Tout désigne en McDonald’s l’incarnation du style néolibéral américain : sa stratégie globale, son art impayable de la formule, la démesure de ses techniques promotionnelles, son organisation de travail ultra-rationalisée (contrôlée par le génie d’un système comptable informatisé capable de surveiller la productivité de chacune des caisses enregistreuses, dans chacun de ses restaurants, où que ce soit sur la planète), la position qu’il occupe à l’intérieur d’un système d’agriculture industrielle capable d’acculer les petits fermiers à la ruine. Mais, même si le feuilleton populaire de la Confédération paysanne en David repoussant le Goliath américain sur fond de France profonde peut constituer une arme utile, un récit trop simplifié occulterait des pans importants de l’histoire. Car « McDo » se situe au centre d’institutions et de forces sociales qui ont évolué en liaison avec l’entreprise.
Avec un peu de recul, la vision qui s’impose est moins celle d’un intrus menaçant un hôte pacifique que celle de la convergence des forces locales de l’« américanisation ». Et le néolibéralisme à l’américaine n’apparaît pas alors comme un importun grossier, mais plutôt comme un nouvel hôte s’installant discrètement et s’imposant peu à peu grâce à l’érosion des résistances autochtones et aux « réformes » qui s’infiltrent dans les crevasses et les interstices des institutions et coutumes locales.
En France, l’industrie de la restauration rapide fut d’abord développée par des entreprises françaises, qui cherchaient à battre les Américains à leur propre jeu. McDo est apparu au début des années 70, au moment où d’autres chaînes américaines (hôtels, nettoyage commercial, conseil fiscal) s’installaient en Europe pour contourner l’augmentation du coût du travail et la saturation du marché aux Etats-Unis. McDonald’s ne fut pas la première chaîne de restauration rapide opérant en France (des marques telles que Crip Crop, Dino Crop, Chicken Shop ou encore la britannique Wimp l’y avaient précédée).
Jusqu’en 1982, même si le nom de McDonald’s (...)