles (langues)"), je me permets d'attirer votre attention sur un point très largement ignoré: l'anglais est une langue très difficile (évident pour la prononciation, et tout autant pour les innombrables expressions verbales à adverbe postposé, au sens totalement imprévisible, comme to see off, "accompagner à la gare", to bring about, "être la cause de", to do someone in, "tuer qqn".
Pseudo1 : Bonjour,
1/La langue Française est-elle réellement menacée par l'anglais, si oui pourquoi ?
2/ Est-ce bien logique de croire que parce que l'anglais est une langue internationale, la langue française serait en péril ?
3/ Pourquoi l'anglais serait-il plus néfaste pour la langue Française qu'une autre langue très répandue comme le chinois, l'arabe, ou l'espagnol ?
4/ Etes-vous déçu de ne pas avoir été élu à l'Académie Française, et vous représenterez-vous à l'occasion ?
Merci beaucoup.
Claude HAGèGE : Commençons par la fin. Je dirais que non, déçu, mon tempérament étant, non de digérer les déceptions, mais de les conjurer par l'action. Quant à votre première question, ce n'est pas l'anglais qui menace le français; c'est en réalité l'adoption, par les francophones de France, d'innombrables anglicismes. Les causes en sont: un snobisme ridicule, un rêve mimétique d'américanisation, une profonde inculture quant aux ressources du français. Le diagnostic s'applique également, hélas, aux germanophones, aux hispanophones, aux lusophones. Il pourrait un jour s'évanouir en même temps que son objet.
Le Québécois : Ne pensez vous pas qu'il faudrait réformer le français (comme l'ont fait d'autres cultures), pour en simplifier l'apprentissage?
Claude Hagège : Cette question me surprend de la part d'un habitant d'une grande et noble Province qui vota en 1977 la grande Loi 101. Aucune des réformes, du turc (1928), du chinois (1955-57), et de bien d'autres langues n'a jamais concerné la grammaire, ce que semble impliquer votre idée de simplification. L'anglais, on l'ignore, est nettement plus difficile que le français, et n'a pourtant jamais que je sache fait l'objet d'aucune réforme.
Fredus : Le phénomène d'importation de mots anglais dans la langue française n'est-il pas limité à des catégories très limitées de locuteurs et des compartiments très limités de la langue (jargons des milieux professionnels) ?
Claude Hagège : On pourrait le dire. Cependant, certains de ces compartiments et catégories de locuteurs ont un énorme effet sur les masses: vous ne pouvez ignorer que c'est singulièrement le cas des médias.
noisette : Tout à fait d'accord avec les propos de Claude Hagège que l'on entend pas assez souvent .
Pourquoi ne pas sensibiliser le grand public , le jeune public , aux subtilités de la langue française , à sa richesse grâce à des i interventions dans les médias (émissions télévisées soit sous une forme didactique ou une forme ludique ? )Suis certaine de susciter l'intérêt de beaucoup de citoyens. Le Collège de France n'est-il pas accessible à tous ?
Claude Hagège : Je me battrais volontiers dans les médias en vue de susciter un large intérêt pour les subtilités et autres qualités de français. Ne serait-ce pas plutôt à vous, auditeurs et téléspectateurs, de convaincre les responsables de bonnes émissions d'inviter plus souvent votre humble serviteur.
opposition : De quelle manière peut on s'opposer au "global english" qui semble malheureusement devenir l'espéranto du XXIe siècle? En outre les SMS (néologisme anglaos ou américain) ne sont pas fait pour arranger le problème.Y a t il une solution?
Claude Hagège : Il n'y a d'autre solution qu'un recours généralisé à la lecture et tous autres instruments de culture, assorti d'une prise de conscience de toutes les possibilités des langues et de l'immense danger dans lequel la diffusion de l'anglais met leur diversité.
Nicolas : La maltraitance de la langue française par notre président ne ruine-t'elle pas les efforts des promoteurs du respect de la langue française?
Claude Hagège : Veuillez me dispenser de répondre.
Qui ça ? : Malgré la loi Toubon, de plus en plus d'entreprises françaises nomment leurs produits avec des anglicismes ( hier encore la SNCF annonce des TGV pour les famille désignés "TGV family" ) ! Comment mettre fin à cette tendance et retourner à la langue vernaculaire ?
Claude Hagège : En appliquant la loi avec la même rigueur que pour toute autre.
Lors : Bonan tagon. Comment expliquez-vous que la plupart des défenseurs du français n'évoquent pas l'esperanto, alternative credible à l'anglais comme langue internationale ?
Claude Hagège : Ils l'ignorent, comme tant d'autres, qui se sont habitués à n'en rien savoir ou à le minimiser.
Serdot : Pourquoi n'arrivez-vous pas à convaincre l'E.N. qu'il faut apprendre l'espagnol et le chinois dès le plus jeune âge et que l'anglais peut s'apprendre plus tard ? Bien sûr à condition d'avoir des professeurs bien formés ........ mieux qu'aujourd'hui en faisant appel à des nationaux
Claude Hagège : J'ai fait ces suggestions en haut lieu à plusieurs reprises. Ignorez-vous qu'on peut y être écouté, mais pas entendu.
Ferdinette : Est-ce qu'on peut défendre la langue française sans être conservateur ?
Claude Hagège : Oui, bien entendu. D'innombrables promoteurs du français sont de gauche.
Commentaires (15)
Paulvers - 12/02/2012 13:30:16
Continuons à féminiser de façon imbécile... et tant qu'à faire, masculinisons. Pourquoi pas " le sentinel "c'est souvent un homme.. émasculons de la double consonne et supprimons le voyelle finale.. <br />La vigie... pourquoi pas "le vigi" encore un homme souvent! Au moment ou nous pêchons l'égalité homme-femme , pourquoi ne pas percher nos compagnes en haut du mât ? Ce serait un moyen pour conserver "la vigie" au féminin.
devas - 14/05/2009 22:20:04
quel plaisir de vous avoir entendu sur france inter !!! de l'ampleur et de la souplesse dans la syntaxe , un vocabulaire riche et précis, tant de vitalité dans la langue c'est de l'oxygène pour l'esprit qui reprend vie par l'ouïe. merci !!!!!!! en tant que professeur d'anglais j'enrage tous les jours d'entendre du franglais qui atteint parfois le non sens total, hier encore j'entendais " l'intelligence économique" pour espionnage industrielle, celui là je ne peux plus l'entendre. Vous ,qui avez la possibilité d'être influent, ridiculisez autant que possible les prétentions d'un certain pouvoir a enterrer l'esprit sous le pragmatisme le plus bas et le plus immédiat.
Kjodhar - 11/05/2009 10:31:53
Le Français est une langue vivante, et à ce titre il est normal qu'elle évolue librement selon les souhaits et besoins de ceux qui la pratiquent. On constate par ailleurs que l'Anglais, en devenant la langue internationale, échappe de plus en plus au contrôle du Royaume-Uni. On parle bien souvent d'Anglais Américain, même d'Anglais Australien pour marquer les variations locales qui parfois sont bien plus que des variations. Je rappelle à toute fin utile que le plus grand pays Anglophone est l'Inde, l'Anglais servant de langue commune dans ce pays. On pourra encore regretter que l'Anglais soit devenue cette langue internationale, mais en même temps il en faut bien une et on peut se réjouir que celle-ci ne soit ni l'Arabe, ni le Russe, ni le Chinois. Ne pas oublier non plus que l'Anglais, c'est un peu moins de 2/3 d'Allemand et un peu plus d'1/3 de Français, le tout mélangé de manière à ne conserver que les choses les plus simples (enfin à ce qu'il parait - voir la grammaire Anglaise hautement silmplifiée au regard des Française et Allemande). A ce titre, la prédominance de l'Anglais dans le monde constitue la meilleure protection que le Français peut avoir face aux autres langues. Pour conclure, un autre rappel. Le Français est la seule langue à ma connaissance où un ordinateur ne se dit pas computer.
dijon - 08/05/2009 09:54:26
Une langue est d'abord un code informel pour echanger/communiquer verbalement entre personnes qui se comprennent en l'utilisant. Si "chat" veut dire , et tout le monde le comprend ainsi, conversation sur internet, SO BE IT. "On joue au tennis apres avoir gare son coupe au parking de Roland Garros". Dans cette phrase il y a des mots de differentes origines, que la plupart des francophiles comprennent : donc c'est du francais. Tennis vient du francais "tennez" utilise pour le jeu de paume et traduit par tennis par les anglais vulgarisateur, parking ne signifie pas parking en anglais mais l'action de mettre au parc un vehicule. On note aussi que park(ing) vient du francais parc. Coupe est bien compris par la anglais comme un style de voiture. Et le monde entier comprend que Roland Garros est un "master" de tennis et non pas un militaire (aviateur) francais. C'est ce qu'on nomme LANGUE VIVANTE qui se nourri du present et de ses acteurs. Academies et linguistes n'ont rien a voir avec son evolution seulement a l'expliquer et peut etre a l'influencer. Courriel pour e-mail : c'est d'une beaute!! courrier etait la personne qui courait pour apporter les nouvelles. Mail vient poste-malle qui transportait les lettres, colis et autres objets de correspondances. Donc si e-mail est reconnu par 3/4 de la planete c'est e-mail.
janerouss - 08/05/2009 04:15:11
Mon commentaire est parti sous le pseudo "JAR", avant mon inscription comme membre de lexpress.fr, ignorant que le pseudo devait comporter au moins 6 lettres. Bonne réception, malgré tout, j'espère.
JAR - 08/05/2009 04:04:43
A Destop, Résident au Québec depuis 2 ans, je livre à votre réflexion cette citation de Robert Dubuc, Professeur de Traduction et auteur de "En français dans le texte" : "L'influence prépondérante qui s'exerce sur l'évolution de notre langue est bien celle de la langue anglaise qui fait que nous sommes de toutes les communautés francophones celle dont la langue s'écarte le plus du français commun." Je vous invite aussi à lire : "Capsules linguistiques" de Guy Bertrand ( Editions Lanctôt et Michel Brûlé ), conseiller linguistique à Radio Canada. et "1500 pièges du français écrit et parlé" de Camil Chouinard ( Les Editions La Presse ) , également conseiller linguistique à Radio Canada ......et je pense que vous changerez probablement d'avis sur le français parlé au Québec. Je ne parle pas des régionalismes savoureux, mais uniquement des tonnes d'anglicismes que l'on entend et que l'on peut lire à longueur de journée.
footile - 07/05/2009 18:04:39
Les plus grands destructeurs de la langue française sont les médias (au sens large) et les entreprises à vocation internationale. Les entreprises, par snobisme, veulent utiliser l'anglais là où le français est obligatoire ; je ne comprends pas cet acharnement ridicule. Les médias (journalistes, présentateurs d'émissions radiodiffusées ou télévisées ...) accumulent tous les maux. Utilisation du "franglais" la plus part du temps par imbécilité ou par ignorance de l'équivalent français. Mauvaise utilisation du français ; là encore par incompétence. Mauvaises liaisons, contre sens, mode consistant à ne plus employer un mot de plus de deux syllabes (une troncature est effectuée au delà de la deuxième syllabe). Il serait temps que le français soit à nouveau appris à l'école et que ceux qui sont chargés de s'exprimer en français en s'adressant à de nombreuses personnes fassent un effort pour s'exprimer dans un français correct ( ce n'est pas si difficile!)
Lors - 07/05/2009 15:01:40
Réflexion à propos de la question de "opposition" (De quelle manière peut on s'opposer au "global english" qui semble malheureusement devenir l'espéranto du XXIe siècle?)... >> L'esperanto est une langue rigoureusement construite par un médecin polonais à la fin du XIXe siècle. Elle a très vite concquis un grand nombre de personnes (J. Verne, A. Einstein, U. Eco sont des sympatisants célèbres...). Elle compterait aujourd'hui plus d'un million de locuteurs. Au cours du XXe siècle 3 Etats interdisèrent son enseignement : l'Allemagne nazie, l'Union Soviétique et... la France, qui voyait dans cette langue un dangereux concurrent à partir du moment où la Perse demanda que les travaux de la SDN soient traduits en esperanto. Si le français a perdu son statut de langue internationale et se retrouve seul face à l'anglais, il le doit à l'orgueil de ses politiciens et à leur mépris pour la diversité linguistique. Ne serait universel que ce qui est français...
FEFEL - 07/05/2009 15:00:50
Pour environs 100 millions de personnes dans le monde un "chat "est un animal qui miaule, pour 4 milliards restant c'est une discussion sur internet.
jmr974 - 07/05/2009 15:00:20
Je suis un amoureux inconditionnel de la langue française, belle, subtile, intelligente. J'exècre ces décrets (dont beaucoup datent de l'ère mitterrandienne qui a laissé les groupes de pression proliférer) qui "féminise" de façon outrancière des mots masculins : maire, juge, professeur, procureur, écrivain, et j'en passe. Quant à l'anglais qui nous envahit, une belle langue également, ce sont souvent les jeunes (ou qui se prétendent tels), les journalistes et les pseudo-branchés de tous poils qui l'instillent par petites touches dans la langue de Voltaire. Une anecdote rapide (authentique) : dans les années 70, assis à une terrasse de café avec un ami, nous avons entendu deux "jeunes" discuter à une table voisine. L'un dit dit à l'autre : je me suis acheté un "tape-recorder". Cela devait certainement être, non ! "faire" mieux que magnétophone à cassette. Le fond de la stupidité est insondable (et je crains que nous n'y parvenions jamais).