Suivez-nous     Recevez nos newsletters

Pourquoi je suis contre la peine de mort


30 réactions | 19422 lu

Temps de lecture Temps de lecture : 5 minutes

LE PLUS. En dépit des manifestations de soutien, Troy Davis a été exécuté ce mercredi dans l'Etat de Géorgie, aux Etats-Unis. Ce qui a provoqué un Tollé. Un événement qui continue de révolter partout dans le monde... Et sur Le Plus.

Troy Davis le 16 janvier 1991 au tribunal de Géorgie aux Etats-Unis (Savannah Morning News / SIPA)

Troy Davis le 16 janvier 1991 au tribunal de Géorgie aux Etats-Unis (Savannah Morning News / SIPA) 

 

Être contre la peine de mort est une évidence pour moi. J’ai été élevée dans le respect de l’être humain, et infliger la mort de manière volontaire est impensable.

 

Pourtant, c’est encore une question cruciale que cette peine de mort. Entre les pays qui l’appliquent et ceux où certains voudraient la voir revenir, le combat contre la peine de mort est un combat de chaque jour.

 

J’aimerais ici juste aborder quelques points pour expliquer l’inanité de cette sentence. Les arguments ne manquent pas pour s’opposer à la peine de mort, en voici quelques uns.

 

La peine de mort n’est pas dissuasive : dans les États où elle est appliquée, elle ne provoque pas une baisse de la criminalité. De la même manière que son abolition ne provoque pas une hausse de la criminalité. C’est important de le noter et de s’appuyer sur les enquêtes internationales à ce sujet. L’application de la peine de mort n’est pas dissuasive, elle n’a aucune force de prévention. Au contraire, les criminels savent qu’ils n’ont plus rien à perdre et sont d’autant plus violents. Il est même fascinant de constater comme les chiffres de la criminalité sont justement plus élevés là où la peine capitale est appliquée.

 

La peine de mort s’appuie sur une justice faillible, et peut s’abattre sur des innocents : en préambule, je tiens à préciser que je suis contre la peine de mort même si l’accusé concerné est coupable et archi coupable des pires atrocités sans le moindre doute. La question de l’innocence n’est pas exclusive en l’occurrence. Il faut juste rajouter qu’en plus d’ôter de manière barbare la vie à des assassins, nous rangeant ainsi nous-mêmes au rang des assassins, nous courrons le risque d’appliquer une sentence irrémédiable à des cas qui ne sont finalement étudiés qu’à notre niveau, faillible, d’êtres humains. La justice est imparfaite parce qu’humaine. Les enquêtes à charge et à décharge sont susceptibles d’erreurs. Comment revenir sur ces erreurs, si la peine est définitive ? On se targue de réparer un crime par la peine capitale, en prenant le risque de ne pas réparer les erreurs même de la justice. Quel paradoxe. Les moyens financiers et humains de la justice sont limités, les erreurs sont possibles, on le voit chaque jour. Et puis la malignité, l’esprit de vengeance peut conduire à mentir lors d’une procédure, cela se voit aussi. Et que dire de ces pays non démocratiques qui usent de la peine de mort pour réduire au silence les opposants ? Encore une fois, on ne peut faire d’exception au refus de la peine de mort : une exception en entraîne une autre…

 

La peine de mort est injuste : un riche se défend plus facilement qu’un pauvre. Dit comme cela, ça fait simpliste, et pourtant. On a vu ci-dessus que les moyens de la Justice sont limités, et ne garantissent pas l’équité d’une procédure. Que penser d’un système judiciaire où l’argent garantit le meilleur avocat, les meilleurs experts, des enquêteurs privés et motivés ? Un système où le pauvre n’a à sa disposition que le minimum judiciaire requis, avec tout ce que ça suppose d’avocats débordés, peu impliqués, ou simplement sans moyens matériels d’apporter des éléments favorables à l’accusé ? L’accès aux technologies nouvelles de la génétique judiciaire par exemple est extrêmement coûteux. Les procédures d’appel sont tout aussi chères, et peuvent dissuader d’agir.

 

La peine de mort évite de poser la question de la réforme d’un système social et pénitentiaire : justement, toutes ces questions de financement de la Justice, pour un accès équitable à tous, les questions de dignité dans l’enfermement aussi, et bien cela disparaît avec la peine de mort et le décès programmé des prisonniers. La peine de mort s’affranchit de l’obligation de soin des malades mentaux : il est plus simple d’assassiner l’assassin que de le soigner.

 

La peine de mort n’autorise pas la réinsertion, la réhabilitation, elle nie la possibilité de s’amender et réduit l’homme à un acte isolé, ou une série d’actes. Quel échec que celui d’une société qui ne voit de solution dans le crime que de supprimer le criminel ! Que devient le corps social ? Son rôle fondamental d’élévation et d’éducation ? Que deviennent nos principes humains, qui nous font dire que l’homme est un être qui change, qui évolue, qui est accessible à la compréhension. La peine de mort crache sur la rédemption, sur la réhabilitation. Elle ne conçoit que des êtres parfaits dans un monde parfait. Or qui peut s’avancer devant les autres et se qualifier ainsi de parfait et juger ses frères ? Qui ? Il ne s’agit pas de tendre l’autre joue, mais d’avoir foi en l’être humain, de considérer que l’erreur la plus atroce, la plus monstrueuse, n’autorise pas à condamner définitivement un être humain.

 

La peine de mort ne respecte pas le droit fondamental à la vie. Oui c’est une phrase évidente, mais il faut le redire. Le droit à la vie est un principe absolu et fondamental garanti par les articles 3 et 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948.

Article 3.

Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

Article 5.

Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

 

Encore une évidence : la mort tue. Tuer c’est mal. Et on entendrait punir le mal par le mal ? La loi du Talion est d’un autre temps. La société n’a pas à donner le mauvais exemple, et pour citer Victor Hugo : "Que dit la loi ? Tu ne tueras pas ! Comment le dit-elle ? En tuant !" Paradoxe meurtrier qui entend faire des lois violant la plus fondamentale des lois.

 

La peine de mort ne respecte pas les conventions contre la torture et les actes de barbarie. Le temps d’attente dans le couloir de la mort, qui peut durer des années, est un moment prolongé d’angoisse pour le condamné et ses proches. Parfois, avec le « jeu » des appels de dernière minute, le condamné reste sanglé en attente de la minute fatale, comme Troy Davis a attendu près de quatre heures, une aiguille dans la veine. Qui peut imaginer un instant la souffrance morale endurée ? Que dire aussi des multiples méthodes de mise à mort, parfois menée par des personnels non formés, qui bâclent, qui s’y prennent à plusieurs fois. Et les méthodes de chaises électriques ou de pendaison font durer l’agonie de longues minutes. On rajoute du crime au crime, encore et encore.

 

La peine de mort affecte au-delà du seul condamné : le bourreau, les familles, la société toute entière. Il y a des enquêtes qui démontrent que les personnels affectés aux exécutions capitales souffrent parfois d’état psychologiques gravement détériorés. Quant aux familles des condamnés, on imagine aisément les désastres dont ils peuvent souffrir, années après années.

Alors oui, réaffirmons : la peine de mort est un acte barbare.

 

Je rajouterais, de mes convictions personnelles, que ce qui fait la grandeur de l’homme, sa force, ce qui l’élève au dessus de sa condition de bête, c’est le respect de la vie. Ce respect ne peut connaître aucune exception. On me donne souvent en argument les actes des pédophiles, des assassins de personnes âgées, etc. Quelle valeur a notre justice d’homme, s’il faut être assassin pour rendre la justice ? C’est important de le redire.

 

La hiérarchie des crimes passibles de peine de mort est une hypocrisie. Dire, je suis contre la peine de mort, sauf pour tel ou tel crime, est déjà un échec. Le rôle de l’état est de se substituer à la Loi du Talion, avec une Justice qui pacifie et régule, et ne répond pas à des pulsions de vengeance que nous aurions tous, moi la première.

 

La peine de mort, je suis contre par principe, et il y a des principes auxquels on ne déroge pas sans perdre sa propre dignité.

Vos réactions (30)

Polémistes &cie

Polémistes &cie a posté le 26-09-2011 à 22:21

Excellente synthése des arguments pour l'abolition. Quelques arguments contre ici : http://www.polemistes.com/pour-ou-contre/la-peine-de-mort

David Weber

David Weber a posté le 25-09-2011 à 17:20

Beaucoup de ceux qui crient "mort aux c... ! " sont peu conscients d'avoir, alors, un comportement suicidaire.

Bachir Messaouri

Bachir Messaouri a posté le 26-09-2011 à 04:00

Derrière cette boutade il y a une réalité que peu voient, en effet: on ne se rend pas compte que demain, ça peut être nous qu'on jugera avec autant de virulence.
Cela n'est pas exclusif à la peine de mort. Votre boutade s'étend également à la liberté d'opinion, même si celle-ci semble extrême. Limiter la liberté d'expression des autres pour soulager nos oreilles revient à nous limiter quand nous casserons les oreilles des autres.
On est toujours le "c..." d'un autre, n'est-ce pas?

PS: Désolé pour les fautes d'orthographe et de français dans ma précédente intervention. Il était tard...

C. Delyon

C. Delyon a posté le 25-09-2011 à 09:54

@Jayme Limpraud a posté le 24-09-2011 à 17:07 ,
"pour moi la peine de mort EST applicable dans certains cas , "

Merci de me permettre de signaler que le mot "HUMAIN" qui est employé 99 fois sur 100 dans un sens positif est ambivalent.
Un animal n'accroche pas un autre au pare-chocs de don 4/4.
Un animal n'a pas de congelateur.Il tue quand il a faim,ou pour se défendre.
Je pourrai continuer longtemps.

LA PEINE DE MORT EST IGNOBLE DANS TOUS LES CAS.
Les pays civilisés ont aboli ce châtiment barbare pour les crimes de droit commun.

Christian Esteven

Christian Esteven a posté le 25-09-2011 à 00:04

Écrire ici...

Christian Esteven

Christian Esteven a posté le 25-09-2011 à 00:04

Cet article est une excellente synthèse des arguments en faveur de l'abolition. Surtout, au-delà des considérations habituelles sur l'horreur du supplice ou le risque d'erreur judiciaire, il met l'accent sur le point essentiel qui devrait interpeller chacun d'entre nous : en exécutant un criminel, nous nous rabaissons à son niveau; en le retranchant de l'humanité, nous renions ce qui fait de nous des êtres humains.

Jayme Limpraud

Jayme Limpraud a posté le 24-09-2011 à 17:07

c'est toujour beau et plein de bon sens l'humanisme , mais c'est aussi nier notre part de barbarie , plus ou moins controlée chez tous .
il en reste pas moins que voir des gens emprisonnés quelques mois après avoir tabassé à mort une personne , en groupe, est écœurant au plus haut point .
où est la justice dans ces cas là ? ne parlons pas de sévices fait aux enfants , aux personnes agées , etc...
eux font preuve de barbarie et la réponse c'est quoi ? un emprisonnement dans des conditions dignes ? désolé NON , pour moi la peine de mort EST applicable dans certains cas , car tous ne sont pas sujet à doute ET c'est une réponse proportionnelle à l'acte ; du point de vue des familles des victimes plus juste je pense .... en esperant ne JAMAIS avoir à me retrouver à leur place .

Bachir Messaouri

Bachir Messaouri a posté le 25-09-2011 à 06:49

Mouai...
Vous prônez la justice à géométrie variable. La justice qui est la vôtre en somme; la peine de mort au cas par cas en fonction de ce qui touche votre petite personne ou non. Vous avez sorti tous les clichés; même ceux que l'auteur à anticipé:
- Les vieux et les enfants: comme s'il y avait une gradation dans le crime et l'horreur. Un homme au sommet de sa forme et à la fleur de l'âge, ce n'est pas "capital" mais un vieux ou un marmot et voilà qu'on dépoussière la guillotine. Et pourtant le paradoxe veut que ces sujets-là, étant plus sensibles et plus à même d'être jugés par l'affect que par la raison, devraient écarter à tout prix l'idée de peine de mort puisque le risque de bavure est plus grand...
-L'argument reprenant l'injustice quant à la durée de certaines peines de prisons comparées au mal causé est, pardonnez-moi, complètement stupide et ce, pour deux raisons=> primo, la peine de mort ne se substitue pas à des peines de "quelques mois" et donc ne répond en rien à votre gêne (si peine de mort il y a c'est que la personne aurait forcément pris perpet'). Et deuxio, si vous trouvez les peines trop courtes, pourquoi ne pas militer pour les prolonger plutôt que de se tourner vers la peine capitale avec nostalgie. Ne serait-ce pas la réponse la plus logique est la plus évidente à votre soucis?
-En ce qui concerne la dignité des conditions d'emprisonnement, vous faites fi du fait que l'emprisonnement, quel que soit ses conditions

Bachir Messaouri

Bachir Messaouri a posté le 25-09-2011 à 06:55

(suite)
-En ce qui concerne la dignité des conditions d'emprisonnement, vous faites fi du fait que l'emprisonnement, quel que soit ses conditions, n'est jamais digne et est la pire torture qui soit, car la plus longue. Vous imaginez 15 ans de privations de libertés comme on voit un film en mode accéléré. 15 ans, jour après jour, minutes après minutes, dans une cellule, c'est une punition énorme et sans fin.
-En ce qui concerne les familles de victimes, je comprends le besoin de "vengeance" mais vous ranger du côté des familles de victimes, c'est cautionner la souffrance des familles des agresseurs. Si c'est le cas, ce serait surprenant et voudrait dire que chaque membre d'une famille est responsable des siens et, en partie, du crime commis. Ce serait oublier qu'elles aussi sont, au même titre, des victimes.
-En ce qui concerne la première phrase concernant la négation de notre barbarie, elle fait plouf=>Etre barbare est une chose, s'y complaire et ne pas tenter de s'améliorer en est une autre.

De plus, rien dans votre réponse n'envisage le cas d'une justice qui se tromperait. Dommage car cela aurait été intéressant de lire comment vous auriez marié vos convictions avec cette éventualité.

(PS: Je trouve scandaleux que le seul moyen de rédiger un commentaire ici soit de me contacter via FB ou Tweeter. Le NouvelObs contribue à une standardisation forcée qui m'inquiète. D'ici peu, sans la carte de ces "partis", point de salut.)

David Weber

David Weber a posté le 24-09-2011 à 14:44

Une peine peut être ennuyeuse mais si elle est capitale elle devient carrément mortelle...

En ce moment à la une