13/01/2011 | Livre | Bonnes feuilles | Lu 4221 fois | aucun commentaire

"Le retrait de l'Etat", de Susan Strange

LE CERCLE. Préface de "Le retrait de l'Etat" (Temps Présent, 346 pages, 35 euros).

Les frontières territoriales des États ne coïncident plus avec l’étendue ou les limites de l’autorité politique sur l’économie et la société : telle est l’hypothèse fondamentale — apparemment sans grande originalité — sur laquelle repose ce livre. Dans States and Markets, antimanuel antérieur destiné aux étudiants en économie politique internationale, j’ai défini un cadre simple pour analyser, selon quatre catégories essentielles, la répartition des prérogatives dans la société mondiale. Le pouvoir sur les autres, et sur l’ensemble des valeurs du système, est exercé dans et hors des frontières par ceux qui sont en mesure d’assurer ou de menacer la sécurité ; par ceux qui peuvent accorder ou refuser le crédit ; par ceux qui contrôlent l’accès à la connaissance et à l’information, et sont à même de définir la nature du savoir. Enfin et surtout, il y a la structure de production, dans laquelle se décide ce qui va être produit, où et par qui, et à quelles conditions. Tous ces détenteurs de pouvoir débordent les lignes souvent arbitraires délimitant sur les cartes l’autorité territoriale de chaque État. Si l’autorité politique d’un État particulier exerce encore un certain pouvoir structurel sur votre sécurité, elle n’est plus seule à assurer ou à menacer celle-ci. C’est encore plus vrai de l’organisation financière de l’économie politique internationale. Un jeune trader magouilleur est capable, par ses arbitrages insuffisamment surveillés à Singapour, de provoquer la faillite de sa banque britannique, Barings[1]. Un de ses homologues japonais, travaillant à New York pour Daiwa, peut accumuler des pertes de plus d’un milliard de dollars, et contraindre ainsi sa banque à cesser ses activités aux États-Unis. Les failles des réglementations adoptées par les principales banques centrales depuis le milieu des années 1970 semblent permettre à des opérateurs privés d’agir largement au mépris de ces autorités de tutelle.

De même, il y a longtemps que les États territoriaux ont perdu la maîtrise qu’ils ont pu avoir sur la production de biens et de services à l’intérieur de leurs frontières, comme sur la création, l’accumulation et la distribution de la connaissance et de l’information.

Cette grille simple remettait fondamentalement en question tous les enseignements et les recherches en relations internationales et en économie politique, qui continuaient à privilégier les tractations entre gouvernements sur les échanges internationaux de biens et de services, sur les taux de change et le contrôle des banques, ou sur les investissements étrangers. Selon ces conceptions, en économie « politique » ce dernier qualificatif ne concernait que les décisions des États, et nullement les activités et stratégies des acteurs non étatiques du système mondial. Les sociologues adoptaient plus volontiers une telle perspective structurelle, également développée par Anthony Giddens, qui avait forgé auparavant le terme plutôt maladroit de « structuration » (Giddens, 1979, 1985). Cette notion était également implicite dans les travaux de Robert Cox (Cox, 1987). La notion de pouvoir structurel dans la politique, la société et l’économie mondiales a permis d’affranchir l’analyse de l’économie politique internationale de la prétendue tradition réaliste dans les études des relations internationales. Malheureusement, le titre — States and Markets — était mal choisi. Il obscurcissait la thèse — clairement exposée dans l’ouvrage —, selon laquelle, sur les quatre formes de pouvoir structurel décrites et analysées, les États ne jouaient un rôle majeur que dans l’une d’elles — la sécurité —, et même alors avaient souvent besoin du concours d’autres États. Dans tous les autres domaines, c’étaient des autorités non étatiques qui déterminaient largement les décisions. Markets and Authorities aurait été un titre plus judicieux.

Ce livre prolonge et développe ces mêmes idées sur le pouvoir et les relations transnationales qui caractérisent la scène mondiale contemporaine. Ces idées avaient en fait leur source plus amont que dansStates and Markets. Elles avaient jailli au cours d’un projet de recherche sur les relations transnationales — financé pendant trois ans par la Fondation Ford — que j’avais dirigé à Chatham House au milieu des années 1970. J’avais pour collègues Marcello de Cecco et Louis Turner. Marcello a développé quelques idées neuves sur la monnaie et la finance internationales que, avec une concision caractéristique, il a exposées dans un article fondateur d’International Affairs[2] ; Louis a travaillé sur l’industrie pétrolière mondiale — sujet brûlant à l’époque — et a écrit un livre[3]. Quant à moi, j’ai publié deux articles, l’un général et vaguement théorique, l’autre spécifique et empirique[4]. Ce dernier m’apparaît aujourd’hui comme le précurseur du présent volume, car il constatait qu’une série d’autorités non étatiques exerçaient un pouvoir structurel, en déterminant les dispositions selon lesquelles le commerce maritime fonctionnait, était réglementé et rémunéré. Il montrait comment les risques et les perspectives, les coûts et les profits étaient partagés par les acteurs de l’industrie transnationale du commerce maritime, qu’il s’agisse des affréteurs ou des compagnies maritimes, des travailleurs ou des régulateurs. Le moindre de ces protagonistes n’était pas — alors comme aujourd’hui — le secteur de l’assurance internationale, et notamment le cartel de compagnies maritimes organisées en fédération. (Pour une mise à jour de ces deux analyses, voir les chapitres ix et x du présent ouvrage.)

Au cours des deux décennies écoulées depuis ce projet de Chatham House sur les relations internationales, il m’apparaît que les pouvoirs de la plupart des États ont encore décliné, si bien que leur autorité sur les populations et les activités de celles-ci à l’intérieur de leurs frontières territoriales s’est davantage affaiblie. À l’inverse, les autorités non étatiques interviennent de plus en plus dans la vie et les activités de leurs citoyens. Ce livre s’efforce d’expliquer — à l’aide d’exemples — comment et — par une analyse théorique — pourquoi on en est arrivé là.

Tout le monde, assurément, ne partagera pas ma prémisse selon laquelle l’autorité de l’État — à la notable exception des États-Unis d’Amérique — s’est réduite ces dernières années. L’intrusion des gouvernements dans notre vie quotidienne est manifestement plus grande aujourd’hui qu’un siècle auparavant. Des lois et des règlements administratifs régissent désormais la durée du travail, la sécurité sur les lieux de travail et dans les habitations, sans parler du comportement des citoyens sur la route. Les écoles et les universités sont toujours plus soumises aux décisions des ministères de l’éducation. Il faut obtenir l’aval de toutes sortes de responsables avant de commencer la construction du moindre bâtiment ou de couper un arbre. L’inspecteur d’une administration — visiteur jadis très exceptionnel (et parfois objet de ridicule) — est devenu un personnage familier voire redouté. Toutes ces interférences de l’État ont un prix, lequel se traduit par les diverses contributions qu’il prélève sur l’économie, sur le travail de chacun d’entre nous. En témoigne la part du produit intérieur brut que s’arroge l’appareil étatique : aujourd’hui jusqu’à soixante pour cent du revenu national, contre moins de la moitié de ce chiffre naguère encore. La « réforme », ces temps-ci, a toutes les chances de signifier amputer les activités de l’État, réduire l’Administration et exiger d’elle une gestion rigoureuse et des économies, alors qu’il n’y a pas si longtemps cela aurait voulu dire exactement le contraire : recourir à l’autorité du gouvernement pour imposer un comportement réglementé et plus humain à l’ensemble des affaires et du secteur privé.

Dans ces conditions, comment peut-on proclamer un retrait de l’État, un déclin de son autorité à l’intérieur de ses frontières territoriales ? La réponse, exposée plus en détail au chapitre v, ne concerne pas la quantité d’autorité exercée par les États de la plupart des pays, mais la qualité de cette autorité. Elle constate l’échec de la plupart des gouvernements à exercer les fonctions fondamentales pour lesquelles l’État en tant qu’institution a été créé : le maintien de la loi et de l’ordre publics, la défense du territoire contre les déprédations d’envahisseurs extérieurs, la garantie d’une monnaie saine pour l’économie, et l’assurance de règles claires, interprétées selon le droit, organisant les transactions entre acheteurs et vendeurs, prêteurs et emprunteurs, propriétaires et locataires.

En bref, la nécessité de l’État comme bien public est née avec l’apparition d’une économie de marché développée. Le nationalisme moderne — souvent conçu comme une réalité intemporelle — a largement été la création du capitalisme moderne. L’économie de marché ne pouvait pas fonctionner convenablement sans le cadre politique procuré par l’État. Les sentiments nationaux d’identité et de fidélité ont fourni le ciment assurant la cohésion sociale du cadre politique. Là où ils existaient avant la naissance d’une économie capitaliste, les États territoriaux n’étaient pas tant un bien public que l’apanage privé des puissants[5]. L’idée même d’un contrat social n’aurait pu être conçue sans la nécessité économique d’une coopération civique entre l’État et la société.

L’autre hypothèse implicite que je fais en rédigeant ce livre est que la transformation de l’économie politique internationale n’a jusqu’ici pas été décrite et évaluée convenablement par la plupart de mes collègues chercheurs universitaires en sciences sociales. On en trouvera la preuve dans le chapelet de termes vagues et nébuleux qui reviennent à tout propos dans la littérature spécialisée, mais dont la signification précise est rarement, sinon jamais, clairement définie.

Le pire de ceux-ci est le mot « globalisation », qui peut se référer à n’importe quoi, depuis l’Internet jusqu’au hamburger. Trop souvent, c’est un euphémisme poli pour l’américanisation continue des pratiques culturelles et des goûts en matière de consommation.

L’expression beaucoup plus ancienne d’« interdépendance » dissimule de même la réalité d’une dépendance asymétrique. Sans doute nombre des auteurs qui l’invoquent, depuis que l’économiste Dick Cooper l’a lancée dans le titre d’un livre à la fin des années 1960 (Cooper, 1968)*, reconnaissent-ils explicitement que le préfixe « inter » n’exprime pas suffisamment l’inégalité de la dépendance entre les parties. Néanmoins, son usage quotidien sert souvent à atténuer, sinon à dissimuler, la réalité des relations, les réalités brutales du pouvoir structurel sur d’autres États et d’autres sociétés. L’« interdépendance » est très semblable, à cet égard, au substantif « multinationale ». Celui-ci aurait été forgé au début des années 1960 par le service des relations publiques d’International Business Machines pour camoufler — ou du moins tenter de faire oublier — le fait qu’IBM était une entreprise américaine, même si elle cherchait à accéder au marché de nombreux pays dans le monde entier. Elle n’était en aucun sens « multinationale », si ses opérations l’étaient. Je ne suggère pas que Cooper a lui aussi délibérément employé le mot interdépendance pour cacher le fait que la coopération intergouvernementale, qu’il disait nécessaire au maintien de la prospérité de toutes les économies industrielles avancées, profitait davantage aux États-Unis que, par exemple, à la Suisse ou à la Suède. Il n’en était pas moins vrai que les Américains, en tant que gardiens du feu nucléaire et donc de la sécurité de l’alliance des pays riches, se réservaient le droit de décider quand bon leur semblerait, avec ou sans consultation, d’user de la puissance militaire ou d’en brandir la menace.

Le dernier de ces euphémismes dont l’usage s’est insinué dans le langage commun — même si nous n’en sommes pas dupes — est la formule « gouvernance globale ». D’innombrables organismes se consacrent désormais à l’étude de la gouvernance globale. On trouve l’expression dans le sous-titre de livres, et il y a même une revue qui s’intitule ainsi. Ce qu’on entend généralement par là, c’est la coopération et l’harmonisation, ou la standardisation, des pratiques entre les gouvernements d’États territoriaux, la plupart du temps via une bureaucratie internationale. La conception implicite traduite par les deux mots « gouvernance » et « globale » est que le pouvoir est exercé à l’échelle mondiale par une autorité mondiale. Mais le fait est, comme nul spécialiste des organisations intergouvernementales ne l’ignore, que les limites et la nature du pouvoir décisionnel de toute administration intergouvernementale sont fixées par le plus puissant de ses Étatsmembres. L’organisation internationale est avant tout un outil du gouvernement national, un instrument pour la poursuite de l’intérêt national par d’autres moyens. La plupart des analyses des systèmes internationaux escamotent — sans doute inconsciemment — cette conception élémentaire des réalistes à l’ancienne mode. Trop souvent un tel système est présenté comme la simple conséquence d’un processus d’harmonisation, par lequel des États coordonnent leurs intérêts communs. On en minimise l’élément de puissance. En réalité, nombre d’organisations internationales ne sont pas tant le résultat d’un rassemblement d’égaux que le fruit d’une stratégie élaborée par un pays dominant, ou occasionnellement par un petit groupe de grandes puissances. Il est parfois nécessaire de négocier avec les représentants des États membres moins importants. Mais le blocco storico ainsi constitué par ces marchandages entre la nation principale et ses clients n’est en fait — comme l’a montré à juste titre la critique néo-gramscienne — qu’un mode subtil d’hégémonie politique. Jusqu’aux secrétariats des institutions internationales concernées dont le comportement subliminal vise à administrer un « ordre » international qui n’a rien de neutre, pas plus dans ses intentions que dans ses conséquences (voir infra, chapitre xi).

Je m’inscris en faux contre cette vision orthodoxe pour souligner que la politique est plus vaste que l’action des politiciens, et que le pouvoir peut être exercé — et l’est quotidiennement — par des autorités non étatiques aussi bien que par les gouvernements. Cette vision elle aussi s’inspire fortement de travaux antérieurs. Notamment de Rival States, Rival Firms, écrit en étroite collaboration avec John Stopford. Nous y démontrons que la politique économique des pays étudiés avait été déterminée par une diplomatie triangulaire entre États, États et entreprises, et entre entreprises. Certains de ces marchandages diplomatiques avaient été conclus à l’intérieur des pays, et ressemblaient donc à de la « politique intérieure ». D’autres, négociés entre représentants de plusieurs gouvernements, semblaient relever de la « politique internationale ». Et d’autres encore, mis au point par les seules entreprises, pouvaient être qualifiés de « politique transnationale ». Même si, parce qu’il se fondait sur des données empiriques puisées dans trois pays en voie de développement — le Brésil, la Malaisie et le Kenya —, l’ouvrage semblait traiter de développement économique comparé, il était en fait né de la conviction commune qu’on ne pouvait pleinement comprendre ou analyser la politique internationale sans s’intéresser au monde des affaires au niveau international, et, à l’inverse, qu’on ne pouvait pleinement comprendre le monde des affaires et du management sans étudier la politique au niveau international et national.

Mais ces idées de Stopford et de Strange remettaient fondamentalement en cause l’exclusivisme des « disciplines » et des sous-disciplines des sciences sociales. Elles niaient qu’il pût exister une distinction essentielle entre les politiques intérieures des États et la politique internationale entre les divers pays, ou que l’on pût analyser les économies nationales en dehors de l’économie mondiale. Elles remettaient sérieusement en question la spécificité qu’invoquaient les professeurs de relations internationales depuis les années 1930. Je suis convaincue que le nouveau réalisme de notre analyse des stratégies des grandes entreprises et des politiques de développement des États oblige à étudier de près le pouvoir qu’exercent d’autres autorités que les États. Non seulement ces organisations provoquent des changements structurels dans la production mondiale, dans la technologie et dans la mobilité des capitaux, mais elles continuent à limiter les possibilités offertes aux États et aux individus dans l’économie politique internationale.

Ce nouveau réalisme — formule qu’emploie également l’analyste chevronné des affaires internationales qu’est Peter Drucker pour décrire les changements techniques et organisationnels radicaux du passé récent (Drucker, 1991) — est très différent du néo-réalisme qu’invoquent les spécialistes des relations internationales. Ce dernier ne fait qu’ajouter des sujets nouveaux aux attributions de la diplomatie entre les États et de nouveaux petits rôles aux grands acteurs de la politique internationale. Pour lui, l’État et ses intérêts restent encore et toujours au centre de la scène.

C’est ce toujours que je trouve désormais inacceptable, et qui me fait croire que je suis enfin parvenue à me séparer définitivement des méthodes des relations internationales en tant que discipline. Voilà plus d’un demi-siècle que j’y participe, comme étudiante, journaliste et professeur. Mais je ne peux plus revendiquer un intérêt particulier pour la politique internationale si celle-ci est définie comme un domaine différent d’autres catégories de la politique, considérant l’État comme la seule unité d’analyse, et la société internationale des nations comme la problématique principale.

Il n’est pas question de nier l’importance de bien connaître l’histoire politique internationale. Mais il faut être tout aussi informé de l’histoireéconomique mondiale. De même que la pratique des grands théoriciens politiques est incomplète sans une maîtrise égale des grands théoriciens de l’économie. Et pour ce qui est de l’avenir prévisible, j’y ajouterais les bases de la politique intérieure des États-Unis, ainsi que, peut-être, du Japon et de l’Allemagne.

En résumé, on ne peut échapper à la multidisciplinarité pour comprendre les changements et les enjeux de l’économie politique internationale. La géographie, la démographie, la sociologie, le droit, l’anthropologie ont tous de précieuses contributions à apporter. Sur bien des questions, connaître les principes à l’origine de l’innovation technologique n’est pas seulement utile, mais indispensable. En disant adieu aux « relations internationales », je suggère seulement que notre époque ne nous permet plus, dans les sciences sociales, le confort de la spécialisation cloisonnée, et que, malgré toutes les difficultés, il faut s’efforcer à la synthèse et au mélange, quelle que soit l’imperfection probable des résultats.

L’autre message que j’espère implicite dans ce livre est l’impossibilité de séparer la théorie de la recherche empirique. Derrière le choix des « faits » tirés des données empiriques, il y a toujours une théorie, explicite ou non. Et la théorie, consciemment ou non, ne naît pas d’abstractions, par une sorte de culture hydroponique intellectuelle, dans laquelle les théories, telles des plantes, pousseraient hors du sol, en plongeant leurs racines dans une eau enrichie de quelques minéraux. Comme les plantes dans la nature, les théories et les explications croissent dans l’humus des observations de la réalité. Ces observations peuvent ne pas apparaître « scientifiques », au sens où une expérience chimique peut être objective. Mais elles ne sont pas inventées non plus. Se plonger dans les détails pratiques d’une technique, ou dans les processus de décision stratégique des entreprises ou des ministères, est une bonne façon de mettre à l’épreuve les abstractions de la théorie, quitte à modifier celle-ci ou à élaborer des schémas d’explication différents. En outre, illustrer une théorie ou une hypothèse par une situation concrète permet souvent d’expliquer plus clairement son idée centrale.

C’est en partie le sens de mes descriptions assez hétéroclites d’autorités non étatiques et de la façon dont elles affectent les institutions, dans la partie II du livre. Sans doute ont-elles été un peu choisies au hasard, au gré de mon intérêt personnel, mais elles sont censées illustrer les propositions théoriques énoncées dans les chapitres précédents. J’espère sincèrement que ces exemples inciteront de jeunes chercheurs à entreprendre des travaux plus innovants — théoriques et empiriques — sur les acteurs non étatiques de l’économie politique internationale. Ce sont des sortes de poteaux indicateurs, qui ne désignent pas tant des chemins battus que des sentiers disparaissant dans la forêt mystérieuse de l’inconnu. Je ne sais pas trop où ils conduiront. Telle est la nature de l’exploration — et son attrait pour les aventuriers de la pensée.

 

J’ai reçu pour écrire ce livre le précieux soutien du Conseil de la Recherche de l’Institut universitaire européen de Florence, où j’ai passé quatre ans, de la fin de 1988 à la fin de 1992. Pendant ce séjour, j’ai disposé de beaucoup plus de temps pour lire que je n’en aurais jamais eu dans une université britannique. Et j’y ai bénéficié de généreux crédits pour inviter à l’Institut de nombreuses âmes sœurs pour commenter mon premier ballon d’essai. Leurs réflexions et celles d’autres collègues et d’étudiants, trop nombreux pour que je les cite personnellement, ont été inestimables. Si je ne les mentionne pas nommément, c’est que je crains d’oublier quelqu’un dont une remarque en passant aurait été inconsciemment incluse dans les pages qui suivent.

Pour le chapitre sur les mafias, j’ai bénéficié de la savante collaboration de Letizia Paoli, sans laquelle je n’aurais jamais osé l’entreprendre. Pour celui sur les télécommunications, Michael Hepburn m’a fourni des éléments des plus utiles. Sheetal Mehta et lui m’ont également prodigué sans compter leur aide pour la bibliographie. Je ne saurais jamais assez remercier Judy Weedon, à la London School of Economics, et Maureen Lechleitner, à Florence, qui ont assuré mon secrétariat avec un savoir-faire, une efficacité et un dévouement exemplaires.

©TempsPrésent

Note sur l'auteur

Considérée dans le monde anglo-saxon comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux des relations internationales, fondatrice de l’économie politique internationale, Susan Strange a tiré sa révérence en 1998 à l’âge de 75 ans. Cette Anglaise iconoclaste, qui débuta sa carrière dans le prestigieux The Observer – dont elle fut la plus jeune correspondante à la Maison Blanche, puis à l’ONU – s’imposa rapidement comme l’une des plus fines analystes du monde contemporain




[1]
La récente affaire Kerviel – qui vit la condamnation d’un jeune trader de la société générale, jugé responsable, à hauteur de 4,82 milliards d’euros, des pertes de la banque découvertes en janvier 2008 – porte ainsi à de nouveaux sommets les pertes qu’un seul individu est aujourd’hui capable de générer à l’insu d’une des plus vieilles et des plus puissantes institutions financière du monde. (N.d.E.)

[2]M. De Cecco, “International Financial Markets and U.S. Domestic policy since 1945”, International Affairs, juillet 1976.

[3]L. Turner, Oil Companies in the International System, Allen and Unwin pour RIIA, 1978.

[4]S. Strange, “Transnational Relations” et “Who Runs World Shipping?”, International Affairs, juillet 1976.

[5]La conception du territoire étatique comme propriété privée s’est perpétuée jusqu’au xxe siècle. Avant d’obtenir l’indépendance, le Congo belge était réputé propriété personnelle du roi des Belges. Le sultan de Brunei et l’émir du Koweït prétendent également que le territoire de leur État respectif leur appartient personnellement, et, dans le cas de ce dernier, que les réserves monétaires nationales sont des actifs privés et n’ont donc pas lieu d’être déclarés au Fonds monétaire international (Strange, 1971).

*En français, le mot est d’un usage beaucoup plus ancien, attesté par Littré au xixe siècle. (N.d.T.)

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