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Les Français reprennent goût à la peine de mort

Vendredi 18 Janvier 2013 à 12:00 | Lu 16653 commentaire(s)

Grand reporter à Marianne, attentif aux candidats, partis, chercheurs, sondeurs, groupes de... En savoir plus sur cet auteur

Contrairement aux fleuves qui remontent rarement vers leur source, les Français reprennent goût à la peine de mort. Au cours des quatre dernières années, le rétablissement de la peine capitale a gagné 13 points, selon une étude du Cevipof, relançant ainsi le débat sur la droitisation de l’opinion.


Alfred Hitchcock visite le Musée du crime, aux côtés du Préfet de Police de Paris, Maurice Papon, en 1959 - MELCHER-DALMAS/SIPA
Alfred Hitchcock visite le Musée du crime, aux côtés du Préfet de Police de Paris, Maurice Papon, en 1959 - MELCHER-DALMAS/SIPA
En décembre 1980, 61% des Français étaient « personnellement favorables » à la peine de mort. En juillet 1984, ils étaient encore 55%. En 1998, 50%. En septembre 2006, 25 ans après l’abolition, 42% des Français étaient favorables au rétablissement de la peine capitale. Fin 2009, ils n’étaient plus qu’un petit tiers (32%). Fut-elle lente et limitée, cette évolution de l’opinion sur un sujet névralgique était essentielle dans le regard que les élites politiques et médiatiques portent sur elles-mêmes.

Pour réussir la conversion d’une plèbe barbare en nation civilisée, les gouvernants devaient savoir bousculer la démocratie et agir en avant-garde éclairée. Pour quelques mitterrandophobes, cette leçon d’audace était la seule chose à sauver du double septennat du président socialiste, qui assuma son engagement abolitionniste au risque de compromettre son élection.

Or, contrairement aux fleuves qui remontent rarement vers leur source, les Français reprennent goût à la mort. Au cours des quatre dernières années, le rétablissement de la sanction suprême a gagné 13 points ! Entre octobre 2011 et décembre 2012, les partisans de la guillotine, de l’injection létale, de la chaise électrique ou de la lapidation sont passés de 35% à 45%.

Soulignée par Pascal Perrineau, le directeur du Cevipof qui présentait la 4ème vague du baromètre de la confiance politique *, cette tendance a relancé le débat sur la droitisation de l’opinion. A première vue, en effet, elle s’inscrit en parallèle avec la progression de l’idée qu’il y a trop d’immigrés en France (49% fin 2009, 60% fin 2011 et 65% fin 2012), le recul du soutien aux mariage civil des couples homosexuels (58%, 60% puis 52%) et de l'popion selon laquelle l'Etat, pour faire face aux difficultés économiques, devrait "contrôler et réglementer plus étroitement" les entreprises (52%, 58% et désormais 44%) .

En réalité, s’agissant d’une question singulière par sa dimension éthique, le tête à queue sur la peine de mort ne remet pas seulement en cause les certitudes de la gauche. Sur ce point qui touche aux profondeurs de l’âme humaine – le droit d’ôter la vie, pour faire trivial – près de la moitié des enfants des Lumières décide d’entrer en sécession avec 100% des états-majors du PS, de l’UMP, du Modem et tous les autres centres, du PCF, des écologistes, du Front de gauche, etc., etc. Quitte à faire, au passage, un bras d’honneur aux médias de tous poils qui assument volontiers, sur ce front, une pensée parfaitement unique.

Cet alignement – relatif, pour l’instant – sur l’unique singularité idéologique de Jean-Marie Le Pen que personne ne lui dispute touche 56% des électeurs de Nicolas Sarkozy (second tour), mais aussi 25% des soutiens de François Hollande. «Il y a une polarisation droite/gauche, mais aucun camp n’est à l’abri», souligne Perrineau.

Plus symbolique que toutes les autres, cette rébellion devrait inspirer, par exemple sur le fédéralisme européen, l’inscription de l’islam sur une terre chrétienne ou l’euthanasie, une réflexion stratégique sur la manière de conduire une nation. La négation des arguments de l’adversaire idéologioque, sa culpabilisation ou sa ringardisation s'avèrent être de pauvres tactiques à effet limité. S’agissant du droit pénal, répéter que la peine de mort ne dissuade ni tueurs, ni violeurs, ni trafiquants ne suffit pas, tant que les politiques alternatives échouent à faire reculer le crime. Les gouvernants – et ceux qui ne se lassent pas de commenter leurs beaux discours – ne renoueront des liens de confiance que sur des résultats.
 
*Quatrième vague du baromètre de la confiance politique publié par le CEVIPOF, en partenariat avec le Conseil économique social et environnemental. L'enquête a été réalisée par Opinionway du 5 au 20 décembre 2012 auprès d'un échantillon de 1509 personnes représentatif de la population française en âge de voter.



 
 
 






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